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Au plus près des besoins de l’enfant – La difficulté scolaire
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Un texte de Pascal Ourghanlian
 

Pour limiter la notion

Il ne sera pas question, ici, de l’enfant mais de l’élève ou, plus exactement, de l’enfant face à un apprentissage dans un cadre scolaire qui exerce un « métier » particulier(2).

L’élève en difficulté, d’autre part, ne sera pas l’élève handicapé, dont la situation est reconnue telle par une commission ad hoc. Ou alors, on fonctionnera par analogie avec le schéma « déficience / incapacité / désavantage » du handicap, pour n’en retenir que les aspects fonctionnel et situationnel – et on parlera d’« élève en situation de difficulté ». A contrario, un élève handicapé ne sera pas nécessairement un élève en difficulté.

Histoire de ne pas tout mélanger et de préciser l’objet de ce paragraphe...

 

Un détour par les dictionnaires : être ou avoir ?

La difficulté recouvre deux grands champs lexicaux qu’il paraît nécessaire de distinguer :

 

Un détour par l’histoire : de l’enfant difficile à l’élève en difficulté

 « Au commencement » était l’enfant difficile, difficile dans son comportement (« troubles du comportement et de la conduite »), difficile dans son traitement (« arriérés d’asile » / exclusion, « arriérés d’école » / séparation).

Et pourtant, l’histoire de l’échec à l’école, et de la difficulté qui en sous-tend l’explication, est récente : elle date du tournant des années soixante, lorsque l’unification des deux systèmes éducatifs qui coexistent depuis Napoléon est faite et que la massification de la scolarité obligatoire fait entrer au collège des élèves qui n’y étaient naguère pas invités.

Si la Loi de 1909 instituant les classes de perfectionnement(6) n’utilise pas le terme « diffi­culté », l’arrêté de 1964(7) utilise 15 fois l’occurrence, systématiquement au pluriel pour décliner les difficultés rencontrés par les élèves “ arriérés ” qui forment le recrutement de ces classes : l’enfant débile est décrit comme ayant des difficultés dans le domaine de l’écriture, dans l’ordre de l’activité imaginative, dans l’ordre de la construction logique, dans les formes analytiques du travail, dans la maîtrise des éléments fondamentaux de la langue écrite et du calcul. La difficulté est singularisée une seule fois, lorsqu’il s’agit pour les rédacteurs de l’arrêté de souligner la difficulté de conduire de telles classes...

C’est en 1990, avec la circulaire instaurant les RASED(8), que la notion de difficulté prend son “ essor ” (elle n’apparaît que 2 fois dans la Loi sur l’éducation de 1975(9), 5 fois dans la Circulaire créant les GAPP en 1976(10), aucune dans la Loi d’orientation de 1989(11) – qui, pourtant, rendra possible son extension dans les textes suivants). 8 fois il est question des élèves en difficulté, 14 fois les difficultés sont soulignées : on peut même lister une gradation, des difficultés mineures aux difficultés accentuées durables en passant par les difficultés particulières et les difficultés qui ne sont pas des handicaps avérés.

 

Un détour par les textes récents: le maître E, « spécialiste » de la difficulté ou « cachez cette difficulté que je ne saurais voir » ?

Si la Circulaire 111 de 2002(12) et celle de rentrée 2003(13) sont loin d’être muettes sur la difficulté (respectivement 12 et 15 occurrences), c’est la Circulaire 113 de 2002 détaillant « Les dispositifs de l’adaptation et de l’intégration scolaires dans le premier degré »(14) qui va le plus loin, dans l’examen de la notion, faisant même des enseignants du réseau d’aide les spécialistes du traitement de la difficulté à l’école (49 occurrences).

On rencontre là plusieurs acceptions, certaines relativement nouvelles :

 

La difficulté scolaire et sa prise en charge


En quelque sorte, la balle est « dans le camp » de l’enseignant : comment prendre en compte la difficulté d’apprendre (learning) qui renvoie à sa propre difficulté à enseigner (teaching) ?

Le travail réflexif sur sa pratique, comme en miroir du travail réflexif proposé à l’élève, l’accompagnement au plus près du cheminement de l’élève, le maintien d’une complexité et d’une exigence susceptibles, à la fois, de réinstaurer l’estime de soi et de favoriser l’apprentissage – voici, peut-être quelques clés pour aider l’élève à ne pas passer de la difficulté d’apprendre à la peur d’apprendre.

Sans oublier que l’élève en difficulté n’existe pas sauf, peut-être, dans sa dimension épisté­mique. L’enseignant, dans sa proposition d’aide, accompagne un élève... Dans sa singularité. Mais aussi dans ce qu’il est semblable aux autres.

Pascal Ourghanlian
Septembre 2006


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Notes

(1) Pour une bonne part, l’analyse empruntée à Jean Houssaye du « mort » et du « fou » recouvre celle de la difficulté scolaire.

(2) P. Perrenoud, Métier d’élève et sens du travail scolaire, ESF, 1994.

(3) Voir l’article de Michel Perraudeau « Les difficultés ordinaires d’apprentissage », en complément au n° 436 des Cahiers pédagogiques d’octobre 2005, sur le site Web du CRAP.

(4) P. Meirieu, Apprendre... oui, mais comment ?, ESF, 1987, p. 170.

(5) Op. cit., pp. 69-70.

(6) Loi du 15 avril 1909 qui porte sur la « création de Classes de Perfectionnement annexées aux écoles élémentaires publiques et d’Écoles autonomes de Perfectionnement pour les enfants arriérés ».

(7) Arrêté du 12 août 1964 qui redéfinit les orientations pédagogiques pour les « classes de perfectionnement recevant des débiles mentaux ».

(8) Circulaire n° 90-082 du 9 avril 1990. Elle définit les Réseaux d’Aides Spécialisées aux Élèves en Difficulté (RASED).

(9) Loi n° 75-620 du 11 juillet 1975 « relative à l’éducation ».

(10) Circulaire n° 76-197 du 25 mai 1976 sur « la prévention des inadaptations et les groupes d’aide psychopéda­gogique ».

(11) Loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 « d’orientation sur l’éducation ».

(12) Circulaire n° 2002-111 du 30 avril 2002, sur l’« adaptation et intégration scolaires : des ressources au service d’une scolarité réussie pour tous les élèves ».

(13) Circulaire n° 2003-050 du 28 mars 2003, « Préparation de la rentrée 2003 dans les écoles, les collèges et les lycées ».

(14) Circulaire n° 2002-113 du 30 avril 2002, sur « les dispositifs de l’adaptation et de l’intégration scolaires dans le premier degré ».

(15) M. Postic, L’élève en difficulté : pourquoi ? comment l’aider ?, CRDP Alsace, 1990

(16) Op. cit., pp. 165-180, « Guide méthodologique pour l’élaboration d’une situation-problème » et p. 188 : « une situation-problème est une situation didactique dans laquelle il est proposé au sujet une tâche qu’il ne peut mener à bien sans effectuer un apprentissage précis. Cet apprentissage, qui constitue le véritable objectif de la situation-problème, s’effectue en levant l’obstacle à la réalisation de la tâche. Ainsi la production impose l’acquisition, l’une et l’autre devant faire l’objet d’évaluations distinctes. Comme toute situation didactique, la situation-problème doit être construite en s’appuyant sur une triple évaluation diagnostique (des motivations, des compétences et des capacités ».

(17) J. Bruner, « Le rôle de l’interaction de tutelle dans la résolution de problème », repris dans Savoir faire, savoir dire, PUF, 1976, pp. 261-280.

(18) P. Vermersch, Pratiques de l’entretien d’explicitation, ESF, 1996.

(19) M. Perraudeau, L’entretien cognitif à visée d’apprentissage, L’Harmattan, 2002.


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