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Loi portant sur l’organisation de l’enseignement primaire
(dite Loi Goblet)

 

Loi du 30 octobre 1886

Version originale intégrale. Voir aussi sur ce site la dernière version modifiée de la Loi Goblet, avant son abrogation par l’ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 et l’intégration dans le Code de l’éducation des dispositions qui en restaient.


René Goblet (ministre de l’Instruction publique)

Promulguée au Journal Officiel du 31 octobre 1886

Cette loi a été examinée à la Chambre des Députés par une Commission composée de MM. STEEG, président et rapporteur ; ADRIEN BASTID, secrétaire ; BOUSQUET, KELLER, CHANTAGREL, MAURICE-FAURE (Drôme), COMPAYRE, JACQUEMART, CHARLES DUPUY (Haute-Loire), MADIER DE MONTJAU, BLATIN. - Les documents législatifs, déposés sur le bureau de la Chambre, portent les n° 600 et 781. - La délibération a occupé les séances de la Chambre des 19, 21, 23, 25, 26 et 28 octobre 1886.


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Titre Ier
Dispositions générales

Chapitre Ier
Des établissements d’enseignement primaire

Article premier

L’enseignement primaire est donné :

1° Dans les écoles maternelles et les classes enfantines ;

2° Dans les écoles primaires élémentaires ;

3° Dans les écoles primaires supérieures et dans les classes d’enseignement supérieur annexées aux écoles élémentaires et dites cours complémentaires ;

4° Dans les écoles manuelles d’apprentissage, telles que les définit la loi du 11 décembre 1880.

Article 2

Les établissements d’enseignement primaire de tout ordre peuvent être publics, c’est-à-dire fondés et entretenus par l’État, les départements ou les communes, ou privés, c’est-à-dire fondés et entretenus par des particuliers ou des associations.

Article 3

Des règlements spéciaux, délibérés en conseil supérieur de l’instruction publique, détermineront les règles d’après lesquelles seront réparties, entre les diverses sortes d’écoles énumérées à l’article 1er, les matières de l’enseignement primaire, telles que les a fixées la loi du 28 mars 1882, ainsi que les conditions d’admission et de sortie des élèves dans chacune de ces écoles.

Article 4

Nul ne peut être directeur ou adjoint chargé de classe dans une école primaire publique ou privée, s’il n’est Français et s’il ne remplit, en outre, les conditions de capacité fixées par la loi du 16 juin 1881 et les conditions d’âge établies par la présente loi.

Toutefois, les étrangers remplissant les deux ordres de conditions précitées et admis à jouir des droits civils en France, peuvent enseigner dans les écoles privées, moyennant une autorisation donnée par le ministre, après avis du conseil départemental.

Les étrangers munis seulement de titres de capacité étrangers, devront obtenir, au préalable, la déclaration d’équivalence de ces titres avec les brevets français.

Un règlement délibéré en conseil supérieur de l’instruction publique déterminera les conditions dans lesquelles cette équivalence pourra être prononcée.

Dans le cas particulier d’écoles exclusivement destinées à des enfants étrangers résidant en France, des dispences de brevets de capacité pourront être accordées par le ministre de l’instruction publique, après avis du conseil supérieur, aux étrangers admis à jouir des droits civils en France, qui demanderaient à les diriger ou à y enseigner.

Article 5

Sont incapables de tenir une école publique ou privée ou d’y être employés ceux qui ont subi une condamnation judiciaire pour crime ou pour délit contraire à la probité ou aux moeurs, ceux qui ont été privé par jugement de tout ou partie des droits mentionnés en l’article 42 du Code pénal, et ceux qui ont été frappés d’interdiction absolue, en vertu des articles 32 et 41 de la présente loi.

Article 6

L’enseignement est donné par des instituteurs dans les écoles de garçons, par des institutrices dans les écoles de filles, dans les écoles maternelles, dans les écoles ou classes enfantines et dans les écoles mixtes.

Dans les écoles de garçons, des femmes peuvent être admises à enseigner à titre d’adjointes, sous la condition d’être épouse, soeur ou parente en ligne directe du directeur de l’école.

Toutefois le conseil départemental peut, à titre provisoire, et par une décision toujours révocable : 1° permettre à un instituteur de diriger une école mixte, à la condition qu’il lui soit adjoint une maîtresse de travaux de couture ; 2° autoriser des dérogations aux restrictions du second paragraphe du présent article.

Article 7

Nul ne peut enseigner dans une école primaire de quelque degré que ce soit avant l’âge de dix-huit ans pour les instituteurs et dix-sept ans pour les institutrices.

Nul ne peut diriger une école avant l’âge de vingt et un ans.

Nul ne peut diriger une école primaire supérieure ou une école recevant des internes avant l’âge de vingt-cinq ans révolus.

Article 8

Il peut être créé des classes primaires pour adultes ou pour apprentis ayant satisfait aux obligations des lois des 19 mai 1874 et 28 mars 1882.

Il ne peut être reçu dans ces classes d’élèves des deux sexes.

Un règlement ministériel déterminera les conditions d’établissement de ces classes et les conditions auxquelles ces cours publics et gratuits d’adultes ou d’apprentis pourront recevoir une subvention de l’État.

L’ouverture d’un cours privé pour les adultes et pour les apprentis ci-dessus désignés est soumise aux conditions exigées pour l’ouverture d’une école privée, sauf dispense de tout ou partie de ces conditions par le conseil départemental.

Chapitre II
De l’inspection

Article 9

L’inspection des établissements d’instruction primaire publics ou privés est excercée :

1° Par les inspecteurs généraux de l’instruction publique ;

2° Par les recteurs et les inspecteurs d’académie ;

3° Par les inspecteurs de l’enseignement primaire ;

4° Par les membres du conseil départemental désignés à cet effet, conformément à l’article 50 ;

Toutefois les écoles privées ne pourront être inspectées par les instituteurs et institutrices publics qui font partie du conseil départemental ;

5° Par le maire et les délégués cantonaux ;

6° Dans les écoles maternelles, concurremment avec les autorités précitées, par les inspectrices générales et les inspectrices départementales des écoles maternelles ;

7° Au point de vue médical, par les médecins inspecteurs communaux ou départementaux ;

L’inspection des écoles publiques s’exerce conformément aux règlements délibérés par le conseil supérieur.

Celle des écoles privées porte sur la moralité, l’hygiène, la salubrité et sur l’exécution des obligations imposées à ces écoles par la loi du 28 mars 1882. Elle ne peut porter sur l’enseignement que pour vérifier s’il n’est pas contraire à la morale, à la Constitution et aux lois.

Toutes les classes de jeunes filles, dans les internats comme dans les externats primaires publics et privés, tenues soit par des institutrices laïques, soit par des associations religieuses cloîtrées ou non cloîtrées sont soumises, quant à l’inspection et à la surveillance de l’enseignement, aux autorités instituées par la loi.

Dans tous les internats de jeunes filles tenues par des institutrices laïques ou par des associations religieuses cloîtrées ou non cloîtrées, l’inspection des locaux affectés aux pensionnaires et du régime intérieur du pensionnat est confié à des dames déléguées par le Ministre de l’Instruction publique.

Article 10

Nul ne peut être nommé inspecteur primaire, s’il n’est pourvu du certificat d’aptitude à l’inspection, obtenu dans les conditions déterminées par les règlements délibérés en Conseil supérieur.

Des arrêtés ministériels détermineront le nombre et l’étendue des circonscriptions d’inspection primaire dans chaque département, ainsi que les attributions, le classement, les frais de tournées et l’avancement des inspecteurs primaires.

 

Titre II
De l’enseignement public

Chapitre Ier
De l’établissement des écoles publiques

Article 11

Toute commune doit être pourvue au moins d’une école primaire publique. Toutefois le Conseil départemental peut, sous réserve de l’approbation du Ministre, autoriser une commune à se réunir à une ou plusieurs communes voisines, pour l’établissement et l’entretien d’une école.

Un ou plusieurs hameaux dépendant d’une commune peuvent être rattachés à l’école d’une commune voisine.

Cette mesure est prise par délibération des Conseils municipaux des communes intéressées. En cas de divergence, elle peut être prescrite par décision du Conseil départemental.

Lorsque la commune ou la réunion de communes compte cinq cents habitants et au-dessus, elle doit avoir au moins une école spéciale pour les filles, à moins d’être autorisée par le Conseil départemental à remplacer cette école spéciale par une école mixte.

Article 12

La circonscription des écoles de hameau créées par application de l’article 8 de la loi du 20 mars 1883 pourra s’étendre sur plusieurs communes.

Dans le cas du présent article comme dans le cas de l’article précédent, les communes intéressées contribuent aux frais de construction et d’entretien de ces écoles dans les proportions déterminées par les Conseils municipaux, et, en cas de désaccord, par le préfet après avis du Conseil départemental.

Article 13

Le Conseil départemental de l’instruction publique, après avoir pris l’avis des Conseils municipaux, détermine, sous réserve de l’approbation du Ministre, le nombre, la nature et le siège des écoles primaires publiques de tout degré qu’il y a lieu d’établir ou de maintenir dans chaque commune, ainsi que le nombre des maîtres qui y sont attachés.

Le Conseil départemental pourra, après avis conforme du Conseil municipal, autoriser un instituteur ou une institutrice à recevoir des élèves internes en nombre déterminé et dans des conditions déterminées.

Article 14

L’établissement des écoles primaires élémentaires publiques créées par application des articles 11, 12 et 13 de la présente loi est une dépense obligatoire pour les communes.

Sont également des dépenses obligatoires, dans toute école régulièrement créée :

Article 15

L’article 7 de la loi du 16 juin 1881 est modifié comme il suit :

Sont mises au nombre des écoles primaires publiques, donnant lieu à une dépense obligatoire pour la commune, à la condition qu’elles soient créées conformément aux prescriptions de l’article 13 de la présente loi :

1° Les écoles publiques de filles déjà établies dans les communes de plus de quatre cents âmes ;

2° Les écoles maternelles publiques qui sont ou seront établies dans les communes de plus de deux mille âmes et ayant au moins mille deux cents âmes de population agglomérée ;

3° Les classes enfantines publiques, comprenant des enfants des deux sexes et confiées à des institutrices.

Chapitre II
Du personnel enseignant
Conditions requises

Article 16

L’enseignement dans les écoles publiques est donné conformément aux prescriptions de la loi du 28 mars 1882, et d’après un plan d’études délibéré en Conseil supérieur.

Pour chaque département, le Conseil départemental arrêtera l’organisation pédagogique des diverses catégories d’établissements par des règlements spéciaux conformes au plan d’études di-dessus.

Article 17

Dans les écoles publiques de tout ordre, l’enseignement est exclusivement confié à un personnel laïque.

Article 18

Aucune nomination nouvelle, soit d’instituteur, soit d’institutrice congréganiste, ne sera faite dans les départements où fonctionnera depuis quatre ans une École normale, soit d’instituteurs, soit d’institutrices, en conformité avec l’article 1er de la loi du 9 août 1879.

Pour les écoles de garçons, la substitution du personnel laïque au personnel congréganiste devra être complète dans un laps de cinq ans après la promulgation de la présente loi.

Article 19

Toute action à raison des donations et legs faits au communes antérieurement à la présente loi, à la charge d’établir des écoles ou salles d’asiles dirigées par les congréganistes ou ayant un caractère confessionnel, sera déclarée non recevable, si elle n’est pas intenté dans les deux ans qui suivront le jour où l’arrêté de laïcisation ou de suppression de l’école aura été inséré au Journal Officiel.

Article 20

Nul ne peut être nommé dans un école publique à une fonction quelconque d’enseignement, s’il n’est muni du titre de capacité correspondant à cette fonction, et tel qu’il est prévu soit par la loi soit par les règlements universitaires.

Article 21

Des décrets et arrêtés rendus en conseil supérieur détermineront les conditions d’obtention du brevet élémentaire et des divers titres de capacité exigibles dans les écoles publiques des différents degrés, à savoir :

Article 22

Les instituteurs et institutrices sont divisés en stagiaires et titulaires.

Article 23

Nul ne peut être nommé instituteur titulaire s’il n’a fait un stage de deux ans au moins dans une école publique ou privée, s’il n’est pourvu du certificat d’aptitude pédagogique, et s’il n’a été porté sur la liste d’admissibilité aux fonctions d’instituteur dressée par le conseil départemental, conformément à l’article 27.

Le temps passé à l’école normale compte, pour l’accomplissement du stage, aux élèves-maîtres à partir de dix-huit ans, aux élèves maîtresse à partir de dix-sept.
    Des dispenses de stage peuvent être accordées par le ministre, sur l’avis du conseil départemental.

Les titulaires chargés de la direction d’une école contenant plus de deux classes prennent le nom de directeur ou directrice d’école primaire élémentaire.

Article 24

Les instituteurs et institutrices sont secondés, dans les écoles à plusieurs classes, par des adjoints en nombre déterminé par le conseil départemental.

Ces adjoints sont ou des stagiaires ou des titulaires.

Les instituteurs adjoints dans les écoles primaires supérieures devront avoir vingt et un ans et être munis du brevet supérieur. Ils prennent le titre de professeur s’ils sont pourvus du certificat d’aptitude au professorat des écoles normales.

Article 25

Sont interdites aux instituteurs et institutrices publics de tout ordre les professions commerciales et industrielles et les fonctions administratives.

Sont également interdits les emplois rémunérés ou gratuits dans les services des cultes.

Toutefois cette dernière interdiction n’aura d’effet qu’après la promulgation de la loi relative aux traitements des instituteurs.

Les instituteurs communaux pourront exercer les fonctions de secrétaire de mairie avec l’autorisation du conseil départemental.

Chapitre III
Nomination du personnel enseignant
Peines disciplinaires
Récompenses

Article 26

Les instituteurs et institutrices stagiaires enseignent en vertu d’une délégation de l’inspecteur d’académie.

Cette délégation peut être retirée par l’inspecteur d’académie, sur l’avis motivé de l’inspecteur primaire.

Les stagiaires sont passibles des mêmes peines disciplinaires que les titulaires, sauf la révocation.

Ces peines leur sont applicables sous les conditions et garanties prévues par la présente loi.

Article 27

Le conseil départemental, après avoir pris connaissance des demandes de tous les candidats qui se sont inscrits à l’inspection académique, dresse chaque année et complète, s’il y a lieu, au cours de l’année, une liste des instituteurs et institutrices admissibles aux fonctions de titulaire, soit pour être chargés d’une école, soit pour être chargés d’une classe, en qualité d’adjoint.

La nomination des instituteurs titulaires est faite par le préfet, sous l’autorité du ministre de l’Instruction publique, et sur la proposition de l’inspecteur d’académie.

Article 28

Les directeurs, directrices et professeurs d’écoles primaires supérieures sont nommés par le Ministre de l’Instruction publique ; ils doivent être munis du certificat d’aptitude au professorat des écoles normales.

Les instituteurs adjoints munis du brevet supérieur et les maîtres auxiliaires pour les enseignements accessoires sont nommés ou délégués dans ces établissements par le préfet, sur la proposition de l’inspecteur d’académie.

Les directeurs et directrices d’écoles manuelles d’apprentissage sont nommés par le Ministre de l’Instruction publique dans les conditions prévues par la loi du 11 décembre 1880. Le mode de nomination, l’organisation de la surveillance, les garanties de capacité requises de personnel, ainsi que toutes les questions d’exécution intéressant concurremment le ministère de l’Instruction publique et le ministère du Commerce et de l’Industrie, seront déterminées par un règlement d’administration publique.

Article 29

Le changement de résidence d’une commune à une autre pour nécessités de service est prononcé par le préfet, sur la proposition de l’inspecteur d’académie.

Article 30

Les peines disciplinaires applicables au personnel de l’enseignement primaire sont :

1° La réprimande ;

2° La censure ;

3° La révocation ;

4° L’interdiction pour un temps dont la durée ne pourra excéder cinq années ;

5° L’interdiction absolue.

Article 31

La réprimande est prononcée par l’inspecteur d’académie.
    La censure est prononcée par l’inspecteur d’académie, après avis motivé du conseil départemental. Elle peut être prononcée avec insertion au Bulletin des actes administratifs.

La révocation est prononcée par le préfet sur la proposition de l’inspecteur d’académie, après avis motivé du conseil départemental. Dans le cas de la révocation, le fonctionnaire inculpé a le droit de comparaître devant le conseil et d’obtenir préalablement communication des pièces du dossier.

Le fonctionnaire révoqué peut, dans le délai de vingt jours, à partir de la signification de l’arrêté préfectoral, interjeter appel devant le ministre.

Le pourvoi n’est pas suspensif.

Les directeurs et directrices d’écoles primaires supérieures et d’écoles manuelles d’apprentissage, ainsi que les professeurs mentionnés dans l’article 24, sont déplacés ou révoqués par le Ministre de l’Instruction publique dans les formes déterminées par le troisième paragraphe du présent article.

Article 32

L’interdiction à temps et l’interdiction absolue sont prononcées par jugement du conseil départemental.

Le fonctionnaire inculpé sera cité à comparaître en personne. Il pourra se faire assister par un défenseur et prendre communication du dossier.

La décision du conseil départemental sera motivée.

Le fonctionnaire interdit a le droit, dans le délai de vingt jours, à partir de la signification du jugement, d’interjeter appel devant le conseil supérieur de l’instruction publique.

Cet appel ne sera pas suspensif.

Un décret, rendu en la forme des règlements d’administration publique, déterminera les règles de la procédure pour l’instruction, le jugement et l’appel.

Article 33

Dans les cas graves et urgents, l’inspecteur d’académie, s’il juge que l’intérêt d’une école exige cette mesure, a le droit de prononcer la suspension provisoire d’un instituteur pendant la durée de l’enquête disciplinaire, à la condition de saisir de l’affaire le conseil départemental dès sa prochaine session.

Cette suspension n’entraîne pas la privation de traitement.

Article 34

Les fonctionnaires de l’enseignement primaire public pourront recevoir des récompenses consistant en mentions honorables, médailles de bronze et médailles d’argent.

Un arrêté ministériel déterminera les conditions dans lesquelles ces récompenses pourront être accordées.

Les instituteurs mis à la retraite peuvent être nommés instituteurs honoraires, d’après un règlement qui sera délibéré par le conseil supérieur de l’instruction publique.

 

Titre III
De l’enseignement privé

Article 35

Les directeurs et directrices d’écoles primaires privées sont entièrement libres dans le choix des méthodes, des programmes et des livres, réserve faite pour les livres qui auront été interdits par le conseil supérieur de l’instruction publique, en exécution de l’article 5 de la loi du 27 février 1880.

Article 36

Aucune école privée ne peut prendre le titre d’école primaire supérieure, si le directeur ou la directrice n’est muni des brevets exigés pour les directeurs et directrices des écoles primaires supérieures publiques.

Aucune école privée ne peut, sans l’autorisation du conseil départemental, recevoir d’enfants des deux sexes, s’il existe, au même lieu, une école publique ou privée spéciale aux filles.

Aucune école privée ne peut recevoir des enfants au-dessous de six ans s’il existe dans la commune une école maternelle publique ou une classe enfantine publique, à moins qu’elle même ne possède une classe enfantine.

Article 37

Tout instituteur qui veut ouvrir une école privée doit préalablement déclarer son intention au maire de la commune où il veut s’établir, et lui désigner le local.

Le maire remet immédiatement au postulant un récépissé de sa déclaration, et fait afficher celle-ci à la porte de la mairie pendant un mois.

Si le maire juge que le local n’est pas convenable, pour raisons tirées de l’intérêt des bonnes moeurs ou de l’hygiène, il forme, dans les huit jours, opposition à l’ouverture de l’école, et en informe le postulant.

Les mêmes déclarations doivent être faites en cas de changement du local de l’école ou en cas d’admission d’élèves internes.

Article 38

Le postulant adresse les mêmes déclarations au préfet, à l’inspecteur d’académie et au procureur de la République ; il y joint, en outre, pour l’inspecteur d’académie, son acte de naissance, ses diplômes, l’extrait de son casier judiciaire, l’indication des lieux où il a résidé et des professions qu’il y a exercées pendant les dix années précédentes, le plan des locaux affecté à l’établissement, et, s’il appartient à une association, une copie des status de cette association.

L’inspecteur d’académie, soit d’office, soit sur la plainte du procureur de la République, peut former opposition à l’ouverture d’une école privée, dans l’intérêt des bonnes moeurs ou de l’hygiène.

Lorsqu’il s’agit d’un instituteur public révoqué et voulant s’établir comme instituteur privé dans la commune où il exerçait, l’opposition peut être faite dans l’intérêt de l’ordre public.

À défaut d’opposition, l’école est ouverte à l’expiration du mois, sans autre formalité.

Article 39

Les oppositions à l’ouverture d’une école privée sont jugées contradictoirement par le conseil départemental dans le délai d’un mois.

Appel peut être interjeté de la décision du conseil départemental, dans les dix jours à partir de la notification de cette décision. L’appel est reçu par l’inspecteur d’académie ; il est soumis au conseil supérieur de l’instruction publique dans sa plus prochaine session, et jugé contradictoirement dans le plus bref délai possible.

L’instituteur appelant peut se faire assister ou représenter par un conseil devant le conseil départemental et devant le conseil supérieur.

En aucun cas, l’ouverture ne pourra avoir lieu avant la décision d’appel.

Article 40

Quiconque aura ouvert ou dirigé une école, sans remplir les conditions prescrites par les articles 4, 7 et 8, ou sans avoir fait les déclarations exigées par les articles 37 et 38, ou avant l’expiration du délai spécifié à l’article 38, dernier paragraphe, ou enfin en contravention avec les prescriptions de l’article 36, sera poursuivi devant le tribunal correctionnel du lieu du délit et condamné à une amende de cent à mille francs.

L’école sera fermée.

En cas de récidive, le délinquant sera condamné à un emprisonnement de six jours à un mois, et à une amende de cinq cents à deux mille francs.

Les mêmes peines seront prononcées contre celui qui, dans le cas d’opposition formée à l’ouverture de son école, l’aura ouverte avant qu’il ait été statué sur cette opposition, ou malgré la décision du conseil départemental qui aura accueilli l’opposition, ou avant la décision d’appel.

L’article 463 du Code pénal pourra être appliqué.

Article 41

Tout instituteur privé pourra, sur la plainte de l’inspecteur d’académie, être traduit pour cause de faute grave dans l’exercice de ses fonctions, d’inconduite ou d’immoralité, devant le conseil départemental, et être censuré ou interdit de l’exercice de sa profession, soit dans la commune où il exerce, soit dans le département, selon la gravité de la faute commise.

Il peut même être frappé d’interdiction à temps ou d’interdiction absolue par le conseil départemental, dans la même forme et suivant la même procédure que l’instituteur public.

L’instituteur frappé d’interdiction peut faire appel devant le conseil supérieur dans la même forme et selon la même procédure que l’instituteur public.

Cet appel ne sera pas suspensif.

Article 42

Tout directeur d’école privée qui refusera de se soumettre à la surveillance et à l’inspection des autorités scolaires, dans les conditions établies par la présente loi, sera traduit devant le tribunal correctionnel et condamné à une amende de cinquante à cinq cents francs.

En cas de récidive, l’amende sera de cent à mille francs.

L’article 463 du Code pénal pourra être appliqué.

Si le refus a donné lieu à deux condamnations dans l’année, la fermeture de l’établissement sera ordonnée par le jugement qui prononcera la seconde condamnation.

Article 43

Sont assujetties aux mêmes conditions relativement au programme, au personnel et aux inspections, les écoles ouvertes dans les hôpitaux, hospices, colonies agricoles, ouvroirs, orphelinats, maisons de pénitence, de refuge ou autres établissements analogues administrés, par des particuliers.

Les administrateurs ou directeurs pourront être passibles des peines édictées par les articles 40 et 42 de la présente loi.

 

Titre IV
Des conseils de l’enseignement primaire

Chapitre premier
Du Conseil Départemental

Article 44

Il est institué, dans chaque département, un conseil de l’enseignement primaire composé ainsi qu’il suit :

1° Le préfet, président ;

2° L’inspecteur d’académie, vice-président ;

3° Quatre conseillers généraux élus par leurs collègues ;

4° Le directeur de l’école normale d’insituteurs et la directrice de lécole normale d’institutrices ;

5° Deux instituteurs et deux institutrices élus respectivement par les instituteurs et institutrices publics titulaires du département, et éligible soit parmi les directeurs et directrices d’écoles à plusieurs classes ou d’écoles annexes à l’école normale, soit parmi les instituteurs et institutrices en retraite ;

6° Deux inspecteurs de l’enseignement primaire désignés par le ministre.

Aucun membre du conseil ne pourra se faire remplacer.

Pour les affaires contentieuses et disciplinaires intéressant les membres de l’enseignement privé, deux membres de l’enseignement privé, l’un laïque, l’autre congréganiste, élus par leurs collègues respectifs, seront adjoints au conseil départemental.

Article 45

Les membres élus du conseil départemental le sont pour trois ans. Ils sont rééligibles.

Les pouvoirs des conseillers généraux cessent avec leur qualité de conseillers généraux.

Article 46

Dans le département de la Seine, le nombre des conseillers généraux sera de huit, celui des inspecteurs primaires sera de quatre et celui des membres élus, moitié par les instituteurs, moitié par les institutrices, sera de quatorze, à raison de deux pour quatre arrondissements municipaux, et de deux pour chacun des arrondissement de Saint-Denis et de Sceaux.

Article 47

Les fonctions des membres du conseil départemental sont gratuites. Cependant une indemnité de déplacement est accordée aux inspecteurs primaires et aux délégués des instituteurs et institutrices qui résident en dehors du chef-lieu du département.

Un règlement d’administration publique déterminera les formes de l’élection et la base de l’indemnité.

Article 48

Le conseil départemental se réunit de droit au moins une fois par trimestre, le préfet pouvant toujours le convoquer selon les besoins du service.

En outre des attributions qui lui sont conférées par les dispositions de la présente loi, le conseil départemental :

Article 49

La présence de la moitié plus un des membres du Conseil est nécessaire pour la validité de ses délibérations.

En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante.

Les conseils départementaux peuvent appeler dans leur sein les membres de l’enseignement et toutes les autres personnes dont l’expérience leur paraîtrait devoir être utilement consultée.

Les personnes ainsi appelées n’ont pas voix délibérative.

Article 50

Le conseil départemental peut déléguer au tiers de ses membres le droit d’entrer dans tous les établissements d’instruction primaire, publics ou privés, du département.

Ces délégués se conformeront aux règles tracées pour l’inspection par l’article 9.

Article 51

Les directeurs et directrices d’écoles primaires supérieures publiques et les instituteurs et institutrices nommés membres du conseil départemental seront adjoints au corps électoral chargé (aux termes de l’article 1er de la loi du 27 février 1880) d’élire les membres de l’enseignement primaire qui font partie du conseil supérieur de l’instruction publique.

Article 52

Le conseil départemental désigne un ou plusieurs délégués résidant dans chaque canton pour surveiller les écoles publiques et privées du canton, et il détermine les écoles particulièrement soumises à la surveillance de chacun d’eux.

Les délégués sont nommés pour trois ans. Ils sont rééligibles et toujours révocables. Chaque délégué correspond tant avec le conseil départemental auquel il doit adresser ses rapports qu’avec les autorités locales pour tout ce qui regarde l’état et les besoins de l’enseignement primaire dans sa circonscription.

Il peut, lorsqu’il n’est pas membre du conseil départemental, assister à ses séances avec voix consultative pour les affaires intéressant les écoles de sa circonscription.

Les délégués se réunissent au moins une fois tous les trois mois au chef-lieu de canton, sous la présidence de celui d’entre eux qu’ils désignent, pour convenir des avis à transmettre au conseil départemental.

Article 53

À Paris, les délégués nommés pour chaque arrondissement par le conseil départemental se réunissent une fois au moins tous les mois, sous la présidence du maire ou d’un de ses adjoints par lui désigné.

Chapitre II
Des commissions scolaires

Article 54

La commission municipale scolaire, instituée par l’article 5 de la loi du 28 mars 1882, est composée du maire ou d’un adjoint délégué par lui, président ; d’un des délégués du canton, et, dans les communes comprenant plusieurs cantons, d’autant de délégués qu’il y a de cantons, désignés par l’inspecteur d’académie ; des membres désignés par le conseil municipal en nombre égal, au plus, au tiers des membres de ce conseil.

Dans le cas où le conseil municipal refuserait de procéder à la nomination de ces membres, le préfet les désignerait à son lieu et place.

Article 55

À Paris et à Lyon, il y a une commission scolaire pour chaque arrondissement municipal ; elle est présidée par le maire ou par un adjoint désigné par lui.

Elle est composée d’un des délégués cantonaux désignés par l’inspecteur d’académie, et des membres désignés par le conseil municipal, au nombre de trois à sept par arrondissement.

Article 56

Le mandat des membres de la commission scolaire, désignés par le conseil municipal, durera jusqu’à l’élection du nouveau conseil municipal.

Il sera toujours renouvelable.

L’inspecteur primaire fait partie de droit de toutes les Commissions scolaires instituées dans son ressort.

Article 57

Les inéligibilités et les incompatibilités établies par les articles 32, 33 et 34 de la loi du 5 avril 1884 sur l’organisation municipale, sont applicables aux membres des Commissions scolaires et des déléguations cantonales.

Article 58

La Commission scolaire se réunit au moins une fois tous les trois mois, sur la convocation de son président ou, à son défaut, de l’inspecteur primaire. Ses délibérations ne sont valables que si la majorité des membres est présente.

Tout membre qui, sans motif reconnu légitime par la Commission scolaire, aura manqué à trois séances consécutives, pourra, après avoir été admis à fournir ses explications devant le Conseil départemental, être déclaré démissionnaire par ce Conseil.

Il ne pourra être réélu pendant la durée des pouvoirs de la Commission.

Dans le cas où, après deux convocations, la Commission scolaire ne se trouverait pas en majorité, elle pourrait néanmoins délibérer valablement sur les affaires pour lesquelles elle a été spécialement convoquée, si le maire (ou l’adjoint qui le remplace), l’inspecteur primaire et le délégué cantonal sont présents.

Une expédition des délibérations de la Commission scolaire devra être adressée, dans le délai de trois jours, par son Président à l’inspecteur primaire.

La Commission scolaire ne peut, dans aucun cas, s’immiscer dans l’appréciation des matières et des méthodes d’enseignement.

Article 59

L’inspecteur primaire, les parents ou les personnes responsables pourront faire appel des décisions des Commissions scolaires.

Cet appel devra être formé dans le délai de dix jours, par simple lettre adressée au Préfet et aux personnes intéressées.

Il sera porté devant le Conseil départemental statuant en dernier ressort.

Cet appel est suspensif.

Les pères, mères, tuteurs ou tutrices peuvent se faire assister ou représenter par des mandataires devant le Conseil départemental.

Article 60

Les séances des Conseils départementaux et des Commissions municipales scolaires ne sont pas publiques.

Article 61

Sont abrogés les Titres I et II de la loi du 15 mars 1850, la loi du 10 avril 1867 et toutes les dispositions contraires à la présente loi.

 

Titre V
Dispositions transitoires

Article 62

Les directrices d’écoles maternelles publiques seront assimilées aux institutrices publiques.

Il ne sera plus délivré de titre de capacité distinct pour les écoles maternelles. À dater du 1er janvier 1888, le titre requis pour enseigner dans toutes les écoles énumérées aux paragraphes 1 et 2 de l’article 1er de la présente loi sera le brevet élémentaire. Toutefois les personnes munies du certificat d’aptitude à la direction des salles d’asile, lors de la promulgation de la présente loi, continueront à jouir des droits que leur confère la loi du 16 juin 1861.

Article 63

Tout directeur d’école privée actuellement existante devra, dans les trois mois qui suivront la promulgation de la présente loi, faire savoir à l’inspecteur d’académie si son école doit être classée parmi les écoles maternelles, primaires ou primaires supérieures. Il lui adressera, en même temps, ses diplômes, son casier judiciaire et lui indiquera s’il appartient à une association religieuses. Les mêmes pièces et indications sont exigées de ses instituteurs adjoints.

Le bulletin du casier judiciaire sera délivré gratuitement à toute personne qui sera obligée de la produire en exécution du présent article.

Article 64

Les conseils départementaux seront organisés dans les trois mois qui suivront la promulgation de la présente loi. Ne seront admis à prendre part aux élections que les instituteurs et institutrices publics titulaires en exercice et munis du brevet de capacité.

Article 65

Les délégations cantonales seront intégralement renouvelées dans les deux mois qui suivront la constitution du conseil départemental.

Article 66

Jusqu’au vote d’une nouvelle loi sur le recrutement militaire, l’engagement de se vouer pendant dix années à l’enseignement, prévu par l’article 79 de la loi du 15 mars 1850 et 20 de la loi du 27 juillet 1872, ne pourra être réalisé que dans les établissements d’enseignement public.

Néanmoins les instituteurs privés qui auront contracté l’engagement décennal avant la promulgation de la présente loi, continueront à jouir de la dispense du service militaire, en se conformant aux prescriptions de l’article 20 de la loi du 27 juillet 1872.

Article 67

Dans le cas où la laïcisation rendrait nécessaire l’acquisition ou la construction d’une maison d’école, il sera sursis à l’application du paragraphe 1er de l’article 18 de la présente loi, jusqu’à ce qu’il ait été pourvu à l’établissement de l’école, en exécution des articles 8, 9 et 10 de la loi du 20 mars 1883 et de la loi du 20 juin 1885.

 

Titre VI
Dispositions spéciales à l’Algérie et aux Colonies

Article 68

La présente loi, ainsi que la loi du 16 juin 1881 sur les titres de capacité, l’article 1er de la loi du 16 juin 1881 sur la gratuité et la loi du 28 mars 1882 sont applicables à l’Algérie, à la Guadeloupe, à la Martinique et à la Réunion.

Des règlements d’administration publique détermineront toutefois les conditions de cette application et statueront sur les mesures transitoires auxquelles elle devra donner lieu.

En Algérie, les attributions conférées au préfet par les articles 27, 28, 29 et 31, sont maintenues au recteur de l’Académie d’Alger.

Les délais pour la laïcisation des écoles publiques seront fixés par simples décrets pour l’Algérie et les colonies ci-dessus désignées.

De simples décrets statueront également, pour ce qui concerne l’Algérie, sur la création et l’organisation des écoles destinées à répandre l’instruction primaire française parmi les indigènes, et sur la faculté d’employer dans les diverses écoles des maîtres et maîtresses indigènes.


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Dernière révision : mardi 18 novembre 2014 – 17:35:00
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