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Le discours inclusif, celui qui promet une société et une école inclusives, envahit le champ sociétal, de l’écriture inclusive au grand service public de l’école inclusive. À l’été 2019, on a même vu fleurir la notion de patriotisme inclusif, utilisée paradoxalement comme outil de distinction des « bons » migrants, destinés à être accueillis, des « mauvais » migrants, à renvoyer chez eux. De quoi se méfier de l’utilisation d’un tel discours inclusif, dans la mesure où il peut être au service d’une pensée et d’une action d’exclusion. À croire que les mots perdent leur sens, qu’il y une intention politique à leur attribuer un autre et nouveau sens, ou encore qu’un nouveau paradigme idéologique a fait un hold-up sémantique sur les mots.

C’est ainsi que le grand système d’éducation inclusive affiché par les ministères semble être promu par les textes réglementaires, dont la loi sur l’école de la confiance de juillet 2019 constitue l’architecture, par une communication tout azimut et une présence sur le terrain des personnalités politiques engagées sur cette question. Mais le « texte » gouvernemental (discours et action) semble avoir avant tout pour fonction de nommer inclusion des réalités non inclusives, ainsi que de « méthode Coué » sur les avancées de l’école inclusive.

L’inclusion des élèves en situation de handicap est promue en même temps que l’école pérennise des dispositifs d’inégalités et d’exclusion au regard de l’ensemble de la population scolaire : l’absence ou l’insuffisance des ressources pour la scolarisation des milieux défavorisés ou difficiles (il suffit de comparer les ressources de Paris et celles du la Seine Saint-Denis) ; le nombre d’élèves dans les classes (le dédoublement des classes de CP et CE1, choix effectué au détriment du dispositif plus de maîtres que de classes, a parfois eu pour effet de charger les autres classes, et le problème n’est nullement réglé pour le secondaire) ; un système méritocratique (ou pseudo-méritocratique) qui accentue de plus en plus la reproduction sociale (la proportion des enfants de milieux défavorisés dans les filières « nobles » diminue) ; etc.

Les dernières réformes ne changent pas la donne, mais plutôt la confirment. Dans le domaine de la politique générale éducative, « l’école de la confiance » reste une école inégalitaire, et, à ce titre, non inclusive, ce n’est pas une école du vivre ensemble, mais plutôt de nombre de vivre entre-soi : options ségrégatives possibles au collège, enseignement privé (confessionnel ou alternatif) favorisé, injonctions normatives de méthodes d’enseignement laissant peu de place à la différenciation, autoritarisme uniformisant sur les méthodes, etc.

En ce qui concerne le traitement de la scolarisation des élèves en situation de handicap, une mesure phare, les PIAL (pôles inclusifs d’accompagnement localisés), n’est pas exempte de critiques, comme l’atteste un rapport parlementaire de juillet 2019 (rédigé par S. Jumel) préconisant une grande prudence dans leur mise en place, recommandation ignorée par le ministère. Cette mesure se présente comme révolutionnaire dans différents aspects. Comme par exemple celui de la collaboration entre l’éducation nationale et les services médico-sociaux : mais cette collaboration était déjà indiquée dès la loi de 1975, affirmée dans la loi de 2005, et organisée pas des textes de 2009. Quant à l’organisation du travail et de interventions des AESH (Accompagnants des élèves en situation de handicap), la rentrée 2019 a montré les désastreux effets de cette organisation sur la scolarisation effective des enfants.

Lorsque l’inclusion est un argument utilitariste pour réduire les personnes à des individus isolés dans une société sans prétention citoyenne collective ou pour réduire des coûts de dépenses publiques, les mots sont utilisés pour masquer des réalités éloignées ou contraires à ce que le discours prétend affirmer.

 
Un texte de Jean-Yves Le Capitaine
4 novembre 2019

 
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