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Le principe de l’inclusion (sociale, scolaire, professionnelle, citoyenne) des personnes en situation de handicap, ou plutôt celui d’une société inclusive qui la permet, la promeut et la favorise, semble aujourd’hui aller de soi. Les personnes en situation de handicap ont acquis (au moins formellement) avec la loi du 11 février 2005 (loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées) cette égalité des droits qui leur permet de participer à la vie sociale, d’être inclus dans la communauté humaine à laquelle ils appartiennent dorénavant « de plein droit ». L’extension sur le terrain de ce principe universel, qui suppose une éthique ouverte à tous, et pas seulement aux personnes en situations de handicap, mais aussi à d’autres personnes avec d’autres caractéristiques ou appartenances, pourrait sembler irréversible.

Et de fait, au regard d’un certain nombre de réalisations et de mises en œuvre (progrès de la compensation et de l’accessibilité, changements de représentations, diminution de la ségrégation, etc.), l’inclusion des personnes en situation de handicap dans la société et ses institutions sociales (l’école par exemple) apparaît comme un phénomène dont le cours est irréversible. Face aux quelques contempteurs partisans d’un « c’était mieux avant », on pourrait avancer, sinon que l’inclusion a gagné, du moins qu’elle avance à pas certains. Le « c’était mieux avant », avec ses institutions fermées, ses limitations de droits, l’inaccessibilité, ses assignations aux incapacités, etc., ne peut plus être la vitrine de l’avenir. Et dans l’école, on voit mal aujourd’hui comment pourrait advenir une institutionnalisation de l’exclusion d’enfants de l’école en raison de leurs corps différents, de leurs troubles ou de leurs maladies.

Mais d’un autre côté, on ne peut pas oblitérer cette réalité que l’inclusion peine à s’exercer pleinement : l’accessibilité est encore loin d’être « universelle », des enfants en situation de handicap ne sont pas encore scolarisés. Et dans les établissements scolaires, de manière plus ordinaire, on voit encore les hésitations, les peurs, les tentations de refus, l’appel systématique à des aides ou à des supplétifs, dès lors qu’il s’agit de penser à la participation d’un élève en situation de handicap à l’activité de l’école (il n’est pas rare de voir considérer l’inclusion dans un collège comme une participation sociale à la vie sociale, mais surtout pas à l’apprendre ensemble dans les cours). Cependant, cette lenteur d’évolution ne remet pas en cause l’irréversibilité du mouvement.

Il ne faut pas oublier non plus que ce mouvement peut rencontrer des obstacles et d’immenses régressions. L’eugénisme prôné dans la première partie du XXe siècle, les exterminations nazies des personnes déficientes, mais aussi l’interdiction de la langue des signes pour les sourds, sont là pour rappeler que l’appropriation des droits n’est pas un long fleuve tranquille pour les personnes en situation de handicap. Aujourd’hui encore, dans certains courants du transhumanisme, la sélection d’une élite humaine susceptible d’être améliorée grâce aux découvertes bio-technologiques va de pair avec un eugénisme, voire une élimination, des personnes moins performantes dans la perspective envisagée.

Par rapport à ces évolutions, il serait pertinent de faire siens les propos que tenait Simone de Beauvoir concernant les évolutions de la condition féminine : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ».

 
Un texte de Jean-Yves Le Capitaine
27 septembre 2017

 
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