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Suppression des devoirs à la maison

 

Circulaire du 29 décembre 1956

Abrogée par la circulaire n° 94-226 du 6 septembre 1994.


Objet : Application de l’arrêté du 23 novembre 1956 relatif à la modification des horaires dans les cours élémentaire, moyen et supérieur des Écoles primaires élémentaires.
B.O.E.N. n° 1 du 7 janvier 1956
Aux Recteurs (pour information) ; aux Inspecteurs d’Académie (pour exécution)


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L’arrêté du 23 novembre 1956 (B.O. n° 42 du 29-11-56, p. 3005 ; 100-Pr-& II a, p. 9) aménage les horaires des cours élémentaires et moyens des écoles primaires de façon à dégager cinq heures par semaine pour la rédaction des devoirs.

 

I. Suppression des devoirs à la maison ou en étude

Principes

Des études récentes sur les problèmes relatifs à l’efficacité du travail scolaire dans ses rapports avec la santé des enfants ont mis en évidence l’excès du travail écrit généralement exigé des élèves. En effet, le développement normal physiologique et intellectuel d’un enfant de moins de onze ans s’accomode mal d’une journée de travail trop longue. Six heures de classe bien employées constituent un maximum au-delà duquel un supplément de travail soutenu ne peut qu’apporter une fatigue préjudiciable à la santé physique et à l’équilibre nerveux des enfants. Enfin le travail écrit fait hors de la classe, hors de la présence du maître et dans des conditions matérielles et psychologiques souvent mauvaises, ne présente qu’un intérêt éducatif limité.

En conséquence, aucun devoir écrit, soit obligatoire, soit facultatif, ne sera demandé aux élèves hors de la classe. Cette prescription a un caractère impératif et les inspecteurs départementaux de l’enseignement du premier degré sont invités à veiller à son application stricte.

Elle ne doit entraîner ni la suppression pure et simple des devoirs, ni une détérioration de l’enseignement des disciplines principales. Elle doit par ailleurs être effective et contrôlable.

Les dispositions suivantes ont pour objet de répondre à cette triple obligation :

Des devoirs continueront à être donnés. Il convient de noter que le mot devoir doit être entendu dans sa définition courante. Le “devoir” se distingue de “l’exercice” en ce que, tandis que celui-ci permet de s’assurer sur-le-champ si une leçon a été comprise, celui-là permet, en outre, de mesurer l’acquis de l’élève et de contrôler ses qualités de réflexion, d’imagination et de jugement. Il exige de l’enfant un effort personnel et soutenu, une mise en forme et “au propre” utiles à sa formation, à celle de son esprit comme à celle de son caractère; il ne saurait être question de le priver des bénéfices qu’il peut en retirer. La longueur du devoir sera évidemment réglée selon le temps dont l’élève disposera pour le faire, recopie soignée comprise.

Dès maintenant, les devoirs portent essentiellement sur les disciplines principales. Il continuera à en être ainsi et si une petite partie du temps réservé sera employée à l’exécution de croquis géographiques, de dessins relatifs aux leçons d’observation, de lignes d’écriture, etc, la part de beaucoup la plus importante sera réservée à l’étude du français et du calcul. Ces disciplines conserveront ainsi et renforceront encore leur position dominante dans l’enseignement primaire élémentaire.

Ces devoirs, qu’on ne fera plus hors de la classe, c’est pendant la classe qu’ils seront faits. Dans quelles conditions et à quels moments ? Il est évident tout d’abord qu’un régime différent sera institué s’il s’agit de classes homagènes ou bien de classes à plusieurs cours. Dans celles-ci l’obligation où se trouve le maître d’occuper une division pendant que son attention s’attache à une autre a pour conséquence d’ouvrir au travail écrit des possibilités et du temps qui rendent facile l’exécution des devoirs.

Dans les classes homogènes où chaque minute a pour pour chaque élève son emploi, il fallait trouver ces possibilités et ce temps. Les horaires ont été à cette fin allégés et redistribués. Les heures disponibles ainsi obtenues, il m’est apparu qu’il convenait de les répartir de manière, d’une part, à ne pas rompre le déroulement de la classe, et d’autre part, à marquer leur caractère propre de telle sorte que l’élève ait le sentiment d’être appelé à un effort personnel et autonome, d’accoplir un devoir au sens plein et traditionnel du mot. C’est pour satisfaire cette double exigence que chaque séance s’une demi-journée comportera à un moment qui pourra varier selon les nécessités de l’emploi du temps, mais qui aura sa place marquée dans l’horaire, une demi-heure consacrée à l’élaboration des devoirs sous le contrôle actif et vigilant du maître.

Ces devoirs que l’on fait désormais en classe seront corrigés en classe. Cela ne dispense pas le maître de reprendre après la classe les cahiers des élèves pour noter les exercices et s’assurer qu’il n’a pas commis d’erreurs dans ses corrections. Mais on ne saurait trop insister sur les bénéfices que retire l’enfant d’un contrôle qu’il est appelé à faire lui-même de son propre travail. Quant au maître, si au cours de l’élaboration son intervention, sans cesser d’être active, doit rester discrète, la correction lui permettra de savoir si ses leçons ont porté, si les notions ont été assimilées, si les règles ont été comprises. La correction d’un devoir, pour être éducative, doit suivre immédiatement son exécution. Le temps affermit les acquisitions de l’esprit, les mauvaises comme les bonnes et il faut éviter l’enracinement des erreurs.

Ces dispositifs sont d’ailleurs conformes aux prescriptions de l’arrêté organique de 1887 qui disait : “La correction des devoirs et la récitation des leçons ont lieu pendant les heures de classe auxquelles se rapportent ces devoirs et ces leçons. Dans la règle, les devoirs sont corrigés au tableau noir en même temps que se fait la visite des cahiers.” (Il est fait exception cependant pour la rédaction dont la correction, demandant plus d’attention et de soin de la part du maître, sera faite en dehors de la classe)

Cahier de devoirs

Il est indispensable de réunir dans un même cahier - le cahier de devoir du jour - les exercices écrits de la journée. Ce cahier, une fois terminé, sera communiqué aux familles, qui seront ainsi tenues au courant du travail de leur enfant, de ses progrès, de ses faiblesses...

 

II. Les nouveaux horaires

Il ne semble pas que la réduction de certains horaires puisse créer des difficultés insolubles. La morale (¼ d’heure), le dessin ou le travail manuel (½ heure), le chant (¼ d’heure) ont des programmes qui peuvent s’inscrire sans peine dans les nouveaux horaires.

En histoire et en géographie, l’horaire est réduit d’une demi-heure. Si l’on veut bien suivre les conseils de modération par lesquels débutent les programmes et que reprennent les instructions, si l’on veut bien, comme on y est expressément invité, faire un choix entre les faits à étudier, non seulement l’enseignement de l’histoire et de la géographie ne souffrira pas de la réduction des horaires, mais peut-être y gagnera-t-il en simplicité et, par là-même, en intérêt et en efficacité.

Les exercices d’observation sont réduits d’une demi-heure au cours moyen. On n’oubliera pas que le programme, à ce cours, débute par une remarque importante : “N. B. : le maître ne se croira pas tenu de traiter toutes les questions mentionnées ci-après. Quelques observations bien conduites valent mieux que l’examen superficiel de nombreux faits”. Les maîtres, en attendant une refonte et un allégement des programmes d’histoire, de géographie et de sciences d’observation, voudront bien s’inspirer de ces sages conseils.

L’enseignement ne perdra rien à cet allégement. N’oublions pas, au surplus, la latitude laissée au maître de prendre un peu de temps sur les cinq heures réservées en principe aux devoirs pour l’exécution des croquis géographiques ou scientifiques. La réduction effective de l’horaire, aussi bien en histoire et géographie qu’en sciences, n’atteindra donc pas la demi-heure.

Reste l’écriture, dont on regrettera peut-être la disparition à l’horaire du cours moyen. Mais il est possible de rectifier et de perfectionner la calligraphie des enfants pendant les heures consacrées aux devoirs : faire un problème par écrit, par exemple, ce n’est pas seulement résoudre une difficulté arithmétique, ce n’est pas seulement rédiger en bon français une solution correcte, c’est aussi écrire proprement, bien disposer opérations et solution. Et puis, il n’est pas interdit de faire copier, pendant l’heure de devoirs, la maxime par laquelle s’est résumée la leçon de morale du jour, et d’exiger pour cette copie une calligraphie parfaite.

Au total, il est permis d’espérer que les nouveaux horaires, en dégageant chaque semaine 5 heures pour la rédaction des devoirs, vont accroître très sensiblement l’efficacité de l’enseignement du français et du calcul dans les deux cours où doivent se prendre les habitudes de bien lire, bien écrire et bien compter, où doivent s’inscrire profondément et sûrement dans l’esprit de nos petits élèves les notions fondamentales nécessaires à toute culture extérieure.

Libérés des devoirs du soir, les enfants de 7 à 11 ans pourront consacrer plus aisément le temps nécessaire à l’étude des leçons, étude qu’il conviendra de borner selon l’âge de nos élèves, à la mémorisation de très courts résumés ou de quelques vers de la récitation, à la lecture d’une demi-page ou d’une page.

 

III. Les études du soir

Reste le cas des élèves qui fréquentent les études du soir.

Les études du soir, rappelons-le, si elles n’ont rien d’obligatoire, correspondent en bien des milieux à une nécessité sociale. Travail extérieur de la mère, conditions médiocres de logement, autant de justifications du maintien et du développement des études. Il n’est pas jusqu’à l’introduction au foyer familial des signes nouveaux du progrès (radio, télévision), qui pour de tout autres raisons, ne plaide en leur faveur.

Mais, exonérées de l’exécution des devoirs, les études sont-elles destinées à devenir de simples garderies ? S’y résigner serait, malgré leur rôle social, les condamner à brève échéance. Il faut donc qu’elles conservent leur fonction éducative et que, sans être indispensable à l’instruction des enfants, le temps que ceux-ci y passeront ne soit pas, et même ne semble pas être du temps perdu.

Vue sous cet angle, que sera donc l’étude du soir ? Elle aura pour objet essentiel l’étude des leçons. Le maître surveillant s’assurera que le texte de la leçon est compris. Au besoin des interrogations orales rapides, des interrogations par procédé La Martinière précéderont et appelleront les explications nécessaires.

C’est à ces occupations que sera employée la première partie de l’étude du soir. Le reste en sera consacré soit à des occupations individuelles, soit à des occupations collectives.

En ce qui concerne les premières, nous n’en voyons guère de plus profitable que la lecture d’un livre de la bibliothèque, d’un livre récréatif et attrayant, capable d’intéresser des enfants tout en contribuant à leur éducation. La littérature enfantine, tant française qu’étrangère, offre un choix plus que suffisant d’ouvrages de cette sorte. Ainsi sera encouragé chez les élèves le goût de la lecture, goût qu’ils auront des chances de conserver.

Je ne verrais qu’avantages à ce que de temps en temps un élève soit invité à raconter à ses camarades le livre qu’il vient de lire. Ce serait un excellent exercice d’élocution.

Un effort nouveau sera fait pour enrichir les bibliothèques existantes et pour en créer partout où il n’en existe pas encore.

On peut recommander également, et cette énumération n’a qu’une valeur indicative, les travaux à l’aiguille, le tricot, la broderie pour les filles ; les jeux de meccano, le bricol-bois, la linogravure pour les garçons ; en un mot, toutes les activités susceptibles de contribuer au développement de l’habileté manuelle, de l’attention, du goût et de la réflexion.

L’étude du soir peut également être utilisée pour des activités collectives, que l’équipement sans cesse amélioré des écoles permet maintenant de réaliser : projection de films, audition de disques, le cas échéant même, quand les programmes d’émission le permettent, radio et télévision, utilisées à l’école avec discernement en vue de la formation morale et intellectuelle des enfants.

Certains maîtres estimeront peut-être souhaitable d’organiser une chorale avec leurs élèves. L’étude du soir leur offre maintenant le temps qui leur manquait.

Enfin, la coopérative scolaire peut fournir de nombreuses occupations utiles et récréatives : collections diverses (herbier, insectes, roches), choix de gravures pour la décoration de la classe, etc. L’énumération n’est pas limitative. Connaissant l’ingéniosité des maîtres, nous sommes convaincus qu’ils sauront mettre à profit le temps qui leur est donné pour élargir leur activité, développer le sens moral, social et civique de l’enfant et trouver le moyen de les distraire en les éduquant, dans une discipline d’autant plus aisée que les enfants seront davantage occupés et intéressés.

En tout état de cause, dans le cadre de ces instructions, la plus large initiative est laissée à MM. les Inspecteurs d’Académie qui, dès réception de la présente circulaire, inviteront le comité technique paritaire départemental à étudier, dans le cadre des règles établies par les présentes instructions, l’organisation et le contenu des études du soir, dont ils établiront ensuite le règlement. Ainsi comprises, ces études contribueront à faire aimer l’école, à la rendre pour les enfants plus vivante et plus aimable.

Pour le Ministre et par autorisation :
Le Directeur général de l’Enseignement du Premier degré,
A. Beslais


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Note

J’ai repris ce texte sur le site de l’école de Vitruve. Il était suivi du commentaire suivant, que je reprends tel quel :

« Les circulaires du 28 janvier 1958, n° 64-496 du 17 décembre 1964, n° 71-38 du 28 janvier 1971 rappellent cette première circulaire interdisant les devoirs écrits à la maison. En 1996, le Ministre F. Bayrou rappellera l’interdiction à nouveau. Sans plus de succès : à l’école primaire près de 70 % des enseignants déclarent donner tous les jours du travail à leurs élèves. »

Les circulaires du 28 janvier 1958 et n° 71-38 du 28 janvier 1971 ont été abrogées par la circulaire n° 94-226 du 6 septembre 1994, en même temps que la présente circulaire. Je ne suis pas certain du statut exact de la circulaire n° 64-496 du 17 décembre 1964, mais elle semble toujours en vigueur.

J’ai complété le texte du site de Vitruve, réduit à sa première partie, qui seule concerne les devoirs à la maison, par une version complète trouvée sur le site protéiforme de S. Huet. Cette version complète permet de resituer la suppression des devoirs dans son contexte réglementaire.

 
Daniel Calin



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Dernière révision : vendredi 28 mars 2014 – 12:05:00
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