Psychologie, éducation & enseignement spécialisé
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Rentrer en formation AIS

 

 
Un texte d’Annie Langlois,
Maître de Conférences en Sciences de l’éducation,
Coordonnatrice des formations AIS à l’IUFM de Basse Normandie


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Vous avez fait le choix de vous inscrire dans cette formation en AIS, vous avez pourtant entendu et compris (par des présentations départementales ou par des contacts personnels avec des enseignants spécialisés qui ont vécu le parcours) que cette forma­tion en AIS était une formation exigeante :

Et pourtant, vous êtes là aujourd’hui pour nous rencontrer, je vous en remercie ; il faut croire que les bénéfices que vous attendez sont supérieurs au coût de cet engagement.

Les bénéfices peuvent être multiples, je citerai :

mais aussi

Toutes ces raisons, tous ces bénéfices attendus sont légitimes, certaine­ment ils se croisent pour faire que chacun de vous a ici des raisons, qui lui sont personnelles, de commencer cette formation.

Je voudrais aborder avec vous ce que signifie “être en formation”, en l’abordant sous deux aspects :

La formation, en bout de route, résultera de l’interaction entre ces deux paramètres, “être formé” et “se former”.

 

1/ ÊTRE FORMÉ

Être formé suppose que vous acceptiez de rentrer dans une demande-commande institutionnelle qui est définie par :

• des textes institutionnels qui définissent vos métiers (référentiels de compétences)
• des cadres temporels imposés,
• des contenus
qui ont été réfléchis par une équipe de formateurs en fonction :

Jacky Beillerot, dans un livre Voies et voix de la formation (petit livre tonifiant que je vous recommande de lire), dit “Former est témoigner. Par ce qu’on enseigne, forme et contenus, par le discours et l’attitude, le formateur parle et rend compte de son rapport à la connaissance : de ses questions, de ses doutes, de ses façons de savoir et d’ignorer, de sa curiosité. Il met en scène, il offre, comme pâte même au travail de l’autre, une partie de sa propre substance.

Et si former c’est témoigner, c’est aussi témoigner de ses valeurs, de ses implica­tions, c’est à dire de “ce par quoi on tient à la vie” (en suivant J. Ardoino).

Dans une formation, il y a forcément une prise de risque de se “dévoi­ler”, prise de risque partagée par le formateur et le formé.

Et plus particulièrement en AIS, où la formation s’inscrit inévitablement dans une éthique du Sujet (et non seulement des savoirs) ; je dirais volontiers que former, en ce sens, est un acte politique.

Alors, à partir de ces cadres ministériels et à partir de nos choix, quelle est la formation de l’IUFM de Basse-Normandie ?

Nous pensons qu’une formation en AIS s’inscrit dans une approche multi­référen­tielle ; je m’explique, les difficultés de l’élève, que celui-ci appar­tienne au champ de l’adaptation ou au champ de l’intégration, ont besoin de plusieurs grilles de lecture pour être comprises et pour y apporter des réponses.

Tous les formateurs qui interviennent dans la formation sont porteurs de cette triple entrée (même si, bien vite, vous allez vous apercevoir qu’ils sont plus attachés à une approche qu’à une autre).

Et, si cette approche est multiréférentielle, donc croisée, l’approche en est cependant faite de manière différenciée, ce qui veut dire que le lien, le sens, c’est bien vous qui allez le donner, en donnant, selon vos connais­sances antérieures, selon vos choix, éthiques, philosophiques, politiques, plus d’importance à une approche qu’à une autre.

Car, malgré un référentiel de compétences, malgré une attente institu­tionnelle sur la construction d’une professionnalité, malgré nos contenus de formation qui sont donnés à tous (et ceci même si certaines plages, comme l’accompagnement du mémoire ou l’accompagnement donné par le terrain, sont individualisées), vous deviendrez bien un enseignant spécialisé uni­que, qui défendra ses axes auprès de ses collègues, auprès des parents et de l’institution

De toutes ces petites cases parcellaires, qui seront le chemin de formation, construit par d’autres, il vous appartiendra d’en faire votre chemin d’autorisation “capacité gagnée de se faire soi-même son propre auteur” (J. Ardoino) “ou du moins, de participer à ce qui est construit socialement”.

Et ceci me conduit à vous parler du deuxième paramètre du mot “formation” c’est à dire se former.

 

2/ SE FORMER

Gilles Ferry dans son livre Le trajet de la formation disait : “personne n’est jamais formé par un dispositif, ni par une institution, ni par quelqu’un. Se former ne peut-être qu’un travail sur soi-même, librement imaginé voulu et consenti grâce à des moyens qui s’offrent ou que l’on se procure”

Je crois qu’il y a deux idées dans cette phrase :

Je défendrai volontiers cette idée.

J’appellerai formation un travail en interaction sur un objet (le savoir, les savoir faire à construire) et un Sujet, d’autant plus en AIS où l’enseignant est appelé à rencontrer la souffrance (celle des enfants, celle des parents, celle des collègues et même la sienne). Dans cette position, le stagiaire en AIS ne peut que difficilement faire l’économie d’un travail sur ses implications ; en entendant par “implications” ce “par quoi on tient à la vie”. Ce travail sur les implications peut se faire à travers la rencontre avec des auteurs (en quoi il m’interpelle, et pourquoi ?), il peut de faire aussi en interrogeant vos pratiques, il peut advenir (un peu malgré soi) à l’intérieur d’un cours théorique qui vous interpelle.

Ce travail sur soi n’est pas un travail facile, il peut être fait volontai­rement, (on peut même le rechercher en commençant la formation), mais il peut aussi advenir, sans qu’on l’attende au détour d’une pratique ou au détour d’une rencontre.

Alors certainement “rentrer en AIS”, (je dis ce terme volontairement) c’est aussi accepter une aventure. J. Ardoino (toujours lui) disait encore “Il n’y a pas de formation sans une acceptation de l’altération” (en entendant altération dans son sens étymologique de devenir autre).

 

3/ LES CONDITIONS

J’aborderai, dans ce troisième point, les conditions nécessaires pour que ce double travail (être formé et se former) puisse se mettre en place :

3.1/ Tout d’abord, il faut que vous le vouliez bien, c’est-à-dire :

Gaston Pineau, chercheur en Sciences de l’éducation qui a beaucoup travaillé sur le mouvement des “Histoires de vie”, appelle ces trois temps “les temps parents, les contre-temps et les entre-temps”; mais ce qu’il dit surtout c’est que ces trois temps adviennent dans tout chemin de formation et que c’est bien l’interaction de ces trois temps qui permet d’avancer : il faut laisser advenir les contre-temps et les entre-temps, et y donner un sens, pour que les temps parents puissent être vraiment constructifs. Il n’existe pas de formation qui ne serait constituée que de “temps parents” ; il peut, peut-être, y avoir un “enseignement” mais pas formation dans le sens d’interaction entre un objet de savoir et un Sujet.

3.2 Cela me conduit à énoncer la deuxième condition pour que ce travail puisse se faire : il faut que pendant ces contre-temps et ces entre-temps vous vous sentiez suffisamment en sécurité pour pouvoir continuer. C’est là certainement le rôle de l’institution : être suffisamment contenante, être suffisamment “bonne mère” (dans le sens de Winnicott) pour pouvoir accepter vos creux, sans les juger, mais aussi pour pouvoir vous relancer. Nous y serons tous vigilants : conseillers pédagogiques qui, sur vos terrains, vous connaissent bien, formateurs de l’IUFM, tuteurs de mémoire, référents de terrain. Alors parfois nos relances, nos injonctions à produire, qui sont vécues dans le moment comme des contraintes, peuvent aussi être reçues comme de “bons objets” qui ne vous laissent pas seuls devant les deux engagements que vous allez vivre cette année.

3.3 Et nous nous trouvons là devant l’énoncé de la troisième condition : arriver à conduire avec suffisamment d’harmonie ces deux rôles :

Voilà deux moments de vie qui peuvent sembler bien contradictoires dans leurs attentes réciproques, et pourtant il faut qu’ils s’enrichissent l’un de l’autre, c’est tout au moins le pari des formations en cours d’exer­cice, et cela a bien fonctionné, dans l’ensemble, cette année avec la première pro­motion qui a suivi cette voie.

Certainement il y a des difficultés :

 

Voilà, j’ai essayé de tracer les deux versants du mot formation : être formé, se former, bien sûr ce n’est pas si simple, l’un ne peut aller sans l’autre.

Je finirai par une phrase que j’ai retrouvée dernièrement ; elle était à l’entrée d’une exposition Contes et légendes du pays normand, il y a mainte­nant plus de vingt ans.

Bien sûr, de près, la formation en AIS n’a rien à voir avec des contes et des légendes, mais de loin, pas si sûr : tout travail de formation, qui allie un travail sur un objet et un Sujet, peut être considérée comme un chemin initiatique, avec ses personnages supports, ses sorciers ou sorcières, ses mises à l’épreuve, ses objets transitionnels qui nous aident dans la quête, sa mise “à la marge”, en retrait du monde social, le temps que le travail se fasse et bien entendu, le plus souvent, une issue heureuse.

Alors cette phrase disait, à l’entrée de l’exposition :

Si ta tête roule dans le rêve comme un manège de chevaux de bois, portée par la vague océane, c’est que ton enfance n’est pas loin. Remplis ta poche de cailloux blancs, embarque-toi à cloche-pied à bord de la marelle. Ton voyage est tracé à la craie, il te mène de la terre au ciel” ;

et à la sortie de cette exposition, il y avait :

S’il te reste des cailloux blancs, gardes-les dans ta poche, dehors, tu risques de te perdre

Merci de votre écoute, bon voyage en AIS.

Annie Langlois
Le 19 mai 2004

 
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