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La qualité, et son amélioration continue, sont des préoccupations capitales dans le secteur médico-social, comme elles l’ont été dans d’autres secteurs professionnels auparavant, en parti­culier à travers diverses certifications. Et l’on ne peut être, professionnels du secteur, usagers ou simples citoyens, qu’également soucieux que les établissements et services au bénéfice d’une population soient préoccupés de la qualité de leurs services. Évidemment, la qualité peut et se doit d’être mesurée, afin d’avoir une lisibilité de son évolution et de pouvoir la communiquer (bilan d’activité, communication d’image, etc.).

On a vu ainsi se développer dans le secteur, sur injonction ou préconisation des politiques publiques, des outils d’amélioration de la qualité : évaluation interne, évaluation externe, respon­sables qualité, démarches qualité, référentiels qualité, sondages ou questionnaires qualité, etc. Il est certain que se sont améliorés, en quantité et en qualité, les outils de mesure de la qualité. Mais la qualité s’est-elle autant améliorée que les outils la mesurant ?

Il arrive parfois que l’on confonde la qualité et la mesure de la qualité. La mesure de la qualité n’est pas la qualité, pas plus que la carte n’est le territoire. Les établissements sont parfois happés par une « quantophrénie » (l’expression est du sociologue Vincent de Gaulejac), maladie mana­gériale qui consiste à tout mesurer (et éventuellement rétribuer). Les chiffres, les tableaux, les agrégats, les moyennes, les différents supports restituant les mesures prétendent refléter la réalité des établissements et services, là où ils ne restituent la plupart du temps qu’une réalité partielle qui met hors champ, par exemple, la clinique relationnelle avec les usagers. Cette réalité partielle devient une réalité tronquée dès lors qu’elle est présentée comme information représentative aux décideurs, comme la seule réalité. On voit même parfois des courses à la qualité là où en réalité il n’y a de courses que d’outils de mesure de la qualité.

L’attention que l’on porte de manière privilégiée à ces indicateurs, chez les responsables qualité (c’est leur job !), mais aussi chez les dirigeants et les professionnels, a pour conséquence que d’autres réalités, humaines, cliniques, relationnelles, que la qualité est censée prendre en compte, sont ignorées, tant dans le quotidien de l’action et de la pensée professionnelle que dans ce dont prennent connaissance les décideurs.

C’est ainsi que se développent des « réflexes » professionnels qui ont des effets sur la qualité elle-même. On finit par croire que l’instrument donne toute l’information sur la réalité, sans voir les effets réducteurs de cet instrument, en ignorant de ce fait des informations qui font l’essentiel de l’action médico-sociale. On finit par mesurer de manière privilégiée les éléments communicables parce que mesurables, en oubliant les éléments non mesurables (on agrège le nombre de séances, sans s’interroger sur leur pertinence, qui elle n’est pas mesurable). On se donne comme objectif d’améliorer les instruments de mesure de la qualité, en pensant que cette amélioration va par magie améliorer la qualité, celle-ci étant laissée à la réflexion externe (les Agences, les bonnes pratiques).

Il n’est pas sûr que l’usage immodéré de la mesure de la qualité soit de nature à véritablement améliorer celle-ci.

 
Un texte de Jean-Yves Le Capitaine
7 mars 2018

 
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