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Théorie de l’extensio et biodiversité

 

 
Un texte d’Eugène Michel


 

Mon attention a été attirée récemment par un entretien avec Gilles Boeuf, biologiste marin, (Sciences et avenir, février 2013). « Dans un vibrant plaidoyer, le président du Muséum national d’histoire naturelle appelle de ses vœux une approche pluridisciplinaire pour sauver la biodiversité ».

Que certaines espèces disparaissent, c’est une chose qui a toujours existé, mais que la diversité elle-même soit aujourd’hui menacée hors de tout cataclysme, il y a bien là un problème radical. Gilles Boeuf a raison d’alerter.

La théorie de l’extensio explicite le développement des êtres vivants comme un élargissement successif du champ relationnel pour moins dépendre d’un environne­ment limité qui finit toujours par être défaillant dans son rôle de fournisseur d’apports.

Dans cette optique, il y a une affirmation de G. Boeuf qui est importante : « Tous les systèmes équilibrés empêchent les espèces invasives de s’installer. » Une espèce est dite invasive lorsque, venant de l’extérieur, elle provoque des dommages impor­tants. Donc, la biodiversité est ce qui empêche la bio-uniformité. Cela semble évident, mais ce que veut dire G. Boeuf, c’est que même un début de déséquilibre peut entraîner une rupture dramatique.

Ce n’est pas un hasard si l’évolution est allée dans le sens de la biodiversité. On peut considérer les mots « reproduction », « évolution »  et « biodiversité » comme syno­nymes. La bio-uniformité, c’est la disparition de la vie. En effet, une population unique ne dispose d’aucune régulation, elle se développe jusqu’à épuisement des ressources ou modification brutale de l’environnement, et elle disparaît d’un coup. On peut dès lors postuler que : « Plus une espèce vit dans une biodiversité restreinte, plus elle risque de disparaître », ce que les spécialistes ont sans doute déjà argumenté.

L’émergence de la biodiversité est aisément explicable dans le cadre de la théorie de l’extensio. Nous avons vu que l’évolution commence dès l’émergence de la vie puisqu’elle est le résultat immédiat de la reproduction. La reproduction à l’identique n’étant pas possible, des différences apparaissent, et bien sûr celles qui sont plus efficaces dans l’obtention des apports sont favorisées. De sorte que la diversité est consubstantielle à l’émergence de la vie.

Cependant, on peut se demander pourquoi les quelques nouvelles espèces plus efficaces n’éradiquent pas les précédentes. La vie n’aurait-elle pas pu s’arrêter à un nombre limité d’espèces ?

Ce qui se passe, c’est que l’évolution s’oriente vers toutes les possibilités d’élar­gisse­ment du champ relationnel. Ainsi, l’importante diversité terrestre, géographique et temporelle, entraîne inévitablement une importante diversité biologique. De plus, l’interdépendance des espèces se développe et, après quelques milliards d’années, il ne faut pas s’étonner que soit survenue la complexité actuelle qui nous procure un intense goût pour la vie et une meilleure sécurité… contre nous-mêmes.

Au regard de la théorie de l’extensio, il n’y a ainsi pas de doute : si l’humanité menace la biodiversité, elle court à sa perte.

Aujourd’hui, les inquiétudes s’additionnent d’une façon vertigineuse. Sans être exhaustif, citons : l’excès d’utilisation des antibiotiques chez les êtres humains et les animaux d’élevage qui génère des vides et des résistances ; l’atteinte des insectes pollinisateurs qui touche à l’un des maillons essentiels de la vie ; la réduction des aires naturelles qui accentue un monopole humain périlleux ; la réduction de la diversité des mammifères, notre propre famille !

La biodiversité, la varietas biologique, peut alors être considérée comme une règle morale. Chacun a intérêt à la méditer. Au-delà de l’urgente lutte pour la protection de la nature (dans sa diversité ancestrale et non pas dans des recons­tructions sélectives), les individus, les entreprises, les familles comprendront qu’il leur est vital de dynamiser la diversité dans leur champ relationnel au lieu de chercher à l’amoindrir pour dominer. Le racisme, l’intolérance, les tours d’ivoire, les monopoles sont des absurdités qu’il faut dénoncer avec tous les arguments possibles.

Notre succès évolutif nous condamne-t-il à la disparition suicidaire de notre espèce par épuisement minéral et biologique de notre écosystème ou bien saurons-nous moduler plus intelligemment notre extensio en respectant les autres espèces animales existantes ? Luttons pour la deuxième solution !

Eugène Michel
Avril 2013

 
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Dernière révision : mercredi 19 février 2014 – 17:55:00
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