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Le socle commun : Une logique, mais laquelle ?

 

 
Un texte de Claudine Ourghanlian
Enseignante spécialisée


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Publication originale  Ce texte a été initialement publié sur le site de Claudine Ourghanlian, liens & marges (enseignement spécialisé et culture). NOTA : Ce site n’est plus en ligne actuellement.

 

Polémiques autour d’un socle

Le socle commun « désigne un ensemble de connaissances et de compé­tences que les élèves doivent maîtriser à l’issue de la scolarité obligatoire pour poursuivre leur formation, construire leur avenir professionnel et réussir leur vie en société. »

« Elles sont particulièrement nécessaires à l’épanouissement et au dé­veloppement personnels des individus, à leur inclusion sociale, à la citoyenneté active et à l’emploi ».

« Le décret du 11 juillet 2006 pris en application de la loi pour l’avenir de l’École organise le contenu du socle commun autour de sept grandes compétences qui définissent ce que nul n’est censé ignorer en fin de scolarité obligatoire : un ensemble de valeurs, de savoirs, de langages et de pratiques. »

 

Le socle commun a soulevé d’emblée des polémiques et cela ne s’est pas apaisé. De nombreux syndicats expriment la crainte que certains élèves soient rapidement cantonnés à un « minimum » alors que l’on viserait « na­turellement » pour d’autres davantage, pourquoi pas l’excellence ? L’idée de socle renvoie, a-t-on souligné, à celles de solidité, de lourdeur et de stabilité, à quelque chose donc de figé. Est-elle compatible avec la souplesse qui autorise la prise en compte de rythmes, d’appétences, de parcours différents ?

Ce qui inquiète, ce n’est à vrai dire pas ce socle en lui-même mais plutôt tout ce qui l’entoure : notamment les programmes de 2007 qui remettent à l’honneur les connaissances peu liées entre elles, mais aussi la disparition des réseaux d’aides, celle des travaux personnels encadrés… ou encore les attaques répétées contre la pédagogie car, si chacun doit construire les mêmes connaissances et compétences, il faut bien penser différentes manières d’y accéder. L’obligation de résultat ne doit pas se substituer à l’obligation de moyens ou alors le risque serait grand de voir l’enseignement devenir un asservissement : tu dois réussir, que tu le veuilles ou non !

Ce qui entoure le socle commun, c’est aussi tout un climat politique avec une convergence remarquable de deux désignations stigmatisantes : le jeune et l’étranger ne sont pas perçus comme des promesses mais pointés comme des menaces, et leur différence n’est abordée qu’à travers le prisme déformant de la délinquance. On note une augmentation des privilèges, un débat sur l’identité nationale, une augmentation régulière des reconduites à la frontière, la suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire… toutes mesures qui contredisent les valeurs que le socle commun prétend construire chez les enfants. En matière d’éducation, la décision politique semble moins éclairée par les connaissances et la réflexion éthique que par l’infiltration des valeurs et du langage du monde de l’entreprise et l’influence des lobbies. Les différents dispositifs européens qui permettent la comparaison entre les politiques éducatives des différents États installent celles-ci dans une dynamique de concurrence. Celle-ci devient l’idéologie dominante. Au service de quoi ? De qui ?

 

Des choix français

L’idée de l’engagement des sociétés à garantir à tous des « compétences de base » pendant la période de scolarité obligatoire est largement répandue en Europe. Elle résulte d’une interprétation de la fracture sociale et des écarts de niveaux de vie comme résultant directement de lacunes trop importantes dans l’acquisition de compétences de base dans une partie de la population. Si cette vision repose sur des arguments fondés, elle n’est est pas moins particulièrement réductrice : elle interroge l’école pour ne pas remettre en cause la société : c’est à l’école que ne se réalise pas l’égalité des chances (il faut lire à ce propos l’excellent, décapant – et pas aussi mortifère que ça – livre de Pierre Bergounioux : École : mission accomplie paru en 2006 aux Prairies ordinaires).

Les pays qui ont adopté l’idée de compétences de bases l’ont fait de façon très différente, en fonction d’une culture qui leur est propre. On observe ici des choix spécifiques à la France. Alors que des pays voisins ont opté résolument pour des compétences transversales et transférables, d’autres ont plutôt privilégié des compétences disciplinaires. La France a retenu un large champ de compétences, instrumentales, culturelles et transversales. Mais, là où elle se distingue surtout, c’est dans sa façon de fixer les normes nationales de performance. Alors que la Communauté française de Belgique a fixé le premier seuil du socle à la fin de la deuxième année du secondaire, la France le fixe à la fin de la deuxième année de l’école élémentaire ! Par ailleurs, elle développe un système de contrôle des enseignants à travers des évaluations standardisées. Si celles-ci sont très largement adoptées en Europe, rare est la publication des résultats mettant en concurrence les écoles !

 

Une nouvelle étape : le livret personnel de compétences

Cinq années après la Loi d’orientation et de programmation pour l’avenir de l’école de 2005, le constat est fait que les enseignants ne se sont pas appropriés l’esprit du socle commun de connaissances et de compétences ni investis dans sa mise en œuvre. Il est donc décidé de donner une impulsion politique suffisamment forte pour dépasser les facteurs de blocage. Comme souvent, c’est en obligeant les enseignants à utiliser certains outils d’évalua­tion, aujourd’hui en leur demandant de renseigner un livret personnel de compétences que l’on pense modifier leurs pratiques (jugées donc inadéquates). C’est une stratégie utilisée depuis 1990 au moins et régulière­ment renforcée alors même que l’on observe conjointement une dégradation des résultats. Entre 1990 et 2006, la chute est spectaculaire : la France passe du 4e rang au 27e rang selon PIRLS. Alors même que les échantillons semblent non équivalents, ces résultats sont soulignés, amplifiés et le système éducatif français montré du doigt, le scandale de son échec jeté sous les crocs de la vindicte populaire.

 

Nécessité de garder sa capacité à penser

Les enseignants spécialisés, travaillant auprès d’élèves en situation de fragilité (en situation de risque quant à leur insertion sociale et profession­nelle future en raison d’une grande difficulté scolaire ou d’un handicap) doivent tout particulièrement s’interroger sur les intérêts et les limites du socle. S’il s’impose aux enseignants de CLIS, SEGPA, ULIS… comme aux enseignants des classes dites « ordinaires », pour les premiers, la crainte est autre : s’il est posé comme norme que tous les élèves sortent du système éducatif en possédant l’ensemble des compétences du socle, qu’adviendra-t-il de ceux qui échoueront à posséder ce socle ? La marginalisation ne sera-t-elle pas encore plus grande ? Posée comme norme, l’atteinte du socle commun acquiert une valeur prédictive menaçante : celui qui ne maîtrisera pas ces attitudes, connaissances et compétences sera dans l’incapacité de trouver place dans le monde social et économique. Si l’enseignant ne veut pas basculer dans l’angoisse sclérosante (on fait pour faire, on fonctionne pour fonctionner, on met des croix sur des documents d’évaluation pour se rassurer), ou le repli frileux, il doit garder sa capacité à penser. D’où la nécessité d’interroger ces nouveaux outils pour les intégrer avec vigilance dans nos pratiques.

 

Quels intérêts peut présenter le socle commun pour des élèves de CLIS ?

Ne pas se résigner

Nous ne pouvons qu’être en accord avec la volonté de ne pas se résigner, de ne pas considérer comme acceptable voire naturel qu’un élève sur six ou sept soit en situation d’échec scolaire dès l’entrée au collège. Nous ne pouvons qu’être d’accord avec la volonté affichée de transformer l’école afin qu’elle ne soit plus une machine à exclure.

Ne pas limiter

Le socle inscrit dans une visée commune, offre un cadre commun à tous les élèves et à tous les enseignants, qu’ils travaillent en école ou en établissement, auprès d’un public repéré au non pour ses besoins particuliers. En cela, il peut contribuer à favoriser l’inclusion scolaire. L’existence des 7 piliers garantit à l’élève et à sa famille que nous ne l’enfer­merons pas d’emblée dans ses difficultés, dans des représentations limitantes et que nous lui ouvrirons des perspectives en termes d’autonomie et de culture... Pourquoi partir du principe qu’un élève d’ULIS n’a pas besoin d’apprendre une langue étrangère ? Ou qu’un élève de CLIS ne peut pas accéder aux œuvres littéraires puisqu’il peine tant à acquérir le principe alphabétique ? Philippe Meirieu, comme d’autres auteurs, dénonce réguliè­rement une conception linéaire qui voudrait que l’on aille toujours du plus simple au plus complexe : « la “pédagogie des préalables” place toujours “les savoirs” comme une condition indispensable en amont de “la culture” ».

Sortir d’une logique disciplinaire pour permettre les liens

L’approche par compétences invite à sortir d’une logique strictement disciplinaire et cela me semble devoir profiter à des élèves qui peinent à faire des liens. Les pratiques interdisciplinaires semblent au cœur même du socle commun ; elles permettent les échanges entre les contenus et favorisent la constitution de compétences transversales.

Le pilier 7 qui nous parle d’autonomie et d’initiative des élèves rejoint les préoccupations des enseignants spécialisés. Mais il nécessite tout un environnement de mise en œuvre, dans la classe comme dans l’école. Ne risque-t-on pas de voir, ici ou là, tout un pan du socle faire l’objet d’une validation sans avoir été « travaillé », « pensé », au niveau de la classe et de l’école ?

Accorder de l’importance au relationnel

À travers l’aide personnalisée, les PPRE, et autres dispositifs qui accom­pagnent le socle commun et visent le public le plus fragile, l’accent est mis sur la recherche d’une plus grande proximité de l’enseignant et de l’élève, sur la nécessité de se détacher de la problématique de gestion du groupe et de renoncer à un rapport trop distancié pour accorder de l’intérêt à chacun. Cette réorientation devrait rapprocher l’enseignant spécialisé de ses collègues, limiter le sentiment de ne pas être « sur la même longueur d’ondes ».

 

Quelles sont ses limites voire ses dangers ?

Une validation qui questionne

La validation des compétences des 7 piliers du socle pose question d’abord en raison d’un ensemble assez disparate. Où mettre le curseur ? Comment valider des compétences comme la capacité d’initiative, le respect de soi ou même l’observation ? Peut-on vraiment faire l’hypothèse d’une transversalité homogène ou conviendrait-il mieux de considérer que ces compétences sont dépendantes d’un contexte et de l’objet sur lequel elles portent ?

Et peut-on vraiment parler de modèle nouveau s’il ne modifie absolu­ment rien aux modalités d’évaluation et à la conception des programmes scolaires ? Dès l’entrée au CP, bien des départements imposent la passation d’une évaluation commune. Déjà, des enfants tout enthousiastes à l’idée de grandir en apprenant à lire s’entendent dire « cela va être dur ». Un peu partout perdurent des calculs de moyennes générales au centième près dès le CE1 pour décider du passage dans la classe supérieure. La juxtaposition de deux systèmes peut-elle vraiment être efficace ? On nous fait souvent miroiter la réussite du modèle finlandais en en gommant un aspect essentiel : l’introduction différée et très progressive des évaluations et d’un système de notation.

Ce qui interpelle aussi, c’est le livret tel qu’il est renseigné au CE1 : il ne retient en effet que 3 des 7 paliers, risquant d’installer l’idée que les 4 autres ne se construisent véritablement qu’au-delà, prenant appui sur ces préalables. Déjà, on entend, ici ou là, des collègues exprimer leur intention de se centrer sur ces trois piliers, quitte à délaisser les autres « puisqu’on ne peut pas tout faire » et « qu’on sera jugé là-dessus ». Nos élèves de CLIS, ou d’ailleurs, qui peinent à conquérir les compétences dites fondamentales devront-ils attendre des années pour avoir le droit de vivre des expériences culturelles, de s’interroger sur le monde, d’approfondir un domaine dans lequel ils ressentent un intérêt particulier ? Leur enseignant devra-t-il rester centré sur une conception qui fait du lire-écrire-compter une finalité pour ces élèves et non des outils ? La définition de ce palier 1 gomme précisément tout l’aspect culturel qui pourrait être l’intérêt du socle. La culture est un « après » qu’il faut mériter par ses efforts, sa persévérance et ses performances. On reste dans la logique de méritocratie qui a signé l’échec du collège pour tous. Le socle impose l’idée que réussir c’est d’abord avoir des compétences de base un peu dans tous les domaines pour ensuite pouvoir développer des compétences plus approfondies.

Mais ce qui fait violence, c’est la demande qui nous est faite de renseigner l’atteinte des objectifs du socle de façon binaire : oui ou non ? Pour tout élève, mais plus encore pour ceux qui présentent « un trouble grave des fonctions cognitives », une compétence est acquise dans un contexte donné et à un certain degré de maîtrise qu’il convient de préciser. Les objectifs étant ambitieux, le recours au « non » risque d’être fréquent. Comment procéder à une évaluation positive avec une telle simplification ? Comment ne pas atteindre davantage nos élèves dans leur fragile estime d’eux-mêmes ?

Des enseignants sans repères

Ce qui frappe avec la mise en œuvre du socle commun, c’est d’abord le poids des contradictions. On préconise davantage de proximité, on pose comme fondamental dans une société démocratique que tous les élèves apprennent à argumenter, mais on envisage et programme une augmentation conséquente des effectifs des classes. On préconise de sortir d’une logique purement disciplinaire mais on définit des programmes qui réduisent l’humanisme et la culture à la seule mémorisation de quelques repères historiques, littéraires et artistiques au lieu d’en faire une attitude fondamentale vis-à-vis du monde. On défend la nécessité d’un changement radical mais l’on renvoie sans cesse à la nostalgie d’un âge d’or mythique. Comment les enseignants peuvent-ils apporter aux élèves la sécurité dont ils ont besoin pour grandir, apprendre et se former si, eux-mêmes, ne s’y retrouvent pas, les principes de leurs missions étant peu lisibles et peu cohérents ? Comment peuvent-ils accorder de la valeur à leurs élèves si eux-mêmes ne se sentent pas reconnus ? On observe une crispation liée à une incertitude fondamentale quant à la fonction de l’École et à une perte d’identité au risque que les enseignants deviennent ceux chez qui s’installe le plus une attitude défiante vis-à-vis de l’avenir et de ce qui le nourrit : la différence.

L’interdiction de révolte

Derrière le socle commun, l’idée de « norme » est très prégnante, et, avec elle, celle d’uniformisation. La « pré-natalité » du socle, c’est essen­tiellement le rapport Thélot qui souhaitait une École juste, c’est-à-dire « une école dans laquelle la création d’une élite, fût-elle justement sélectionnée, ne doit pas se faire au détriment des autres. Les inégalités engendrées par l’École seront d’autant plus acceptables que certains biens scolaires échapperont aux inégalités. » Le socle commun c’est donc ce bien commun qui vise à rendre les inégalités plus acceptables afin de permettre la paix sociale ! Pour cela, il doit défendre la compétition sur la base d’une éducation morale qui protégera chaque élève « de l’orgueil des vainqueurs comme de l’humiliation des vaincus ». Afin de ne pas maintenir artificiellement certains élèves dans les classes classiques d’un cursus-type, on leur propose (chaleureusement ?) de suivre d’autres voies de « réussite » afin qu’ils ne soient surtout pas tentés d’interpréter leur parcours comme une margina­lisation, ou d’intérioriser à ce point leur indignité que le recours aux incivilités et la violence deviendrait hautement probable.

 

De l’obligation de réussite à la stigmatisation et l’exclusion

L’obligation de réussite, fort médiatisée, ne renforce-t-elle pas l’idée que c’est l’enseignant qui apprend, non l’élève, que s’il fait « bien » son travail, les lacunes voire les déficits pourront être magiquement comblés ? Le livret incarne une idéologie particulière, issue du monde de la finance et de l’entreprise ; efficacité et rentabilité en sont les maîtres mots. L’enseignant doit fournir un travail utile, aux résultats quantifiables. Cela s’accompagne d’une montée du malaise et de la recherche angoissée d’une rassurante homogénéité. Alors que faire de ces élèves qui traînent, freinent voire perturbent le bon fonctionnement de la classe ? Pourquoi ne pas leur proposer des dispositifs spécifiques ?

Il ne peut pas s’agir d’une coïncidence : c’est au moment où le socle commun devient une référence que le collège cesse d’être unique : dès la troisième, et même plus tôt, se créent des filières de découverte profession­nelle visant davantage à limiter l’hétérogénéité des autres classes qu’à faire en sorte que « chaque élève trouve le terrain d’élection où il démontre un talent particulier ». C’est aussi à ce moment que fleurissent des dispositifs relais pour « les élèves qui perturbent gravement le climat de la classe ou de l’établissement scolaire » et dont les relations conflictuelles avec les enseignants et les autres élèves « nécessitent un éloignement ». Ces établisse­ments de réinsertion scolaire « doivent à la fois favoriser la maîtrise du socle commun de connaissances et de compétences, faire prendre conscience aux jeunes de l’importance du respect des règles de la vie sociale et scolaire et permettre une démarche de réinvestissement dans les apprentissages. »

Dès l’école primaire, les dispositifs d’accompagnement (aide personnali­sée, stages d’été, tutorat...) proposés pour prendre en compte les différents rythmes d’acquisition sont de plus en plus des dispositifs extérieurs à la classe alors même que l’externalisation des aides a été le principal motif avancé pour dénoncer et démanteler les RASED. Les modalités d’aides préconisées (un petit groupe, un enseignant plus proche, une atmosphère plus détendue, pas de contrôle à la clé) ne sont pas jugées applicables sur le temps de classe. Espère-t-on vraiment, naïvement, que ce nouveau rapport à l’élève va se transférer ? Ou recherche-t-on, délibérément, les moyens de poursuivre un enseignement de type transmissif caractérisé par la faible place laissée à l’activité des élèves (individuellement et collectivement), un rapport professeur/élèves distancié, un cortège de notes-sanctions et peu (ou pas) de différenciation pédagogique pour prendre en compte la diversité des élèves ?

Que l’école publique soit un droit implique certes pour elle (et donc pour ses acteurs) des obligations d’accès au savoir et à l’éducation. C’est l’idée défendue à travers la mise en œuvre du socle commun. Mais cette obligation peut-elle reposer sur les seuls enseignants, écartelés entre une demande accrue de technicité et un engagement éthique malmené, tandis que le FMI impose à des pays soumis une réduction des crédits ? La logique économique impose sa vision d’une éducation conçue à la fois comme la construction d’un capital humain, flexible, compétitif, et comme la mise en œuvre de dispositifs visant à limiter les risques d’explosion sociale attachés à cette politique. Différentes études montrent que ce sont les systèmes qui mixent le plus possible les élèves, en termes de niveaux scolaires comme en termes de conditions sociales, et qui pensent une approche individualisée de tous (et pas seulement de ceux les plus en difficulté) qui réussissent le mieux sur l’axe de l’égalité tout en se comportant bien sur celui de l’efficacité. Pourtant, l’Éducation nationale française fait des choix reconnus comme favorisant les écarts : elle revient peu à peu à un modèle de la séparation, en créant des filières, et développe des mesures d’aide, extérieures à la classe, visant un public défini dès la maternelle comme « en difficulté ».

C’est pourquoi le socle commun, qui vise officiellement la réussite de tous les élèves, pourrait produire exactement l’effet contraire, venant renforcer la logique de sélection et d’exclusion de l’école. Les enseignants doivent questionner les mesures isolées, les dispositifs plus larges mais aussi l’organisation générale de l’école et la « culture » qu’elle recouvre. Ce faisant, ils s’interrogeront aussi sur leur propre culture : sont-ils convaincus que tout enfant peut réussir ?

Car la politique éducative se façonne d’abord sur le terrain.

Claudine Ourghanlian
Octobre 2010

 
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