NON à l'abandon sans soins des enfants malades et handicapés

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Daniel Calin
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NON à l'abandon sans soins des enfants malades et handicapés

Message par Daniel Calin »

Je répercute ci-dessous un appel de médecins contre l'abandon sans soins des enfants malades et handicapés organisé par la loi de février 2005.

___________________________________________________________


Pédopsychiatres, pédiatres, médecins scolaires, nous disons « NON » à l'abandon sans soins des enfants malades et handicapés, « NON » au nouveau dispositif d'intégration scolaire « ordinaire » défini par la loi du 11 Février 05.


La loi du 11-02-05 met en place un nouveau dispositif spécifique pour la scolarisation des enfants handicapés dans l'école « ordinaire » de leur quartier.

S'agit-il, avec cette loi, de permettre à ces enfants qui en ont besoin d'être mieux soignés ?

S'agit-il de faciliter la possibilité pour les enfants malades et/ou handicapés qui peuvent raisonnablement tirer bénéfice d'une scolarisation à l'école de leur quartier ou dans une classe à petit effectif de l'éducation nationale, de bénéficier plus facilement qu'auparavant des prises en charge soignantes en ambulatoire ? S'agit-il de faire bénéficier les Centres Médico-Psychologiques (CMP) c'est-à-dire des dispensaires du secteur public, ou les CMPP (Centres Médico-Psycho-Pédagogiques associatifs) de plus de personnels qualifiés ? S'agit-il de créer tous les CAMSP (Centres d'Action Médico-Sociale Précoce, pour les enfants handicapés très jeunes) dont nous avons besoin ? de former plus de psychiatres publics, associatifs ou libéraux ? D'embaucher plus de médecins scolaires ? C'est tout le contraire auquel nous assistons.

Ce travail d'intégration des enfants handicapés et/ou malades qui peuvent en bénéficier, nous l'avons toujours initié et soutenu, dès lors qu'il se faisait dans l'intérêt de l'enfant et qu'il bénéficiait à tous. En effet, depuis des années nous travaillons ensemble, médecins scolaires, pédiatres, pédopsychiatres, médecins de toutes spécialités, pour répondre au mieux aux besoins de santé des enfants malades ou handicapés. Pour nous, médecins, la première réponse est celle du soin, bien évidemment. Soigner pour, sinon guérir, améliorer les conditions du bon développement, amoindrir la douleur, quelle qu'elle soit, physique ou psychique et donner ainsi la possibilité, à ces enfants « pas comme les autres » - n'en déplaise aux démagogues de toutes catégories - de s'intégrer socialement, d'apprendre, de se former… Cela, nous l'avons fait dans la plus grande souplesse en travaillant ensemble, avec les parents et les enseignants, essayant de trouver les meilleures solutions tant du point de vue des soins que sur le plan scolaire. Pour cet enfant handicapé moteur telle école qui n'a pas d'étages, pour celui-ci, handicapé visuel, telle classe spécialisée à petit effectif qui possède du matériel adapté, pour tel autre, telle institutrice qui possède cette formation spécialisée adaptée dont il a besoin, pour ceux qui n'ont pas accès aux apprentissages à cause de telle ou telle maladie (ou handicap), une prise en charge en établissement spécialisé, pour ceux dont les pathologies psychiatriques sont les plus sévères, tel hôpital de jour, ou au contraire lorsque la prise en charge ambulatoire est possible, traitements en centres médico-psychologiques ou médico-psycho-pédagogiques… C'est justement ce travail efficace, cohérent, au plus près des besoins des enfants qui est aujourd'hui remis en question.

Ce travail était déjà rendu de plus en plus difficile par le nombre insuffisant de médecins scolaires et de pédopsychiatres. Des mois d'attente - parfois même plus d'un an - pour un enfant autiste avant d'avoir un premier rendez vous en Centre Médico-Psychologique, c'est un drame. Pour une prise en charge en établissement spécialisé, ou dans un hôpital de jour, ce sont des listes d'attente de plusieurs années parfois. 800 postes de psychiatres ne sont pas pourvus en médecine médico-sociale. Dans certains hôpitaux de jour pour enfants, il y a chaque année jusqu'à 70 demandes d'admission pour 5 admissions effectives. Que deviennent les 65 autres enfants ? Ils sont exclus des soins qui leur sont nécessaires. Ils vont grossir les rangs des 15 à 20 000 enfants, autistes et polyhandicapés surtout, qui sont au domicile de leurs parents, faute de place en établissements spécialisés et privés des soins dont ils ont besoin. Cela fait des années et des années que nous alertons les pouvoirs publics ; que nous leur demandons d'ouvrir les établissements de soins et médico-éducatifs nécessaires ; que nous leur disons qu'il y a urgence à former les psychiatres et les infirmiers nécessaires, à embaucher psychologues, et personnels qualifiés. Cela fait des années que nous dénonçons le nombre insuffisant de médecins scolaires qui rend impossible une réelle prévention. Nous n'avons été entendus par aucun gouvernement. Les enfants dont nous avons la responsabilité sont pourtant les plus vulnérables.

Que se passerait-il, concrètement, avec cette nouvelle loi ? Que se passe-t-il déjà ?

Pouvons-nous dire qu'avec cette loi les 15 à 20 000 enfants handicapés qui sont au domicile sans soins faute de place en établissements spécialisés, vont pouvoir être soignés à l'école « ordinaire » ? L'art. 19 : de cette loi énonce que tout enfant handicapé ou malade « a le droit d'être inscrit dans l'établissement d'enseignement le plus proche de son domicile. » (…) et que « cette démarche relève des parents ». Certes, la loi reconnaît aussi que d'autres solutions peuvent exister (autre école, classe à plus petit effectif, établissement médico-éducatif, hôpital de jour…) mais elle en complique l'accès au point de les rendre quasiment impossible à réaliser. Avant cette loi, la CDES (commission départementale chargée de trouver à l'enfant handicapé une place en établissement spécialisé) était saisie par les parents ou, et c'était le cas le plus fréquent, par l'école ; les recherches d'établissements spécialisés pouvaient alors aller assez vite. Aujourd'hui, seuls les parents peuvent saisir l'ex-CDES, nouvellement intégrée dans les Maisons Départementales pour les Personnes Handicapées (MDPH). Si les parents le demandent, (et la loi fait tout pour qu'ils le demandent), tout enfant handicapé, quelle que soit la gravité de son handicap, sera inscrit dans l'école « ordinaire » de son quartier - même s'il ne peut pas y être effectivement admis (même s'il ne peut y rester qu'une heure par semaine). Pour ceux qui nécessitent une prise en charge dans un établissement spécialisé (médico-éducatif) tout sera donc fait pour que cette solution soit retardée le plus longtemps possible. Et cela dans une situation où, répétons-le, 15 à 20000 de ces enfants handicapés sont déjà aujourd'hui au domicile faute de place en établissements spécialisés ! Ce n'est pas admissible

Et si l'école découvre qu'un enfant est handicapé et/ou malade et qu'il a besoin de soins ? Elle ne peut plus saisir la « Maison départementale des personnes handicapées » (MDPH qui intègre l'ex-CDES), puisque seuls les parents le peuvent. Si les parents ne le font pas, et après « un délai de 4 mois », c'est l'inspecteur d'académie qui informe la MDPH (art. 5) « pour qu'elle instaure un dialogue avec les parents et le jeune ». On est encore loin d'une saisine de l'ex-CDES MDPH. En attendant, l'enfant qui ne pourra plus rester en classe restera au domicile de ses parents… ou sera imposé par ses parents à son école « ordinaire » de quartier, qui ne pourra pourtant rien pour lui. Ce qui pourra faire perdre à l'enfant de 6 mois à un an, ou plus, avant qu'une recherche de place en établissement spécialisé soit mise en œuvre.

Ce dispositif se sert du désespoir des parents

Quel parent d'enfant handicapé n'a-t-il pas espéré que son enfant n'aurait finalement pas besoin de soins mais seulement de l'école ordinaire ? La loi promet aux familles que, dans le cadre d'une intégration scolaire « ordinaire », tous les soins nécessaires suivront. Mais c'est un leurre : l'école est un lieu d'instruction et d'éducation, elle ne peut pas se transformer en lieu de soins et encore moins en établissement de soins. Aucune création de poste de personnel qualifié n'a été réalisée, au contraire. Pire, les soins devraient désormais se subordonner aux objectifs d'intégration dans l'école « ordinaire », pouvant obliger les médecins à se faire caution d'objectifs parfois impossibles à réaliser (enfants polyhandicapés par exemple ou autistes avec graves troubles du comportement), parfois franchement contre-indiqués du point de vue médical, ou à cautionner des prises en charge scolaires plus que partielles, inutiles et épuisantes (une ou deux fois par semaine, une heure de présence à l'école « ordinaire »). Mais quand l'enfant a besoin avant tout de soins et lorsque la prise en charge en établissement spécialisé est indiscutable, le fait de mettre toutes les énergies des parents et des professionnels à réaliser une tentative d'intégration dans l'école « ordinaire », de toute évidence vouée à l'échec, retarde d'autant, dans les faits, la recherche des soins nécessaires et fait perdre à l'enfant des mois quand ce ne sont pas des années avant que les soins efficaces se mettent en place.

Ce dispositif est d'autant plus honteux qu'il se sert du désespoir des parents. Là où le rôle des spécialistes que nous sommes est de les accompagner avec tact et patience vers la reconnaissance de l'état réel de leur enfant, on leur fait croire que l'intégration scolaire « ordinaire » de leur enfant va résoudre tous les problèmes, qu'elle est la preuve du caractère bénin de troubles qui, hélas, sont trop souvent loin de l'être. Ceux-là mêmes qui disent préserver les droits des enfants (droit à un enseignement adapté, à une prise en charge médico-éducative, à des soins médicaux ou psychiatriques) en fait les compromettent, et abusent leurs parents au nom d'un prétendu « droit à l'égalité, à l'intégration ».

Avec ce dispositif de la loi du 11-02-05, même ceux d'entre ces enfants dont la maladie est telle qu'ils ne peuvent s'adapter dans aucune structure sociale ordinaire, seraient intégrés obligatoirement (si leurs parents le demandaient) - et certains enfants le sont déjà - dans des établissements scolaires dont la fonction est d'instruire les enfants qui ne sont pas malades. De plus, signaler qu'un enfant y est en souffrance et proposer son orientation vers un circuit de soins, serait désormais, pour le Ministère de l'Education Nationale, se rendre coupable de « discrimination »(1). Tels sont les faits. Au prétexte de lutter contre la discrimination, ce dispositif peut conduire à la non assistance et à la privation de soins. Nous sommes médecins, psychiatres, pédiatres, médecins scolaires, notre travail consiste à prévenir, diagnostiquer, soigner, écouter, traiter et quand il le faut orienter. Nous n'acceptons pas que l'on nous en empêche.

Ce dispositif(2) qui peut mettre ces enfants en danger, les priver de soins et les abandonner à leur sort, il est urgent de le retirer avant que les gravissimes dégâts qu'il a déjà commencé à causer deviennent irréparables.


(1) Cf. l'exemple récent de cette institutrice de cours préparatoire (CP) de Seine et Marne, volontaire pour s'occuper de deux enfants handicapés dans sa classe de CP à effectif réduit, qui a été accusée de « discrimination » en référence à cette loi, pour avoir suggéré que l'un d'entre eux intègre un CP à petit effectif quand on l'a avertie que sa classe, à elle, serait en fait une classe à plein effectif. Cf. aussi la directive (2000/78/CE) de l'Union européenne « interdisant toute discrimination fondée sur le handicap », à laquelle la loi du 11-02-05 se réfère.
(2) C'est-à-dire le fait que seuls les parents peuvent désormais saisir la MDPH (ex-CDES) et tout ce qui, dans cette loi, conduit à des retards dans la recherche d'un établissement spécialisé lorsque cette solution est nécessaire.


36 premiers signataires : Dr P. Rivière pédopsychiatre, Dr C.F. Crétien, pédopsychiatre, Dr B. Tallobre pédopsychiatre, Dr P. Salvaing, méd scolaire, Dr L. Yon, psychiatre, Dr M.C. Chanorier, pédopsychiatre , J.T. Richard, psychologue, analyste et directeur adjt d'un CAMSP, Dr M.C. Romano, médecin éducation nationale, CT honoraire, Dr Eva Touaty, pédiatre, Dr P. Quéméré, psychiatre, Dr Nathalie Sarfaty, pédopsychiatre, Dr J. P. Chardon, pédopsychiatre, Dr P. Sadoul, pédopsychiatre, Dr A. Haddad, pédopsychiatre, Dr R. Zilber, psychiatre, M. J. Fontao, psychologue, Mme C. Arrastia, psychologue, Dr D. Valleur, pédiatre CAMSP, Dr M. Auzoux Chevé, pédiatre, Dr M.C. Veneau, médecin scolaire, Dr B. Basalo, médecin scolaire, Dr Laure Naîdenov, médecin scolaire, Nadine Coteaux, orthophoniste, Alain Guichet, directeur SESSAD-AVVEJ, Dr J.L. Chabernaud, pédiatre, Francis Roque, parent et psdt fédération des ADEPO (Assoc. de Défense des Polyhandicapés), D. Blum, psychanalyste, J.C. Cocquelet , parent, psdt du CADDPH (Collectif alliance pour la défense de droits des personnes handicapées), Dr N. Delepine, pédiatre, Dr G. Formet, psychiatre, Dr Synajko Daviez, pédopsychiatre, Dr Laurent Miriam, pédopsychiatre, Dr Salwa Alkhallaf, pédiatre, Dr Cornille Hélène, pédiatre, Dr Flavigna Dominique, pédopsychiatre, Dr de Portzanpar Renaud, psychiatre, Dr Michèle Mazeau, médecin de rééducation, Michel Sarrazin, parent, Dr Alice Ciardi, psychiatre, Carole Bellemin-Noël, psychologue.




Merci d'adresser vos signatures à Dr P. Rivière 16 impasse P. Armangot 94400 Vitry - 06 22 60 31 43 - E-mail : rivierepierre@hotmail.com - fax : 01 43 21 60 60


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Daniel Calin
Pascal Ourghanlian
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Message par Pascal Ourghanlian »

Sans vouloir me faire thuriféraire d'une loi dont je ne disconviens pas qu'elle soit mal ficelée, quelques remarques à propos de cette prise de position de certaines personnalités du monde médical :

- que ne sont-ils plus véhéments dans le débat qui remet en cause de manière systématique toute approche psychologique au profit d'approches de plus en plus comportementalistes ?

- que ne balaient-ils pas devant leur porte : "Et si l'école découvre qu'un enfant est handicapé et/ou malade et qu'il a besoin de soins ?", écrivent-ils. Dans ma naïveté indécrottable, j'imaginais que le handicap ou la maladie relevaient, d'abord, du médical - du pédiatrique pour ce qui nous concerne ici. Dois-je lister le nombre de situations qui, effectivement, ont été révélées par l'école, le pédiatre de famille se contentant d'un vague "ça va venir, ça va se débloquer, soyez patient" à même de ne pas lui faire perdre un client, face à des situations manifestement du domaine du handicap ?

- " les recherches d'établissements spécialisés pouvaient alors aller assez vite" : sur mon département, la situation actuelle c'est 6 à 8 mois d'attente pour une prise en charge, parfois 4 mois pour un bilan - je n'ai pas vu l'implication des médecins libéraux de mon secteur pour soutenir leurs collègues hospitaliers ou de CMP ou CMPP dans leurs revendications de recrutement...

- "Quel parent d'enfant handicapé n'a-t-il pas espéré que son enfant n'aurait finalement pas besoin de soins mais seulement de l'école ordinaire ?" Pourquoi faut-il, encore et toujours, que les parents aient à se justifier ? Pourquoi ce procès systématique en suspiscion de normalisation ? Les parents que je rencontre quotidiennement, pour la plupart, sont sidérés de ce qui leur arrive, un grand nombre prenant pour eux ce qui arrive à leur gamin ("qu'est-ce que j'ai mal fait ?", "comment j'aurais dû faire?") MAIS très peu, avec un peu d'accompagnement, nient le handicap de leur gamin. Ils se retroussent les manches, et attendent qu'on les aide à aider. Et si leur gamin ne peut aller à l'école que 4 fois trois-quarts d'heure par semaine, malgré la m... dans laquelle ça les met d'un point de vue économique et pratique, ils se débrouillent pour l'assumer.

- les 6 médecins scolaires avec lesquels je travaille, s'ils se disent débordés par le nombre ahurissant de gamins à suivre (de 5.000 à 7.500), se réjouissent de la possibilité de suivre les gamins sur du long terme, sur la place faite à la parole des familles.

Tout cela, une nouvelle fois, relève à mes yeux de l'illusion de la maîtrise et, surtout, mal que je pensais réservé aux enseignants, de ce syndrome qui consiste à croire que l'on sait mieux que les autres ce qui est bon pour eux.

C'est d'autant plus dommage qu'il y a dans ce texte plein de choses exactes, tout le paragraphe sur le manque de moyen des intersecteurs, par exemple.

Le pire, c'est que je pense qu'au fond des choses, je suis persuadé de tomber d'accord, individuellement, avce les signataires de ce texte. Mais, une nouvelle fois, l'effet d'exagération, d'anticipation négative, du manque de confiance a priori, non dans les textes ou les structures, mais dans les personnes qui les font vivre - toutes ces prises de positions collectives de combat me semblent oublier l'essentiel : la situation de tel ou tel gamin.

Désolé pour cette réaction à chaud, maladroite, épidermique, qui, en plus, va me valoir les foudres de Daniel :wink: (ne vous inquiétez pas, on a l'habitude, j'ai personnellement beaucoup avancé grace à la mise à plat de mes désaccords avec lui...).
En fait, en relisant ce que je viens d'écrire, et en me demandant si j'envoie mon post', je me rends compte de ce qui me chiffone : ce texte n'aurait pas dû émaner des seuls médecins, il aurait dû être une élaboration bien plus collective (oui, je sais, je viens d'écrire le contraire...), et bien plus constructive. Mais je suis bien obligé de rappeler que l'AIS, la difficulté, le handicap - tout le monde, ou presque, s'en f...
Cordialement,
Pascal Ourghanlian
Daniel Calin
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Message par Daniel Calin »

Non, pas de foudres à l'encontre de mon ami Pascal. Pas pour cette fois, en tous cas. Je n'ai fait que répercuter cet appel. Comme il se présente comme un appel de médecins, il ne me concerne pas directement.

Sur le fond :

1/ Je suis dans l'ensemble plus critique que Pascal par rapport à l'intégration scolaire, qui signifie trop souvent à mes yeux, non seulement privation de soins comme le dénoncent les médecins signataires de cet appel, mais aussi abandonnisme pédagogique et éducatif, parfois même maltraitance. Je crois, plus que Pascal, à la pertinence des différents dispositifs de l'enseignement spécialisé. C'est paradoxal : on peut résumer ça en disant que je crois plus en lui que lui. :wink:

2/ J'ai de la sympathie pour le Dr Rivière et pour le combat de l'association "Droits aux soins et à une place adaptée", dont j'ai déjà relayé ici des appels. J'aime, le plus souvent, ceux qui rament à contre-courant d'un certain "politiquement correct", surtout quand il sert de masque aux restrictions budgétaires et à la destruction des services publics.

3/ Ceci dit, j'aurais aimé, comme Pascal, que cet appel soit plus clair concernant les "soins" défendus. J'aurais apprécié, a minima, que soient écartés du champ de ces "soins" les dressages comportementalistes et les camisoles chimiques. De ce fait, en l'état, je ne soutiens pas cet appel.

4/ Plus largement, il serait fort souhaitable que les médecins concernés par le champ qui nous préoccupe développent quelque chose comme une "charte déontologique" pour définir ce qu'ils entendent par "soins", non seulement pour en écarter les horreurs que je viens d'évoquer, mais aussi pour les définir positivement. La présence en établissement spécialisé devrait, à l'évidence, se traduire par des soins réels. C'est loin d'être toujours le cas, c'est le moins qu'on puisse dire. Je viens encore de croiser un enfant qui n'avait toujours fait l'objet d'aucun diagnostic, et d'aucun soin a fortiori, alors qu'il était dans l'établissement depuis 18 mois. De plus, les prises en charge psychothérapeutiques, quand elles existent, sont trop souvent désespérément inefficaces faute d'être un tant soit peu adaptées à la réalité des enfants pris en charge. On ne procède pas en psychothérapie avec nombre des enfants de l'AIS comme avec des petits névrosés de bonne famille ! Il serait grand temps que les analystes réalisent que notre monde n'est plus tout à fait réductible à la bonne bourgeoisie viennoise des années 1900, et que Freud s'est lourdement trompé en prétendant tirer des leçons universelles de son expérience de ce microcosme. Mes textes comme La fonction d’apaisement et La fonction d’adossement, ainsi que le texte de Claudine La fonction d’endossement, dessinent des perspectives que les analystes seraient bien avisés d'explorer s'ils ne veulent pas laisser le champ libre aux dresseurs, aux chimistes et ... aux militaires !
Cordialement,
Daniel Calin
clairea
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Message par clairea »

Je ne signerai pas cet appel, bien que je trouve encourageant que le milieu médical questionne (avec d’autres) les nouveaux dispositifs et adopte une attitude critique face aux prises en charges des enfants. Une vision humaniste de la souffrance d'un enfant et de sa famille ne mérite aucune chapelle théorique, c'est juste une vision humaniste...

Inutile sûrement de préciser que je ne partage pas non plus les critiques acerbes de D. Calin sur les analystes et sur les théories et la pratique construites par S. Freud. La psychanalyse dans son ensemble et Freud lui-même n'a, je le pense, jamais limité son écoute au seul petit névrosé de bonne famille du microcosme viennois. Que cette image me semble réductrice, pour S. Freud et pour les patients qui l'ont amené à construire sa pensée au travers de la rencontre avec leur souffrance.
En revanche, je vais m'empresser de relire les trois textes fondateurs que vous citez et qui me permettront d'enfin sortir de mon attitude analytique que vous jugez si réductrice...
Bref, je trouve ces propos un peu trop vifs et immérités.

Les démarches thérapeutiques appartiennent à chaque praticien, et je ne crois pas que beaucoup de celles pratiquées actuellement en institut s'inspirent franchement de la théorie psychanalytique. Il y a beaucoup plus de thérapie comportementaliste qu’analytique.
Mais la pensée psychanalytique reste la base de la compréhension du fait psychique, qu'il soit de l’ordre du registre névrotique, pervers, psychotique, border line ..... alors il y a souvent des confusions de genre.

Ces enfants de l'AIS, je commence à pouvoir affirmer les avoir rencontrés, certains traînaient cette bonne vieille névrose commune si injustement dévalorisée au regard d'autres organisations psychiques. Mais le trouble phobique ou obsessionnel est il plus confortable qu'une organisation clivée ?
Je l'ignore à vrai dire, certaines d’entres elles m’ont impressionnée et peuvent être que la question est en elle-même déplorable...
D'autres luttaient courageusement contre ces angoisses de morcellement d’anéantissement décrites dans tant d'ouvrages de psychopathologie...
Beaucoup attendaient qu'enfin on leur parle, on écoute ce que leur symptôme voulait en dire...

Bref, fonction d'apaisement, d'adossement, ces notions me semblent familières et pertinentes, elles raisonnent en moi comme des éléments d'un même transfert et contre transfert.

La fonction d'apaisement, rappelle, comme D. Calin l'explique des notions psychanalytiques, peut être le terme de pare-excitation serait assez proche, cela m'avait fait aussi penser aussi aux concepts de handling et holding de Winnicot par exemple mais D. Calin rapproche ce dernier de la notion d'adossement...
Cette pensée me semble riche et pertinente mais en aucun cas ne s'oppose à l'approche psychanalytique selon moi.
Si je peux oser une hypothèse, ces concepts s'organisent dans l'entre deux d'une relation entre un adulte et un enfant dans un cadre "éducatif" alors que les concepts psychanalytiques et plus encore la pratique s'organise dans la rencontre d'un sujet (enfant dans ce cas) avec lui-même (son Moi les conflits intrapsychiques associés et des indices de ses désirs inconscients si refoulement il y a) via une relation analytique et surtout transférentielle.
Daniel Calin
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Message par Daniel Calin »

Ce n'est peut-être pas le lieu ici pour entrer dans des débats de fond sur la psychanalyse, ses théories et ses pratiques. Quelques précisions cependant, après les énervements de mon courriel précédent :

1/ Je ne suis en rien opposé ni à la pensée psychanalytique ni aux pratiques psychanalytiques, dont je n'ai jamais cessé de me nourrir et qui restent, avec l'ethnologie et l'histoire, mes principales références intellectuelles. Je ne m'oppose qu'aux propensions étonnantes et quasi constantes des milieux psychanalytiques aux conservatismes et aux dogmatismes, lesquels dogmatismes vont bizarrement de pair avec un confusionnisme théorique généralisé. La pensée psychanalytique mérite mieux que la plupart de ceux qui l'incarnent.

2/ Je maintiens que Freud n'a travaillé qu'au sein d'un microcosme viennois socialement privilégié. Je ne vois pas comment on pourrait nier une telle évidence. Ça ne retire d'ailleurs rien à l'importance ni à la qualité de l'œuvre pionnière extraordinaire de Freud. Simplement, cela la situe, historiquement et socialement. Il me semblerait d'ailleurs bon que les analystes n'oublient pas les auteurs qui ont précédé et préparé Freud, selon Freud lui-même, à commencer par Nietzsche. Faute de quoi, le risque est grand de faire de Freud un prophète, au pire sens du terme.

3/ Je ne valorise ni ne dévalorise aucune organisation psychopathologique l'une par rapport à l'autre. Je n'ai aucune fascination pour les troubles psychiques. Si je m'y intéresse, ce n'est certes pas pour des raisons de fascination, ni intellectuelle, ni émotionnelle - c'est le moins que je puisse dire. Je me sens donc très étranger à une certaine modernité. Le fond de ma pensée est que les troubles psychiques sont soit stupides, soit dangereux, et souvent l'un et l'autre. Ma remarque acerbe sur les "petits névrosés de bonne famille", assez méchante d'ailleurs pour ces malheureux mômes, voulait seulement signifier que nombre d'enfants souffraient de problèmes d'une toute autre ampleur que les histoires classiques de papa-maman-bébé, et qu'on ne peut rien pour eux si on ne les regarde qu'à travers la grille œdipienne.

4/ Les concepts que je propose doivent effectivement beaucoup à Winnicott, même s'ils relèvent d'un autre angle d'analyse, et, du coup, redistribuent autrement les réalités. Je repréciserai et complèterai sûrement tout cela à l'occasion.

5/ Quant à leur interprétation "éducative" opposée à une approche "psychanalytique", cela revient à nier l'essentiel de ma proposition, certainement pas assez clarifiée en l'état actuel de ces textes. Je cherche à mieux penser des processus archaïques, à la fois dans les relations précoces, mais aussi dans les relations actuelles. Cela me semble ouvrir à un en-deçà de la psychanalyse, comme pensée et comme pratique. L'idée, par exemple, d'une "relation transférentielle" me semble inapplicable avec certains enfants (ou adultes, d'ailleurs !), avec ce que cela implique d'inadéquation des thérapies axées sur une telle relation. Tout comme je ne pense pas que la thérapie analytique soit toujours analysable comme la rencontre d'un sujet avec lui-même. Ou alors, si l'on pose que la thérapie analytique est forcément cela, il faut bien se résoudre à en conclure qu'elle n'est adaptée que lorsque cela est possible. Or, beaucoup d'enfants que je rencontre ne peuvent en aucun cas entrer là-dedans, tout simplement parce qu'ils ont échoué, plus ou moins radicalement, à devenir "sujets". Avec eux, il ne peut s'agir d'accompagner un sujet dans ses transformations, il s'agit de l'aider à se construire comme sujet. Je dirais volontiers : à s'humaniser. Ce qui a pour conséquence, entre autres, de brouiller les distinctions ordinaires entre éducation et thérapie. Ce n'est d'ailleurs pas une idée neuve. Anna Freud, pour d'autres raisons que moi, était déjà sur des positions assez proches sur ce point...
Cordialement,
Daniel Calin
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Message par clairea »

Je joins juste un lien vers un texte intéressant sur la question du trauma qui ne me semble pas trop s'éloigner de la thématique.

http://www.spp.asso.fr/Main/Conferences ... ems/14.htm

La théorie psychanalytique s'enrichit sans cesse et parfois même en redécouvrant des auteurs anciens. S. Freud a infléchi sa pensée jusqu'à ses derniers textes...
Actuellement l'approche de Ferenczi sur la question du trauma et de la technique analytique semble renforcée par la rencontre avec ces sujets aux troubles narcissiques dont les failles sont si archaïques qu'elles résistent aux simples effets de mise en sens.

Bref, je censure tout un bavardage psychanalytique sur ces thématiques et prend alors devant vous le risque d'un retour du refoulé dans un autre post :wink:
Laurynette
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Re: NON à l'abandon sans soins des enfants malades et handicapés

Message par Laurynette »

Enseignante dans une CLIS 1 en Seine-Saint-Denis et en cours de certification, je voudrais vous rapporter mon expérience personnelle de cette année, qui va dans le sens du texte initial du message. A la question : la loi de 2005 va-t-elle être bénéfique pour les élèves ? les familles ? les enseignants ? La seule réponse que je puisse donner est NON.
Cela fait un an maintenant que je me bats dans une classe de 6 élèves (c'est peu me direz-vous) dont les pathologies sont souvent incompatibles et qui sont TOUS sans soins. 1 an que je saisis parents, référente handicap, IEN de la circonscription, psychologue scolaire, IA en charge des CLIS, et la seule réponse que j'obtiens est : on ne peut rien faire contre le manque de place en CMP, on ne peut rien faire si les parents ne veulent rien faire. Et les élèves sont là, incapables d'être accueillis dans les autres classes parce qu'en trop grande souffrance. On gère les crises, les tentatives de suicide, les violences verbales et physiques répétées et trop répétées et tout le monde se dit : "Ah les CLIS je ne pourrais pas" ou "Tu l'as choisi". C'est vrai que je l'ai choisi, mais je n'ai pas choisi, et les enfants non plus d'ailleurs, que les soins soient absents et que tout le monde reste sourd à cette situation. Personne ne peut rien et la loi est censée protéger les enfants ? Non je n'y crois pas.
Moi, la seule chose que je vois, c'est que dans cette histoire j'y ai laissé ma santé, que les enfants sont de plus en plus en souffrance et que la classe va fonctionner comme ça jusqu'à la fin de l'année, jusqu'à ce que les orientations se fassent et qu'on voie moins la misère dans laquelle on a plongé ces enfants.
Si à tout hasard vous avez une piste à me donner pour sortir de cet enfer, je suis preneuse car pour le moment je suis désemparée et je me demande bien à qui profite cette loi (et non pas à quelle logique, parce que ça c'est malheureusement évident).
perecastor

Re: NON à l'abandon sans soins des enfants malades et handicapés

Message par perecastor »

Bonjour

Mon vécu est très différent du votre, Laurynette, mais je suis un parent, pas un professionnel. Je suis assez surpris de l'amalgame qui est fait entre "enfant à l'école" = "privé de soins". Dans le cas de mon fils, atteint d'autisme, ce n'est absolument pas le cas. Son emploi du temps à l'école cette année (avec AVS, rendu possible grâce à cette loi de 2005 que vous dénoncez mais que personnellement je remercie) a été élaboré de manière à être compatible des prises en charge qu'il reçoit (en gros, il va à l'école quand il n'a pas de prise en charge).

Pour moi, l'école et les soins sont complémentaires. Pour un autiste, c'est d'autant plus important que cela lui permet d'apprendre à vivre en société (évidemment avec l'aide de l'AVS), ce qui est justement un des problèmes de base lié à son handicap. Les autres parents d'enfants autistes que je connais sont dans la même approche : il n'est évidemment pas question d'abandonner leur enfant à l'école sans aucun soin, parce que cela ne le fera pas progresser. Ses progrès résultent d'un ensemble dont l'école fait partie.

Il est plus facile à un petit de 3 ans, plus adaptable, d'apprendre comment fonctionne la société des hommes, qu'à un grand de 6 ans passés. Et c'est pourquoi je pense (et les autres parents que je connais aussi) qu'il vaut mieux scolariser un enfant, même à temps partiel, parallèlement aux prises en charge, dès la maternelle, que le priver de la scolarisation jusqu'à un âge plus conséquent : comment un enfant autiste, pris en charge par exemple en HJ ou en SESSAD jusqu'à ses 6 ans, pourrait-il s'intégrer sans difficulté, si on le "jette" dans le bain du CP d'un coup et sans préparation ?

En conclusion, je ne peux que déplorer la situation que vous vivez, mais qui est plus due à "on ne peut rien faire si les parents ne veulent rien faire" comme vous dites, qu'à la loi de 2005. Cette loi, justement, permet à présent à un grand nombre d'enfants autistes d'être scolarisés, alors qu'il y a quelques années les directrices d'école, les maîtresses, rejetaient ces enfants, refusaient de les prendre à l'école. Je suis intimement convaincu que c'est au final au bénéfice de ces enfants.
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