La mise en place de la MDPH, nous le savions, serait une révolution fondamentale dans les procédures et dans les représentations de chacun.
Aujourd'hui, je navigue avec prudence, souvent envahie d'ambivalence et chacune de mes "actions" pensées de psychologue scolaire deviennent plus que jamais hésitantes.
L’institution en appelle à « mes expertises » là où je m’obstine à penser des hypothétiques…
Pourtant l’objet de mes études, le sujet, cet enfant dont l’institution attend l’apprentissage, m’avait-on appris, est un sujet en devenir, un être dépendant de son environnement….
Tous mes livres universitaires m’invitaient au plus grand respect déontologique, et à la plus grande prudence en ce qui concerne la psychopathologie de l’enfant.
L’enfant jeune développe des symptomatologies multiples, malléables, temporaires, au hasard des grandes crises structurantes du développement de l’enfant et des aléas de la vie. Elles n’ont pas de caractères suffisamment stables pour être supports à des pronostics.
Je cite Myriam Boulbi (psychopathologie de l’enfant, édition Dunod) : « Chez l’enfant, on ne peut pas parler en terme de structures, au sens où il est employé pour les adultes. La psychopathologie de l’enfant est caractérisée, de façon fondamentale, par sa mouvance. »
J’ai donc construit mon regard de psychologue en terme économique, j’auscultais

Mes années de pratique m’ont donné la chance de voir plusieurs enfants défier tout présomptueux pronostic, imposer des révisions d’orientation à l’institution, et même parfois surprendre l’entourage thérapeutique par des évolutions rapides. Certaines évolutions étaient tout autant dramatiques qu’étonnantes d’ailleurs.
Mais le fait est qu’un enfant ne s’enferme pas dans un diagnostic, c’est un être en pleine évolution et construction psychique et cette dernière est dépendante de multiples facteurs dont ceux environnementaux.
Alors, mon « expertise » sur l'état psychique d’un enfant…. Pour qui, d’ailleurs, pour quoi ? Je ne sais qu’en dire si ce n'est pour l’instant me taire afin de cacher aux familles mon trouble.
Quant à toutes ces situations d’enfants bénéficiant d’une scolarité en CLIS 1 et qui quitteront la CLIS à la fin de l’année si une étiquette d’enfant handicapé ne leur est pas « aimablement » attribuée….
Comment recevoir des familles et participer, même si cela sera toujours de façon secondaire, à cette logique de l’étiquetage alors que toute ma pensée et mon éthique s’en défend ?
Il me faudra pourtant trouver un espace de cohérence entre ma pratique, les contraintes institutionnelles et ma pensée, sous peine d’une grande fatigue psychique et d’un immobilisme empreint de prudence.
Si, ici, une personne trouvait les arguments suffisants pour me convaincre, et donc m’aider à convaincre les familles de ces enfants en souffrance psychologique, qu’être reconnu handicapé est une bonne chose pour l’enfant…. Vous soulageriez un grand poids….
Mais peut-être que certains agacements et résistances sont plus saines que d’autres ?
Je sonde et re-sonde ma résistance au changement, mes représentations du handicap et de la personne en situation de handicap, pour essayer de comprendre si des raisons masquées n’animent pas ma frilosité face à cette démarche, mais, en ce qui concerne la souffrance psychique et la psychopathologie de l’enfant, je reste convaincue que la MDPH n’est pas adaptée.