Pédagogie pour autistes ????

Avec des enfants présentant des troubles graves de la personnalité.
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Prieux Florita
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Pédagogie pour autistes ????

Message par Prieux Florita »

Je travaille depuis la rentrée en tant qu'enseignante spécialisée (D) dans un hôpital de jour qui vient d'ouvrir, pour adolescents (actuellement de 15 à 18 ans).
Actuellement j'évalue, j'observe les jeunes individuellement à partir de différents supports d'évaluations pour ensuite essayer de constituer des groupes. Pour les jeunes les plus en difficulté qui ne sont pas ou presque pas dans le langage et très peu dans la communication (surtout les autistes) je les observe à partir de supports de médiation que j'ai fabriqués en m'aidant de l'ouvrage "Profil Psycho-éducatif pour adolescents et adultes (AAPEP).
Je l'habitude de travailler avec des adolescents en difficultés (plusieurs années de SEGPA - CAPSAIS F et D) pourtant je suis sans réponse et j'aurai besoin de votre aide pour savoir comment je pourrai aider une jeune autiste de 15 ans qui pour le moment semble rejeter tout ce que je lui propose (cris épouvantables, beaucoup d'impulsivité envers le matériel surtout...) Notre premier entretien a duré 20 minutes : c'était le maximum je pense qu'elle pouvait visiblement endurer (je dis bien "je pense", car je reconnais que j'étais probablement davantage en souffrance qu'elle dans l'incapacité à pouvoir établir une communication). Flora, elle, a montré pendant tout l'entretien un visage très souriant malgré son impulsitivé et ses cris et a malgré tout repassé les lettres de son prénom et de son nom sur papier pointé, elle a assemblé des plaques de couleurs, a collé des gommettes et les a entourées (beaucoup dans l'imitation !!!) A chaque fois elle rentre dans l'activité pendant quelques secondes puis elle jette le matériel et se met à crier).
Florita
Daniel Calin
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Message par Daniel Calin »

Je profite de ce mercredi après-midi tranquille pour me décider à répondre à Florita : je culpabilise de ne répondre qu'à moitié à ses courriels. Comme je la connais et que je l'apprécie, je ne vais pas faire dans la dentelle.
Florita a écrit :comment je pourrai aider une jeune autiste de 15 ans qui pour le moment semble rejeter tout ce que je lui propose (cris épouvantables, beaucoup d'impulsivité envers le matériel surtout...)
Je dois dire qu'en lisant cette phrase, j'ai eu un vif mouvement de sympathie pour cette jeune fille, et son impulsivité envers le matériel surtout. Ce que tu appelles des supports de médiation, avant même de lire la phrase ci-dessus, je m'étais dit que c'était surtout un système d'évitement de la relation directe avec ces élèves étranges (surtout que je connais un peu ce dont il s'agit comme matériel). Et je trouve très réjouissant qu'une gamine autiste mette en pièces le matériel que des "savants" ont mis au point pour l'"éduquer". Vraiment, ce n'est pas de l'humour, c'était une vraie joie. Joie de voir que ces enfants tellement détruits ou non construits peuvent quand même trouver en eux l'énergie et l'intelligence de résister à leur façon à la chosification "éducative" à laquelle on prétend les soumettre, et d'une façon si joliment et si justement ciblée...
Florita a écrit :je reconnais que j'étais probablement davantage en souffrance qu'elle dans l'incapacité à pouvoir établir une communication
Je ne sais pas si tu t'en es rendu compte, mais cette phrase est d'une passionnante ambiguïté. Je soupçonne que tu as voulu dire que tu souffrais, toi, de ne pas pouvoir entrer en communication avec elle. Mais ce n'est pas ce que tu as écrit : littéralement, tu as écrit que tu étais plus en état de souffrance qu'elle n'était elle dans l'incapacité à communiquer avec toi. :wink:

Et de fait je trouve qu'elle a parfaitement su communiquer avec toi : lâche-moi, avec tes gommettes et tous tes "supports de médiation", regarde-moi, parle-moi, interagis avec moi, viens me chercher dans mon univers, là où je suis... :evil:

Pour prendre un peu de recul, je pense, Florita, que tu fais les choses à l'envers. Il n'y a de sens à évaluer un élève que si l'on s'est d'abord assuré que cette évaluation a du sens pour lui, et un sens acceptable par lui. Donc, en gros, qu'il est déjà, subjectivement, en position d'élève. Ce qui n'est à l'évidence en rien le cas avec cette gamine, dont les choses de l'école sont le dernier des soucis et n'ont certainement pas grand sens pour elle. Cela suppose a minima que soit d'abord établie avec elle une relation de sujet à sujet, une communication humaine fondamentale, de quelque façon que ce soit.

Le seul avantage de ces mômes, c'est qu'ils ne sont pas dans le faire-semblant, donc qu'on ne peut pas tricher avec eux. Or tu triches. Tu prétends essayer d'entrer en communication avec elle alors que tu fais tout pour te préserver d'une vraie communication. Je comprends la peur, panique, que peuvent inspirer ces enfants "de l'autre côté du miroir". Communiquer avec eux, tout pauvre mensonge mis à part, c'est d'une façon ou d'une autre partager leur folie, entrer dans leur folie. Au risque, toujours, de s'y perdre. C'est toi qui t'invites dans son monde, elle n'a rien demandé à personne, c'est à toi d'aller vers elle, pas à elle d'aller vers toi. Sinon on fait comme des touristes lamentables qui exigent qu'on parle leur langue et qu'on leur serve les mets de leur pays... Avec ces enfants "étrangers", ou bien on fait un autre métier, ou bien on se risque à cela. Tu ne te retrouves pas là par hasard, tu savais pour l'essentiel ce que tu allais trouver en allant travailler là. Ce que tu ne pouvais pas savoir d'avance, c'est la forme et le degré de ta difficulté à côtoyer la folie de ces jeunes, personne ne peut savoir cela d'avance.

Le problème, c'est qu'on ne peut "côtoyer" (je trouve ce verbe plus adapté ici que "communiquer") ces jeunes qu'en renouant avec le noyau de folie, et même d'autisme, que nous portons tous en nous. Vertiges...

Je reviens aux choses concrètes. Tu sais ce que tu aurais dû faire, ce qui aurait créé une vraie "entrée en matière" avec Flora ? Quand elle s'est mise à mettre en pièces tes :evil: "supports de médiation", tu aurais dû te mettre toi aussi à les démolir, à les balancer aux quatre coins de la pièce, en surjouant tout cela. Thao serait passée du sourire au rire, et vous auriez pu partager un vrai rire, insensé certes, mais partagé, dont ayant en vérité le sens le plus important qu'un rire puisse avoir.
Florita a écrit :Flora, elle, a montré pendant tout l'entretien un visage très souriant
Et tu sais quoi ? Flora a montré par ce sourire qu'elle t'attendait, qu'elle avait confiance en ta capacité à venir vers elle sans la blesser. Ce qui est déjà beaucoup, et qui ne m'étonne pas, te connaissant. J'ai tendance à penser que tu l'as déçue. Ne la déçois pas deux fois. Plonge. La suite viendra en son temps.
Modifié en dernier par Daniel Calin le 14 sept. 2006 23:26, modifié 2 fois.
Cordialement,
Daniel Calin
clairea
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Message par clairea »

Que j'aime cette réponse de D. Calin !

Ça fait du bien de lire ces lignes...
Prieux Florita
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Message par Prieux Florita »

On voit bien là Daniel à quel point tu connais bien tes anciens élèves !
Déjà je te remercie pour ta gentillesse et pour ce temps que tu sais nous accorder !
Je ne mesure pas aujoud'hui le chemin qui me reste à parcourir pour devenir performante avec ce public si "étranger" encore pour moi. Aussi je me suis inscrite aux modules nationaux sur l'autisme à Lyon et Suresnes.

En attendant je vais essayer de moins "tricher" mardi prochain avec Flora et j'espère que je ne la décevrai pas si je n'arrive "à plonger" qu'avec une bouée. Je suis obligée aussi de respecter mes limites, autrement je "tricherai" encore avec cette jeune fille et elle s'en rendra probablement compte.

Il me reste une semaine pour réfléchir à la forme de ma séance ou peut-être pour accepter de ne pas y réfléchir et de ne pas chercher à avoir encore le contrôle de la situation.

La suite au prochain épisode...
Cordialement,
Florita
Daniel Calin
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Message par Daniel Calin »

Florita a écrit :ou peut-être pour accepter de ne pas y réfléchir et de ne pas chercher à avoir encore le contrôle de la situation.
Je suis très favorable à cette deuxième solution, bien sûr (ce qui signifie que j'ai, contrairement à toi, confiance en ta capacité à supporter cette relation : je ne conseillerais pas cela à n'importe qui). :)

PS : "élèves", ce n'est plus dans mon vocabulaire depuis que je n'enseigne plus en lycée. J'utilise des mots objectivement plus justes : "stagiaires" ou "collègues".
Cordialement,
Daniel Calin
akila m
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rencontres avec les parents en hôpital de jour

Message par akila m »

Je remercie d'abord D. Calin, P. Ourghanlian et Claire pour leurs réponses qui réveillent toujours ; en particulier celle de D. Calin à Florita ; même si ce n'est pas pour moi j'en profite.
Je suis en train de rédiger des projets pédagogiques en vue de rencontres avec les parents d'un hôpital de jour. Ces rencontres se font en présence du directeur, de l'éducateur référent, de l'enseignant, et de l'enfant ; l'enseignant est le seul à donner un projet écrit de scolarité à la famille ; l'éducateur et les soignants n'ont pas à rédiger ce genre de chose. Les parents aiment bien ce genre de projets m'a-t-on dit ; ils en ont besoin ; je suis assez étonnée que dans un hôpital de jour où l'enseignement n'est pas mis à la première place, l'enseignant soit le seul à présenter un écrit.

Or, j'en suis au même point que Florita avec quelques enfants ; les rencontrer, leur répondre à ma manière et cacher mon matériel pédagogique (à part mes alphas qui les accrochent), sinon tout vole vite et les coups et les bagarres sont fréquents ; ils disent qu'ils adorent aller en scolaire mais cela ne ressemble pas du tout à des séquences scolaires ce que je fais avec eux : je parle avec mes ressources les plus profondes ; ils partent, ils reviennent, semblent touchés et me laissent des objets personnels dans la classe (peluches, jouets) ; leurs cartables sont trop petits pour emporter des cahiers à la maison me disent certains ; en fait, cela me plait beaucoup et je pense qu'ils vont bien vouloir s'y mettre à la lecture petit à petit ; donc les projets pédagogiques que j'ai rédigés, je les trouve en décalage, même s'ils sont réalistes, et je ne sais comment je vais m'en sortir face au directeur et aux parents ; je pense juste dire que ces projets sont juste des espérances que j'ai pour leurs enfants. J'ai l'impression que ma fonction sert de caution à l'équipe pour intéresser les familles, que c'est une protection qui permet aux familles d'oser venir
à l'hôpital puisqu'on va parler d'école ; or, il semble qu'à l'hôpital de jour, l'école n'est pas la priorité ; c'est le lieu où les enfants ont été malheureux. Donc ma question : parler à qui ce jour-là ? aux enfants présents ou aux parents ? et que leur dire ? merci de répondre ;
m escudie
Pascal Ourghanlian
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Message par Pascal Ourghanlian »

Bonsoir,

Je ne sais pas jusqu'où vous acceptez de vous mettre en danger, ni par rapport à qui.
Pour ce qui me concerne, je ne vois aucune raison de ne pas faire part de ses doutes, de ses hésitations, de ses interrogations, à partir du moment où il est clair pour chacun, l'enfant d'abord, ses parents ensuite, les collègues enfin, que ce qui est dit renvoie à une réalité commune, qui dépasse les faire-semblant, et que ce qui est dit l'est pour faire avancer l'enfant vers plus et mieux de lui-même.

Attention ! Ce n'est pas sans rique. Ça dépend bougrement, non pas tant des parents (même si certaines familles manipulatrices existent) ou des enfants (même si certains peuvent en profiter pour entrer dans la brêche), que des collègues qui ne se sentiraient pas de se comporter de la même manière et, par anticipation, vous en feraient le reproche.
Cordialement,
Pascal Ourghanlian
clairea
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Message par clairea »

A vous lire Escudie, je veux bien croire que vous trouverez les mots qui n'emprisonneront pas l'enfant et les familles dans un objectif pédagogique évaluable mais que vous aborderez des possibles en laissant toute la latitude nécessaire aux enfants pour qu'ils s'emparent à leur façon de votre projet.

Vous savez, parfois dans cette rencontre, ce n'est pas vous qui en direz beaucoup... peut-être est-ce l'occasion pour vous d'entendre le rapport subjectif de ces enfants au scolaire, et celui de leurs parents. Il y a sans doute ici beaucoup de choses à dire et à entendre...

Si je ne me trompe pas, votre position est celle d'un enseignant et vous allez donc être un interlocuteur non médical pour ces familles. Votre regard leur sera précieux. A vous de recadrer l'échange si une autre réalité que celle de l'apprentissage émerge dans l'entretien, (renvoyez vers les équipes soignantes dès que cela semble nécessaire, gentiment mais fermement...), à vous d'entretenir une exigence scolaire même minimaliste mais qui est un des facteurs, je suppose, du processus thérapeuthique...
Votre passage à l'écrit est peut-être symptomatique de votre position d'enseignant. Vous êtes dans le rapport à la normalité, à un avenir possible, vous écrivez d'une certaine façon que personne n'a abandonné l'idée d'un apprentissage donc d'un avenir... D'autres réalités plus douloureuses ne sont pas proprices au passage à l'écrit, les angoisses, les délires ne s'écrivent pas, ils se vivent à 200 pour cent.

Bon courage à vous,

Je trouve votre positionnement très intéressant.
:)
Prieux Florita
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Qui communique quoi ?

Message par Prieux Florita »

Bonsoir Escudie !
Concernant les parents, je suis seule enseignante dans l'équipe pour le moment puisque le poste vient d'être créé !
C'est la première fois depuis que j'enseigne (15 ans) que nous arrivons aux congés de la Toussaint et je n'ai encore vu aucun parent. Nous en avons longuement discuté en équipe avec les soignants. Je n'en ressens plus le besoin comme c'était un peu le cas en arrivant sur ce poste et les familles ne sont pas non plus dans la demande, autrement nous aurions étudié en équipe au cas par cas la nécessité d'un entretien et la composition de l'équipe qui recevrait la famille. J'avoue que je prends considérablement appui sur l'équipe des soignants car ces jeunes de l’hôpital sont dans une grande souffrance. Même si nous avons obtenu une spécialisation j'avoue après lecture intégrale des dossiers des jeunes très bien renseignés par les soignants, que les premiers rendez-vous avec des familles se feront en présence de quelques membres de l'équipe. Je serais je pense tout a fait incompétente pour guider les familles et leur apporter des réponses quant aux problématiques qui se posent tous les jours avec ces jeunes même pendant les temps de classe et qui trouvent une réponse dans les soins.
Les soins sont effectivement ici, comme vous le souligniez, prioritaires et l'école pour le moment vient « compléter l'emploi du temps » de chaque jeune… c’est un plus !!!
Dans un premier temps je reçois chaque jeune individuellement (minimum 3 séances d'observation allant de 15 minutes à environ une heure) dans une salle spécifique que j'ai baptisé "salle d'entretien individuel et de soutien". Comme avait tout à fait raison de le signaler monsieur Calin, la question de l'évaluation et du projet (pour alimenter les PPS) n'est pas la priorité et ne peut se poser que lorsque le jeune arrive à adopter un comportement d’élève. Ce que je lis et comprends dans vos démarches actuelles c'est que vous n'en êtes qu'à construire une relation avec chacun de vos élèves et je n'en suis également qu'à ce stade. Après cette période d'observation, certains jeunes commencent à fréquenter "l'école" (qui se situe dans d'autres salles que j'ai baptisées "Ecole - salle de classe groupe" et "Ecole - atelier" . Nous régulons pour chaque jeune les temps, horaires et fréquences hebdomadaires de prise en charge avec l'équipe des soignants chaque semaine pour la semaine suivante. L'Ecole commence à trouver progressivement sa place dans l'hôpital et les jeunes leur place dans l’Ecole. Mon objectif principal pour le moment, pour un grand nombre de ces jeunes est de leur permettre d’essayer de se réconcilier avec l’Ecole et les apprentissages. Nous utilisons beaucoup les jeux. J’attends avec impatience de pouvoir accéder à l’informatique (problèmes de moyens !). Ensuite nous essaierons de fixer des objectifs plus ambitieux. Donc si je devais rédiger un projet pédagogique pour chacun d’entre eux, il serait très court. Peut-être la simple phrase : « Leur donner l’envie d’aller à l’Ecole ». Pour le moment je n’ai rédigé aucun projet. C’est bien la première année. J’ai pourtant déjà rencontré ou contacté les enseignants des années précédentes pour ceux qui ont déjà été scolarisé. Pour d’autres j’ai pris contact avec les lieux de scolarisation complémentaires (UPI, IME etc….) J’accumule de nombreuses prises de notes de mes observations en classe, pendant les temps d’école, mais aussi des observations des autres membres de l’équipe de soins sur le comportement des jeunes lors des différents temps de médiation, qu’ils font remonter lors des réunions tous les soirs appelées « staff » auxquelles j’assiste. J’ai pour le moment le sentiment que le projet du jeune se construit en équipe tout doucement et qu’il reste révisable à tout moment, tant pour le scolaire que pour les soins. Je participe également aux réunions institutionnelles et cliniques tous les vendredis. C’est pendant ces temps de concertation que la construction du projet prend forme. Si je devais rendre compte de tout cela par écrit je n’aurai plus de temps pour la dite « psycho-pédagogie ». Donc je donne priorité aux jeunes et à l’organisation des temps de classe. C’est déjà beaucoup !!!
Avec chaque jeune, nous fabriquons actuellement leurs cahiers d’activités pédagogiques ou je rends compte de tout ce que nous avons fait en classe depuis la rentrée. Ce cahier est avant tout pour eux. Je ne sais pas encore si ces cahiers iront dans les familles : c’est un de nos questionnements ??? Certains jeunes me l’ont demandé, mais j’ai différé la réponse à ces demandes car là aussi je souhaite avoir l’avis de l’équipe. Je trouve que tout ce que nous construisons avec ces jeunes en classe est très fragile et je ne sais pas comment ce travail sera perçu à la maison et quelles conséquences ça aura pour ces jeunes qui commencent tout doucement à avoir confiance. Nombre d’entre eux n’ont pas la possibilité de communiquer leur avis donc une fois de plus ça sera géré au cas par cas. Ma réponse est peut-être longue, mais en résumé, je voulais surtout vous dire que je n’ai plus du tout le sentiment cette année de rédiger des projets pour des familles, pour des soignants ou pour les inspections, mais plutôt pour garder un fil conducteur dans ce que je fais chaque jour avec ces jeunes et pour réguler mes propositions d’activité au quotidien. Cette régulation se fait même pendant chaque séance selon les réactions des jeunes aux activités proposées et à leur état.
Cordialement,
Florita
akila m
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réponse florita

Message par akila m »

Florita, j'ai bien lu votre réponse ; les parents ne sont-ils pas demandeurs de vous rencontrer ? Si j'ai bien compris, les pathologies des enfants que vous suivez sont extrêmes même si certains ont déjà été scolarisés ; vous avez l'humilité de vous appuyer sur l'équipe pour construire votre poste.

Je demande à M. Ourghanlian ce qu'il met derrière lorsqu'il dit que l'équipe risquerait de me faire des reproches. (pourquoi ?)

Sinon, je trouve la réponse de Claire rassurante et encourageante.
Je suis de plus en plus sûre que cela ne sert à rien de menacer de sanctions, de chercher à faire peur avec ces enfants (comme avec tous) ;
en tout cas, cela ne me convient pas du tout et cela ne fait que faire empirer les choses ; j'ai déjà essayé pour écouter les conseils de mes collègues ; tout ce que je peux dire aux enfants quand j'arrive à être proche d'eux, en empathie, fait de l'effet pour qu'ils acceptent de faire des efforts en scolaire. Mais je vois bien que c'est des efforts énormes.
Je ne voudrais pas à l'issue de ces rencontres avec les familles que des reproches puissent être faits aux enfants ou des leçons de morale (genre il faut t'y mettre...).
Je voudrais aussi savoir ce que vous pensez des collègues qui préconisent un retour aux anciennes méthodes (une bonne fessée, tirer les oreilles) peut-être thérapeutiques ; je ne suis pas perdue par rapport à ça mais je ne sais que leur répondre ; je voudrais aussi trouver quelque chose à dire aux personnes qui se croient obligées de le faire pour ne pas perdre la face devant les collègues. Dans nos métiers, on peut arriver à des situations où des enfants nous griffent, nous insultent, nous frappent ; à l'hôpital de jour où je viens d'arriver, on s'entraide pour contenir l'enfant jusqu'à son apaisement ; des sanctions sont élaborées collectivement par l'équipe très rapidement quand l'inacceptable a été commis. Dans l'établissement où j'étais l'année dernière, ces situations faisaient beaucoup rire les collègues et l'adulte devait plutôt se débrouiller seul (sauf s'il avait la chance qu'un paramédical passe par là).
Même si j'ai quitté cet établissement, je croise encore mes élèves de l'an dernier et je me sens très mal vis-à-vis d'eux car j'ai l'impression de les avoir trompés par ma manière d'être ; je sais qu'ils vont être traités très differemment ; je ne sais pas ce qu'ils vont élaborer (recevoir une fessée, une claque, un coup de pied presque inoffensifs), alors que ma collègue éducatrice et moi-même leurs disions qu'on n'était pas d'accord pour cela et qu'on n'avait pas le droit de le faire ; je suis aussi malheureuse de ne pas avoir réussi à aider ces collègues malheureusement très humains à changer.
mescudie
Pascal Ourghanlian
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Message par Pascal Ourghanlian »

Ce que je souhaitais souligner, c'est un point relativement courant : vous pouvez, parce que vous vous en sentez la force, pour de multiples raisons, dont certaines intimes, de vous "deshabillez" devant d'autres professionnels (ce que j'appelle se mettre en danger) en avouant que vous ne savez pas ou que vous ne savez pas faire, mais qu'en réfléchissant à plusieurs vous trouverez peut-être ensemble la réponse.

Sauf que, cette position, tout le monde ne sait pas avoir l'humilité de la tenir. Et que certains professionnels, qui savent au fond d'eux-mêmes que ce serait ça la bonne réponse, préfèrent vous renvoyer du "c'est n'importe quoi" plutôt que de se l'appliquer à eux-mêmes. Petitesse humaine (nous y sommes tous soumis), mais parfois difficile à vivre au quotidien.

Donc, protégez-vous. Allez jusqu'où vous vous sentez d'aller sans risquer trop pour vous-même. Ceux qui sont dans la même situation de fragilité que vous, c'est-à-dire les gamins, pourront y voir un signe de reconnaissance.
Cordialement,
Pascal Ourghanlian
Prieux Florita
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Message par Prieux Florita »

Réponse à Escudie
"Florita, j'ai bien lu votre réponse ; les parents ne sont-ils pas demandeurs de vous rencontrer ? " ..."Si j'ai bien compris, les pathologies des enfants que vous suivez sont extrêmes même si certains ont déjà été scolarisés"

Même si cela peut paraître étonnant, les parents n'ont à ce jour demandé aucun rendez-vous. Pourtant ils sont informés toutes les semaines des temps de prise en charge à l'école par le biais des emplois du temps individuels communiqués aux familles par l'équipe de l'hôpital de jour.
A la veille des congés, suite aux temps d'observation à l'école et pour certains aux temps de premières scolarisations individuelles ou en groupe, les familles vont recevoir une première note d'informations confirmant "l'admission de ces jeunes à l'école" de l'hôpital ainsi qu'une "demande symbolique" d'un cartable et de quelques fournitures. Cette note leur offre la possibilité de me contacter à la demande concernant la scolarité de ces jeunes. Peut-être va-t-elle déclencher des demandes de rendez-vous. Ce que je voulais surtout vous faire passer, c'est que contrairement à toutes ces années que j'ai passées à l'AIS (SEGPA, UPI....) où là je systématisais les rencontres avec les familles parfois plusieurs fois dans l'année, c'est la première année que je ressens le besoin "de prendre le temps", d'attendre et surtout de mieux individualiser le traitement de chaque PPS en l'adaptant à l'histoire de chaque jeune et en tâchant avant tout de répondre à des demandes venant du jeune s'il peut les exprimer ! Je pense que la notion d'attente et de temps dans la construction du projet est importante si on veut construire quelque chose de "réaliste" et en rendant ces jeunes gens le plus possible « acteurs » dans la limite de ce qu’ils peuvent…. même si "des calendriers de commissions" ne permettent pas toujours de le faire dans la réalité. « Le projet du jeune » est-il simplement « un document administratif » ? Je suppose aussi qu'une différence au-delà de l'importance des pathologies est à souligner entre nos deux situations. Je travaille avec des jeunes de 15 à 18 ans et plus alors que vous travaillez avec des enfants. Je comprends donc tout à fait vos questionnements sur les liens à établir avec les familles…. Un enfant peut-il construire un projet sans ses parents ? L'année passée j'ai travaillé en CAT avec des adultes et jeunes adultes (moins de 25 ans) et la question de la rencontre avec les familles ne s'est jamais posée !!! Donc dans cet entre-deux (« enfants/adultes ») pour des jeunes en très grande difficulté (famille, pas famille ????) qui sont les acteurs qui peuvent aider à l’élaboration du projet ?

"Vous avez l'humilité de vous appuyer sur l'équipe pour construire votre poste".

Vous me trouverez peut-être "utopique", ça fait peut-être parti de ma personnalité, mais je ne pense pas qu'il s'agisse "d'humilité" mais d'une réelle croyance dans la construction de l'avenir du jeune à partir de regards croisés, de l'interaction de réflexions de professionnels travaillant sur différents champs. Des compétences qui se complètent. J'essaye au quotidien de rester à ma place et l'écoute des partenaires est pour moi une richesse dans l'élaboration du projet. Des réunions en équipe, devant les familles, ne sont-elle pas aussi "une sécurité" pour ne pas se laisser emmener sur des terrains qui ne sont pas les notres. Je trouve que c'est très difficile, déjà avec les jeunes de "préserver notre identité de maître D" et qu'il est important de permettre aux jeunes et à leurs familles de bien faire la différence entre "les objectifs des soins" et "les objectifs de l'école". Même si le PPS doit être rédigé par toute l'équipe (enseignants, soignants etc....) je pense qu'il est intéressant de bien dissocier les objectifs de l'école et donc un écrit séparé ne m'interpelle pas. Ce qui m'interpellerait davantage c'est de me retrouver à oeuvrer seule face aux jeunes et à leur famille autour de la question du scolaire, pour un public pour lequel les soins sont incontournables pour rentrer dans les apprentissages.
Pour finir, dans la pratique au quotidien, les jeunes ont l'avantage de pouvoir compter sur une équipe "d’adultes référents" (enseignants, soignants, parents...) et au-delà de nos fonctions respectives bien définies je pense qu'il est important pour eux qu'ils sentent une cohérence dans les prises de décision, j'imagine ce « cadre » rassurant.

Bon courage à vous en attendant et merci aux formateurs et divers intervenants de ce forum qui nous aident par la richesse de ces échanges.

Florita
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