L'écume des heures

Mon ami Gilles Cunin, rééducateur de l’Éducation Nationale, ex-parigot pur jus réfugié à La Rochelle, est aussi le guitariste-chanteur de Paris Paname, groupe de « Jazz Manouche et Chanson Swing ». Son premier CD, Un air de Paname, résonne souvent dans mon appartement. Maintenant épuisé, en attendant le suivant, vous pouvez le télécharger gratuitement, intégralement ou par morceaux, au format MP3.

Il vient de mettre en ligne une série de vidéos de ses derniers concerts. Surprise : il y interprète une de ces vieilles chansons françaises, le plus souvent gravement stupides, mais qui me liquéfient de nostalgie, Mon amant de Saint-Jean. Touché-coulé !

À savourer sans modération :

Paroles de Léon Agel, musique d’Émile Carrara.

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En prime, la version originale de cette rengaine, lancée en 1942, par Lucienne Delyle :

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Emmanuel Todd est un intellectuel de ma génération. Il est même un peu plus jeune que moi : né en 1951, il a plus l’âge de mes frères cadets que le mien. Autant dire que rien ne me prédispose à l’admirer : on sait, ou l’on devrait savoir, que les problèmes de filiation sont d’une acuité extraordinaire dans les milieux intellectuels, qui vénèrent volontiers des maîtres plus âgés, voire morts, mais qui entretiennent des rapports d’intense rivalité vis-à-vis de leurs pairs générationnels. Je ne m’exclus pas de ces problématiques, d’autant moins que ma parenté générationnelle avec des BHL, July ou Finkielkraut ne m’incite certes pas à la  clémence 😆 . J’ai pourtant une admiration sans faille pour Emmanuel Todd, dont j’apprécie l’extraordinaire puissance d’analyse, même quand je me sens en désaccord avec lui (par exemple, il est “libéral”, il “croit au marché”, alors que je suis persuadé que la France n’est une grande puissance économique que de par sa tradition colbertiste). Son indépendance critique et son étrangeté à toute chapelle imposent le respect. La façon dont il interroge notre vie politique et géopolitique avec ses outils anthropologiques est d’une originalité et d’une puissance éclairante hors du commun.

J’avais découvert Emmanuel Todd avec un de ses premiers livres, en collaboration avec Hervé Le Bras, L’invention de la France, paru en 1981. Aujourd’hui encore, je reste persuadé qu’on ne comprend pas grand chose à la société française et à ses soubresauts complexes sans avoir lu ce livre. Les affligeants débats récents sur “l’identité française”, par exemple, ne peuvent être décryptés qu’en relation avec ce que ce livre nous apprend de l’histoire longue et profonde de la population française. Inversement, aucun lecteur de ce livre ne peut accorder le moindre sérieux à de tels débats. Comme tous les grands livres, il hiérarchise : ceux qui l’ont lu ne peuvent plus “discuter” sérieusement de ces sujets avec ceux qui ne l’ont pas lu ; ils ne peuvent qu’interpréter à la lumière de ce livre les discours “incultes” des non-lecteurs de ce livre.

Une grande pensée se révèle aussi par sa puissance prédictive. Les économistes les plus prestigieux sont de ce point de vue plus grand-guignolesques les uns que les autres, tant ils ont coutume de se tromper systématiquement dans leurs prévisions sans jamais se remettre le moins du monde en cause, eux et leurs théories. À l’extrême opposé de ces dangereux comiques, le premier livre d’Emmanuel Todd, publié en 1976, intitulé La chute finale, décrit précisément, treize ans à l’avance, la chute du système soviétique. Seul, il a prévu par où ce système allait s’effondrer, par le centre, alors qu’à l’époque tous les analystes, même  les plus sérieux, soit considéraient le système comme inébranlable (comme Alexandre Zinoviev), soit annonçaient qu’il allait s’effriter par ses marges (comme Hélène Carrère d’Encausse).

Cela n’est pas sans une grande portée. Par exemple, lecteur précoce de L’invention de la France, je n’ai jamais craint le « danger lepéniste », dont ce livre démontre à l’avance l’impossibilité. Ce qui m’a permis de me désaveugler très tôt sur les turpitudes mitterandiennes, que le chiffon noir du « danger lepéniste » avait pour fonction de faire oublier…

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Si je rédige ce message aujourd’hui, alors que j’aurais pu le faire bien avant ou bien après, c’est que les hasards de mes pérégrinations sur le Web viennent de m’amener à lire sur Rue89 (site dit “d’information” souvent peu recommandable) un entretien avec Emmanuel Todd, intitulé Emmanuel Todd : « Notre classe dirigeante n’est pas au niveau », dont je vous conseille vivement la lecture. On y lit des choses fortes et réjouissantes comme :

« En France, comme ailleurs dans le monde occidental, la classe dirigeante s’abandonne à des concepts économiques complétement archaïques, comme le libre-échange. Elle est incapable de mettre en place un dispositif européen de protection économique qui permettrait la relance et la fin du processus de régression sociale.

On a une classe dirigeante qui n’est pas au niveau, qui est en faillite. La spécificité de la France, c’est que la population est capable de le voir. On entend que les Français sont râleurs, qu’ils refusent l’inéluctable mondialisation.

Si vous recodez, cela donne : “Oui, les Français ne sont pas contents d’envisager pour les trente ans à venir une baisse régulière de leur niveau de vie alors qu’on pourrait faire autrement.” »

Ou encore :

« Les systèmes institutionnels sont très différents dans tous les pays occidentaux, mais on constate le même écrasement des salariés, du monde ouvrier, des revenus des classes moyennes. L’un des indicateurs de l’inaction, c’est quand la classe politique justement s’intéresse aux institutions. Le débat sur les institutions, c’est une façon de ne pas parler des sujets économiques. »

Lire l’entretien…

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Dans la foulée, j’ai été amené à découvrir un blog de réflexion de haute volée auquel participe Emmanuel Todd, Pour un protectionnisme européen, que je regrette ne pas avoir repéré plus tôt et dont je vous conseille vivement la fréquentation. Il y est en très bonne compagnie, en particulier Jacques Sapir et Bernard Cassen.

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Je me surprends parfois à penser que l’intelligentsia française “n’est plus ce qu’elle a été”, élucubration sénescente tristement classique. Rien n’est plus faux, bien sûr. D’Edgar Morin à Albert Jacquard parmi mes anciens, d’Emmanuel Todd à Alain Prochiantz parmi mes pairs, notre pays continue à donner naissance à des penseurs critiques d’une qualité exceptionnelle. La nouveauté n’est pas dans leur raréfaction, elle est dans le fait que les “institutions médiatiques” parviennent désormais à les maintenir dans une sorte de clandestinité en dressant entre eux et leur public potentiel un très efficace barrage filtrant qui ne laisse passer que les médiocres et les courtisans des propriétaires ou des commanditaires desdites institutions.

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Dans mon billet précédent, La nouvelle prison des peuples, je reprenais un communiqué d’ATTAC France qui démontait les attaques actuelles contre le peuple irlandais, en mettant en cause les banques « étrangères, surtout allemandes, britanniques, françaises, italiennes ». Je vous invite à lire aujourd’hui un article de Jean Quatremer, daté du 27 novembre 2010, publié dans le journal Libération, pourtant d’ordinaire serviteur zélé de la haute bourgeoisie financière, intitulé Dettes : la zone euro rongée de l’intérieur. La conclusion est sans appel :

« Les “marchés” qui déstabilisent la zone euro sont donc, pour l’essentiel, ses propres banques, pourtant sauvées par l’endettement des Etats qu’elles leur reprochent désormais. Ce sont elles qui mettent en péril, au nom de la défense de l’épargne qu’elles collectent, l’économie de ces pays, voire la survie de la monnaie unique. Une vision à très court terme, car si les économies européennes plongent dans la dépression et si l’euro implose, il ne restera pas grand-chose de l’épargne qu’elles sont censées protéger. »

On ne saurait mieux mettre en évidence le cannibalisme autophagique des puissances financières incontrôlées et leur folle destructivité vis-à-vis des sociétés qu’elles parasitent.

Lire l’article…

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Sur le même thème, mais dans un genre plus rigolard (faut bien vivre), je vous conseille de lire également un article de Sébastien Fontenelle publié aujourd’hui sur son vivifiant blog, Vive le feu !, intitulé Salauds de pauvres.

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*Les mésaventures récentes du peuple irlandais, comme celles du peuple grec précédemment, sont une parfaite illustration des ravages provoqués par la dictature de la haute bourgeoisie financière. Elles mettent aussi crûment en évidence à quel point l’organisation actuelle de la Communauté Européenne est le plus efficace instrument. de cette mise en coupe réglée des peuples de notre continent. Je reproduis ci-dessous l’intégralité d’un communiqué d’ATTAC France qui décrit de façon brève et limpide le fonctionnement de cette insupportable tyrannie des hyènes de la finance mondialisée. Notez cependant qu’ATTAC utilise au passage le terme « erreurs » pour désigner ce qui est en réalité la mise en acte d’une rapacité cynique, arrogante, forcenée, illimitée, systématique, méthodique, organisée, pensée, coordonnée 😥 …

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Sauver les banques ou les Irlandais ?

L’Irlande faisait figure, pour les marchés financiers, de bon élève de la zone euro, illustrant le triomphe d’une politique ultralibérale, basée sur des impôts réduits, des excédents budgétaires, ainsi que sur un secteur financier débridé. Pourtant le « tigre celtique » a fini par payer le prix de ses « vertus ». Après l’éclatement de la bulle de spéculation immobilière, les banques irlandaises se sont rapidement retrouvées au bord de la faillite.

Le gouvernement est alors passé à la caisse, et les excédents budgétaires se sont transformé en gouffre : 32% de déficit en 2010. Plus dure sera la chute, non pour les banques mais pour le peuple irlandais. En effet le plan de « sauvetage » lancé par l’Union européenne et le FMI vise avant tout à sauver les banques… étrangères, surtout allemandes, britanniques, françaises, italiennes, qui avaient prêté massivement aux banques irlandaises pour profiter du « miracle irlandais ».

En contrepartie des sommes débloquées pour refinancer le secteur bancaire, le peuple irlandais doit pour la seconde fois remettre le couvert de l’« austérité », de manière encore plus drastique : au programme, plus de 100 000 suppressions d’emplois publics, des coupes dans les allocations chômage et familiales, ainsi qu’une réduction du salaire minimum.

Des mesures d’autant plus drastiques que le gouvernement refuse d’envisager toute augmentation de la fiscalité sur les sociétés (12,5% contre 33% en France) ; Google, Microsoft et Intel, largement implantés en Irlande, l’avaient d’ailleurs menacé de représailles en cas contraire.

Injuste, cette politique d’austérité est de surcroît absurde, puisqu’elle aggrave la hausse du chômage et assèche la demande intérieure. Ainsi l’agence de notation financière Moody’s a-t-elle indiqué qu’elle allait probablement abaisser « de plusieurs crans » la note souveraine de l’Irlande, en raison des incertitudes économiques nourries par les nouvelles mesures d’austérité… prises pour « rassurer les marchés » !

Les actionnaires des banques irlandaises et européennes doivent payer le prix de leurs erreurs, pas les salariés et contribuables. Pour éponger leurs pertes, la BNP, la Société Générale, Deutsche Bank, HSBC… doivent immédiatement geler tout versement de dividendes.

Aujourd’hui, combattre cette politique globale d’austérité, et avancer de véritables alternatives en rupture avec le modèle néolibéral sont des enjeux essentiels. En Grèce, en France, en Espagne, au Portugal, en Grande-Bretagne, maintenant en Irlande, un processus de mobilisations populaires de grande ampleur est engagé dans la durée. Attac France, avec les Attac d’Europe et le mouvement social européen, y contribuera dans toute la mesure du possible.

À ce titre, Attac France sera présente samedi 27 novembre à 15h devant le siège de l’Union européenne à Paris, en solidarité avec les manifestations qui se dérouleront en Irlande au même moment.

Attac France,
Paris, le 24 novembre 2010

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Sur ces questions fondamentales, on aimerait beaucoup entendre l’avis et les propositions des boursouflures égotiques qui tiennent lieu de dirigeants au Parti dit “socialiste”. On n’entend hélas rien de cet ordre-là. Par conséquent, le futur président, s’il est “socialiste”, risque fort de n’être que le Papandréou du peuple français, donc un ennemi aussi féroce de la grande majorité de nos concitoyens que son actuel président.

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Suis-je bête ! La réponse à mes “doutes” a été donnée, il y a déjà plusieurs mois, et fort clairement, par Martine Aubry soi-même. C’est Jean-Luc Mélenchon qui me la souffle, dans son long billet du 24 novembre 2010 :

« Rappel : Aubry dans son discours le 29 août 2010 à l’université d’été  du PS à la Rochelle, avait salué « le courage de notre camarade Papandréou pour affronter la crise ». Il avait en effet avalé tout rond et sans une protestation le plan de son camarade Dominique Strauss Kahn. Pourtant dimanche 14 novembre Papandréou, l’ectoplasme social démocrate local, a fini par évoquer pour la première fois la possibilité d’“un rééchelonnement du remboursement”. »

C’est clair. Ne venez pas dire ensuite que vous ne saviez pas !

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Il était une fois deux sœurs, toutes deux maîtresses d’école en banlieue parisienne, l’une à l’Ouest, l’autre à l’Est, l’une « maître » E », l’autre « Maître-Formateur ». Elles ont écrit un roman à deux voix, Derniers jours d’école, dans lequel elles décrivent au plus concret leurs expériences croisées de l’univers scolaire, alors ravagé par Xavier Darcos. Le café pédagogique l’a publié au fil de l’été dernier.

Elles écrivent : « L’histoire de ce livre, forcément romancée, est de vous faire partager notre vie et celle de nos élèves, dans l’école de la République durant l’année scolaire 2008/2009, particulière à bien des égards. Tous les enseignants, formateurs ou parents ont perçu des changements sans prendre toujours conscience de leurs conséquences pour l’avenir des écoliers. La narration de ce livre est constituée de chroniques romancées entrecoupées de faits réels (dépêches AFP, discours du Ministre, articles de presse,…). Elle met ainsi en relief la froideur absurde des textes officiels face à nos émotions, nos réflexions pour aider tous les enfants à apprendre, à se construire et à vivre ensemble. Elle est toute proche de la réalité.« 

Pour plonger en leur compagnie dans une école française sous le règne de Sarkozy et de ses janissaires, lisez :

Derniers jours d’école

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