L'écume des heures

Chacun se souvient de ce grand moment, hautement innovant, de la parole présidentielle, quand, le 23 février 2008, Nicolas Sarkozy, alors en visite au Salon de l’Agriculture, lançait à un paysan qui refusait de lui serrer la main : « Casse-toi alors pauv’con ! ». Cette forte formule n’a depuis jamais cessé d’inspirer nos concitoyens d’humeur rebelle, parfois à leurs risques et périls :

« Pour marquer sa solidarité avec les manifestants de la place Tahrir, il a brandi une pancarte “Casse-toi pauvre con !”. Résultat, ce professeur du lycée français du Caire a été rapatrié par le Quai d’Orsay et sanctionné. Il aurait mieux fait de passer ses vacances en Dordogne… »

Lisez la suite de cet article de Nicolas Delesalle, publié par Télérama le 16 février 2011 :

On dit “Dégage Moubarak !” mais pas “Casse-toi pauvre con !”

Événement hautement symbolique du sarkozysme putrescent ! On ne touchera donc jamais le fond ?

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Merci à Pascal !

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Pour ne pas oublier l’épisode original :

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Marie Rose Moro est psychiatre et psychanalyste. Elle n’a plus très bonne presse dans la profession depuis qu’elle a pris la direction de la Maison de Solenn, la fondation de Bernadette Chirac pour les adolescents. Son prédécesseur, Marcel Rufo, avait provoqué les mêmes aigreurs… Ces crispations entre confrères ont tendance à m’insupporter. On peut discuter à l’infini de la pertinence de la Maison de Solenn, mais, dès lors qu’elle existe, mieux vaut, infiniment, qu’elle soit confiée à des personnalités comme Rufo ou Moro qu’à je ne sais trop quel zélote du neurocomportementaliste, ce qui est bien évidemment le risque majeur dans la conjoncture politico-idéologique actuelle. On peut même remercier sincèrement les Chirac de poursuivre, à leur façon, la tradition de soutien à la psychanalyse de la famille De Gaulle (voir mon article Les RASED et le mouvement psychopédagogique).

J’avais découvert Marie Rose Moro par son travail comme chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital Avicenne de Bobigny, en particulier auprès des adolescents issus des immigrations. Elle est à mes yeux la vraie continuatrice de Georges Devereux, le fondateur de l’ethnopsychiatrie, bien plus que Tobie Nathan, le gourou du Centre Georges Devereux, implanté à Bobigny également. Si je vous une grande admiration à Georges Devereux, j’ai toujours considéré que Tobie Nathan trahissait fondamentalement son esprit comme ses pratiques, en particulier en abandonnant l’universalisme humaniste de Devereux au profit d’un ethnicisme désolant et dangereux. Si Marie Rose Moro a travaillé un temps auprès de Tobie Nathan, elle s’en est vite éloignée pour retrouver le positionnement universaliste de Devereux et développer des pratiques inscrites dans cette perspective.

À vrai dire, je savais peu de choses de Marie Rose Moro, que je n’ai jamais eu l’occasion de croiser « dans la vraie vie ». C’est pourquoi j’ai découvert avec beaucoup d’intérêt l’article que Marie Auffret-Pericone lui a consacré dans le journal La Croix du 04 février 2011 : Marie Rose Moro, au chevet des adolescents. Je vous invite à partager le plaisir que j’ai eu à me familiariser quelque peu avec le parcours de cette personnalité chaleureuse, intelligente et respectable. Les maîtres et maîtresses d’école auront, une fois de plus, la fierté de voir à quel point ils peuvent infléchir des vies entières, en particulier lorsqu’ils se font les « passeurs » des pas bien nés.

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Je découvre ce soir un entretien accordé par Edgar Morin à Zineb Dryef et Pierre Haski, à l’occasion de la sortie de son livre La voie. Entretien publié par Rue89 le 23 janvier 2011. Je découvre par la même occasion l’âge d’Edgar Morin, 89 ans, exactement l’âge de mon père. Ça tombe bien. Depuis la lecture de Le paradigme perdu : la nature humaine (Le Seuil, 1973), je le considère comme mon père spirituel, avec Bachelard mais après Bachelard – l’avantage des pères spirituels, c’est que, non seulement on les choisit, mais on peut  de surcroît en avoir plusieurs sans devenir fou, même si point trop n’en faut quand même.

Dans le désespoir intellectuel et politique où nous sommes, les mots de ce grand sage sont toujours précieux. Pas vraiment rassurant,  cependant, le père Morin – on n’y croirait pas, de toutes façons. Pas déprimant non plus – pas déprimable, cet homme-là, après tout ce à quoi il a survécu. Le problème pour moi, à la lecture de cet entretien, c’est que je ne crois guère aux petites choses qui lui donnent des raisons d’espérer : « l’économie sociale et solidaire »,  les « initiatives de vouloir vivre », les « expériences marginales », les « idées de monnaie locale » – le pire étant sa tendresse pour cette idée filandreuse et dangereusement néo-maoiste de « démocratie participative » propagée par notre ravie du Poitou. Je ne peux pas croire un seul instant que ces petites choses sociétales, même les plus intéressantes en elles-mêmes, puissent  compenser en quoi que ce soit la crise politique majeure dans laquelle nous nous enfonçons année après année. Au premier tour des présidentielles de 2007, 67,5% des Français ont voté pour des grands malades mentaux ostentatoires (Sarkozy, Royal et Le Pen). L’Europe, qui devait être un rempart de la démocratie, se fascise à chaque élection nationale, au point d’être actuellement dirigée par un fasciste. Normal : sa prétention à être un « rempart de la démocratie » n’est que le piètre cache-sexe de sa réalité essentielle, qui est d’être l’instrument de la dictature des puissances financières. L’espoir soulevé par Obama s’est effondré en deux ans et menace d’amener au pouvoir des Républicains illuminés pire encore que Bush junior… Certes, le monde arabe nous offre actuellement la divine surprise d’un printemps des peuples, mais cette naissance à la démocratie de nos frères du Sud ne peut en rien nous éclairer sur le sauvetage ou le dépassement de nos vieilles « démocraties » décrépites nées de cette année 1848… Je suis, hélas, bien plus convaincu par ses constats pessimistes sur la crise profonde de la pensée ou la nullité accablante de toute notre scène politique.

Quelques citations :

« Non seulement il y a la dégradation de la biosphère, la propagation de l’arme nucléaire mais il y a aussi une double crise : crise des civilisations traditionnelles sous le coup du développement et de la mondialisation, qui n’est rien d’autre que l’occidentalisation, et crise de notre civilisation occidentale qui produit ce devenir accéléré où la science et la technique ne sont pas contrôlées et où le profit est déchaîné. »

« Seulement, l’expérience de l’histoire nous montre que l’improbable bénéfique arrive. L’exemple formidable du monde méditerranéen cinq siècles avant notre ère : comment une petite cité minable, Athènes, a-t-elle pu résister deux fois à un gigantesque empire et donner naissance à la démocratie ? »

« [Le succès du livre de Stéphane Hessel] est quelque chose de très significatif, de très positif. Son petit livre a une fonction d’éveil mais il faut éviter le malentendu de se concentrer sur la notion d’indignation. Une indignation sans réflexion, c’est très dangereux. L’indignation n’est pas un signe de vérité, une indignation est vraie si elle est fondée sur une analyse. »

Lire l’article…

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Marcel Rufo est un pédopsychiatre que je n’ai jamais croisé, même de loin, mais vis-à-vis duquel j’éprouve une vive sympathie que je n’ai pas envie d’interroger. Je viens de lire de lui, bien tardivement, un entretien initialement donné au Figaro Magazine, et repris sur le site du CIFP, dans lequel il défend la psychanalyse face aux attaques imbéciles de Michel Onfray. Excellente défense et illustration de la psychanalyse, d’autant plus remarquable que son auteur n’est pas toujours en odeur de sainteté dans les milieux psychanalytiques, aux propensions souvent regrettablement dogmatiques.

Au détour de cet entretien, je suis tombé en admiration sur cette formule, qui n’est pas de lui, mais d’un de ses jeunes patients :

La plus belle définition de mon métier, c’est un petit garçon de 5 ans qui me l’a proposée. Il m’a dit : « Toi, tu es le docteur des soucis. »

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Dans un billet récent, j’avais rendu un hommage appuyé à Emmanuel Todd, à mes yeux un des plus grands intellectuels de ma génération. Je viens de découvrir un entretien qu’il a donné récemment à William Bourton, que le journal belge Le Soir a publié hier, mardi 04 janvier 2011. La savoureuse formule que j’ai reprise en titre de ce billet en est extraite.

Il y propose, avec sa profondeur et son tranchant habituels, une analyse de la crise actuelle de l’Europe et de ce qu’elle va probablement induire. Il y reprend ses critiques majeures des deux dogmes fondateurs de la politique européenne de ces deux dernières décennies, celui du libre-échange et celui de la monnaie unique. Il écrit par exemple :

« L‘euro est une abstraction. Les sociétés nationales, avec leurs cultures, existent toujours. Il y a des différences de mentalités, de rythmes démo­graphiques, il y a des traditions de discipline salariale en Allemagne qui ne sont pas concevables en France…
En fait, du temps des monnaies nationales, chacune des économies européennes avait son mode de régulation spécifique qui lui convenait. Des bureaucrates abstraits ont posé l’euro là-dessus et, bien entendu, ça ne marche pas. Et toutes les tentatives institutionnelles, bancaires ou autres, pour que ça fonctionne, ne peuvent pas marcher. Tant que l’Europe est en économie ouverte, dans le régime de libre-échange, il y a une guerre économique acharnée entre les économies européennes dans laquelle l’Allemagne est la plus forte parce qu’elle pratique mieux la compression du coût salarial. Mais dans ce contexte, l’euro est une sorte de prison pour tout le monde, pour laisser les plus faibles ou les moins capables se torturer au niveau salarial, à la merci de l’Allemagne. »

Je suis particulièrement ravi de trouver sous la plume de cet auteur une référence à la différence de « rythmes démographiques » entre les pays européens, une idée qui m’est chère de longue date et qui est généralement occultée.

Je vous invite à lire la totalité de cet entretien. Vous y découvrirez les deux scénarios de sortie de crise qu’il dessine, dont malheureusement le plus pessimiste est le plus probable :

« Je serais très étonné que l’euro survive à 2011 »

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Le même journal a publié précédemment d’autres entretiens avec Emmanuel Todd, tous intéressants :

• « Le protectionnisme, garant de la stabilité »
• L’euro n’existera plus en 2005 (bon, d’accord, là, il s’est planté… sur la date)
  
• « L’Allemagne doit sortir l’Europe de l’ornière » (débat avec Jean-Luc Gréau)
• Emmanuel Todd annonce le déclin de l’empire américain
• etc.
  

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