Apprendre à regarder les élèves
20 décembre 2010Le 24 novembre 2010, j’avais été invité par l’IUFM d’Amiens à donner une conférence sur le thème Les enseignants face aux élèves « à besoins éducatifs particuliers », dans le cadre d’une journée de formation de formateurs. Il s’agissait de réfléchir à ce qu’implique « la prise en compte des élèves à besoins éducatifs particuliers dans des actions de formation », en particulier dans la formation initiale. Cette journée a été entièrement filmée et montée par le vidéaste Gérard Clavet, comme il l’avait fait en Mai 2010 pour un stage ASH organisé par le SNUipp 60.
Les discours ministériels ne cessent de promouvoir l’idée de former tous les enseignants à accueillir les élèves handicapés dans toute leur diversité, afin de résoudre les problèmes que pose le développement de la scolarisation de ces élèves dans les classes ordinaires. Ce discours officiel est certes très peu suivi d’effets, mais, de toutes façons, cette orientation me semble tellement absurde qu’elle ne peut pas dépasser le vœu pieu. En effet, il est déjà très compliqué et très coûteux en temps de former sérieusement les enseignants spécialisés à un enseignement adapté à une catégorie d’élèves handicapés. De plus, les enseignants spécialisés, pour la plupart, s’efforcent constamment par eux-mêmes d’approfondir leur formation, tant leur public est divers et complexe. Une formation des enseignants des classes ordinaires à l’accueil de tous les élèves handicapés ne peut guère que donner des informations institutionnelles basiques et ressasser quelques principes éthiques. De fait, les « formations » réellement mises en place pour répondre à ces injonctions ministérielles ne portent guère que là-dessus. Au pire s’y ajoutent des discours totalement normés sur de prétendus « troubles », qui sont, aux antipodes d’une vraie formation, une machine à fabriquer des préjugés aveuglants. En réalité, le seul accompagnement un tant soit peu efficace des enseignants qui accueillent en classes ordinaires des enfants handicapés se fait par des « personnes ressources », réellement spécialisées, qui répondent au coup par coup aux questions que se posent ces enseignants. Les SESSAD jouent aussi assez souvent ce rôle de conseil pédagogique, en particulier quand ils comptent des enseignants spécialisés.
Pour le reste, je pense que le vrai problème est de former les enseignants des classes ordinaires à l’accueil des élèves ordinaires dans leur diversité. Le moins qu’on puisse dire est que cela n’occupe qu’une place limitée, voire inexistante, dans les formations dispensées par la plupart des IUFM, centrées qu’elles sont sur des « didactiques disciplinaires » obsédées par les programmes nationaux. On ne va certes pas vers une amélioration, puisque le pouvoir sarkozyste a pris la décision ahurissante de supprimer toute formation initiale des enseignants. Cela n’interdit pas de penser ce qu’il serait souhaitable de faire, et ce qu’il faudra bien se décider à faire un jour, par exemple quand la prochaine étude PISA mettra en évidence les conséquences catastrophiques de la politique actuelle. L’extrait de la conférence que vous pouvez visionner ci-dessous s’inscrit dans cette démarche et porte sur un point qui me semble essentiel : apprendre aux enseignants à observer réellement les élèves, ce que les enseignants des classes ordinaires n’ont pas appris à faire et ce dont la plupart d’entre eux n’ont même pas la moindre idée, car ils confondent ce que serait un vrai travail d’observation avec ce qu’ils savent faire, à savoir faire entrer leurs élèves dans des cases évaluatives.
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La totalité de cette journée est accessible sur un site de la FSU 60, Vidéos de stage, dans la rubrique IUFM Amiens – ASH. Ne manquez pas la conférence de l’excellent Alexandre Ployé, historien et formateur ASH à l’IUFM de Créteil.
Retrouvez une vidéo de Jean Calvet dans un billet antérieur intitulé À propos du suivi scolaire.
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