Je reviens pour préciser quelques points après les très pertinentes réponses de Pascal.
Un coup de gueule pour commencer.
perecastor a écrit :Je pense que votre vision des méthodes éducatives date un peu ; avez-vous essayé de voir ce qui se fait maintenant ?
Il serait bon que vous, comme la quasi totalité des "parents militants", perdiez l'habitude de prendre ceux auxquels vous vous adressez pour des imbéciles ou des ignares. Quand on s'adresse à quelqu'un, dans la vie policée ordinaire, on cherche d'abord à savoir à qui on s'adresse. Et si on le juge imbécile ou ignare, on ne lui parle pas d'autre chose que du temps qu'il fait, sauf à être face à lui en position professionnelle. J'ai commencé à travailler dans le cadre de l'enseignement spécialisé dans les années 1980, à une époque où vous ne deviez même pas savoir que l'autisme existait. J'ai reçu ma formation initiale en psychopathologie dans les années 1960, dans un hôpital psychiatrique, par un jeune psychiatre assez remarquable. Je sais certes que tout cela ne suffit pas à garantir la pertinence de mes discours, mais être père d'autiste n'est pas non plus une garantie suffisante. Alors, basta.
Ensuite, une précision :
perecastor a écrit :Il ne s'agit pas de "tuer" la psychanalyse pour instaurer une tyrannie neuro-comportementaliste.
Je veux bien croire que votre objectif à vous n'est pas de tuer la psychanalyse, mais les gens dont vous vous faites le promoteur ont bien, pour une bonne partie d'entre eux au moins, cet objectif. Voyez, sur mon blog ou ailleurs, des témoignages de l'ambiance de chasse aux sorcières psychanalytiques qui se développe ces dernières années dans les universités et les institutions... Sans parler des scandales récurrents des prises de position de l'INSERM, où tout cela prend une allure très directement politique et profondément inquiétante.
A contrario, dans les formations dans lesquelles j'avais des responsabilités, j'ai toujours fait une place à des gens de "l'autre bord", et je ne suis pas le seul. De l'autre côté, ce n'est JAMAIS le cas. L'arrogance et l'intolérance ne sont pas où vous le pensez...
Une précision enfin : je ne suis pas psychanalyste, ni même psychanalysé, ni psychologue ; mes références sont bien plus diverses, en particulier épistémologiques et ethnologiques ; et je suis définitivement allergique à Lacan.
L'essentiel, maintenant.
Si je ne vous ai pas exclu à nouveau, alors même que vous saviez pertinemment cette fois que ce forum n'est pas destiné aux parents, c'est qu'une partie de votre premier message m'a convaincu, tant par son humanité que par sa pertinence. C'est le passage dans lequel vous décrivez les bénéfices que votre fils a retiré de ses prises en charge. Il se trouve que les critères que vous retenez,
la capacité à jouer, en particulier corporellement,
la capacité à exprimer des émotions positives (youpi !),
la capacité à désirer et exprimer ses désirs, en particulier dans des relations de tendresse incarnée, tous ces critères sont exactement les mêmes que ceux que j'ai toujours mis en avant dans mon enseignement... Je dois seulement souligner au passage que ces critères sont étrangers aux méthodes comportementalistes. Mais peu importe : il m'importait que ce soit les vôtres, car cela ouvrait entre nous le terrain d'une possible conversation raisonnable.
Dans le même message, vous dites que les professionnels qui prennent en charge votre fils "
appliquent une éducation structurée, inspirée de ABA et TEACCH". Tout enseignant, spécialisé ou non d'ailleurs, "
applique une éducation structurée" et c'est bien à cela que je tentais de former mes stagiaires, conjointement à mes collègues, bien sûr. Je ne m'inspirais évidemment pas d'ABA ni de TEACCH, mais je m'inspirais pour une part d'Itard, le médecin qui avait recueilli et éduqué l'enfant sauvage "Victor de l'Aveyron". D'ailleurs, une bonne partie du contenu "technique" des méthodes comportementalistes est une resucée, inavouée ou inconsciente, je ne sais pas trop, des inventions géniales d'Itard, qui ont inspiré toute l'histoire de l'enseignement spécialisé, et même bien au-delà, en particulier la pédagogie des classes maternelles, par l'intermédiaire de Maria Montessori. La différence étant ici que les comportementalistes remplacent par les affligeantes pauvretés des conceptions comportementalistes l'inspiration philosophique du Docteur Itard, héritier typique de la philosophie des Lumières, de Condillac en particulier, inspiration qui donnait sens à ses pratiques...
Sur le fond, je maintiens que les méthodes comportementalistes, en elles-mêmes, dans leur inspiration fondamentale comme dans une bonne partie de leurs mises en pratique, relèvent bien du dressage, avec les conséquences parfaitement décrites par Pascal.
Je sais aussi qu'il peut exister un grand écart entre ce qu'on croit faire et ce qu'on fait dans la réalité, c'est la dimension la plus déroutante de ce "facteur personnel" sur lequel nous sommes d'accord. Je l'ai vu chez des gens intellectuellement "de mon bord", dont les pratiques relevaient de fait du pire dressage, même sans aucune inspiration TEACCH - les enseignants n'ont pas attendu les yankees pour faire du dressage, violemment à l'occasion !!! En sens inverse, au premier colloque comportementaliste auquel j'ai assisté, j'ai écouté avec beaucoup d'attention et d'amusement les discours de plusieurs personnes manifestement "braves", en particulier celui d'un jeune pédopsychiatre qui a dû être un des premiers introducteurs de TEACCH en France, un jeune homme sympathique d'allure post-pubère, et qui "mouillait sa chemise" en effectuant lui-même certaines prises en charge. Respect. Ceci dit, il a conclu son exposé par le récit d'un incident qu'il avouait ne pas comprendre, ce qui a fait éclater de rire une salle de professionnels expérimentés : il fallait vraiment tout ignorer du monde intérieur des autistes pour ne pas comprendre cet incident (une fort banale histoire de "rupture de régularité" qui avait induit un effondrement).
Au fond, il me semble probable que votre fils n'a pas affaire, et c'est heureux pour lui, à des comportementalistes convaincus, mais seulement à des professionnels ordinaires, qui font flèche de tout bois, voire qui s'abrite derrière les références comportementalistes qui font plaisir aux parent ces temps-ci pour pouvoir faire tranquillement leur travail... Ces dernières années, je recommandais à mes stagiaires, en référence à l'épistémologie de Paul Feyerabend, ce que j'appelais un
opportunisme méthodologique systématique. La tare, constitutionnelle, de toutes les méthodes, c'est leur caractère méthodique.
En tous cas, bons jeux et bons câlins avec votre fils. C'est particulièrement de saison. Et c'est le sel de la vie.