Re: Discussions ministérielles
Posté : 12 mai 2014 23:38
Ah... les syndicats c'est moins caca quand ça peut donner des infos. Mais je ne suis pas du tout rancunier et j'aime le débat et les désaccords respectueux, c'est comme ça qu'on avance. D'ailleurs, remarque très personnelle, j'ai trouvé lors de mes premiers pas au ministère que ces réunions étaient très policées. Que de précautions oratoires et de tournages autour du pot! On ferait mieux de formuler clairement les désaccords, ça pourrait nous éviter par la suite les approximations et les procès d'intentions.
Bref, j'étais bien au ministère le 7 mai (pendant mes vacances) et je ne pouvais pas ne pas réagir au compte-rendu de l'entretien de Lamar avec son ami de FO.
Une telle manoeuvre électorale, c'est tellement gros...
"tous les autres syndicats sont d'accords, entre eux d'une part et avec le ministère d'autre part pour faire disparaitre la S.E.G.P.A." Ben voyons, Il faut oser...
Je vous laisserai le loisir de consulter les versions de chaque syndicat mais pour moi les choses sont assez claires. Je ferais trois groupes: 1) FO, CGT, FSU, SNALC, qui se sont positionnés clairement pour "le maintien de la structure". Pas toujours avec les mêmes arguments (SNALC) mais avec cette idée commune exprimée par FO dans son compte-rendu: "A chaque difficulté sa structure". Ce qui s'inscrit dans une tradition, une culture de l'externalisation de la difficulté scolaire (voir notre diagnostic plus loin). 2) SUD qui regrette l'aspect trop ségrégatif des SEGPA et souhaite en améliorer le fonctionnement mais en attendant une vraie réforme du collège. Leur position est bien exposée sur un de leur site (et intéressante sur la suite et ce qu'on leur propose après la SEGPA), le lien a déjà été donné plus haut. Je comprend bien leur peur légitime d'une dilution de moyens mais ce que je n'ai pas saisi, c'est ce qu'ils proposent concrètement pour rendre la structure plus inclusive. 3) l'UNSA et la CFDT qui dénoncent une situation bien trop normative, sélective et élitiste tout en ayant bien conscience que certains collèges ne sont pas prêts à prendre en charge des situations de grande difficulté. La refondation du collège est donc indissociable de notre sujet. Etant entendu qu'on souhaiterait plus que le collège se rapproche du fonctionnement de certaines SEGPA (vous noterez là aussi le "certaines") que l'inverse (mais là c'est le SNES qu'il faudrait convaincre). Nous sommes donc pour accompagner et analyser des expérimentations avec des équipes volontaires (certaines débutent à la rentrée mais on peut en imaginer d'autres) ce qui n'est malheureusement pas une habitude dans notre pays.
Voilà, je ne vais pas m'étendre sur les positions des autres (je risquerais d'être un brin subjectif et vais plutôt vous livrer le diagnostic que nos avions préparé pour ce groupe de travail.
Allez, si un dernier tacle pour FO, quand même: déclarer lors de la première réunion qu'on a toujours été opposés aux circulaires de 2006 et 2009 (en faisant référence à 1974) et se plaindre, lors de la deuxième, du fait que "les circulaires de 2006 et 2009 ne sont pas respectées"... Pas bien rigoureux tout ça. Moi je veux bien avoir tous les débats possibles sur l'aspect plutôt protecteur ou plutôt ségrégatif d'une structure mais pas comme ça, pas n'importe comment, en disant tout et son contraire, juste pour donner l'impression d'être les plus virulents et les plus opposés.
Les chiffres correspondent à des notes de bas de page, si vous souhaitez obtenir plus de références.
"Notre diagnostic se base à la fois sur des constats et connaissances issus de travaux de chercheurs, d'études et statistiques de l'INSEE, du CERC, de l'OCDE, et d'observations dans les classes résumés ci-dessous.
En premier lieu, constatons que la SEGPA est composée à 73%, en moyenne, de CSP défavorisées. Les autres CSP choisissent d'autres voies pour leurs enfants en situation de grande difficulté. On trouve ce chiffre dans le rapport Delaubier-Saurat sur « le traitement de la grande difficulté scolaire au cours de la scolarité obligatoire ». Un rapport rédigé à plusieurs mains après deux ans d'observations et de consultations de terrain. Quelques constats les plus éloquents : les élèves de SEGPA sont ceux qui font le plus de kilomètres, éloignés dès la 6ème de leurs camarades de l'école primaire. Les inclusions sont très rares et vont plutôt dans l'autre sens (ULIS vers SEGPA). Les ambitions sont limitées. Dans de nombreux endroits, « le principal est obligé de persuader un enseignant nouvellement arrivé de prendre en charge ce public ». Et enfin ce paradoxe : les élèves les plus « abîmés » par l'école sont ceux à qui l'on demande le plus tôt de choisir une orientation (qui plus est, entre deux champs professionnels imposés).
L'étude PISA de 2013 nous amène au deuxième constat : le système éducatif français est un des plus anxiogènes et des plus inégalitaires. Des pistes sont proposées à partir de ce qui se fait dans d'autres pays pour une meilleure justice sociale : retarder le plus possible la fonction sélective de l'école et cette idée, difficile à admettre dans notre système, qu'il n'y a pas besoin de sacrifier l'excellence au nom de l'égalité. Autrement dit, les fonctionnements coopératifs, inclusifs et plus individualisés n'abaissent pas le niveau des meilleurs pour privilégier les plus faibles mais au contraire ils élèvent le niveau de tous.
Dernier constat : nous ne pouvons nous satisfaire de l'état actuel de l'insertion professionnelle des élèves sortant de SEGPA. Un suivi d'élèves dans le rapport de l’Inspection Générale indique que seulement 35% des élèves sont dans une situation satisfaisante (emploi ou poursuite d'études) trois ans après leur sortie de SEGPA. En 2008, un rapport du CERC constate que « plus d’un élève sur deux sort sans qualification » et que « le système éducatif ne parvient pas à compenser les handicaps environnementaux au contraire, il tend à les renforcer ». Les chiffres de l'INSEE concernant le décrochage scolaire viennent malheureusement corroborer ces observations. Cette étude montre que 70% des élèves entrés en sixième en 1995 et qui sont passés à un moment de leur cursus par une SEGPA ont décroché à un moment de leur scolarité (60% en CAP, 40% dès le collège). A cet égard, il serait souhaitable que le suivi des élèves trois ans après leur sortie de collège soit fait de manière plus rigoureuse et systématique afin que nous disposions d'éléments encore plus précis (Mr Delaubier a reconnu lors de la réunion qu'il avait été difficile de trouver des données tellement le suivi était peu assuré, ndla).
Bon nombre de recherches en sociologie et en science de l'éducation viennent appuyer les constats précédents :
Des recherches sur l’homogénéité et les groupes de niveau : M. Duru-Bellat, B. Suchaut, A. Van Zanten, entre autres, en ont démontré les effets pervers. Effets d'étiquetage, prophéties auto-réalisatrices, ambitions à la baisse, effets pédagogiques comme la parcellisation et la répétition des tâches, entre-soi (effets négatifs sur la socialisation et l'intégration dans le système social et politique). Ils rejoignent tous cette préconisation de B. Suchaut : « la prise en compte de l’hétérogénéité dans la gestion de la classe devrait être une constante de l’acte pédagogique : il y aura toujours des élèves forts, moyens et faibles, des élèves aux aptitudes variées, des élèves appartenant à des milieux familiaux qui entretiennent une plus ou moins grande proximité avec l’école; tout est en fait une question de degré dans cette hétérogénéité et surtout de capacité à l’accepter et à la gérer au quotidien ». De plus : comment apprendre à vivre ensemble sans vivre ensemble ? En matière d'instruction autant qu'en matière d'éducation, nous revendiquons l'hétérogénéité et la mixité sociale. L'objectif n'étant pas d'homogénéiser les niveaux mais de tous les faire progresser. Ainsi le monitorat, la coopération, le tutorat entre pairs devraient être pratiqués beaucoup plus systématiquement. Les élèves moniteurs augmentent ainsi leur niveau de maîtrise d'une compétence puisqu'ils ont à l'enseigner et les élèves bénéficiant de cet enseignement apprennent et travaillent avec un pair.
Les études sur la reproduction sociale, comme celle de C. Peugny, 50 ans après Bourdieu-Passeron, aboutissent aux mêmes conclusions : « Une école moins scolaire, c'est-à-dire qui évalue et classe plus tard et transforme ses pratiques pédagogiques, semble plus efficace du point de vue de la réduction des inégalités entre faibles et forts ». Une mesure à laquelle C. Peugny ajouterait un dispositif universel d'accès à la formation tout au long de la vie (comme le système de bons mensuels de formation danois, utilisables par les salariés lorsqu'ils souhaitent progresser ou se reconvertir) afin de remettre en service l'ascenseur social.
Le passage à l'éducation de masse et à la prolongation de la scolarité, universellement considérés comme nécessaires, n'ont pas pris en compte la nécessité d'une formation professionnelle, initiale et continuée qui tiendrait compte des nouvelles populations scolaires. Ce sont pourtant les avancées considérables des sciences de l'éducation qui rendaient possible une aussi importante mutation. Ce déficit de professionnalisation a conduit au paradoxe de la "fabrication de l'échec scolaire" par les acteurs même du système éducatif, processus décrit par Philippe Perrenoud qu'il importe de prendre en compte dans toute tentative de re-médiation afin de tarir une partie des sources de l'échec.
C'est donc notre culture de l'externalisation de la difficulté scolaire qui est en cause. La médicalisation et la psychologisation de l'échec scolaire en sont les symptômes les plus visibles actuellement. Cette révolution culturelle a pris un nouvel essor en 2005. Elle nous fait passer d'une logique d'intégration à une logique d'inclusion. « L’intégration visant à trouver le meilleur placement pour un élève en situation de handicap ou en difficulté en prenant pour acquis que le problème réside en lui, tandis que l’inclusion, du moins en théorie, vise à questionner et repenser l’ensemble des structures d’accueil afin que tous les élèves se retrouvent dans des conditions optimales d’apprentissage et de reconnaissance ». Il convient maintenant de traduire en actes cette évolution. L'école pour tous est encore à construire. Pour ce faire nous proposons donc de passer de l'externalisation à la personnalisation dont Sylvain Connac donne la définition suivante : « Permettre la personnalisation des apprentissages, c'est adapter au plus près ses choix pédagogiques aux caractéristiques de la personne humaine que représente un élève. Ce n'est renoncer ni aux situations collectives en classe, ni à un rapport intense aux savoirs scolaires. C'est la raison principale pour laquelle personnaliser les apprentissages consiste à trouver un équilibre, à chaque fois propre à chacun, entre des moments de travail individuel, des situations d'aide et d'entraide et des occasions où le groupe entier se concentre sur une activité partagée ».
Ce diagnostic ne remet pas en cause l'investissement et le travail des enseignants spécialisés, PE, PLC, et PLP dans ces structures. Des enseignants spécialisés ont acquis des compétences (évoquées dans le rapport Delaubier-Saurat cité ci-dessus) qui constituent une richesse dont le collège pourrait encore mieux tirer profit. Nous proposons donc d'expérimenter, avec des équipes volontaires, le passage de sections actuelles à des dispositifs de personnalisation des parcours qui pourraient profiter à tous les élèves en situation d'échec (passagère ou persistante) ainsi qu'aux enfants précoces (ce qui présente aussi un intérêt en terme de mixité et de coopération). En effet, les collégiens scolarisés en SEGPA représentent 3 % alors que les jeunes en situation d'échec grave à l'issue de la scolarité obligatoire représentent 7 à 12 % selon les indicateurs choisis. La grande difficulté (devrait concerner) concerne tout le monde. Et le collège devrait être son propre recours, pas les officines privées de cours particuliers, dont nos élèves ne profitent pas."
Voici le travail que nous avions fait mais nous n'avons pas pu développer. Certains préférant perdre notre temps en déclarations préalables et autres postures idéologiques. Mais chacun sa stratégie syndicale et/ou électorale. Voilà qui mériterait un sujet de forum à lui tout seul.
Gwenael LE GUEVEL
Ps : pour continuer le diagnostic il y a aussi ça qui est à voir : http://nemesistv.info/video/S5HG1D6X46X ... ent-si-peu
"Ceux qui possèdent si peu" repasse à 21h sur TV5 monde mercredi soir.
http://www.franceinfo.fr/education-jeun ... 2012-01-30
Bref, j'étais bien au ministère le 7 mai (pendant mes vacances) et je ne pouvais pas ne pas réagir au compte-rendu de l'entretien de Lamar avec son ami de FO.
Une telle manoeuvre électorale, c'est tellement gros...
"tous les autres syndicats sont d'accords, entre eux d'une part et avec le ministère d'autre part pour faire disparaitre la S.E.G.P.A." Ben voyons, Il faut oser...
Je vous laisserai le loisir de consulter les versions de chaque syndicat mais pour moi les choses sont assez claires. Je ferais trois groupes: 1) FO, CGT, FSU, SNALC, qui se sont positionnés clairement pour "le maintien de la structure". Pas toujours avec les mêmes arguments (SNALC) mais avec cette idée commune exprimée par FO dans son compte-rendu: "A chaque difficulté sa structure". Ce qui s'inscrit dans une tradition, une culture de l'externalisation de la difficulté scolaire (voir notre diagnostic plus loin). 2) SUD qui regrette l'aspect trop ségrégatif des SEGPA et souhaite en améliorer le fonctionnement mais en attendant une vraie réforme du collège. Leur position est bien exposée sur un de leur site (et intéressante sur la suite et ce qu'on leur propose après la SEGPA), le lien a déjà été donné plus haut. Je comprend bien leur peur légitime d'une dilution de moyens mais ce que je n'ai pas saisi, c'est ce qu'ils proposent concrètement pour rendre la structure plus inclusive. 3) l'UNSA et la CFDT qui dénoncent une situation bien trop normative, sélective et élitiste tout en ayant bien conscience que certains collèges ne sont pas prêts à prendre en charge des situations de grande difficulté. La refondation du collège est donc indissociable de notre sujet. Etant entendu qu'on souhaiterait plus que le collège se rapproche du fonctionnement de certaines SEGPA (vous noterez là aussi le "certaines") que l'inverse (mais là c'est le SNES qu'il faudrait convaincre). Nous sommes donc pour accompagner et analyser des expérimentations avec des équipes volontaires (certaines débutent à la rentrée mais on peut en imaginer d'autres) ce qui n'est malheureusement pas une habitude dans notre pays.
Voilà, je ne vais pas m'étendre sur les positions des autres (je risquerais d'être un brin subjectif et vais plutôt vous livrer le diagnostic que nos avions préparé pour ce groupe de travail.
Allez, si un dernier tacle pour FO, quand même: déclarer lors de la première réunion qu'on a toujours été opposés aux circulaires de 2006 et 2009 (en faisant référence à 1974) et se plaindre, lors de la deuxième, du fait que "les circulaires de 2006 et 2009 ne sont pas respectées"... Pas bien rigoureux tout ça. Moi je veux bien avoir tous les débats possibles sur l'aspect plutôt protecteur ou plutôt ségrégatif d'une structure mais pas comme ça, pas n'importe comment, en disant tout et son contraire, juste pour donner l'impression d'être les plus virulents et les plus opposés.
Les chiffres correspondent à des notes de bas de page, si vous souhaitez obtenir plus de références.
"Notre diagnostic se base à la fois sur des constats et connaissances issus de travaux de chercheurs, d'études et statistiques de l'INSEE, du CERC, de l'OCDE, et d'observations dans les classes résumés ci-dessous.
En premier lieu, constatons que la SEGPA est composée à 73%, en moyenne, de CSP défavorisées. Les autres CSP choisissent d'autres voies pour leurs enfants en situation de grande difficulté. On trouve ce chiffre dans le rapport Delaubier-Saurat sur « le traitement de la grande difficulté scolaire au cours de la scolarité obligatoire ». Un rapport rédigé à plusieurs mains après deux ans d'observations et de consultations de terrain. Quelques constats les plus éloquents : les élèves de SEGPA sont ceux qui font le plus de kilomètres, éloignés dès la 6ème de leurs camarades de l'école primaire. Les inclusions sont très rares et vont plutôt dans l'autre sens (ULIS vers SEGPA). Les ambitions sont limitées. Dans de nombreux endroits, « le principal est obligé de persuader un enseignant nouvellement arrivé de prendre en charge ce public ». Et enfin ce paradoxe : les élèves les plus « abîmés » par l'école sont ceux à qui l'on demande le plus tôt de choisir une orientation (qui plus est, entre deux champs professionnels imposés).
L'étude PISA de 2013 nous amène au deuxième constat : le système éducatif français est un des plus anxiogènes et des plus inégalitaires. Des pistes sont proposées à partir de ce qui se fait dans d'autres pays pour une meilleure justice sociale : retarder le plus possible la fonction sélective de l'école et cette idée, difficile à admettre dans notre système, qu'il n'y a pas besoin de sacrifier l'excellence au nom de l'égalité. Autrement dit, les fonctionnements coopératifs, inclusifs et plus individualisés n'abaissent pas le niveau des meilleurs pour privilégier les plus faibles mais au contraire ils élèvent le niveau de tous.
Dernier constat : nous ne pouvons nous satisfaire de l'état actuel de l'insertion professionnelle des élèves sortant de SEGPA. Un suivi d'élèves dans le rapport de l’Inspection Générale indique que seulement 35% des élèves sont dans une situation satisfaisante (emploi ou poursuite d'études) trois ans après leur sortie de SEGPA. En 2008, un rapport du CERC constate que « plus d’un élève sur deux sort sans qualification » et que « le système éducatif ne parvient pas à compenser les handicaps environnementaux au contraire, il tend à les renforcer ». Les chiffres de l'INSEE concernant le décrochage scolaire viennent malheureusement corroborer ces observations. Cette étude montre que 70% des élèves entrés en sixième en 1995 et qui sont passés à un moment de leur cursus par une SEGPA ont décroché à un moment de leur scolarité (60% en CAP, 40% dès le collège). A cet égard, il serait souhaitable que le suivi des élèves trois ans après leur sortie de collège soit fait de manière plus rigoureuse et systématique afin que nous disposions d'éléments encore plus précis (Mr Delaubier a reconnu lors de la réunion qu'il avait été difficile de trouver des données tellement le suivi était peu assuré, ndla).
Bon nombre de recherches en sociologie et en science de l'éducation viennent appuyer les constats précédents :
Des recherches sur l’homogénéité et les groupes de niveau : M. Duru-Bellat, B. Suchaut, A. Van Zanten, entre autres, en ont démontré les effets pervers. Effets d'étiquetage, prophéties auto-réalisatrices, ambitions à la baisse, effets pédagogiques comme la parcellisation et la répétition des tâches, entre-soi (effets négatifs sur la socialisation et l'intégration dans le système social et politique). Ils rejoignent tous cette préconisation de B. Suchaut : « la prise en compte de l’hétérogénéité dans la gestion de la classe devrait être une constante de l’acte pédagogique : il y aura toujours des élèves forts, moyens et faibles, des élèves aux aptitudes variées, des élèves appartenant à des milieux familiaux qui entretiennent une plus ou moins grande proximité avec l’école; tout est en fait une question de degré dans cette hétérogénéité et surtout de capacité à l’accepter et à la gérer au quotidien ». De plus : comment apprendre à vivre ensemble sans vivre ensemble ? En matière d'instruction autant qu'en matière d'éducation, nous revendiquons l'hétérogénéité et la mixité sociale. L'objectif n'étant pas d'homogénéiser les niveaux mais de tous les faire progresser. Ainsi le monitorat, la coopération, le tutorat entre pairs devraient être pratiqués beaucoup plus systématiquement. Les élèves moniteurs augmentent ainsi leur niveau de maîtrise d'une compétence puisqu'ils ont à l'enseigner et les élèves bénéficiant de cet enseignement apprennent et travaillent avec un pair.
Les études sur la reproduction sociale, comme celle de C. Peugny, 50 ans après Bourdieu-Passeron, aboutissent aux mêmes conclusions : « Une école moins scolaire, c'est-à-dire qui évalue et classe plus tard et transforme ses pratiques pédagogiques, semble plus efficace du point de vue de la réduction des inégalités entre faibles et forts ». Une mesure à laquelle C. Peugny ajouterait un dispositif universel d'accès à la formation tout au long de la vie (comme le système de bons mensuels de formation danois, utilisables par les salariés lorsqu'ils souhaitent progresser ou se reconvertir) afin de remettre en service l'ascenseur social.
Le passage à l'éducation de masse et à la prolongation de la scolarité, universellement considérés comme nécessaires, n'ont pas pris en compte la nécessité d'une formation professionnelle, initiale et continuée qui tiendrait compte des nouvelles populations scolaires. Ce sont pourtant les avancées considérables des sciences de l'éducation qui rendaient possible une aussi importante mutation. Ce déficit de professionnalisation a conduit au paradoxe de la "fabrication de l'échec scolaire" par les acteurs même du système éducatif, processus décrit par Philippe Perrenoud qu'il importe de prendre en compte dans toute tentative de re-médiation afin de tarir une partie des sources de l'échec.
C'est donc notre culture de l'externalisation de la difficulté scolaire qui est en cause. La médicalisation et la psychologisation de l'échec scolaire en sont les symptômes les plus visibles actuellement. Cette révolution culturelle a pris un nouvel essor en 2005. Elle nous fait passer d'une logique d'intégration à une logique d'inclusion. « L’intégration visant à trouver le meilleur placement pour un élève en situation de handicap ou en difficulté en prenant pour acquis que le problème réside en lui, tandis que l’inclusion, du moins en théorie, vise à questionner et repenser l’ensemble des structures d’accueil afin que tous les élèves se retrouvent dans des conditions optimales d’apprentissage et de reconnaissance ». Il convient maintenant de traduire en actes cette évolution. L'école pour tous est encore à construire. Pour ce faire nous proposons donc de passer de l'externalisation à la personnalisation dont Sylvain Connac donne la définition suivante : « Permettre la personnalisation des apprentissages, c'est adapter au plus près ses choix pédagogiques aux caractéristiques de la personne humaine que représente un élève. Ce n'est renoncer ni aux situations collectives en classe, ni à un rapport intense aux savoirs scolaires. C'est la raison principale pour laquelle personnaliser les apprentissages consiste à trouver un équilibre, à chaque fois propre à chacun, entre des moments de travail individuel, des situations d'aide et d'entraide et des occasions où le groupe entier se concentre sur une activité partagée ».
Ce diagnostic ne remet pas en cause l'investissement et le travail des enseignants spécialisés, PE, PLC, et PLP dans ces structures. Des enseignants spécialisés ont acquis des compétences (évoquées dans le rapport Delaubier-Saurat cité ci-dessus) qui constituent une richesse dont le collège pourrait encore mieux tirer profit. Nous proposons donc d'expérimenter, avec des équipes volontaires, le passage de sections actuelles à des dispositifs de personnalisation des parcours qui pourraient profiter à tous les élèves en situation d'échec (passagère ou persistante) ainsi qu'aux enfants précoces (ce qui présente aussi un intérêt en terme de mixité et de coopération). En effet, les collégiens scolarisés en SEGPA représentent 3 % alors que les jeunes en situation d'échec grave à l'issue de la scolarité obligatoire représentent 7 à 12 % selon les indicateurs choisis. La grande difficulté (devrait concerner) concerne tout le monde. Et le collège devrait être son propre recours, pas les officines privées de cours particuliers, dont nos élèves ne profitent pas."
Voici le travail que nous avions fait mais nous n'avons pas pu développer. Certains préférant perdre notre temps en déclarations préalables et autres postures idéologiques. Mais chacun sa stratégie syndicale et/ou électorale. Voilà qui mériterait un sujet de forum à lui tout seul.
Gwenael LE GUEVEL
Ps : pour continuer le diagnostic il y a aussi ça qui est à voir : http://nemesistv.info/video/S5HG1D6X46X ... ent-si-peu
"Ceux qui possèdent si peu" repasse à 21h sur TV5 monde mercredi soir.
http://www.franceinfo.fr/education-jeun ... 2012-01-30