XXX a écrit :Certains [jeunes collègues] débarquent avec tout l'angélisme inculqué à l'IUFM ou convenant à leurs convictions personnelles. C'est terrible de voir de jeunes collègues revendiquant le respect absolu de l'enfant et la non-violence se faire frapper ou jeter des boulettes de papier dessus de face en classe.
Il faudrait arrêter de se cacher derrière ce genre de conneries. Ni Pascal ni moi ne faisons dans l'angélisme. Ni lui ni moi ne prônons la foutaise du
respect absolu de l'enfant tel qu'il est, ce qui est le déni de l'idée même d'éducation. Ça existe, effectivement, y compris dans les IUFM, où la gauche caviar a casé beaucoup de ses bras cassés. Personne sur ce forum, en tous cas dans ce fil de discussion, n'a pris de telles positions, ni de près ni de loin. Pascal est certainement au moins aussi persuadé que moi qu'un enseignant ne saurait admettre les violences, chaotiques ou organisées, de certains élèves. Comme nous sommes probablement aussi persuadés l'un que l'autre que les apprentissages scolaires fondamentaux passent par un cadre suffisamment calme et une sérénité intérieure suffisante. Il faudrait aussi arrêter de faire comme si Pascal et moi ne proposions rien, ou rien d'autre que de laisser faire n'importe quoi ou de subir les violences des mômes. Nos deux premiers messages proposent des pistes exigeantes de travail et de réflexion qui n'ont rien à voir avec un éloge du laxisme. Et nos réponses aux délires de la
méthode XXX visent surtout à reprendre et affiner nos premières réponses.
Discuter de la machinerie paranoïaque de XXX ne m'intéresse pas du tout en soi, parce que cela ne relève pas du débat rationnel, même si cela, par définition, se présente sous cet angle. J'aimerais donc que le débat se recentre sur les propositions esquissées par Pascal et moi au fil de nos messages. Sinon, j'abandonnerai cette pseudo-discussion.
Julie a écrit :Des gamins dansent sur les tables, se frappent à coups de règle et se poussent dans les escaliers. Sans contention corporelle ni répression, (...) que faire pour les rendre intacts le soir à leurs parents ?
La réponse pourrait tenir en un mot :
éduquer. Et
soigner si besoin, mais cela ne relève plus de l'enseignant, sinon pour passer le relai. C'est d'ailleurs la réponse que Pascal et moi avions d'emblée donnée. Encore faudrait-il nous lire.
Je reprends quand même cette question de la "contention corporelle". Celle-ci n'est acceptable que dans l'urgence. Lorsqu'un enfant
hors d'état d'entendre quoi que ce soit menace de blesser quelqu'un ou de se blesser lui-même, l'usage de la force est acceptable, parfois indispensable. Tout comme, dans la vie sociale, nous avons besoin d'une "force publique", l'appareil policier, lequel se définit par son monopole de l'usage légitime de la force. Un enseignant doit d'abord assurer la sécurité physique de ses élèves (et la sienne, bien sûr !), y compris
si besoin par l'usage de la force, ou l'appel à une personne capable de cet usage. Situations bien connues dans les établissements spécialisés. Le plus grave problème des classes spécialisées est l'isolement de l'enseignant, qui rend très difficile la gestion de ces situations d'urgence, alors que les lourdes équipes des établissements spécialisés parviennent en général à les gérer sans difficultés majeures. J'ai les plus grands doutes sur la pertinence de la présence en CLIS d'une partie des élèves qu'on y trouve, faute tout simplement d'un taux d'encadrement suffisant pour les "gérer". Je comprends, dans de telles conditions, le désespoir de certains enseignants. Je n'ai alors qu'un conseil à leur donner, quitter au plus vite ces postes, pour mettre notre administration face à ses responsabilités. Ce n'est pas impossible : une de mes correspondantes, et ancienne stagiaire, vient d'obtenir dans son département que la création d'une CLIS "TCC" se fasse avec moins de 10 élèves, un enseignant, un AVS
et un éducateur spécialisé. Sinon, nul n'est tenu à l'impossible. Et chacun a le droit et même le devoir de se protéger, en particulier pour éviter de sombrer dans les délires de la
méthode XXX .
Hors urgence,
la contention corporelle n'a pas sa place dans la relation éducative. Par contre, l'
éducation à la maîtrise corporelle, et émotionnelle, est une dimension prioritaire du travail auprès des publics évoqués ici. Laquelle vise, non pas la paix de LA classe, mais la construction en interne chez chaque enfant de cette capacité de maîtrise, condition fondamentale de l'accès à l'autonomie psychique, donc de la capacité à être libre, et responsable. La contention corporelle est ici contre-productive, même quand elle est justifiée par l'urgence, d'ailleurs. Elle ne fait, au mieux, que rendre celui sur lequel elle s'exerce dépendant de cette contention : voir à nouveau la dépendance aux murs de la prison. L'absence de maîtrise corporelle et émotionnelle laisse le sujet en proie au chaos de ses pulsions, ce qui le plonge dans une angoisse intime sans fond et sans fin. C'est pourquoi la contention fonctionne si bien, le plus souvent : plutôt la prison ou la soumission que l'horreur du chaos interne, plutôt la terreur externe que la terreur interne. C'est pourquoi aussi l'addiction à cette terreur externe s'installe très vite (c'est bien une addiction, les toxicomanies "classiques" ont fondamentalement la même fonction). Lire ou découvrir le
Discours de la servitude volontaire d'Étienne de La Boétie, l'ami de Montaigne, décidément un des plus grands livres et des plus indispensables de l'histoire de la pensée. C'est pourquoi enfin la
méthode XXX est ravageuse, car elle rend impossible, ou beaucoup plus difficile, toute éducation ultérieure.
Le principe fondamental de l'éducation à la maîtrise corporelle et émotionnelle, on peut dire plus simplement à la
maîtrise de soi, est précisément de retourner en conquête personnelle ce que les "éducations" autoritaristes font sur le mode de l'imposition. Le meilleur exemple reste le coup de génie de Maria Montessori qu'est la
leçon de silence : alors que depuis la nuit des temps parents et enseignants hurlaient pour obtenir le silence, elle propose à ses très jeunes élèves de s'efforcer fièrement à
produire de beaux silences. La même Maria Montessori intégrait avec bonheur à sa pédagogie pour classes maternelles populaires des pratiques qui s'inspiraient des
leçons de maintien du "beau monde". On n'a pas à exiger de ses élèves qu'ils "se tiennent bien", il faut
leur apprendre à se tenir. Plus largement, les apprentissages psychomoteurs, gymniques et sportifs vont dans le même sens (je préfère d'ailleurs de loin un moniteur sportif, même un peu lourdingue, à un "professeur des écoles" à la XXX). De même tout ce qui relève des jeux de rôles et du jeu théâtral (mais pas l'expression corporelle, à réserver à des élèves déjà éduqués à la maîtrise de soi)...
Au-delà de ces aspects "techniques", la
dimension relationnelle est très importante, voire déterminante, surtout avec un public très problématique, y compris dans les activités que je viens d'évoquer, en particulier tout ce qui permet le fonctionnement du registre de l'
identification. Il est clair que les vertus éducatives des éducateurs sportifs tiennent à leur forte capacité à cristalliser les identifications des enfants, en particulier des garçons en déroute et en mal de virilité. Je renvoie ici à mon premier message sur ce fil de discussion. L'enseignant doit posséder et démontrer sa propre maîtrise corporelle et émotionnelle s'il veut avoir une chance de la transmettre à ses élèves, quoi qu'il fasse par ailleurs. Attention : ce que j'appelle "maîtrise émotionnelle et corporelle" comporte une capacité d'accès à la paix intérieure. Elle est donc aux antipodes d'un blindage défensif paranoïde à fond de haines et de paniques.