Mémoire CAPASH E : Évaluations vs Observations

Questions spécifiques concernant les formations à l'option E (aides pédagogiques spécialisées en RASED).
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Pascal Ourghanlian
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Mémoire CAPASH E : Évaluations vs Observations

Message par Pascal Ourghanlian »

Je mets en copier-coller les échanges initiés par "prioult" qui me semblent pouvoir intéresser un plus grand nombre.
Je suis en formation capa sh cette année et je pense avoir trouvé une hypothèse de travail pour mon mémoire.J'aurai aimé avoir votre avis.
Comment l'évaluation peut-elle être à la fois un outil d'apprentissage,un outil de communication avec le maître de la classe et servir à la prise de décision dans le cadre d'une remédiation en lecture en cycle 2?
Merci pour vos conseils
cordialement
Bonjour,
Évaluation de quoi ? par qui ? pour qui ? sont effectivement les bonnes questions concernant l'évaluation.
Le travail du maître E est-il un travail d'évaluation, c'est une autre histoire...
Lorsque, après "signalement" au RASED d'un élève, le RASED en concertation estime que les difficultés rencontrées par l'élève relèvent prioritairement du maître E, ce dernier prend un temps pour cerner les dites difficultés. Est-ce une évaluation au sens où on l'entend en classe ? Pas de mon point de vue : il s'agit d'une ou plusieurs séances d'observation de l'élève en train de faire et en train de revenir sur ces productions qui, par un entretien adéquat (d'explicitation, par exemple) permet au maître E et à l'élève de mettre à jour les nœuds de difficulté et de décider sur lequel il est prioritaire de travailler.
S'il s'agit pour le maître E d'évaluer où l'élève en est en lecture, par exemple, référé à un niveau "moyen" improbable ou au niveau de la classe, le maître E dévoie le coeur de sa pratique, qui est de remédiation. Certes, "on" va vers ça, mais ce n'est peut-être pas indispensable de précéder les injonctions lorsqu'elles sont peu pertinentes...
Je comprends votre démarche, mais dans ce cas-là, le mot "évaluation" ne convient pas. Il n'est pas neutre, renvoie nécessairement à la notion de "valeur", même associé à formative ou formatrice.
Une autre manière de rendre votre problématique ne pourrait-elle pas être, par exemple : en quoi (ou à quelles conditions) l'entretien sur les difficultés mises à jour lors des premières séances de remédiation peut-il être un outil d'apprentissage pour l'élève et un outil de communication avec le maître de la classe ?
Bon courage.
Je vous remercie pour vos précieux conseils.
Je pensais parler des évaluations comme médial ou des séances d'écriture inventée(...) évaluations que j'ai utilisées durant un an sans en comprendre finalement les tenants et les aboutissants .
Je connaissais vaguement les théories qui étaient "cachées" derrière.
Le choix d'une évaluation ne doit pas être fait au hasard et c'est de ce choix que je voulais parler.
Pour moi les séances d'observation venaient après pour affiner l'analyse et comprendre les erreurs.
Je n'arrive pas à penser un projet sans évaluation tel que médial au départ.
Le rôle d'évaluateur doit-il être uniquement rempli par le maître de classe?
Je nai peut-être pas bient compris.
Merci encore
cordialement
Un travail en remédiation, c'est un renversement de perspective : pour l'élève qui doit prendre conscience de ses points d'appui, pour le maître qui doit utiliser ces derniers pour aider l'élève à progresser.
Les enseignants de l'école "signalent" un certain nombre de gamins "en difficulté". En réseau vous examinez les demandes, les affinez éventuellement, confiez tel gamin à une remédiation, à une rééducation ou à un suivi psy. Par souci d'efficacité, vous essayez de constituer un petit groupe autour de problématiques similaires.
Lors des premières séances, vous observez finement comment les élèves de votre groupe utilisent les supports que vous mettez à leur disposition pour tenter de cerner leurs manières de faire et comment ils interagissent entre eux pour voir si les objectifs spécifiques individuels que vous allez poser avec eux sont compatibles avec le ou les deux grands objectifs généraux du groupe ainsi constitué.
C'est cette phase, essentielle, que vous appelez "évaluation" et que je ne me résous pas à appeler ainsi. Et vous la nommez ainsi parce que les supports que vous imaginez mettre à leur disposition pour ces quelques séances (qui ne sont pas encore le réel travail de remédiation en groupe) relèvent de supports à mon sens trop "scolaires" ou trop marqués "évaluation", le Médial, par exemple. Mais, remis dans son contexte et dans l'usage qu'Ouzoulias imaginait, le Médial est un outil de différenciation en classe, pas d'abord un outil de maître E, même si ceux-ci, démunis d'outils spécifiques, s'en sont emparés.
Je crois plus utile (dans le sens où ça permet de mieux observer les fonctionnements individuels et les interactions) de proposer des jeux, tel le Qui est-ce ? pour la formulation orale d'hypothèses ou Les petits chevaux pour les bases de la numération.
Au bout de 2-3 séances, vous aurez une idée très précise des entrées que privilégient chaque gamin, de ses points d'appui et de ses lacunes, qui vous permettront d'écrire les projets individuels de chacun. Et vous aurez commencé à installer le format des séances : T1 : que fait-on ici/qu'a-t-on fait la dernière fois, à quoi vais-je faire attention au cours de cette séance ; T2 : l'activité en elle-même ; T3 : qu'ai-je découvert, pour ma part, au cours de cette séance.
À vous ensuite d'imaginer une activité de groupe, évolutive sur 12-15 séances, qui va fédérer ces projets individuels en un projet de groupe (en lecture : énigmes policières, jeux de portraits, production d'un album, etc. ; en maths, nombres mystères, etc.).
Voilà. J'espère avoir été un peu plus clair.
Ne vous inquiétez pas : le mémoire se décante au fur et à mesure de vos séances. Et vous ne pouvez pas maîtriser une pratique (d'ailleurs, l'illusion de la maîtrise...) que vous êtes en formation pour acquérir et/ou affiner
Bon courage.
Je suis tout à fait d'accord.Vos réponses m'ont permis de mieux cerner le problème du recueil de données et de l'évaluation en particulier .
Je vous en remercie. Si cela peut profiter à d'autres collègues, alors tant mieux.
Merci encore
cordialement
Cordialement,
Pascal Ourghanlian
Dominique Douay
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Re: Mémoire CAPASH E : Évaluations vs Observations

Message par Dominique Douay »

Je rebondis sur ce sujet, puisque je pense que cela est le cœur de notre de notre identité professionnelle. Cette année, en synthèse réseau de circonscription, je me sens rendue compte que les collègues E prenaient toujours le temps d’une évaluation individuelle avant de mettre en place les groupes, alors que dans le secteur rural dans lequel je travaillais –seul maître E -, j’avais toujours mis en place différentes séances d’investigations qui me permettaient de dresser le profil de chaque élève (point d’appui, difficultés particulières). Pour cela j’utilisais un jeu de logique, des activités autour d’albums, de jeux de rythme… Il est vrai qu’avec certains élèves, un entretien métacognitif est plus facile à réaliser en bilan individuel qu’en petit groupe, - certains élèves , même en petit groupe ont beaucoup de difficultés pour réussir à exprimer leurs difficultés face aux autres-, mais je ne le mettais pas en place pour différentes raisons. D’une part, je ne veux prendre en bilan individuel que des élèves pour lesquels les parents m’ont donné leur autorisation écrite, d’autre part, ce qui m’intéresse en tant que maître E, ce sont les interactions que les élèves vont pouvoir mettre en place et je crains qu’en favorisant une relation duelle, j’induis l’élève en erreur sur mon travail de maître E. Puisqu’apparemment, je n’arrivais pas à cerner correctement les « empêchements » de certains élève du groupe, je me suis dit qu’en individuel, je m’en sortirai mieux. C’est vrai qu’en bilan individuel un entretien métacognitif est plus facile à mener, et c’est parfois nécessaire pour réussir à comprendre le fonctionnement de l’élève sur des points particuliers. Par exemple, j’ai pris en entretien d’explicitation seul, un élève que j’ai suivi au CP, qui est désormais entré dans la lecture pour sa maîtresse, et qui a des difficultés en mathématiques, apparemment le seul en grande difficulté. Pour l’instant, il est dans le groupe de lecture CE1, - nous travaillons sur les différentes stratégies de lecture, pour améliorer la rapidité de lecture, les élèves ayant compris que lire, c’était faire du bruit avec la bouche, mais ils ne sont pas dans la recherche de prise de sens, et j’avais besoin de voir comment il s’y prenait en mathématiques, pour affiner son profil. Cet élève utilise l’ordinalité des nombres, il n’a pas de représentation cardinale. Il applique donc les "recettes" de sa maîtresse qui est très "cadrante", mais que ce soit en lecture ou en maths, il ne réussit pas à être véritablement "apprenti", il n’a pas une clarté cognitive des apprentissages. C’est que j’ai dû aller trop vite l’année dernière, et que je n’ai pas pris le temps d’affiner correctement le profil des élèves, obnubilée par les injonctions hiérarchiques qui ont mis comme priorité la maîtrise de la langue. Mais, j'avais oublié que ce n’est pas parce qu’un élève n’entre pas dans la lecture, que c’est forcément dans la lecture que nous allons trouver ce qui l’empêche d’entrer dans les apprentissages. Or, le fait de s’emparer du Médial, qui pour moi est un outil de "classe", de "différenciation pédagogique" et que les collègues de classe devraient connaître pour leurs "aides personnalisées", nous permet certes d’analyser finement les savoir-faire défaillants, mais pas forcément les procédures inadaptées. Souvent, les élèves que nous suivons, en particulier dans le secteur rural, sont des élèves de milieux défavorisés qui n’ont pas la même connivence culturelle que celles de l’école, et l’école a beaucoup de difficultés à travailler avec eux, les autres élèves entrant sans problème dans le moule. Dès la maternelle, un travail pourrait être fait pour rendre lisible les apprentissages scolaires, les enseignants de classe se sentent démunis pour travailler sur ce point, et les membres du RASED, occupés à de re-médiations quand la difficulté est déjà là bien ancrée, ne se rendent pas disponibles pour ce travail de fond. Mais ceci est aussi un autre sujet.
L’année dernière, je demandais à une élève de CM1, que j’avais déjà suivie au CE1, de dire aux autres ce qu’était pour elle le travail en groupe d’aide pédagogique. Voici sa réponse –c’est une élève qui aimerait être photographe, et a le sens des images-. « On est avec Mme D. parce qu’en classe, ça va pas. Moi, je vois une rivière, et on n’arrive pas à traverser la rivière. Les autres –sous-entendu les autres élèves de la classe- sont déjà de l’autre côté. Tous ensemble avec Mme Douay, on va se construire un pont pour aller de l’autre côté ». Je pense que son image exprime bien le fait de faire des liens. J’ai donc rebondi sur l’image du pont, et j’ai dit que nous allions en effet construire des ponts entre ce qu’on sait déjà mais dont on a pas conscience, des ponts entre nous pour s’aider les uns les autres, des ponts avec ce qui se passe en classe.
Je me rends compte que je ne peux m’empêcher de diverger.
En conclusion, le travail d'observation du maître E n'est pas lié à du matériel spécifique mais à sa posture professionnelle : il cherche à comprendre ce qui empêche l'élève d'apprendre en classe, au niveau de ses méthodes de travail, des stratégies qu'il met en place pour répondre aux exercices scolaires ou moins scolaires. Pour cela, il observe l'élève en classe puis propose différentes activités car suite à l'entretien de clarification avec le maître de la classe, il a déjà une idée de ce qui peut poser problème, en séance d'"investigation" il observe les élèves en train de faire. J'ai réalisé des "grilles" de bilan pour être capable de connaître les savoirs et savoir-faire dans différents champs, -les compétences du livrets scolaires sont beaucoup trop flous pour constituer une base de travail- même au niveau des savoirs, j'ai donc à ma disposition un bilan d'apprenti-lecteur, d'apprenti-compteur, d'apprenti-scripteur, d'apprenti-parleur, bilan des compétences en espace-temps. Si cela peut intéresser certaines personnes, je peux envoyer en fichier joint, mais je ne suis pas tout à fait satisfaite de ces fiches, car j'écris beaucoup plus derrière la fiche que je ne coche des cases.
Merci aux administrateurs de ce forum, car pour moi, c’est un espace de formation privilégié, un espace où l’on peut se poser des questions essentielles, que malheureusement on ne prend pas le temps de poser en synthèse réseau, étant pris par les questions urgentes.
D.D.
Pascal Ourghanlian
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Re: Mémoire CAPASH E : Évaluations vs Observations

Message par Pascal Ourghanlian »

Merci Dominique pour ce long post - dont je partage l'essentiel.

Lorsque les premiers travaux sur l'évaluation ont paru, dans la deuxième moitié des années 70, on pouvait déjà lire une dualité d'approche : ceux qui mettaient l'accent sur les objectifs, les critères et les grilles (renvoyant à l'extérieur de l'apprenant la posture évaluative, référée à des normes, malgré l'utilisation de mots-remparts comme "évaluation formative" ou "formatrice") ; ceux qui faisaient de l'apprenant, plus précisément du retour de l'apprenant sur ses manières de faire, le levier de ses apprentissages.

Les années ont passé. L'approche par objectifs, délaissant ce qui permettait un peu de réelle objectivité, est devenue conformation aux normes qui, en dernière analyse, ne sont que l'aveu du poids des déterminismes sociaux. L'observation a été reléguée à l'histoire des pratiques pédagogiques (façon "leçons de choses"), bien trop dangereuse, car faisant de l'apprenant le sujet de ses savoirs en construction.
je ne suis pas tout à fait satisfaite de ces fiches, car j'écris beaucoup plus derrière la fiche que je ne coche des cases
Surtout, NE CHANGEZ RIEN ! C'est bien dans le retour sur sa pratique, dans la mise à distance permise par l'écriture, dans le dur et acharné travail entrepris pour y voir clair autant qu'il est possible que réside notre tâche.

Bon courage !
Cordialement,
Pascal Ourghanlian
melinayvon
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Re: Mémoire CAPASH E : Évaluations vs Observations

Message par melinayvon »

Bonjour,
je suis moi même en formation"e" cette année et ces échanges m'ont parus particulièrement intéressants.En effet c'est une première pour moi de fonctionner en tant que maitre E et j'avoue que ma plus grande difficulté au début (mais c'est entrain de changer) a été de me démarquer bien clairement du role évaluatif de l'enseignant de classe ordinaire.Je me posais sans cesse la question"est-ce que je ne fais pas la même chose que l'instit de la classe en faisant passer le médial ou autres?
J'avoue avoir laissé tomber avant d'avoir vu individuellemnt tous les élèves signalés et j'ai plutot misé sur un travail de groupe:comment ils se comportent ensemble?Où ça coince?ets-ce qu'il y a des différences avec ce que j'ai observé en classe.
pour autant je réfléchis encore sur"est-ce que j'ai bien ciblé les problèmes".Je pense aussi qu'il faut voir une évolution des enfants et que pour l'instant je suis dans le stress de ne pas la voir!
patrick
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Re: Mémoire CAPASH E : Évaluations vs Observations

Message par patrick »

Très intéressé par les positions de Dominique je me permets d'ajouter un autre éclairage.
Quand on rencontre un enfant suite à une synthèse réseau on est dans des séances préalables qui sont là pour confirmer ou infirmer les décisions de cette synthèse du côté de l'aidant et qui sont là pour permettre à l'aidé de cerner ce dont il va être question comme travail ici.
Il est important que ces séances préalables ne soient pas parasités par des "investigations" trop précises (qui implicitement disent à l'enfant que l'aidant sait déjà ce qui est bon pour lui) ou alors que ce soit explicité et que l'on sache pourquoi on commence par se rencontrer sur ce terrain-là.
Par contre la question se pose différemment si ces évaluations se font dans le cadre de la prévention. Là on se retrouve dans un autre cadre et le dispositif est bien différent. Mais il faut bien marquer cette différence.
melinayvon
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Re: Mémoire CAPASH E : Évaluations vs Observations

Message par melinayvon »

Bonjour.
Merci pour tous ces éclairages !
Si je comprends bien, lorsqu'on fait une action de prévention, il faut que ce soit sur un point très précis alors qu'en remédiation on peut se laisser plus de temps pour cibler les problèmes.
Justement je me demandais si vous pouviez me resituer exactement le contexte d'une action de prévention ? Merci
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