Les sentiments, c'est au programme ???

Questions spécifiques concernant les formations à l'option D ("troubles importants des fonctions cognitives").
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bab0611
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Les sentiments, c'est au programme ???

Message par bab0611 »

Je vais pitèt avoir le droit à la formation CAPA-SH D l'année prochaine...

Bon, c'est pas encore sûr, mais je pense déjà à mon sujet de mémoire...

Comme je travaille avec des élèves autistes et qu'ils sont incapables de discerner les différents sentiments, je baserais bien mon mémoire là-dessus...

Style : comment aider les élèves atteints d'autisme à discerner les différents sentiments ??

Mais j'ai peur qu'on me fasse le reproche suivant : c'est pas au programme, les sentiments !!!

Qu'en pensez-vous ????
bab.
de saint martin
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Re: les sentiments, c'est au programme ???

Message par de saint martin »

Il manque à ta question un raccord aux apprentissages : en quoi les sentiments favorisent-ils les apprentissages ? Ainsi posée, il me semble que ta question relève plus du domaine éducatif ou psychologique que du domaine pédagogique. Or, quels que soient les moyens utilisés et les démarches entreprises, notre finalité de pédagogue est d'amener les élèves à apprendre en les accompagnant selon leurs besoins.
bab0611
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Re: les sentiments, c'est au programme ???

Message par bab0611 »

Je comprends ! Tu veux dire que si j'explique en quoi le fait de reconnaître les sentiments d'autrui aide mes élèves à apprendre, alors là, mon mémoire peut avoir un intérêt !!

Ce qui veut dire qu'en intro, il faut que je légitimise mon choix de sujet...

Mon travail porte sur la reconnaissance de la joie, de la tristesse, de la colère et de la peur...

Le fait que mes élèves reconnaissent ces sentiments sur mon visage (ou sur celui de tous, d'ailleurs) est important au niveau pédagogique dans le sens où s'ils ne voient pas que je suis en colère quand je le suis, ils ne suivront pas les règles que je leur dicte...

Je sais que la tendance actuelle est de faire comprendre aux élèves qu'ils bossent pour eux et donc de ne pas donner de bons points ou autre 'récompenses', mais mes élèves sont atteints d'autisme et ils travaillent plus pour me faire plaisir que pour leur avenir... Alors le fait qu'ils comprennent que je suis contente quand ils réussissent ou que je ne le suis pas quand ils ne font rien me parait être important pour leur apprentissage !
Les enseignants qui utilisent la méthode TEACCH en général, récompensent leurs élèves par des bonbons... Les miens se contentent de mes félicitations ! Mais certains reconnaissent aussi mon contentement et s'en réjouissent... Ceux qui ne le reconnaissent pas sont donc forcément moins motivés !

La peur... Ils sont souvent tellement angoissés, ils voient leurs camarades avoir peur régulièrement... Reconnaître ce sentiment peut les rassurer 'si untel est angoissé parce que le déroulement de sa journée a changé, n'est pas habituel... il n'en est pas de même pour moi, donc je peux garder mon calme...'

Pensez-vous que tout cela se tient ???
bab.
Daniel Calin
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Re: Les sentiments, c'est au programme ???

Message par Daniel Calin »

Pour l'essentiel, je suis d'accord avec de saint martin : le thème de votre mémoire est jouable à condition de faire le lien entre apprentissages scolaires et reconnaissance des sentiments.

Ceci dit, la façon dont vous concevez ce lien est pour le moins problématique. Si je vous comprends bien, vous avez besoin qu'ils perçoivent votre colère ou votre contentement pour les faire bosser correctement. C'est moins pire que les bonbons des dresseurs d'autistes, au moins on est dans des relations d'allure humaine, mais on reste quand même proche des logiques du conditionnement, c'est-à-dire aux antipodes de toute éducation digne de ce nom. Et le fait que vos élèves soient autistes ne justifie absolument aucune transgression de l'éthique de l'éducation. Voir la fin de mon article La question de l’autisme.

Je détaille un peu :
bab0611 a écrit :s'ils ne voient pas que je suis en colère quand je le suis, ils ne suivront pas les règles que je leur dicte
L'exercice de l'autorité éducative ne repose pas sur la colère. Ce n'est pas, pour caricaturer, en "hurlant dessus" un môme qu'on l'éduque. Quand on le fait, on ne lui apprend aucune règle, on lui fait peur - et, ce faisant, on lui apprend que le plus fort et le plus violent impose sa volonté au plus faible et au plus doux. C'est-à-dire qu'on lui apprend la tyrannie. Lire d'urgence mon article Le rapport à la loi.
bab0611 a écrit :mes élèves sont atteints d'autisme et ils travaillent plus pour me faire plaisir que pour leur avenir
Si vos élèves travaillent pour vous faire plaisir, c'est qu'ils ne sont pas autistes ! Ce n'est pas une plaisanterie, je vous le garantis. Un gamin qui est dans une relation affective de ce genre avec sa maîtresse est un gamin qui est dans les limites de la normalité ou qui s'en rapproche.

Sur le fond, les élèves les plus ordinaires, voire les plus adaptés, ne bossent pas "pour leur avenir", c'est une illusion ou une stupidité. Il faut attendre la fin de l'adolescence pour que cela soit possible. Ils ne bossent pas non plus "pour eux", sauf dans des circonstances très particulières de motivation massive pour telle ou telle activité scolaire. Les maîtres Freinet, ou de ce genre, savent, de temps à autre, obtenir de telles attitudes. Plus couramment, si on laisse les mômes choisir, ils préfèrent les jeux aux travaux d'école, et les vacances à la classe ! Tous les mômes bossent, pour une part, "pour faire plaisir" à leurs maîtres et/ou à leurs parents, c'est-à-dire pour se faire aimer d'eux et valoriser par eux. Ce qui suppose, plus en profondeur, qu'ils entrent dans des relations d'identification à leurs maîtres et/ou à leurs parents.

La difficulté, avec des enfants autistes, est de les amener à accepter puis investir les relations aux adultes, de façon à pouvoir ensuite s'appuyer sur ces relations pour les amener vers les apprentissages. Je le répète : si vos élèves travaillent pour vous faire plaisir, vous avez fait avec eux l'essentiel, vous les avez sortis de l'autisme pour les introduire aux relations humaines.

Pour en revenir à votre projet de mémoire, ce qui justifie de travailler la reconnaissance des sentiments avec vos élèves, ce n'est pas une sorte de technique de dressage "au sourire et au froncement de sourcil", c'est au contraire que l'entrée dans les relations humaines suppose de reconnaître ses sentiments, ceux des autres et leurs parentés. Ce qui passe par la construction et l'appropriation de symboles communs de ces sentiments, quels qu'ils soient, gestuels, graphiques ou verbaux.
Cordialement,
Daniel Calin
bab0611
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Re: Les sentiments, c'est au programme ???

Message par bab0611 »

Merci, merci, merci beaucoup de cette réponse très complète !!!

En fait, je ne me mets jamais en colère contre mes élèves, mais j'aimerais qu'ils reconnaissent la colère, et je n'arrive pas à justifier pourquoi, ni ce que cela leur apporterait du point de vue scolaire... Alors je tourne autour d'un pot ridicule pour essayer de rendre ce sujet de mémoire 'conforme', mais apparemment, je m'y prends mal...

Je sens, quelque part, que "la construction et l'appropriation de symboles communs des sentiments" (c'est super bien dit !) les enrichirait... mais je n'arrive pas à expliquer en quoi cela pourrait les aider à entrer dans les apprentissages...

Votre article La question de l’autisme, je l'ai lu il y a 2 ans, je vous avais alors écrit et vous aviez la gentillesse de me répondre pour m'éclairer...
C'était mes débuts : mon attirance vers ces enfants a commencé à ce moment là... Depuis, j'en ai lu des tonnes, mais il est difficile de se faire une idée propre sans expérimenter, car beaucoup d'avis se contredisent sur le sujet...
Je m'en vais le relire, bien que je m'en souvienne pas mal... Il avait été pour moi comme un pavé dans la mare !!!

Quand je dis que certains de mes élèves travaillent pour me faire plaisir, je pense en réalité à une d'entre eux en particulier qui est diagnostiquée 'autisme de Kanner pure'... Elle est extrêmement angoissée ; elle est celle qui, de mes élèves, correspond le plus à la définition d'un enfant autiste dans une encyclopédie !! Elle a 16 ans.
Est-ce que je me fais une idée quand je pense qu'elle travaille pour me faire plaisir ??? Je ne crois pas, mais après tout, c'est possible... En tous les cas, mes félicitations l'illuminent !! Elle rayonne quand je lui serre la main pour lui signifier qu'elle a bien travaillé (elle en a même parlé à sa mère alors qu'elle communique très très peu, ou alors juste par écholalie...)

Loin de moi l'idée de dresser mes élèves "au sourire et au froncement de sourcil" bien que l'idée m'ait fait sourire !!
Mais alors, comment rendre ce mémoire 'éducation nationale'... Je sens bien qu'on peut facilement me reprocher de sombrer dans l'éducatif alors que je dois me borner à mon rôle d'enseignante...

Même si "l'entrée dans les relations humaines suppose de reconnaître ses sentiments, ceux des autres et leurs parentés", j'ai bien peur que ce sujet ne soit pas recevable... et je ne devrais d'ailleurs peut-être même pas aborder ce genre de compétences dans ma classe... Mes élèves sont aussi suivis par des éducateurs, et peut-être devraient-ils apprendre tout cela dans leur atelier...
bab.
Daniel Calin
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Re: Les sentiments, c'est au programme ???

Message par Daniel Calin »

Quelques précisions encore.

Je n'ai pas voulu signifier qu'il faut proscrire la colère. La colère fait partie des sentiments humains, et il est bon que l'enfant l'éprouve, y compris de la part de ses parents et de ses maîtres. J'ai seulement voulu dire que la colère en elle-même n'est pas éducative, ou plus exactement n'éduque pas à la loi. Mais elle peut le devenir quand elle est prise dans une relation humaine vivante et investie par l'enfant.
Je ne suis même pas loin de penser que l'enfant "a droit à la colère" de la part de ses éducateurs. Tout enfant éprouve de la colère, plus souvent qu'à son tour. Il ne peut donc pas se sentir humain si les adultes sur lesquels il modèle son humanité ne lui renvoient qu'une impassibilité permanente. Dit autrement, il faut que l'adulte éduquant soit faillible pour ne pas écraser l'enfant en lui rendant inaccessible cette humanité dont un tel adulte lui donne une telle image. Les "parents parfaits" sont terrifiants et écrasants. Ça ne veut évidemment pas dire qu'on peut faire n'importe quoi ! Mais montrer sa colère de temps à autre (car en réalité on a forcément très souvent des mouvements internes de colère !) n'est pas une mauvaise chose...

Au vu de ce que vous en rapportez, il est fort probable que cette adolescente autiste (pas si kannérienne pure que ça, soit dit en passant) travaille vraiment pour vous faire plaisir. Ce qui me semble toujours témoigner que vous lui faites un bien fou et que vous la sortez de l'autisme, au moins dans les moments où se font ces interactions, et même bien au-delà, puisqu'elle en parle à sa mère ! Cela indique que vous avez su construire avec elle une relation réellement humanisante, et c'est remarquable.
bab0611 a écrit :Je sens bien qu'on peut facilement me reprocher de sombrer dans l'éducatif alors que je dois me borner à mon rôle d'enseignante...
Mais qu'est-ce que c'est que ce vocabulaire ! Je sais qu'une bande de fachos pseudo-intellos propagent ce genre d'insanités, en ayant en plus le culot de se faire passer pour des "républicains" ! Mais ce n'est pas encore tout à fait une doctrine officielle et il n'y aucune raison de prendre les devants !
On ne "sombre" pas dans l'éducatif. C'est très bien, l'éducatif, c'est ce qui nous humanise. L'enseignement n'est pas le contraire de l'éducatif, il n'est pas et ne doit surtout pas être distingué de l'éducatif, il est et doit absolument être une forme de l'éducatif. Lisez et relisez la citation de Haim Ginott qui conclut l'article Simplement humain de Sylvain Grandserre. Elle devrait figurer au fronton de tous les établissements scolaires. Et universitaires, plus encore, parce que le danger du mépris y est plus grand encore.

Plus concrètement, pour vous, c'est-à-dire en pensant à l'examen qui vous attend :
Dans l'option D, je n'ai jamais rencontré un professionnel qui y connaît un tant soit peu quelque chose ne pas comprendre parfaitement que l'enseignement auprès de ces élèves passe souvent par des voies bien éloignées des voies ordinaires de l'enseignement, surtout à des élèves d'âge comparable. Une de mes stagiaires de ces dernières années a fait son mémoire sur la symbolisation des émotions, et son mémoire a obtenu une excellente note. Et je n'étais pas dans son jury ! Seule exception, une fois, c'est peu sur 20 ans d'ASH, un IEN de circonscription particulièrement bas de plafond et totalement étranger à l'enseignement spécialisé. Mais les IEN ordinaires, c'est au maximum une personne sur quatre, et la plupart sont d'ailleurs tout à fait compréhensifs !

Un conseil très concret, pour une fois : mettez la citation de Haim Ginott en exergue de votre mémoire, ça devrait suffire à calmer d'éventuelles pulsions nocives d'un éventuel mou du bulbe ! :D
Cordialement,
Daniel Calin
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Re: Les sentiments, c'est au programme ???

Message par bab0611 »

Quel bonheur de vous lire M. Calin !!! Quel bien ça fait !!

J'ai relu La question de l'autisme, j'ai lu Le rapport à la loi et Simplement humain... j'ai adoré les 3 !!!

Tout cela était en vrac dans ma tête, et ces lectures ont tout rangé !!! Me voilà avec les idées beaucoup plus claires qu'il y a 2 jours !

Je comprends bien que l'éducatif nous humanise, et je suis très humaine, rassurez-vous !
Mais mes élèves sont aussi pris en charge par 3 éducateurs à temps plein... alors que je ne travaille qu'à mi-temps avec eux... Ce qui veut dire que la partie éducative, ce n'est pas moi qui doit m'en occuper, et que je dois faire attention à ma mission : je dois les scolariser...

Bien sûr que je leur explique comment se moucher si leur nez coule, alors que ça n'a rien de scolaire... mais je ne crois pas que faire mon mémoire sur la façon dont je les apprends à se moucher soit pour autant réalisable !

Je réfléchis rarement au 'pourquoi je fais les choses'... mais je réfléchis beaucoup à ce que je peux mettre en place et je réalise assez bien les besoins de mes élèves... je les ressens... je crois que je ne m'en sors pas trop mal, mais le mémoire me fait peur, parce qu'il m'oblige à justifier mes choix, alors que je ne sais pas réellement...

J'ai réussi à trouver un club-théâtre dont tous les membres ont accepté de faire des photos où ils miment 'colère, joie, tristesse et peur'...
Le résultat est vraiment chouette, je voudrais m'en servir pour aider mes élèves à distinguer ces sentiments... et si ça peut servir pour mon mémoire, c'est encore mieux, je prendrais alors le temps d'analyser ce que ça leur apporte...

Ma question pourrait alors être "distinguer joie, tristesse, peur et colère... cela aide-t-il les élèves autistes à entrer dans les apprentissages ?"

En prenant d'un côté mon élève "pas si kannerienne que ça" et un autre très peu motivé, je me suis dit que c'était peut-être justement parce qu'il ne distinguait pas notre joie quand il se donne du mal, ou notre tristesse/colère quand il ne fait rien qu'il ne se donnait pas à fond...
Mais je ne voudrais en aucun cas "le dresser au sourire et au froncement de sourcil !!!", juste lui trouver une raison d'être un peu plus motivé !!!

Si vous avez d'autres lectures à me conseiller, je suis preneuse, car je remarque grâce à tout ce que vous me proposez que ce que je mets en place n'est pas si mal que ça, même si je ne sais pas vraiment pourquoi je le fais : cela justifie mes choix après qu'ils aient été faits...
Même si la norme aurait voulu qu'en lisant tout cela, je comprenne plutôt ce que je dois mettre en place...
bab.
Daniel Calin
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Re: Les sentiments, c'est au programme ???

Message par Daniel Calin »

Remarque préalable : si j'avais douté de vos qualités humaines, je n'aurais pas pris la peine de vous répondre. Et je n'en ai pas douté, malgré tout ce qui était susceptible de m'énerver dans vos façons de dire les choses, à cause d'un truc très simple : le titre que vous avez donné à ce fil de discussion : "Les sentiments, c'est au programme ???". Parce que ce titre, à sa façon, c'est du pur Haim Ginott ! Parce qu'il appelle forcément une réponse en deux temps : 1/ c'est pas au programme, évidemment ; 2/ si les programmes récusent tout sentiment, ils sont inhumains et il ne faut surtout pas les appliquer !!!

Une information manquait dans vos courriels précédents : votre place par rapport aux éducateurs spécialisés. Et ça, c'est très fréquent dans les établissements spécialisés, même avec des élèves qui n'ont rien à voir avec l'autisme. Et c'est très chiant et très compliqué à résoudre. Rabattre les enseignants sur le scolaire "pur et dur" avec des mômes qui, par déficience ou psychose, sont à des années-lumière de ça, c'est absurde, insoutenable, ça accule à faire n'importe quoi. Parce qu'il est "évident" (au moins pour moi) que le scolaire, avec tous ces mômes très éloignés du scolaire "pur" (qui n'existe pas vraiment d'ailleurs, mais c'est une autre histoire, je ne vais pas me lancer là-dedans...), la seule solution c'est de greffer peu à peu du scolaire sur du pas-scolaire, sur quelque chose comme l'apprentissage de la vie et du vivre ensemble... Il existe une seule vraie solution à ce problème, c'est une collaboration systématique entre éducateurs et enseignants. Mais ça passe par des décisions institutionnelles qui ne dépendent pas de vous et ça ne peut pas être l'objet de votre mémoire...

Reste donc à justifier qu'apprendre à distinguer les sentiments relève du scolaire... Le truc des photos expressives, c'est très bien. Ma stagiaire qui avait fait son mémoire sur pratiquement le même thème que vous avait procédé à peu près de cette façon. Partez de ça, effectivement. Mais jouez un peu là-dessus. Par exemple en faisant dans un second temps produire ces photos par vos élèves, et/ou en leur demandant des dessins. Ma stagiaire avait aussi eu l'idée géniale de faire des "planches expressives" qu'elle utilisait un moyen d'expression et de communication de leurs sentiments par les élèves avec elle et entre eux. En réalité, d'ailleurs, c'est un de ses élèves, pratiquement sans langage, qui était allé spontanément chercher une de ces planches pour signifier l'état affectif dans lequel il était (très en colère !). Son génie avait été de comprendre immédiatement l'intérêt de cet acte et de rebondir ensuite là-dessus pour tous. C'est souvent comme ça en pédagogie, ce sont les élèves qui nous apprennent notre métier - y compris mon métier bizarre de formateur !

Dans le titre que vous envisagez, le fait que vous alliez tout de suite vers "entrer dans les apprentissages" me semble trop rapide, un peu trop "tiré par les cheveux". Il manque une étape intermédiaire. Il me semble que ma stagiaire avait utilisé une formule psy un peu bateau, "accéder à la symbolisation", et n'avait évoqué le "pur scolaire" que dans un second temps. Pourquoi pas ? Mais je vous renverrais plus volontiers à l'expression que j'ai utilisée dans un courriel précédent : construire et s'approprier des symboles communs de ses sentiments, comme étape fondamentale pour entrer ensuite dans des usages significatifs du langage, parlé ou écrit. Dit sur un mode plus scolaire, ça donne en gros : s'approprier d'abord un "lexique des sentiments" pour entrer ensuite dans "la langue"... Ce que vous appelez "apprentissages" ne vient qu'en dernier lieu, au moment de la systématisation de l'entrée dans la langue, une langue qui ne peut être vraiment "appropriée" que si elle est irriguée par de vraies relations et de vrais affects.

Une observation, qui n'est pas de moi même si j'en ai souvent vérifié la pertinence, et qui a un rapport avec votre problématique, même s'il n'est pas "évident" : quand on parle une langue étrangère, même en immersion totale, même après des années, le plus difficile à s'approprier, ce sont les nuances du vocabulaire "affectivement chargé", langage grossier compris. La langue maternelle, c'est d'abord la langue des affects. Et on n'a pas de langue si nos mots ne sont pas d'abord saturés d'affects...
Cordialement,
Daniel Calin
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Re: Les sentiments, c'est au programme ???

Message par bab0611 »

Par exemple en faisant dans un second temps produire ces photos par vos élèves, et/ou en leur demandant des dessins.
C'est exactement ce que j'avais l'intention de faire !!!
Votre stagiaire doit être de ma famille, c'est pas possible !!!

Merci encore de vos réponses si rapides, si éclairantes !
Je vois beaucoup mieux par où aller, même si, je le sais, il me faudra encore 3 ou 4 lectures de chacune de vos réponses pour en apprécier toute la profondeur...
Ce qui vous parait simple et clair est encore très confus pour moi...
Cela doit être la raison pour laquelle ma façon de dire les choses est susceptible de vous énerver, alors que votre façon de dire les choses me ravit !!!

Je ne maîtrise pas bien le langage 'scolaire', et il me faut essayer de bien comprendre tout cela pour réussir à le retranscrire dans ma tête en langage simple... Je reprendrai certainement quelques unes de vos expressions dans mon mémoire, parce qu'elles sont les mots justes pour dire ce que j'ai envie de dire, mais elles ne sont pas 'naturelles' pour moi... Je ne les aurais jamais trouvées seule : il m'aurait fallu 3 fois plus de mots pour exprimer la même chose bien plus confusément...

Merci pour tous vos messages, et ne m'en voulez pas si je reviens vous questionner régulièrement, car ce mémoire, c'est pour l'an prochain !
Et si je m'y prends si tôt, c'est vraiment parce qu'il me tient à cœur et que j'ai l'intention de bien y réfléchir, alors j'aurai certainement encore besoin de votre aide !! :mrgreen:
bab.
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Re: Les sentiments, c'est au programme ???

Message par Gryffondor »

Pour étayer ta partie théorique je te conseille vivement le dernier ouvrage de Cyrulnik "De chair et d'âme" et tout particulièrement le chapitre IV "le souci de l'autre" où il évoque le phénomène d'empathie et parle entre autres des autistes.
Cordialement.
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Re: Les sentiments, c'est au programme ???

Message par bab0611 »

Merci beaucoup !

Je m'en vais à sa recherche pas plus tard que tout de suite !!!
bab.
Gryffondor
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Re: Les sentiments, c'est au programme ???

Message par Gryffondor »

bab0611 a écrit :merci beaucoup !

je m'en vais à sa recherche pas plus tard que tout de suite !!!
De rien... c'est avec plaisir que je partage les lectures qui me touchent et là je pense que tu vas te régaler si tu t'intéresses un tant soit peu à la neurobiologie... Bonne lecture... :D
bab0611
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Re: Les sentiments, c'est au programme ???

Message par bab0611 »

Me revoilà avec mes interrogations !!!!

Ça y est ! J'ai commencé ma formation et j'ai parlé de mon sujet de mémoire à quelques formateurs...

Bon... je m'en doutais ! Il leur faut une justification...
Ce n'est pas vraiment qu'ils ne trouvent pas mon sujet assez 'scolaire', mais ils me disent que je dois savoir pourquoi je voudrais que mes élèves discernent mieux les sentiments, qu'est-ce que cela va leur apporter ???

Alors voilà ce que j'ai trouvé :

" La tristesse, la joie, la colère et la peur. Aider les élèves autistes à discerner ces sentiments pour mieux les intégrer en IMpro."

Pas mal, hein ????
bab.
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