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3 mois qu'un enfant pleure tous les jours

Posté : 10 nov. 2009 06:08
par javavite
je sais que ce forum est dédié aux classes spécialisées, mais je pense que les problématiques des élèves handicapés éclairent celles des élèves ordinaires.
J'ai une classe de petite section en maternelle ordinaire, et une de mes élèves ne s'intègre pas du tout à la classe et pleure depuis le mois de septembre tous les jours, ne joue pas seule et encore moins avec les autres enfants, ne participe à aucune activité. Elle ne parle pas français (d'origine chinoise, langue maternelle chinoise), mais je pense que c'est une difficulté supplémentaire, mais le fond du problème c'est que pour cette petite fille, la séparation d'avec ses parents est un déchirement et qu'elle vit l'école comme un traumatisme.
Nous avons tenté beaucoup d'actions, vis-à-vis des parents très coopératifs, un accueil personnalisé pour cette élève et beaucoup de compréhension et d'attentions.
Le fait est qu'après les vacances de Toussaint, elle pleure toujours, et je trouve ça insupportable pour elle.
Je souhaite trouver une solution, les collègues me soutiennent, sauf la "directrice" qui s'oppose à un aménagement plus court de sa scolarisation, voire d'un report à janvier de son entrée en maternelle.
Pour moi c'est de la violence institutionnelle.
Que doit on faire dans ces cas-là ?
Je me retrouve dans le même type de situation vis-à-vis de certains de mes élèves en CLIS1 ou en UPI, jusqu'à quel point doit-on s'acharner à intégrer un élève handicapé ou non à l'école ?

Re: 3 mois qu'un enfant pleure tous les jours

Posté : 10 nov. 2009 11:18
par roberto
- Qu'en disent, la PMI, le psy scolaire, le réeducateur, le médecin scolaire ? Il serait sans doute intéressant d'avoir leur éclairage, non?

Quant à l'acharnement que vous évoquez, il me semble que le PPS est là pour le circonvenir, le cas échéant.

Re: 3 mois qu'un enfant pleure tous les jours

Posté : 10 nov. 2009 16:24
par Pascal Ourghanlian
PPS, on se calme !
La môme vient d'ailleurs, elle vient d'entrer à l'école, elle a 3 ans (quelle est sa date de naissance exacte ?), manifeste qu'elle n'est pas bien à l'école pour le moment - tout ça ne constitue pas un handicap...

Oui, les observations en situation des médecins et psychologues scolaires sont nécessaires - mais surtout l'assouplissemnt de la position rigide de la directrice ! L'inscription en maternelle vaut engagement à fréquentation régulière - pas nécessairement à plein temps, surtout si la famille en convient. Un PAI peut suffire le cas échéant à "institutionnaliser" les choses.

Re: 3 mois qu'un enfant pleure tous les jours

Posté : 10 nov. 2009 17:12
par javavite
non pas de PPS, bien sur, la directrice, grâce à l'équipe pédagogique s'est "assouplie" et on a convenu avec les parents de réduire sont temps scolaire.
Mais faut-il faire un PAI pour un temps scolaire réduit ?

Re: 3 mois qu'un enfant pleure tous les jours

Posté : 10 nov. 2009 18:20
par patrick
Tout à fait d'accord avec Pascal, n'allez pas trop vite jaja, ce qui m'interroge dans votre message c'est que vous ne parlez pas de l'élève si ce n'est qu'elle pleure, mais comment pleure-t-elle, quand ? qu'est-ce qui la calme ? qu'est-ce qui l'inquiète ? vous partez sur des pistes "extérieures", des chinoiseries à mon avis, recentrez-vous sur l'élève, dépassez cet écran des pleurs et essayez de trouver l'élève (je sais, facile à dire, les conseilleurs sont pas les travailleurs) mais pour l'instant il est urgent de sortir, de ne pas s'urgenter. On n'est qu'à Toussaint en maternelle ouf on respire et on voit !!!

Re: 3 mois qu'un enfant pleure tous les jours

Posté : 10 nov. 2009 18:27
par javavite
On a une nouvelle piste (patrick je sais aller au delà d'un simple ajustement de temps pour l'élève, si j'en parle ici c'est qu'il y a autre chose) après avoir parlé avec sa mère, on sait que cette petite fille ne supporte pas d'être approchée même par sa propre famille proche (hors parents directs), comme dans la classe.
On essaye de trouver un psy qui parle chinois, ou un traducteur (pour les chinoiseries, dixit patrick , mais c'est bien pratique pour comprendre !!)
Ps : Patrick ce n'est pas moi qui parle de PPS.

Re: 3 mois qu'un enfant pleure tous les jours

Posté : 10 nov. 2009 21:03
par clairea
bonjour,

La séparation d'avec un milieu familial si éloigné du milieu scolaire à découvrir mérite bien quelques réactions de la part de cette petite fille. L'absence totale de réaction de l'enfant aurait été bien plus problématique selon mon point de vue, rappelant une sidération mentale, une incapacité à se plaindre à interpeller l'autre.
Là, cette petite fille sait interpeller l'autre et c est bon signe. Pleurer n'est pas le symptôme le plus inquiétant ... les pleurs seuls ne doivent pas vous alarmé, votre inquiétude se nourrit sans doute d'autres indices ... prenez peut-être le temps de la décrire au-delà de son symptôme, on comprendra mieux et on essaiera de vous aider à réfléchir à sa situation.
Pour comprendre si sa détresse dépasse le simple déchirement affectif, une observation ou plusieurs par la psychologue scolaire en classe devrait suffire... et inutile de trouver un traducteur ou un psy parlant le chinois. A trois ans, les enfants s'expriment de milles façons et parfois utilisent peu la langue orale. Comment communiquez-vous avec la mère ? le traducteur est-il nécessaire pour toute relation à la famille ?


Le refus de contact corporel par exemple est une forme de communication non verbale ... c'est intriguant en effet, il y a bien un facteur culturel mais cela ne suffit pas si ce refus est radical. Enfin , tout cela mériterait beaucoup de nuances.

Pleins de questions en vrac :)
A-t-elle un doudou ? un objet transitionnel qu'elle emporte en classe ?
De quelle façon s'exprime-t-elle dans ses pleurs ? registre de la plainte ? du désespoir ? de l'appel ou de la colère ?
Y a-t-il eu un mode de garde avant ? et lequel ?
la famille est-elle récemment arrivée en France ?
Y a-t-il une fratrie ?
Comment la famille a-t-elle expliqué à l'enfant l'école ?
Comment se passe l'arrivée en classe ? déchirement ? pleurs sur le chemin ou pleurs dès le départ de la mère ?
quels types d'interactions avec ses pairs ? peut-elle les repousser ? ou les subit-elle ?

bref, j'en aurais encore beaucoup :) mais je vous laisse éventuellement répondre aux premières :)

cordialement

clairea

Re: 3 mois qu'un enfant pleure tous les jours

Posté : 10 nov. 2009 21:18
par javavite
Désolée Claiera mais il n'y a rien de tout ça, au-delà de toutes ces questions basiques de l'école maternelle, au-delà des pleurs, je pense qu'il y a quelque chose de plus, et un psy parlant le chinois serait bien utile pour la comprendre et parler à ses parents.

Re: 3 mois qu'un enfant pleure tous les jours

Posté : 10 nov. 2009 21:52
par Céline71
Qu'est-ce qui vous fait dire du coup qu'il y a quelque chose d'autre ?
Je vous demande cela pour pouvoir comprendre quelle peut être votre inquiétude puisque vous semblez dire que ce n'est pas seulement en raison des pleurs et des difficultés d'adaptation importantes que vous vous inquiétez.
Est-ce plus le refus du contact qui vous inquiète ?
Sinon est-ce que les parents parlent un peu français ? Vous pouvez échanger un peu avec eux ?
Est-ce que cette petite a développé le langage ou pas (en chinois bien sûr puisque c'est la langue maternelle) ? Qu'en disent les parents ? Comment la décrivent-ils ? Est-ce qu'elle joue à la maison ?

Dernière question : comment avez-vous pensé l'aménagement de sa scolarité ?

Re: 3 mois qu'un enfant pleure tous les jours

Posté : 11 nov. 2009 10:04
par javavite
Effectivement céline, c'est son refus de contact qui m'inquiète, bon, chaque enfant a sa façon de communiquer ou non, mais après entretiens avec les parents, et dernièrement avec la mère et une interprète, la directrice et moi-même, nous étions donc 4 femmes, pas d'homme cette fois-ci..., nous savons que cette petite fille est réfractaire à tout contact et se met à pleurer dès qu'on l'approche, même avec sa propre famille proche.
Par contre, il est vrai que parfois j'arrive à lui donner la main et à la calmer. Actuellement, elle pleure un peu moins, mais reste de côté. Je ne pense pas qu'elle ait un problème psy, bien que je ne le sois pas, je pense à un traumatisme. Elle parle chinois sans problème, et elle pose son étiquette de présence sans problème dans la bonne case avec sa grand-mère le matin.
Une fois (!) elle a fait le parcours de motricité, elle n'a aucun problème de motricité (et non plus de motricité fine), elle n'a jamais recommencé.
Nous avions déjà aménagé les horaires en l'accueillant les matinées, mais c'est vraiment trop long pour elle, alors nous allons l'accueillir 2 heures le matin, soit pour qu'elle puisse bénéficier d'un atelier, soit du parcours de motricité, soit de la chorale pour diversifier les entrées et que le temps soit réduit pour elle.
Ma collègue de PS s'est proposée de la prendre sur des temps que nous allons décider, il y a un petit garçon asiatique dans sa classe (bon elle-même a des origines asiatiques), maintenant je ne sais pas si la changer de contexte peut peut-être la déstabiliser plutôt que le contraire, à voir.
L'école travaillant en ce moment sur l'Asie, nous avons demandé à la mère de venir avec l'interprète pour présenter des objets, des photos, des vêtements chinois pour créer ce lien qui visiblement manque entre cette petite fille et sa famille lorsqu'elle vient à l'école.

Re: 3 mois qu'un enfant pleure tous les jours

Posté : 11 nov. 2009 10:55
par Pascal Ourghanlian
Barbara :

"Car un enfant qui pleure
Qu'il soit de n'importe où
C'est un enfant qui pleure"

Je suis impressionné, à relire ce fil, de l'importance que prend l'origine ethnique de cette petite.
Non que je veuille minimiser les incidences éventuelles des ethno-différences dans l'approche éducative et/ou affective (voir Tobie Nathan, par exemple).
J'ai le sentiment, tout de même, que l'une des causes de votre embarras est votre difficulté à entrer en contact, par le biais d'une langue commune, avec la famille (ici, manifestement, au sens large - grand-mère - au-delà des seuls parents), comme s'il s'agissait d'amener sur nos terres et nos manières de voir une famille qui vit certainement un déracinement (le "traumatisme" ?).
Que cette petite, par son comportement, dise qu'elle souffre pour ses parents (et non à cause d'eux, ou à cause d'elle-même) me paraît une hypothèse à envisager. Elle devient ainsi le parent de ses parents, reportant sur elle l'attention dont elle sent bien que ce sont ses parents qui la nécessitent.

Car, enfin, elle communique ! Elle est bien dans un échange : langagier (en chinois), par ses pleurs, par son acceptation, timide, de quelques (rares) contacts. Mais ça ne fait que 8 semaines qu'elle va à l'école ! Pas 3 mois ! Soit 32 jours, au pire, qu'elle pleure... Son temps à elle est différent de ce temps imposé de l'école de parcourir les années à marche forcée. Qu'en sera-t-il après Noël, après février, après...

Oui, les autres ne pleurent plus à cette période de l'année (est-ce bien vrai ? combien de petites sections qui, en fin d'année encore, s'expriment encore ainsi ?). Oui, c'est pénible pour la classe, pour les autres enfants, pour les adultes. Sans doute aussi pour elle, car pleurer fatigue.

Mais avant de mettre en branle tout le ban et l'arrière-ban, ne peut-on laisser place à un peu de patience, à un peu d'attente ? Certes, penser des aménagements (vous l'avez fait, y compris au début contre l'avis de la directrice). Mais aussi lui laisser un peu de temps...

Re: 3 mois qu'un enfant pleure tous les jours

Posté : 11 nov. 2009 16:56
par patrick
Clairea dit clairement ce que j'avais un peu ressenti, sur l'importance de ces pleurs qui font un peu écran, par contre je comprends que vous ne trouviez pas de réponses à ses questions car à mon avis cet enfant nous entraîne sur son terrain du refus de penser.
Je me suis souvent trouvé en fin de séance de rééducation avec l'incapacité à remplir mon compte rendu , prétextant toujours de bonnes raisons pour reporter à plus tard ce travail, et après coup je me suis aperçu qu'en fait ces séances "lourdes" (pas du tout en apparence le plus souvent, car autrement le besoin d'écrire se serait fait impérieux) étaient le fait d'enfant pas si fragile que ça et qui m'entrainait sur leur terrain à mon insu (ce mot va bien là).
On peut sans trop s'avancer penser qu'il y a une problématique complexe derrière une telle force d'entrainement sur ce terrain et qu'il faut tenter de s'en dégager.
Bien entendu que vous avez fait votre boulot d'instit et tenter toutes les adaptations possibles, bien entendu qu'il est souhaitable d'appeler des personnes différentes en renfort, mais une enfant capable de mettre en place une situation qu'elle maintient contre vents et marées (on peut penser à une position de maîtrise) vous obligera toujours à faire vous l'effort de désengagement. Et moi quand je faisais pas mon comte rendu de suite eh ben c'est rare que j'aie eu la force d'y retourner !!
Courage, je suis à la retraite maintenant et je regrette ces comptes rendus sous le manteau.

Re: 3 mois qu'un enfant pleure tous les jours

Posté : 11 nov. 2009 21:44
par Céline71
Je trouve votre dernier message encourageant car on y voit des progrès. La petite pleure moins, cherche son étiquette (donc quelque part accepte de mettre un peu d'elle dans le groupe, par l'affichage de son prénom), a participé une fois en motricité, accepte de temps en temps de prendre la main... Donc la situation bouge...

Et puis à la lecture du message de Pascal qui trouvait qu'on accordait beaucoup d'importance à l'origine ethnique de cette petite, je me suis dit que cette question de "l'étranger" semblait être un peu au centre...
Peut -être qu'il y aurait à fouiller sur ce à quoi ça vous renvoie, sur ce que "l'étranger en l'autre" vous fait vivre, sur ce qui semble "étranger" pour soi...
J'ai pensé à cela pour cette petite car finalement elle semble avoir peur des "étrangers" (dans le sens des autres "non-mères")... ça m'a fait penser aussi à cette période de la toute petite enfance où les bébés se mettent à avoir peur de tout nouvel adulte quand celui -ci n'est pas un visage familier (vers 8/9 mois), période où des angoisses de séparation émergent quand la mère s'absente... Peut être qu'il y a quelque chose de cette ordre là qui est réactivé en ce moment pour cette enfant, dans cette 1ère entrée à l'école "maternelle" (déjà en soi une étape et un passage pour chaque enfant quelque soit son origine) et où en plus pour cette petite fille une langue et une culture qui n'ont pas pas grand chose de "maternelle" sont proposées...
Peut -être que votre inquiétude est en miroir de cette peur là, peut-être que vous avez peur toutes les 2 du coup , peur chacune de l'altérité de l'autre, peur de ce qui n'est pas familier en l'autre...

Bref, je ne sais pas si je suis très claire car je pense en écrivant, je pense qu'en tout cas, comme vous le semblez faire, tout ce qui peut construire des ponts entre l'école et la famille est le bienvenu...
Bon courage pour la suite
Céline

Re: 3 mois qu'un enfant pleure tous les jours

Posté : 12 nov. 2009 10:10
par roberto
Pascal Ourghanlian a écrit :PPS, on se calme !
Attention, mon allusion au PPS ne valait que pour la dernière partie du message évoquant à un "acharnement" à intégrer les élèves de CLIS ou d'UPI (donc PPS) en écho à l'acharnement dont cette petite fille serait la victime (bien entendu, pas de PPS).
Le parallèle me semblait intéressant.

Re: 3 mois qu'un enfant pleure tous les jours

Posté : 12 nov. 2009 11:03
par Céline71
"Pour moi c'est de la violence institutionnelle. "
Je crois que tout dépend de comment se passe cette 1ère rentrée et séparation, comment l'Institution et les professionnels sont en mesure d'accueillir les enfants et notamment ceux pour qui ça va être douloureux (voire très douloureux!).
Si les adultes peuvent mettre des mots, contenir l'angoisse de l'enfant, laisser le temps tout en étant à l'écoute de sa colère et de sa peine, se laisser toucher, accueillir l'enfant avec bienveillance, le rassurer, chercher à construire des ponts, mettre du lien, il me semble qu'on sort de cette violence pour aider l'enfant à passer cette étape, parfois si douloureuse et si difficile, qu'on l'accompagne sur le chemin du "grandir"... et grandir, c'est se séparer un peu, c'est franchir des étapes... Et parfois c'est"drôlement dur" de grandir et les adultes "pédagogues" ( au sens étymologique du terme) sont là pour aider l'enfant dans cette difficulté. Mais chaque étape de franchie est une petite victoire pour l'enfant. En ce sens, ça ne me semble pas violent de vouloir aider l'enfant à grandir même si c'est difficile pour lui...Donc attention à ne pas renvoyer trop tôt un enfant chez lui en disant "il n'est pas prêt, il pleure trop"... des fois c'est aussi pour l'Institution elle même que ces pleurs sont insupportables... Mais ce n'est pas le chemin que vous avez pris :-)

En revanche, si la difficulté de l'enfant n'est pas "parlée", pensée, mise en mots, si on laisse l'enfant se résigner dans son coin parce "qu'il faudra bien qu'il s'y fasse" et "puis il fait un caprice, il finira bien par se calmer"... là oui il me semble qu'il y a quelque chose de violent du côté de l'Institution, violent dans le sens où ça vient nier la subjectivité de l'enfant et son altérité.