L'écriture chez un jeune autiste Asperger

[aline29]

Je suis avs auprès d'un jeune autiste asperger de 13 ans, c'est la 2ème année que je l'accompagne et je tourne encore en rond au sujet d'un problème qui nous questionne, les enseignants et moi-même : l'écriture. En effet, Q. a une écriture pratiquement illisible, ce qui fait ou faisait que l'année dernière je prenais une grande partie des cours pour lui.
En discutant avec sa maman, j'avais suggéré, ainsi que la prof de français, qu'il utilise un ordinateur portable pour prendre les cours. Mais elle avait été très réticente car elle pensait, et sur recommandation de son pédopsychiatre, que, si Q. utilisait l'ordi, il ne ferait plus aucun effort en écriture. D'autre part, il est vrai qu'il a beaucoup de mal à mémoriser le clavier à cause de ses difficultés de concentration.
A certains moments et avec l'insistance des profs, il fait quelques efforts d'écriture mais cela reste très ponctuel.
J'ai donc demandé aux profs de cette année de lui donner les cours sur des polys, le plus souvent possible en laissant des trous pour qu'il complète au fur et à mesure, (d'autant plus que je travaille sur son autonomie) et d'être exigeant seulement sur les évaluations (on travaille sur le futur c'est-à-dire le brevet).
L'autre jour, en discutant encore avec sa maman, elle m'a fait savoir que le pédopsychiatre qui le suit, lui a dit que l'écriture est un prolongement de lui-même et que, en fait, cela représente une partie de lui-même qu'il ne veut pas montrer.
De ce fait, je pense que nous n'aurons guère de résultats concluants à ce sujet car cela relève vraiment de la psychiatrie et je ne suis pas assez formée pour çà.

Et vous, en tant qu'enseignant spécialisé, auriez-vous une idée à me suggérer ou une explication à me donner sur ces problèmes d'écriture ? Merci à vous.

[akila m]

Bonjour Aline, vous ne précisez pas si ce jeune passe à l'écrit seul pour raconter ce qui vient de lui ou ce qu'il pense au sujet d'un travail donné, ou n'écrit que sous copie ou dictée. Peut-il écrire pour vous communiquer des pensées ? peut-être qu'il faut en passer par là avant de commencer à vouloir qu'il écrive en classe. J'ai connu une jeune fille présentant des troubles autistiques qui savait recopier, copier sur les feuilles de ses voisins avec une très belle écriture mais qui a arrêté cela à partir du moment où elle a découvert qu'elle pouvait nous transmettre quelque chose à partir de ses propres listes de mots qui en fait racontaient chaque fois une histoire de moments de sa vie.
Et puis pourquoi pas l'ordinateur ? pourquoi le laisser souffrir et vous avec pour qu'il ait une belle écriture ? est-ce une priorité ? Nous sommes nombreux à avoir une écriture illisible et à compenser par l'outil informatique. S'il doit passer le brevet des collèges, l'habituer à cet outil en avance pourrait le soulager au moment de cette épreuve. Mais effectivement, le geste graphique trahit nos états émotionnels du moment ; pourquoi continuer à l'humilier ainsi ?
Mais cela semble une bonne idée de trouver un compromis qui satisfait tout le monde en lui proposant des textes à trous où il a à s'engager pour écrire quelques mots afin que la famille sente que vous ne baissez pas les bras.

cordialement

[aline29]

Étant avs à plein temps avec lui, je n'ai guère de temps pour m'occuper de son écriture. Les profs ne lui demandent pas qu'il écrive en faisant de belles lettres mais plutôt qu'ils arrivent à déchiffrer quelque chose quand il y a une évaluation, par ex. Il a déjà beaucoup de difficultés à se concentrer, à s'organiser, et j'essaye de compenser tout cela, et encore n'a-t-il pratiquement plus besoin de moi pour certains cours...
Je suis d'accord avec toi pour dire que c'est une souffrance inutile mais le problème vient de sa mère qui ne veut pas qu'il utilise l'ordi. Je la sens dépassée par cet enjeu à chaque fois que j'en reparle (je ne la vois presque pas, seulement quand il y a des réunions avec le collège). En en parlant avec les profs, ils sont aussi d'accord pour l'ordi mais, comme me l'a dit la directrice, on ne peut pas obliger sa mère à lui faire utiliser l'ordi. Donc, on finit par tourner en rond.
J'ai juste mis la condition que, si vraiment cela posait trop de problèmes aux professeurs de faire du décryptage, je reviendrais m'asseoir à côté de lui (ça a l'air de marcher ou à peu près en le lui rappelant régulièrement).
D'autre part, je trouve que c'est dommage que nous, avs, ne puissions pas faire partie du conseil de classe de chaque trimestre car, en parlant avec une prof avec la quelle je m'entends bien, j'ai appris que la remarque finale portait sur les efforts qu'il devait faire en écriture : si j'avais été là, j'aurais souligné que, malheureusement, son écriture est partie intégrante de son handicap et qu'il ne faudrait pas attendre de miracles, juste une légère amélioration qui resterait ponctuelle grâce à mon intervention. Dans l'ensemble, il s'en tire plutôt bien, il a souvent besoin d'être recadré, il a aussi de bons rapports avec ses camarades.... Alors, pourquoi l'embêter là-dessus ? Bon, je ne suis pas prof....

En tout cas, merci Akila de ta réponse.

[Daniel Calin]

Cette histoire est d'une bêtise affligeante.

Les choses sont pourtant très simples.

D'une part, il est vrai que l'écriture comme activité graphique a une dimension émotionnelle très importante, tout comme, d'ailleurs, par d'autres voies, l'écriture comme production de textes. C'est vrai pour tout le monde, en positif comme en négatif. Guère besoin d'être pédopsychiatre pour comprendre cela...

Reste, précisément, que l'activité graphique et la production de textes sont deux choses très différentes, la seconde étant beaucoup plus déterminante pour le devenir scolaire d'un jeune que la première. Dès lors, je ne vois aucune bonne raison de ne pas contourner les difficultés graphiques d'un enfant en lui permettant d'accéder "directement" à la production de textes grâce à l'ordinateur, surtout dans un environnement social où l'immense majorité des "vraies" productions de textes se font avec cet outil. On utilise ce procédé depuis des décennies avec les handicapés moteurs, on devrait le faire avec tous les enfants pour lesquels les problèmes de "geste graphique" font barrage à cette activité culturelle essentielle qu'est la production de textes.

Refuser ce "contournement" est d'autant plus absurde que la réglementation actuelle permet d'autoriser l'usage de cet outil dans le cadre de l'aménagement des examens pour les candidats handicapés. Comme le souligne Akila, il s'agit aussi de le préparer à cela !

Et si l'on veut à tout prix travailler avec lui l'écriture à la main, ce n'est pas dans un cadre scolaire utilitaire qu'il faut le faire, c'est de façon ludique et créatrice, par exemple en faisant de la calligraphie artistique !

[aline29]

Merci de votre intervention, elle a le mérite d'être claire.

Vendredi, j'ai relancé l'idée de l'ordinateur auprès de la professeure principale, car la semaine prochaine, il y a une réunion parents-professeurs (à laquelle, je l'espère, assistera sa mère), et à la fin du mois, réunion pour le PAI et la reconduction de l'AVS pour la rentrée prochaine, malgré ce que j'ai dit plus haut, je ne lâche pas le morceau... A suivre...