Question : à propos d'autisme

AVSi, AVSco, EVS...
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Boogie
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Question : à propos d'autisme

Message par Boogie »

J'ai une question d'AVS à poser à des enseignants spécialisés.

Pourquoi y a t-il dans votre milieu professionnel une telle défiance envers les théories neuro-cognitivistes, ou "comportementalistes", en particulier en ce qui concerne les méthodes éducatives qui en sont inspirées pour travailler (ou vivre!) avec les enfants autistes ? ? ?

En guise d'illustration à ma question, je vous renvoie à une discussion entre un psychologue-psychothérapeute (psychanalyste) et des autistes adultes (asperger). Cet échange est très long, et parfois assez vif. La constante en est un rejet total de tous les intervenants autistes de leur expérience passée avec des psy.

http://forum.satedi.org/viewtopic.php?t ... chanalyste

On parle de "sujet" pour argumenter sur le fait que le comportementalisme est néfaste. Lire les personnes autistes parler de leur expérience d'enfant avec des psy, c'est leur reconnaître ce statut, non ?

Je n'ai pas de parti pris dans ces luttes que je sens très vives (ou plutôt si : j'inclinerais à penser que les théories comportementalistes sont fondées sur une vision des gens que je réprouve) mais j'ai besoin d'éclaircissement.

:D
"Je préfère me débarrasser des faux enchantements pour pouvoir m'émerveiller des vrais miracles." (PB)
Pascal Ourghanlian
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Message par Pascal Ourghanlian »

Il y a plusieurs questions dans votre question...
Et mes réponses n'engageront que moi.

1. Les seuls témoignages que l'on a sur l'autisme vécu "de l'intérieur" (et ils sont précieux) concernent les personnes avec syndrome d'Asperger, dits autistes "à haut potentiel" ou "de haut niveau". Sinon, on a des témoignages de parents ou de proches.

2. Ce qui disent d'eux-mêmes les "Asperger" est modélisé par des parents en souffrance qui voudrait que leur gamin aussi, quitte à être "autiste", soit "Asperger" - c'est-à-dire, essentiellement, sans trouble cognitif associé. Ce qui n'est pas la réalité, une part importante des personnes avec autisme entrant dans le champ de la déficience intellectuelle.

3. Ce faisant, ces proches oublient une part essentielle des témoignages cités précédemment : les "Asperger" décrivent un rapport au monde différent du "nôtre", vécu de manière beaucoup plus exacerbée, par des entrées sensorielles plus fines et plus "à vif". D'où un rapport plus douloureux avec bruits, mouvements, lumières, contacts, goûts.

4. Si l'on établit une équivalence fonctionnement des "Asperger" = fonctionnement de toutes les personnes avec autisme (ce qui n'est pas nécessairement évident), il faut l'établir dans tous les domaines : il n'y a pas que le cognitif, il y a aussi le sensoriel et le moteur. Dire : si les "Asperger" ont réussi à passer une thèse, il n'y a pas de raison que tous les autres ne puissent pas semble un peu... rapide.

5. Le travail avec (sur) la parole avec des gamins est ordinairement difficile, a fortiori avec des gamins en retrait d'une communication ordinaire. Certains "Asperger" ont ainsi pu décrire leurs séances de psychothérapie comme un forçage (et une bonne partie des familles, des mères particulièrement, comme une suspicion de mauvais traitement).

6. Mais toutes les psychothérapies ne passent pas par le langage (ou, plus exactement, par le langage alterné fait des seuls mots). Et d'autres approches ont montré qu'elles pouvaient apporter un mieux-être (voir les travaux de Delion ou Golse, par exemple).

7. Je redis ici ce que j'ai déjà dit de très nombreuses fois : il y a un "gain" évident pour une maman qui peut aller chercher son autre enfant à la sortie de l'école avec son petit avec autisme, comme les autres. Il y a un "gain" évident pour une grande sœur à faire les courses au supermarché avec son petit frère "autiste", comme les autres. Il y a un "gain" évident pour une famille à partir en club de vacances, avec le petit, comme les autres. Parce que le formatage comportementaliste, la répétition stéréotypée des centaines de fois des mêmes gestes (je n'exagère pas, voir les descriptifs ABA), l'apprentissage par stimulus-réponse (et punition ou récompense à la clé) de la bonne réponse dans tel contexte (mais qui est mauvaise dans tout autre) ont permis ce "dressage" et cette normalisation, c'est-à-dire cette conformation au social.

8. Il y a "gain", donc. Et n'étant pas parent d'un enfant avec autisme, je serais le dernier à dire qu'ils ont "tort". Je vois trop leur souffrance et, surtout, le regard que portent sur eux et leur enfant les membres de notre société bien pensante (du style, "encore un qui mériterait une bonne claque", "encore un à qui on laisse faire ce qu'il veut").

9. Mais les adultes avec autisme n'ont pas tous écrits des livres, ils ne sont pas tous "Asperger". Ils ont pu construire, dans le cadre du monde tel qu'ils le perçoivent, un rapport comme sujet avec les autres. J'ai seulement peur que les petits avec autisme, formatés pour ne pas déranger, lorsqu'ils seront grands, ne soient rien d'autres que des objets dans une vie qui les dépassera puisqu'ils n'auront jamais eu la main dessus.

10. Après, reste toute la place, immense, de l'éducatif, tel qu'on l'entend habituellement sur ce forum : l'enfant peut apprendre tout seul quand il est placé dans des interactions de qualité (Bruner), et il peut apprendre juste au-delà de là où il en est dès lors qu'il y est accompagné (Vygotski)...

11. J'ajoute que le message de "yleroux" que vous citez me semble d'une grande richesse et d'une grande humilité, sans excès mais sans concession sur (ce qui me paraît) l'essentiel.
Modifié en dernier par Pascal Ourghanlian le 27 déc. 2007 19:49, modifié 2 fois.
Cordialement,
Pascal Ourghanlian
Boogie
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Message par Boogie »

Merci Pascal.
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clairea
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Message par clairea »

La lecture de ce fil de discussion est passionnante ! Merci Boogie !

Et votre réponse, Pascal, ne mérite aucune précision , vous avez écrit l'essentiel.
Boogie
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Message par Boogie »

Je suis inscrit sur ce forum également, celui vers lequel renvoie le lien de la discussion que vous jugez passionnante, clairea. J'y ai mis un lien vers cette discussion, et un encouragement (dans l'oubli que ce forum ne s'adresse qu'aux intervenants professionnels ou non, je m'en excuse..) à y intervenir.

Je dois avouer que les réactions au présent fil sont d'une très grande intensité, intensité que je n'ai pas du tout anticipé.



:roll: :?
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clairea
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Message par clairea »

L'intensité des réponses est compréhensible, et je trouve admirable l'effort de Y Leroux pour échanger en ce lieu qui lui est foncièrement hostile.

Néanmoins, vous avez du lire, comme moi, les bénéfices inhérents au diagnostic médical pour les familles et les sujets qui vont jusqu'à s'identifier en tant qu'asperger.
Le psy vient ici inviter à penser et on lui renvoie la plus simple et infantile agressivité, sur un mode anal... "psyKK" "Laissez nous en paix, on est asperger !, vous en pouvez pas nous comprendre"
Y Leroux savait ce qu'il faisait, je ne crois pas qu'il ait minimisé les risques de réactions agressives et bien que sa résistance a été mise à rudes épreuves, il est d'une dignité humanisante. Je pense que ces textes peuvent raisonner au delà du rejet primordial.

Par ailleurs , les témoignages sont vraiment touchants, souvent très lucides. Il est rare de pouvoir lire, entendre le mal de vivre des personnes souffrants d'autisme d'Asperger ou plus généralement de psychose avec autant de sincérité. Bravo à eux donc et je pense que cet échange peut être très instructif pour votre profession d'AVS.

Que désirent-ils ces enfants aux troubles envahissants de la personnalité ?
Vous qui travaillez auprès d'eux parfois, cette question a sûrement été votre :).
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