Inquiétudes

Enseignants référents, enseignants détachés à la MDPH...
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akila m
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Inquiétudes

Message par akila m »

Je voudrais exposer une situation dont l'issue semble d'une logique évidente et qui pourtant m'inquiète et me trouble beaucoup ; je voudrais avoir les arguments pour exposer à l'équipe que la solution qui semble si évidente à tous (ou alors peut-être personne n'a osé dire sa gêne) révèle des choix peu clairs sur la société et l'éducation que nous choisissons ou subissons pour nos enfants.
Deux enfants (venant d'un hôpital de jour) sont envoyés en observation d'une semaine dans deux CLIS différentes par la MDPH. Celui qui s'appelle Adrien (blond yeux bleus) va dans une CLIS situé en ZEP dans un quartier ghetto ; il sera un des seuls d'origine européenne de l'école ; le second disons Nabil qui habite dans ce quartier difficile est envoyé en observation dans une autre CLIS située dans une école où il y a plus de mixité dans une autre localité que la sienne.
Les parents d'Adrien, lorsqu'ils voient le quartier et les enfants font un scandale ; jamais ils ne pourront accepter que leur fils aille dans une école comme ça (je me dispense des commentaires). L'enfant qui a de gros troubles psychologiques mais qui est très intelligent est tout à fait d'accord : il ne peut accepter d'être dans une école avec autant d'étrangers et d'enfants pauvres. La solution est vite trouvée : Nabil a besoin d'être dans son quartier avec les siens (il n'a rien exprimé de cela mais nous l'interprétons) : il sera donc mieux dans l'école de son quartier ; et Adrien pourra aller dans l'autre école plus mixte. Il semble que nous n'ayons pas d'autre issue pour apaiser la situation. Mais que montre-t-on à ces enfants ?
Que Nabil est bon pour aller dans une école de pauvres et d'exclus ? (ce que ses parents vont accepter volontiers parce qu'ils font confiance à l'équipe si elle lui dit que c'est mieux pour leur fils) et qu'Adrien doit être protégé parce qu'il est mieux de part son origine que les autres ?
Je souhaiterais avoir vos avis. cordialement mescudie
clairea
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Re: inquiétudes

Message par clairea »

Afin de mieux comprendre, qu'est-ce qui a motivé le premier choix d'affectation de ces deux enfants ? Ces CLIS avaient-elles des spécificités autres qu'un environnement social qui expliquerait ce premier choix ?

J'entends bien votre interrogation, mais la réaction de cette famille ne peut se comprendre que si elle n'a pas été associée pleinement au choix d'intégration de leur enfant...

A savoir ensuite si l'environnement social de la scolarité est un critère valable pour une famille, je crois que les débats récents sur la carte scolaire en sont une illustration... L'homme est grégaire et la peur de l'autre s'alimente de beaucoup de fantasmes...
Pascal Ourghanlian
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Re: inquiétudes

Message par Pascal Ourghanlian »

Ce n'est pas que de l'"inquiétude", c'est aussi un "coup de g...", et il est justifié :x

Deux remarques :
- le poids désormais déterminant des parents dans les choix d'orientation en faveur de leurs enfants ; je prétends que ça a des avantages certains (en termes de responsabilité/responsabilisation) mais, évidemment, ça donne plus de chances aux familles qui peuvent "jouer" avec le système (et certains ne s'en privent pas, particulièrement les militants de certaines associations "dyslexie" ou "autisme") ;
- d'où la nécessité, à mes yeux impérative, si on veut préserver un minimum d'équité à notre service public d'éducation, que le public de chaque CLIS soit suffisamment "identifié" (par le biais d'une convention claire avec la commune et le service de soins référent) afin que chaque enfant qui y est orienté le soit sur des critères connus de tous, lisibles, et qui permettent la compatibilité de son projet individuel avec le projet du groupe CLIS.

Sauf que, remarques subséquentes :
- la "mode" est au lissage : surtout pas de "profil", ça va créer des ghettos ! (ça peut être vrai, d'ailleurs, il convient d'être prudent, certaines psychoses ne sont pas "compatibles, mêler un enfant avec autisme à des enfants avec des troubles graves du comportement peut s'avérer dangereux, etc.) ;
- la loi de 2005 impose presque l'orientation vers la CLIS du secteur (et quand le secteur est lui-même un ghetto, social, cf. votre petit Nabil...) et le mélange des "genres".

Donc :
- des logiques contradictoires,
- la libéralisation de l'école que nous sommes un certain nombre à dénoncer (et qui signifie clairement que les plus démunis subissent, et que les plus avertis peuvent contourner ou détourner à leur profit - mais c'est la même logique qui est à l'oeuvre dans l'externalisation des difficultés scolaires sur des stages de "remise à niveau"...),
- une loi qui, comme toute loi, par sa rigidité, force des choix et ne permet aucune souplesse.

Anecdote, rapportée par une IEN : dans mon département, une CLIS ouvre dans une école d'un quartier favorisé d'une ville dont le centre s'est boboïsé et la périphérie prolétarisée ; un travail d'information a été conduit en amont pour "apaiser" les collègues a priori peu favorables à cette implantation ; une collègue spécialisée de haute volée, et une AVS, ont été nommées sur le poste ; l'ouverture se fait à 8, et non à 12, pour favoriser les intégrations en classe ordinaire. Le jour de la rentrée, les classes se mettent en rang dans la cour pour le speach du directeur et l'accueil de la nouvelle classe : dans le rang de la CLIS, 7 petits bonhommes et une petite bonne femme "de couleurS" ; dans les sept autres rangs, que des petits français "de souche" :cry: La couleur de la peau comme handicap au sens de la loi de 2005 - il est vrai que, sous réserve de fréquentation assidue des instituts esthétiques, la couleur est "durable ou définitive" :oops:
Cordialement,
Pascal Ourghanlian
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