Du mutisme au tabou...!

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spectre
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Du mutisme au tabou...!

Message par spectre »

Curieusement, au fil du temps, je deviens "débloqueur" d'élèves mutiques, du cycle 1 au cycle 3...! Cette année je travaille avec une élève de cycle 3 (!!) qui n'ouvre pas la bouche du matin au soir, et développe de surcroit un eczéma géant... Par contre très bavarde à la maison. Elle est arrivée en cours d'année et elle est d'origine asiatique.
Panique de la maîtresse... Demande d'aide au réseau non pourvu de psy... En 4 séances, j'ai tout essayé : ping-pong, dessin, jeux de rapidité (avec des petits signes de la tête), puzzles, jeu des 20 questions, production d'écrits... Mais avec un résultat bien décevant. Au bout de quatre séances d'observations, rencontre avec les parents. Résultat: l'éléve voulait arrêter la prise en charge... Génial... D'autant que le suivi psy de l'an dernier n'avait rien donné...
Finalement, on a réussi à convaincre l'élève afin qu'elle vienne à une dernière scéance avec moi... C'est la première fois que je me retrouvais au pied du mur ainsi...! Une vraie partie de roulette russe... (molodiets !!)
Mais un coup de chance m'a permis de m'en sortir d'une manière vraiment imprévue et intéressante. Alors que je rentrais chez moi à vélo, j'ai aperçu dans un carton une boite de jeu qu'on avait jetée. Je m'approche et je saisis la boite bien mal fichue... Il s'agissait du fameux jeu de société Taboo...! Et là ça a fait tilt...!!
Lorsque j'ai proposé ce jeu à cette élève, j'ai pu voir une lumière dans son regard, exactement comme le rayon vert que l'on peut apercevoir sous les tropiques... Et cette élève s'est mise à parler comme jamais elle ne l'avait fait... J'avais devant moi une autre personne...
La prise en charge continue avec elle avec beaucoup de progrès...! Ouf...!
"Mais pourquoi regretter un éternel soleil si nous sommes engagés à la découverte de la clarté divine, loin des gens qui meurent sur les saisons" A. Rimbaud.
patrick
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mutisme et t'as le bout

Message par patrick »

Une fois de plus le problème de la place du cadre en rééducation se pose !! Je trouve souvent suspect cet attachement obsessionel au cadre. L'utilisation hors champ d'un concept de la psychanalyse n'a rien de choquant pour moi, mais alors encore faut-il être capable en même temps de le retravailler à la sauce rééducative.
Que vous ayez fait péter le cadre en allant vider les poubelles de la ville me semble être une façon tout à fait orthodoxe de penser cette enfant refusant les règles habituelles de la bienséance relationnelle.
Je serais par contre plus dubitatif sur votre eurêka et sur le symbolisme lourd du titre du jeu. Ce qui a permis qu'une relation s'établisse c'est l'effort que vous avez fait pour la penser autrement que par les sentiers battus.
La fonction contenante de la rééducation est certainement plus dans la capacité du rééducateur à continuer de penser une enfant qui nous entraîne sur son terrain du non-pensée que de faire respecter quelques petites règles contractuelles.
clairea
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Message par clairea »

Je rejoins Patrick dans ses précautions interprétatives sur le renoncement au mutisme de cette jeune fille....

L'évidence est rarement une aide dans notre découverte de l'inconscient, le mot tabou a pu être un des signifiants de cette dernière séance mais peut-être aussi que le simple fait d'avoir accepté (et verbalisé avec la famille et l'enfant) que cela soit une dernière séance a-t-il permis une reconnaissance de la valeur intime et économique du symptome et peut-être permis par conséquence à cette enfant d'en faire l'économie.
Elle a ensuite pu choisir de partager avec vous autre chose que son symptôme puisque vous l'aviez entendu ce silence !

Le cadre en revanche ne se casse ni ne se cache dans les poubelles du quartier ;) néanmoins je persiste à penser qu'il a son importance comme une des conditions à l'expression sereine de le créativité des enfants et du rééducateur :)

Cependant je ne suis pas rééducatrice et la notion de cadre en psychologie semble différente de celle qui est évoquée ici...

Dans tous les cas, prenez soin de cette parole déliée et précieuse que vous avez su faire émerger dans votre espace protégé.
Je vous souhaite de grandes conversations avec cette jeune fille et regrette un peu que vous ne puissiez échanger avec un psychologue dans votre réseau.

Claire A
spectre
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recadrage

Message par spectre »

Merci de vos commentaires. Cependant j'ai plus réfléchi aux médiations que véritablement au cadre. Et à vrai dire je ne vois pas en quoi cette médiation a pu briser le cadre ?
Bien sûr je ne crie pas euréka, car dans la problématique du mutisme les choses sont très fragiles et rien n'est vraiment acquis. D'ailleurs cette élève ne réclame plus le jeu "Taboo"... Mais bon, une marche a été franchie... Avec le recul on peut penser 2 choses: soit cette élève m'a poussé à aller hors cadre, soit je n'ai pas pu avancer au niveau relationnel...?!
Sinon, bien que nous n'ayons pas de psy dans notre réseau, nous avons des synthèses avec la psy d'un autre réseau de la ville qui nous accueille sans problème ! Je m'y rends à chaque invitation. Ce qui fait que nous avons une réunion inter-réseau... Et si j'ai bien lu les commentaires de Patrick, les différents réseaux de la ville et des environs divisés en secteurs d'intervention forment Le Réseau...! C'est dans cet esprit-là que nous tendons à travailler.
Donc, pour en revenir au cadre, certaines choses ont dû m'échapper... Et cela me rappelle le discours de notre IEN-AIS critiquant les rééducateurs notamment à cause du fameux cadre... "cet ensemble de règles qui dérèglent les élèves lorsqu'ils rejoignent leur classe"...
"Mais pourquoi regretter un éternel soleil si nous sommes engagés à la découverte de la clarté divine, loin des gens qui meurent sur les saisons" A. Rimbaud.
patrick
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Message par patrick »

Sur la rupture du cadre : je m'oblige à la permanence des objets de mes salles de rééducation. L'enfant doit pouvoir y retrouver à la même place les objets qu'il a utilisés. Mes salles sont donc établies en début d'année et ne varient plus.
Cette position m'interdit d'"adapter" telle salle à tel enfant, ni de proposer des médiations spécifiques.
Je ne propose pas des séances d'observation, ni des séances préliminaires mais des séances préalables. En général je propose un jeu de memory pour la première rencontre mais si l'enfant repère un jeu et qu'il souhaite y jouer j'accepte. Par contre je ne pars pas d'entrée dans des propositions de jeu de faire semblant, je reste au départ plus game que playing !
Les interrogations du cadre se jouent donc sur les apports d'objets personnels par les enfants. Par exemple l'enfant qui arrive à 8h30 avec son cartable ? Est-ce-que le cartable peut rentrer dans la salle de rééducation ? Le petit soldat qui sort de la poche, le jeu de cartes Pokémon, le stylo parfumé, la photo de maman, le livre de naissance ! les gadgets asiatiques qui pleurent, les trésors, les escargots...
C'est là que je trouve qu'on peut jouer sur la limite alors que le concept de cadre en psychanalyse ne doit je suppose pas permettre ces ballades sur les bordures. Parfois on ressent ces apports comme des interrogations sur la fiabilité et il ne faut rien lâcher mais parfois comme dans votre cas ces objets extérieurs qui surgissent appportent la liberté.
Si j'ai bien compris la règle fondamentale de la psychanalyse c'est de "tout dire", le cadre se comprend alors en référence à cette obligation lourde, tout dire dedans. Il ne me semble pas que la rééducation propose de règle aussi draconienne, impliquant une rigueur aussi forte.
Même sur les trois temps de la rééducation accueil, activité, verbalisation, je respecte strictement et je scande la séance nettement mais il m'arrive parfois de craquer en cours d'activité de faire pouce et de proposer à chaud un temps de distanciation par rapport à ce qui se joue.
J'ai même (très exceptionnellement d'accord) varié sur le temps de séance et même proposé une fois une séance le lendemain d'une séance où je m'étais trouvé nul, ne pouvant différer mon insastisfaction !!
Ces "arrangements" doivent toujours être parlés, mis en sens par rapport à la situation .
Bien sûr que sur le fond il n'"y a pas d'arrangement", notre métier c'est justement de démonter les petits arrangements qui à force de s'empiler empêchent de percevoir un peu clairement la situation. Amener de la confusion là où il y en a de trop c'est pas bon mais d'un autre côté montrer que l'on peut "jouer" aussi avec ces confusions sans se mettre en danger c'est aussi une manière de les mettre à distance.
Terrain glissant, autojustification d'un professionnel un peu trop "latinos" !!
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