Bonsoir,
Les élèves que vous décrivez succinctement, centrés exclusivement sur le sens, sont appelés "devineur" ou "chinois" par Nicole Van Grunderbeeck (in
Les difficultés en lecture : diagnostic et pistes d'intervention, Gaëtan Morin, 1994 - dont vous trouverez un résumé fort complet à l'adresse suivante :
http://www.acelf.ca/c/revue/revuehtml/25-2/r252-06.html ).
Dans une situation de lecture, très à l'aise, ils utilisent leurs connaissances sur le monde et le contexte de la tâche afin de prévoir ce que l'on attend d'eux (ou le texte). Ils se servent des indices extra-linguistiques, des quelques mots reconnus globalement pour faire des hypothèses sur le sens global et ne s'aperçoivent que rarement de leurs erreurs (sac pour cartable, maison pour logement, etc.)
Je crois qu'il y a lieu d'attirer leur attention sur
les attitudes métacognitives à mettre en jeu (vérification des hypothèses, construction d'une image mentale congruente avec la lettre du texte, nécessité de lire ce qui est réellement écrit pour être sûr de ne pas déformer le message, etc.)
Et, pour ce faire, il me semble que l'entrée à privilégier est
la production d'écrits signifiants (en écrivant, à l'aide d'un TT, avec une imprimerie Lego - puisqu'il n'existe plus d'imprimerie Freinet...), afin qu'ils se confrontent avec la matérialité de la langue et aux impératifs du code.
Il sera alors possible de discuter avec chacun les stratégies utilisables pour écrire un mot (lexique global, certes, mais aussi analogies graphiques, analogies phonétiques, repérage de syllabes, etc.) de manière à ouvrir la palette des possibles et qu'ils ne restent pas enfermés dans une stratégie unique, souvent efficace, parfois fautive.
Je pense qu'il vaut mieux rester dans le sens (puisque, de toute manière, ils recherchent d'abord du sens) et faire porter les activités plus fines de structuration (syllabes, graphies, analogies phonémiques) d'abord sur du signifiant.
Une autre entrée est la fréquentation
des jeux poétiques (en réception et en production) qui, permettant de mettre la langue à distance, d'en faire un objet de jeu, donc d'étude, peuvent les aider à prendre conscience de l'utilité d'une maîtrise du code.
Voici quelques pistes, bien incomplètes, qui j'espère pourront vous donner quelques idées. Le livre indiqué plus haut en contient d'autres, ainsi que le livret de présentation/passation des évaluations nationales CE2 et 6ème.
J'ajoute, mais ne soyez pas noyée par l'accumulation d'informations :
- A. Mauffrey et I. Cohen,
Lecture : éléments pour une pédagogie différenciée, Armand Colin, 1995/2000 ;
et, dans l'excellent mais parfois difficile
Aider les élèves à comprendre coordonné par D. Gaonac'h et M. Fayol, Hachette, 2003, les deux articles suivants :
- R. Goigoux, "Enseigner le compréhension : l'importance de l'autorégulation", pp. 182-204
- M. Rémond, "Enseigner la compréhension : les entraînements métacognitifs", pp. 205-232.