Apprendre ou à laisser
Posté : 19 janv. 2012 21:37
Penser l'autre, c'est notre métier...
Penser l'autre ... mobiliser l'essence de notre psychisme pour laisser s'insinuer dans les méandres de notre conscience les indices des défaillances de l'être, ses silences et ses censures
Penser l'autre, sans complaisance ni morale qui pardonne ou juge,
Penser l'autre sans arme ou science qui évalue ou répare
Et offrir un regard pour remettre en cohérence les éléments épars d'un chemin de vie, un chemin vers le savoir.
Cette pensée portée par les RASED et nous psychologues scolaires au plus près des élèves dans les écoles primaires s'éteint, devenant à l'évidence obsolète ... et condamne l'école à être une entreprise rentable.
Regardant l'école et ses passagers voguer au fil des réformes et des théories définissant le mal d'apprendre des élèves, j'insiste depuis plusieurs années sur la valeur de l'incertitude et les pièges du diagnostic.
Inquiète de l'émergence d'un dyscours (dyslexie dyscalculie, dysgraphie, dysorthographie, dyspraxie..) qui s'insinue dans les couloirs de nos écoles, j'en mesure aujourd'hui hui les conséquences :
Apprendre ou à laisser... c'est la nouvelle logique d'une école qui suffoque sous les contraintes d'un logique politique légitimée par une médicalisation des difficultés d'apprentissage.
Déshumaniser l'apprentissage permet d'en faire un objet capitaliste.
Évaluer, diagnostiquer entraîner réparer rédiger des dossiers administratifs ou médicaux et finalement se rallongent les listes d'attente des centres publics à vocation diagnostique ou thérapeutiques (CMP Sessad IME...).
Extrait d'une Équipe de Suivi de scolarisation : "votre enfant est sur la liste d attente du SESSAD ... oui ... depuis deux ans je sais ... mais nous devons réactualiser le dossier MDPH cette année ... oui une fois encore ... votre enfant ne progressera pas sans une aide thérapeutique ... une AVS ... oui bien sûr cela l'aiderait ... on peut refaire la demande mais vous savez, nous avons de gros problèmes de recrutement"
Apprendre ou à laisser ... plus d'élèves dans les classes .0. diminution des aides spécialisée à l'école.0. et les différences portées en étendards...
Apprendre ou à laisser ... Il y a ceux qui apprennent et ceux qu'on diagnostique ... élève avec tel ou tel handicap ... élève avec ou sans SESSAD, avec ou sans AVS ... mais souvent élève sous liste d'attente.
Apprendre ou à laisser ... effet de dyscours ... où l'école abandonne à la science l'art pédagogique.
Apprendre ou à laisser c est une logique pragmatique, économique et dramatique...
Dont les perdant seront les enfants et plus particulièrement ceux dont les familles ne pourront se mobiliser pour payer les soins nécessaires.
La logique de l'objectivation du sujet apprenant qui suppose que toutes difficultés soient le résultats d'un dysfonctionnement dans la mécanique psychique... implique qu'au chevet de ce dernier soient mobilisés des spécialistes.
On étalonne et on ausculte on diagnostique et on statistique ... le calibrage de l'objet apprenant supporte un certain écart type... et quand l'écart est dépassé, l'école se pense impuissante et en appelle aux aides extérieures qui se monnayent avec ou sans remboursement des mutuelles.
Les enfants en difficulté ponctuelle ou persistante d'apprentissages sont ainsi souvent sur liste d'attente des services de soins gratuits (CMP SESSAD...) ou pris en charge par un thérapeute extérieur pour les familles les plus aisées. Que reste-t il des idéaux d'égalité de l'école publique quand cette dernière ne répond plus aux besoins de ces élèves et délègue les accompagnements au secteur privé ?
L'école a abandonné aux spécialistes, parce qu'elle ne se pensait plus compétente, aveuglée par un dyscours médicalisant le non apprenant, les élèves en difficultés.
Pourtant, il est extrêmement rare et heureusement qu'une difficulté fonctionnelle, neurologique entrave véritablement l'accès au savoir... la plupart des difficultés des élèves réside dans leur rapport même au savoir et à la situation d'apprentissage.
Comment a-t-on pu oublier que le savoir n'est qu'un appendice de l'autre, un objet à posséder et qui bien souvent échappe tant il se révèle toujours à saisir dans l'autre ?
Apprendre dans l'enfance n'est pas si différent de nos studieuses expériences d'adulte...
Apprendre est l'enjeu de cette relation si particulière à cet autre, le maître nommé par le philosophe, pourvu de cet objet mystérieux un savoir...
Cet autre dont l'élève guette un regard le validant comme apte à recevoir.
Cet autre dont la bienveillance et l'exigence fera naître le désir de s'approprier l'objet savoir.
Si Apprendre au sens étymologique revient à prendre, cela vaut aussi au sens affectif... cela ne peut se penser sans poser la question de la relation à l'autre, cela ne peut se penser sans psychologie et pédagogie.
Bien sûr, bon nombre de ces spécialistes (orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes), au-delà de leur spécialisation, ont une sensibilité particulière à la souffrance de l'enfant et apportent bien plus qu'une simple action chirurgicale. En vérité, ils sont tous un peu psychologues et pédagogues, car ils offrent cet espace relationnel bienveillant et exigeant qui conditionne tout apprentissage. Ce n'est pas leur pratique que je condamne mais la logique théorique qui la justifie et qui externalise et médicalise une aide que l'école devait apporter pour 98 % d'une cohorte d'enfants.
Dégrader les conditions matérielles et relationnelles de cette relation pédagogique du maître à l'élève, c'est aussi favoriser l'émergence de l'échec scolaire.
Externaliser les aides revient à creuser le lit des inégalités sociales et condamner certains élèves à être en attente …
Comme beaucoup, j'ai craint la mise en place de la MDPH pour sa logique nosographique et compensatoire. Les idéaux qui ont motivé sa création étaient légitimes mais si peu réalistes, si peu en adéquation avec la logique mouvante de la psychopathologie infantile.
Aujourd'hui, la MDPH s'étouffe dans son propre oxygène. Elle devait offrir à tous des droits aux soins mais elle ne fait que prolonger les listes d'attente et les lassitudes.
Les CMP et les SESSAD qui devraient être des relais thérapeutiques gratuits sont saturés faute de moyens financiers et ne peuvent plus répondre aux besoins.
Une attente de 6 mois parfois 3 ans dans la vie d'un élève en souffrance pour un accès à des soins revient à condamner ce dernier à un échec scolaire et à un parcours de vie compliqué.
Alors il reste cet indigne logique économique de ces familles qui pourront offrir le soin nécessaire et de celles qui ne pourront pas et porteront la fatalité de cette liste d'attente comme une des dernières injustices.
Apprendre ou à laisser, c'est le drame contemporain de l'éducation nationale.
Penser l'autre ... mobiliser l'essence de notre psychisme pour laisser s'insinuer dans les méandres de notre conscience les indices des défaillances de l'être, ses silences et ses censures
Penser l'autre, sans complaisance ni morale qui pardonne ou juge,
Penser l'autre sans arme ou science qui évalue ou répare
Et offrir un regard pour remettre en cohérence les éléments épars d'un chemin de vie, un chemin vers le savoir.
Cette pensée portée par les RASED et nous psychologues scolaires au plus près des élèves dans les écoles primaires s'éteint, devenant à l'évidence obsolète ... et condamne l'école à être une entreprise rentable.
Regardant l'école et ses passagers voguer au fil des réformes et des théories définissant le mal d'apprendre des élèves, j'insiste depuis plusieurs années sur la valeur de l'incertitude et les pièges du diagnostic.
Inquiète de l'émergence d'un dyscours (dyslexie dyscalculie, dysgraphie, dysorthographie, dyspraxie..) qui s'insinue dans les couloirs de nos écoles, j'en mesure aujourd'hui hui les conséquences :
Apprendre ou à laisser... c'est la nouvelle logique d'une école qui suffoque sous les contraintes d'un logique politique légitimée par une médicalisation des difficultés d'apprentissage.
Déshumaniser l'apprentissage permet d'en faire un objet capitaliste.
Évaluer, diagnostiquer entraîner réparer rédiger des dossiers administratifs ou médicaux et finalement se rallongent les listes d'attente des centres publics à vocation diagnostique ou thérapeutiques (CMP Sessad IME...).
Extrait d'une Équipe de Suivi de scolarisation : "votre enfant est sur la liste d attente du SESSAD ... oui ... depuis deux ans je sais ... mais nous devons réactualiser le dossier MDPH cette année ... oui une fois encore ... votre enfant ne progressera pas sans une aide thérapeutique ... une AVS ... oui bien sûr cela l'aiderait ... on peut refaire la demande mais vous savez, nous avons de gros problèmes de recrutement"
Apprendre ou à laisser ... plus d'élèves dans les classes .0. diminution des aides spécialisée à l'école.0. et les différences portées en étendards...
Apprendre ou à laisser ... Il y a ceux qui apprennent et ceux qu'on diagnostique ... élève avec tel ou tel handicap ... élève avec ou sans SESSAD, avec ou sans AVS ... mais souvent élève sous liste d'attente.
Apprendre ou à laisser ... effet de dyscours ... où l'école abandonne à la science l'art pédagogique.
Apprendre ou à laisser c est une logique pragmatique, économique et dramatique...
Dont les perdant seront les enfants et plus particulièrement ceux dont les familles ne pourront se mobiliser pour payer les soins nécessaires.
La logique de l'objectivation du sujet apprenant qui suppose que toutes difficultés soient le résultats d'un dysfonctionnement dans la mécanique psychique... implique qu'au chevet de ce dernier soient mobilisés des spécialistes.
On étalonne et on ausculte on diagnostique et on statistique ... le calibrage de l'objet apprenant supporte un certain écart type... et quand l'écart est dépassé, l'école se pense impuissante et en appelle aux aides extérieures qui se monnayent avec ou sans remboursement des mutuelles.
Les enfants en difficulté ponctuelle ou persistante d'apprentissages sont ainsi souvent sur liste d'attente des services de soins gratuits (CMP SESSAD...) ou pris en charge par un thérapeute extérieur pour les familles les plus aisées. Que reste-t il des idéaux d'égalité de l'école publique quand cette dernière ne répond plus aux besoins de ces élèves et délègue les accompagnements au secteur privé ?
L'école a abandonné aux spécialistes, parce qu'elle ne se pensait plus compétente, aveuglée par un dyscours médicalisant le non apprenant, les élèves en difficultés.
Pourtant, il est extrêmement rare et heureusement qu'une difficulté fonctionnelle, neurologique entrave véritablement l'accès au savoir... la plupart des difficultés des élèves réside dans leur rapport même au savoir et à la situation d'apprentissage.
Comment a-t-on pu oublier que le savoir n'est qu'un appendice de l'autre, un objet à posséder et qui bien souvent échappe tant il se révèle toujours à saisir dans l'autre ?
Apprendre dans l'enfance n'est pas si différent de nos studieuses expériences d'adulte...
Apprendre est l'enjeu de cette relation si particulière à cet autre, le maître nommé par le philosophe, pourvu de cet objet mystérieux un savoir...
Cet autre dont l'élève guette un regard le validant comme apte à recevoir.
Cet autre dont la bienveillance et l'exigence fera naître le désir de s'approprier l'objet savoir.
Si Apprendre au sens étymologique revient à prendre, cela vaut aussi au sens affectif... cela ne peut se penser sans poser la question de la relation à l'autre, cela ne peut se penser sans psychologie et pédagogie.
Bien sûr, bon nombre de ces spécialistes (orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes), au-delà de leur spécialisation, ont une sensibilité particulière à la souffrance de l'enfant et apportent bien plus qu'une simple action chirurgicale. En vérité, ils sont tous un peu psychologues et pédagogues, car ils offrent cet espace relationnel bienveillant et exigeant qui conditionne tout apprentissage. Ce n'est pas leur pratique que je condamne mais la logique théorique qui la justifie et qui externalise et médicalise une aide que l'école devait apporter pour 98 % d'une cohorte d'enfants.
Dégrader les conditions matérielles et relationnelles de cette relation pédagogique du maître à l'élève, c'est aussi favoriser l'émergence de l'échec scolaire.
Externaliser les aides revient à creuser le lit des inégalités sociales et condamner certains élèves à être en attente …
Comme beaucoup, j'ai craint la mise en place de la MDPH pour sa logique nosographique et compensatoire. Les idéaux qui ont motivé sa création étaient légitimes mais si peu réalistes, si peu en adéquation avec la logique mouvante de la psychopathologie infantile.
Aujourd'hui, la MDPH s'étouffe dans son propre oxygène. Elle devait offrir à tous des droits aux soins mais elle ne fait que prolonger les listes d'attente et les lassitudes.
Les CMP et les SESSAD qui devraient être des relais thérapeutiques gratuits sont saturés faute de moyens financiers et ne peuvent plus répondre aux besoins.
Une attente de 6 mois parfois 3 ans dans la vie d'un élève en souffrance pour un accès à des soins revient à condamner ce dernier à un échec scolaire et à un parcours de vie compliqué.
Alors il reste cet indigne logique économique de ces familles qui pourront offrir le soin nécessaire et de celles qui ne pourront pas et porteront la fatalité de cette liste d'attente comme une des dernières injustices.
Apprendre ou à laisser, c'est le drame contemporain de l'éducation nationale.