Le métier de psychologue scolaire

Pascal Ourghanlian
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Message par Pascal Ourghanlian »

Mon point de vue actuel, et sans doute soumis à rectification (comme dirait Bachelard)...

1. Le "suivi psychologique" du psychologue scolaire et la psychothérapie du psychologue clinicien ne travaillent pas les mêmes "choses" ni ne les travaillent de la même manière.
2. Leurs positions respectives sont différentes : proposition institutionnelle d'aide et/ou demande institutionnelle de bilan d'un côté, offre de soins en réponse à une demande libre, éclairée et consentie d'une autre côté.
3. L'éthique des uns et des autres n'est pas a priori à remettre en cause ; j'irais même plus loin : si un psy exclusivement en libéral a besoin de faire fonctionner son cabinet pour vivre (avec des dérives potentielles), un psy sco faisant quelques heures en libéral est sans doute moins tenté par ces dérives.

Tout cela pour dire que, si la psy sco en libéral s'interdit de s'envoyer à elle-même des "clients", s'il n'y a pas confusion des genres, je ne vois pas trop ce qui rend cette pratique secondaire éthiquement intenable.

J'ajoute aussitôt que je connais un psy sco' qui fait ses 24 h. réglementaires, ne participe à aucun travail de réseau, est totalement en désaccord avec les missions qui sont les siennes dans le cadre de l'Éducation nationale mais qui est bien content de toucher son traitement en fin de mois - et double son temps de travail par un travail en cabinet. Ce qui me révulse et me conduit à dire ce que j'ai déjà écrit ici : à force de scier eux-mêmes la branche sur laquelle ils sont assis, les psy sco' vont disparaître de l'institution.

Mais ce cas extrême ne remet pas en cause a priori ce que je disais plus haut d'un positionnement éthique qui serait intenable. Sauf à penser que, puisqu'une telle dérive est possible, il faut la rendre impossible et interdire la double casquette.

Donc : je ne suis pas sûr d'être contre a priori, mais ne suis pas sûr que les dérives soient impossibles. Et cette contradiction-là me gêne...
Cordialement,
Pascal Ourghanlian
clairea
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Message par clairea »

En effet, des dérives sont possibles et seront toujours singulières, elles n'appartiennent pas à un corps particulier de professionnels. Ce dont vous témoignez Pascal est navrant.

Je ne vais pas ajouter à la liste des annecdotes pathétiques, nous en connaissons tous dans tous les secteurs...

Mais ici nous ne faisons pas le procès d'une personne, mais nous débattons du possible et du cadre nécessaire à une pratique scolaire et libérale.

La particularité du travail du psy c'est le transfert. Je pense qu'un psy scolaire qui jouerait conjointement sur les deux tableaux sans les différencier strictement prendrait un risque majeur d'être disqualifié dans ces deux fonctions. Par ailleurs, il me semble difficile voire impossible de continuer à être le référent scolaire d'un parent qu'on suit en thérapie.
Donc les deux types d'intervention doivent être complètement indépendantes.
A cette condition, je considère qu'une expérience thérapeuthique reste un enrichissement et un désir naturel pour tout psychologue scolaire voire même pour tout praticien clinique dont sans aucun doute (bien qu'ils s'en défendent parfois) les rééducateurs.

Ensuite, il s'agit de formation, de travail sur soi et de désir.
Daniel Calin
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Message par Daniel Calin »

Je reviens un peu dans ce fil de discussion.

Je me suis certainement emballé trop vite sur le cadre légal fondamental - même s'il n'en reste pas moins que c'est bien là loi. Il est vrai que la loi elle-même ouvre la possibilité de la contourner "exceptionnellement" - ce qui ne semble pas avoir empêché que l'exception devienne la règle. Je ne suis pas en dehors du coup : j'ai moi-même diverses autres activités rémunérées que mon emploi principal. :oops:

Quelques remarques :

1/ L'autorisation de cumul, pour ce que j'en connais (Pascal, si tu as trouvé des textes réglementaires, pourrais-tu me les faire parvenir ?), concerne les activités d'un fonctionnaire dans d'autres institutions publiques. Je dois, effectivement, demander une autorisation de cumul pour la moindre intervention dans un autre IUFM que le mien, bureaucratie parfois bien lourde pour bien peu de choses. Par contre, quand j'interviens ailleurs, même dans des institutions "semi-publiques" comme les CDDP/CRDP/CNDP, on ne me demande pas cette démarche. Ceci dit, du point de vue de la loi que j'ai citée, je me retrouve alors, en toute rigueur, hors la loi. Bien plus que Pascal quand il intervient à l'IUFM ! :oops:

2/ L'exemple mis en avant par Patrick est plutôt malheureux : les "pantouflages" des fonctionnaires de l'équipement sont une des voies royales classiques de la corruption et du trafic d'influence ! Je veux bien qu'on ouvre les portes de l'Education Nationale, je les ouvre de longue date pour ma part, et je trouve intéressante l'arrivée récente dans le corps enseignant de fonctionnaires venus d'autres secteurs de l'Etat. Mais si c'est pour se mettre à traficoter, ça prend une autre dimension...

3/ Quand je fais un cours ailleurs, ou que je donne une conférence pour une association, je ne retire rien à mes stagiaires "officiels". Au contraire, je diversifie mon expérience professionnelle, et ça contribue à alimenter mon travail avec eux. Quand Pascal utilise son expérience professionnelle pour alimenter la formation, c'est encore plus évidemment "productif" pour l'intérêt commun. Mais ce n'est pas toujours comme ça. Quand un prof donne des leçons particulières à ses propres élèves, pratique fort banale dans le secondaire, on est dans des dérives déontologiquement inadmissibles, parce qu'il renforce alors les inégalités entre ses élèves en en tirant un profit personnel (il est vrai que ça se fait "au noir", même si c'est au vu de tous, parfois même dans les locaux scolaires !).

4/ Pour ce qui est des psychologues scolaires qui se lancent en parallèle dans des pratiques privées, on est évidemment plus proche du cas des leçons particulières données par un prof que dans la situation de Pascal intervenant à l'IUFM. Le risque de dérive est évident, massif, à la limite de l'inéluctable. Si je décidais de quoi que ce soit là-dedans, j'interdirais a minima tout exercice privé dans la circonscription scolaire d'exercice du psychologue scolaire. Je comprends fort bien que des psychologues scolaires ou des rééducateurs soient tentés par une forme ou une autre d'exercice privé, mais si l'on ne commence pas par se poser un cadre déontologique rigoureux, j'ai le plus grand doute quant à la capacité de telles personnes à conduire correctement quelque psychothérapie que ce soit.
Cordialement,
Daniel Calin
clairea
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Message par clairea »

Je suis surprise par votre comparaison, D. Calin entre des cours particuliers de prof et une démarche en libéral de thérapie par un psychologue scolaire ou un rééducateur.

Dans le premier cas, le professeur s'adresse au même public pour y mener la même action (pédagogique et même remédiante).

Dans le deuxième cas, il me semble comme je l'ai explicité précédement que le psychologue s'adresse (devrait s'adresser) à deux publics distincts (et selon le code de déontologie strictement distincts) et ne mène pas la même action (une est psychothérapeuthique l'autre est psychologique).
La formation de psychologue scolaire ne permet en aucun cas une bascule vers une position thérapeuthique, tout comme un seul MASTER II de psychopathologie ne devrait pas le permettre et pourtant... (mais c'est un autre débat).

L'interdiction a minima de tout exercice libéral dans la circonscription me semble aller contre la liberté individuelle même si sur le principe je pense comme vous qu'une distance géographique participerait à cette stricte distinction des deux espaces d'activité du psychologue. Mais je préfère supposer que cette réflexion devrait être menée et portée par la personne qui envisage ce type de démarche plutôt qu'être imposée par une hiérarchie ou législation extérieure... J'espère une introjection du Surmoi ;).
Si le psychologue et je ne doute pas qu'il y en a eu et qu'il y en aura n'a pas ce minimum de réflexion sur sa pratique et sur son cadre, je doute que ce soit en effet une bonne chose qu'il accède à une position de thérapeuthe. Comme vous l'explicitez, le minimum de compétence dans ce genre de positionnement a affaire avec l'éthique...

Quant à la capacité de quelqu'un à conduire correctement une thérapie, je ne crois pas que la qualité de psychologue scolaire ou de rééducateur ou même de Masterien soit une référence suffisante.

Cette qualité n'a-t-elle pas plus à voir avec la personnalité singulière qu'avec un quelconque rapport à un groupe social ou professionnel ?

La position thérapeuthique ne se résume pas dans l'obtention d'un diplôme, ou dans une démarche psychologique... Une pratique clinique me semble une bonne voie pour construire un désir de devenir thérapeuthe mais en aucun cas cela ne peut suffire pour envisager une pratique.
Mais je laisse le débat sur ce qu'est et n'est pas un psychothérapeuthe.

Des mauvais thérapeuthes, il y en a, il y en a même beaucoup trop puisqu'ils sont partenaires d'un sujet en souffrance.

Pour ma part, une personne, quels que soient son parcours précédent, ses fonctions passées ou même concomitantes, peut devenir un bon thérapeuthe si cette personne a effectué ce long et coûteux travail sur soi en analyse, a travaillé intensément les principes fondamentaux de l'acte thérapeuthique (à travers des séminaires et des réflexions sur la pratique) et répond aux plus hautes exigences d'éthique individuelle. Voilà ce profil n'est pas donné à tout le monde mais je vous assure aussi qu'il existe de très bons psychothérapeuthes en France....

D'une certaine façon, j'ai les mêmes exigences éthiques que vous D. Calin mais je les crois possibles même chez un psychologue scolaire ou un rééducateur :) Il y a des gens très bien dans l'éducation Nationale et finalement bien peu qui osent ce genre de démarche... Peut-être qu'il est plus problématique de s'autoriser à mettre une plaque de psychothérapeuthe à la sortie d'un Bac + 5 sans aucune autre formation ou expérience que dans la démarche longuement maturée d'un personnel fonctionnaire qui souhaite mener cette aventure ?
Daniel Calin
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Message par Daniel Calin »

Claire, sincèrement, je n'ai jamais douté que nous ayons les mêmes exigences éthiques. Le débat que nous avons ici ne porte pas sur des principes éthiques, mais sur leur mise en œuvre. Là, nous avons une vraie divergence.

Comme vous finissez par l'écrire, vous faites confiance au Surmoi de chacun. Malgré mon fond libertaire, malgré mon individualisme farouche, le vie m'a appris qu'il était bon que ce Surmoi individuel soit quelque peu étayé par la loi sociale et ses appareils d'application... :) Exemple concret de ce qu'implique cette divergence : la règle que je propose, d'interdire l'exercice en libéral d'un psychologue scolaire dans sa circonscription. Vous la dites contraire à la liberté individuelle, alors que sur le fond vous êtes en accord avec elle. C'est l'essence même de toutes les lois que de limiter les libertés individuelles, au nom de l'intérêt commun et des valeurs communes - toutes choses qui devraient spontanément guider les choix des individus intellectuellement éclairés et éthiquement responsables (ce qui a certes à voir avec la construction de leur Surmoi, mais ce qui dépasse aussi de beaucoup cette question du Surmoi). La nécessité des lois sociales provient précisément de l'imperfection intellectuelle et éthique des individus, imperfection universelle, d'ailleurs, même si certains sont plus crapuleux que d'autres !

Dit en références psychanalytiques, jeune homme rebelle, je détestais le Freud de Malaise dans la civilisation. M'approchant peu à peu de l'âge auquel il a écrit ce livre, je dois reconnaître la justesse de l'essentiel de ses analyses - lesquelles posent, précisément, la nécessité des lois sociales, dont je vois très mal au nom de quoi on devrait en exonérer les psychothérapeutes. Oseriez-vous être en désaccord avec Freud sur ce point, Claire ? :D Lequel papa Freud faisait d'ailleurs si peu confiance au Surmoi des psychanalystes qu'il a toujours conduit de main de maître son association ! :wink: Même les plus proches de lui : il n'a pas hésité longtemps à botter les fesses de son très cher Jung ! On peut voir là, me semble-t-il, une autre loi anthropologique fondamentale, à l'œuvre en bien des domaines : quand on chasse la loi sociale de la scène commune, elle rentre en force par la fenêtre incontrôlable de l'exercice tyrannique de pouvoirs personnels privés.

Ce débat m'en évoque un autre, très public, celui-là. Quelques années avant sa mort, Serge Leclaire avait lancé l'idée d'une instance régulatrice commune de l'exercice de la psychanalyse. Idée qui m'avait bien sûr semblé fort sage - je devais être déjà assez vieux pour cela ! Si vous vous souvenez de cela, vous devez aussi vous souvenir des réactions virulentes que cette proposition avait déclenché chez ses chers collègues... Tiens, "collègues", c'est un mot inusité entre psychanalystes. Révélateur, et en lien direct avec le massacre de Serge Leclaire : les psychanalystes, pourtant doués pour le sectarisme, ne font pas corps, se refusent comme corps professionnel. La justice organisée a aussi pour fonction d'éviter le déchaînement indéfini des vendetta privées. Et je pense plus ici à la scène psychanalytique parisienne qu'à nos amis corses, dont je me garderais bien de dire le moindre mal publiquement...

Résultat actuel : l'exercice de la psychothérapie est maintenant régulée par la loi Accoyer, soumise au contrôle direct de l'État, des Universités ou de chacune des associations de psychanalystes. Autrement dit, la pire solution possible. Avec ce facteur aggravant, véritable insulte à l'idée même de psychothérapie, que n'importe quel médecin a désormais le droit inconditionnel à s'autoproclamer psychothérapeute ! :twisted:

Pour le reste, je suis en accord avec vous sur la complexité des conditions qui font un psychothérapeute acceptable. Un master, dans les conditions ordinaires de sa délivrance à l'heure actuelle, est à l'évidence une condition insuffisante. Il y a bien longtemps, j'ai côtoyé une jeune clinicienne (avec DESS, à l'époque), qui m'a longuement entretenu de son désarroi face aux enfants qu'elle recevait dans son CMPP - "désarroi" étant une litote ! À propos de règles, comme de toutes façons aucun "décideur" ne s'intéressera à mes propositions, j'en ai une autre à vous soumettre, fortement contraire à la liberté individuelle comme aux pratiques actuellement courantes : l'exercice de la psychothérapie devrait être interdit avant quelque chose comme 40 ans, avec obligation d'avoir eu auparavant une suffisamment longue expérience professionnelle dans des métiers de la relation (psychologue scolaire, par exemple, bien sûr, mais aussi enseignants, travailleurs sociaux, médecins généralistes, policiers et ainsi de suite). Là, je crois qu'il est temps que je retourne à mes silences prudents... :oops:
Cordialement,
Daniel Calin
clairea
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Message par clairea »

Vous me soumettez l'idée d'une limitation d'âge de 40 ans minimum pour l'exercice de la psychothérapie, et je vous réponds donc qu'un tel critère ne correspond en rien à ma conception de l'expérience.
S'il est indéniable qu'une expérience de vie est nécessaire à la formation du psychothérapeuthe, elle ne se compte pas à mon sens en année.
L'expérience et la maturité n'ont pas pour équivalent le temps chronologique.
L'histoire du sujet est mon seul critère et cette dernière est par définition subjective donc je n'ai que faire d'un âge légal.
Certaines vies de 25 années à peine sont bien plus riches d'expérience que d'autres de 40 années...

Pour le texte de S. Freud sur le Malaise dans la culture (pour la dernière traduction), la lecture que j'en avais faites à 20 ans m'avait convaincue tout comme Totem et Tabou, L'avenir d'une illusion ou Moïse et le monothéisme. A vrai dire, j'aime beaucoup la lecture freudienne du fait humain. Mais il ne semble pas que nous tirions les mêmes conséquences de cette lecture. Ce n'est pas la première fois il me semble que nous sommes en contradiction sur ce point et à vrai dire votre ton m'inspire peu d'envie d'en débattre avec vous.
Si j'ose être en opposition avec S. Freud ? Pourquoi ce ton de défi ? Pourquoi tant de critiques envers la psychanalyse et son fondateur ? Main de maître, botteur de fesses ... Vous êtes pour le moins très sévère...

Pour vous répondre, je peux être sur certains points théoriques en désaccord avec la théorie freudienne mais cela ne concerne pas ce thème précis et ce désaccord n'est que de surface et se complète par l'approche d'autres auteurs qui ont suivi et enrichi la théorie psychanalytique.

Ma position est celle d'une psychologue, je cherche donc une vérité subjective et qui ne concerne que le particulier. La loi sociale est nécessaire et structure nos réalités mais elle n'est en aucune façon une garantie suffisante de non transgression. Banalité que d'écrire cela.

Quand je n'adhère pas à votre proposition d'interdire un exercice libéral dans la même cicronscription, c'est que j'estime que ce choix très lourd d'éthique doit rester celui du sujet. Interdire c'est déposséder l'autre de son choix et donc de son positionnement. C'est presque trop facile, la question n'est plus à poser, il ne reste plus qu'à transgresser ou respecter.
La loi sociale a valeur symbolique, elle structure les relations interhumaines mais c'est bien parce qu'à un moment de sa génèse l'enfant introjecte la loi qu'il peut s'y soumettre. Dans le processus de maturation d'un désir de devenir thérapeuthe, je pense que ce genre de question du lieu c'est-à-dire ausi de la place, du cadre, doit être porté par le seul sujet du désir et non par un autre que lui.

Le psychologue qui se destine à la thérapie a pour le moins je l'espère travaillé sur lui et ne devrait pas avoir besoin d'une instance paternelle pour guider ses choix. Evidement, il y aura toujours des cas particuliers qui contredisent mon approche...

Interdire, c'est éduquer. Je ne crois pas qu'on éduque à être un psychothérapeuthe, toutes les formations vont dans un autre sens, celui de la maturation d'un désir et du questionnement de choix éthiques.

Eduquer est un principe valable dans un autre cadre, ensuite se pose la question du père, celui qui porte les interdits....

Pour conclure, en effet, nous sommes en total désaccord sur plusieurs points et notamment sur le rapport que nous entretenons avec la vérité (pour moi seulement subjective, pour vous ayant plus de valeur sociale si je ne trahis pas votre pensée), avec la psychanalyse et S. Freud en particulier.
Néanmoins, nous partageons d'autres valeurs, celles-là même qui sont à l'origine de ma fréquentation de votre forum.
Mais j'aimais bien cette expérience pluriprofessionnelle là où certains forums que psy m'ennuyaient pour d'autres raisons, nombrilismes peut-être ;)
Pourtant j'en viens à douter de la pertinence de ma place ici, peut être mon discours est-il trop spécifique pour être déposé ici sans devenir hors propos...
Pascal Ourghanlian
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Message par Pascal Ourghanlian »

On se calme...

Votre place, Claire, est bien évidemment parmi nous.
Les désaccords (j'en ai aussi, comme vous le savez, avec Daniel, ou d'autres membres du forum), même lorsqu'ils portent sur des points essentiels, ne peuvent que nous enrichir mutuellement d'être débattus.
Se retirer, rester sur son quant-à-soi, donne l'illusion d'avoir raison (ou tort), hors la communauté des hommes... ce que vous ne souhaitez pas, me semble-t-il, ce que je ne souhaite pas, j'en suis sûr, ce que nous ne souhaitons certainement pas... collectivement sur ce lieu d'expression.

Cordialement,
Pascal Ourghanlian

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Comme "marley" relance le fil dans sa direction initiale, je me glisse par effraction dans le message de Pascal, pour abonder dans son sens. Ce forum est "porté" par quelques fortes personnalités, dont vous faites à l'évidence partie, Claire. J'apprécie très généralement vos interventions, comme vous appréciez généralement les miennes. Le désaccord que nous venons de constater ne change rien à cela.
Je n'ai aucune animosité à votre encontre, pas même après ce débat, qui est d'ailleurs pour moi très théorique, puisque loin de ma position professionnelle (moins théorique pour vous, bien sûr). Aucun conflit avec de la pensée psychanalytique, dont je suis imprégné de part en part, même si je fais mon marché à ma façon dans le grand bazar de la littérature psychanalytique. Ni aucune animosité personnelle vis-à-vis des pratiques psychanalytiques... puisque je suis toujours parvenu à "contourner" le divan, en empruntant d'autres voies, au prix fort parfois. Seulement une interrogation persistante sur ce métier...
Par rapport à ce qu'écrit Pascal ci-dessus, je ne crois pas que ce débat et d'autres nous "enrichissent mutuellement", expression que j'exècre. Je dirais plutôt pour ma part que ces débats nous permettent plutôt de creuser nos différences, en les explicitant, en les fouillant, ce qui est intellectuellement passionnant, mais pas, me semble-t-il, sur ce mode de "l'enrichissement mutuel". Par contre, j'imagine assez à quel point nos débats peuvent être enrichissants pour les très nombreux visiteurs discrets de ce forum, qui n'ont ni nos expériences ni nos convictions, et qui viennent ici pour s'initier ou se former.

Cordialement,
Daniel Calin

_________________________________________________________

Puisque Daniel se "glisse par effraction" dans ma réponse :o :o :o , je lui réponds sur l'enrichissement mutuel.

Je n'ai aucune vocation à être le Guizot de ce Forum :lol:
Moi, les différences, ça m'enrichit, désolé :oops:
J'ai définitivement tiré un trait sur la possibilité de devenir riche au sein de l'Éducation nationale, ce n'est d'ailleurs pas ce que j'attends de mon boulot :wink:
Par contre, d'y rencontrer des personnes différentes, des pratiques diverses, me conforte dans mon individualité irréductible en me faisant partager l'humaine discordance. En d'autres termes, ça enrichit la palette des possibles - ça m'enrichit. Ma faiblesse :roll: , c'est peut-être de croire que c'est mutuel :?
Modifié en dernier par Pascal Ourghanlian le 29 nov. 2006 19:02, modifié 1 fois.
marley
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métier de psychologue ?

Message par marley »

Bonjour !

J'aimerais revenir au sujet initial du topic.
Ma question peut peut-être paraître étrange mais j'aimerais savoir ce que fait rééllement un psychologue scolaire. J'explique un peu ma question. Je suis dans le 94, les membres du réseau et surtout la psychologue scolaire ont un énorme secteur à couvrir. La psy doit avoir 10 groupes scolaires à gérer et du coup, j'ai l'impression que les membres du réseau passent leur temps en réunions, concertations, équipes éducatives et qu'ils ont peu de temps pour voir les enfants. Ne vous méprenez pas sur mes paroles : je ne veux pas critiquer les RASED, au contraire, j'aimerais éventuellement me présenter comme psychologue scolaire mais j'ai peur que finalement les conditions réelles actuelles ne permettent plus de suivre les enfants.
Alors, je ne veux pas savoir ce qui se dit dans le bureau du psychologue, mais j'aimerais savoir quelle proportion de l'emploi du temps est consacrée aux enfants "de visu" (rencontres, entretiens, suivis, tests...) et quelle proportion est consacrée aux autres tâches (dossiers CDES (?), réunions, etc...).
Merci d'avance à tous ceux qui pourront me répondre. :D
clairea
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Message par clairea »

Vous répondre ne va pas être facile Marley, bien que votre question touche à un aspect très concret de la fonction de psychologue scolaire.

Il y a, je pense, différents types de pratiques selon peut-être le milieu d'exercice (urbain, semi-urbain ou rural), la taille du secteur à couvrir en nombre d'élèves (de 1200 je crois à 2000 pour ce que j'en connais mais je crains qu'il y ait bien pire), les caractéristiques particulières de la population de ce secteur mais aussi selon les choix du psychologue inspirés par ses références théoriques.

Je pourrai vous faire parvenir en mail si besoin la répartition en pourcentage de mon activité sur une année, mais ces valeurs chiffrées n'ayant de valeur que pour ma propre pratique, je ne les diffuse pas ici.

Peut-être puis-je vous décrire ma semaine comme un exemple particulier (samedi compris) qui n'est en aucun cas généralisable bien sûr, aucune semaine ne ressemblant à la précédente ou presque :

Entretien clinique avec un enfant : 8
Entretien avec passation psychométrique avec un enfant : 5
Entretien avec une famille (avant ou après prise en charge) : 4
Entretien enseignant : 3
Equipe éducative : 3
Observation en classe (maternelle) : 0
Réunion institutionnelle (avec IEN, et directeurs) : 1
Synthèse réseau : annulée et remplacée par 2 équipes éducatives.

Plus une série d'appels téléphoniques vers mes partenaires et pour contacter les familles.

L'analyse des entretiens et des bilans ne rentre pas dans ce que je peux comptabiliser ici.


De façon plus générale, la pratique du psychologue est ce qu'il en décide. Il y a des contraintes institutionnelles mais j'ai encore l'impression d'avoir une liberté raisonable dans ma pratique.
Il est important de préciser que cette dernière a beaucoup évolué depuis ma première prise de fonction (moins de bilans psychométriques, une exigence grandissante pour le cadre et à l'analyse de la demande) et que s'ajoute à cela des incontournables de formation personnelle. (mais ce serait un long débat)

Voilà, en espérant que d'autres psychologues témoignent de leur pratique afin de vous donner une vision plus objective de ce travail.
clairea
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Message par clairea »

Marley,

Je reprend et complète ma réponse qui j'espère répondra peut être plus précisément à votre question : le psychologue a t il encore du temps de faire de la clinique avec les enfants ?

Il me semble que oui, et c'est sans aucun doute le versant le plus passionnant de ce métier.
Chaque rencontre est singulière, je ne sais jamais à l'avance ce qui va se passer... et ces rencontres ont un véritable caractère clinique avec des éléments transférentiels et contre transférentiels, des symptômes à écouter ou parfois à deviner, des angoisses à contenir et à écouter.
Mes actions ne sont pas toutes déterminées par des logiques institutionnelles ( demande de bilan pour orientation par exemple), c'est loin d'être un élément majeur, même si c'est un élément important. Je rencontre beaucoup d'enfants et de famille pour lesquels l'école n'est qu'un prisme révélateur de souffrance et dans ces cas là on parle de beaucoup de choses bien éloignées de la vie d'élève.

Plus encore, la position que j'occupe en synthèse équipe éducative ou autres reste une position de clinicien dont le rôle est d'inviter mes partenaires à penser différement la situation de l'enfant, à entendre ce qui ne se dit pas spontanément à ouvrir des questionnements pour destabiliser les certitudes qui cloisonnent et figent les représentations sur l'enfant.
La encore c'est une écoute clinique, entendre ce qui se cache dans le discours de l autre (enseignant, parent, directeur ..) .
Cette position est compliquée mais elle est complètement liée à la clinique.

Il faudrait illustrer celà avec des exemples mais c'est toujours prendre le risque d'aller contre le respect de la confidentialité.

Je ne sais pas si cette réponse complémentaire vous sera utile, je l'espère .

Bonne formation à vous :)
marley
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Message par marley »

Bonsoir !

Je vous remercie de vos deux réponses :D .
La première m'a largement éclairée sur la réalité. Et j'en avais besoin. Je ne veux pas m'engager dans cette formation en ayant une vision floue, imaginée de ce métier.
Et je suis contente de voir, grâce à votre deuxième réponse, que malgré les contraintes institutionnelles, il vous reste du temps pour le côté clinique.
Je rencontre beaucoup d'enfants et de famille pour lesquels l'école n'est qu'un prisme révélateur de souffrance et dans ces cas là on parle de beaucoup de choses bien éloignées de la vie d'élève.
Et que pouvez-vous faire dans ces cas-là ? Proposez-vous un suivi, faites-vous de la guidance parentale ou les dirigez-vous vers les CMP ou cabinets privés ?
le rôle est d'inviter mes partenaires à penser différement la situation de l'enfant, à entendre ce qui ne se dit pas spontanément à ouvrir des questionnements pour destabiliser les certitudes qui cloisonnent et figent les représentations sur l'enfant. La encore c'est une écoute clinique, entendre ce qui se cache dans le discours de l autre (enseignant, parent, directeur ..)
Oui, c'est vrai.

En fait, Clairea, je vous remercie de rendre visible l'invisible. Les réponses que vous m'apportez me sont très utiles.

J'ai une réunion organisée par l'iinspection académique mardi. Je continue donc mes investigations.

Encore merci ! :lol:
clairea
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Message par clairea »

Et que pouvez-vous faire dans ces cas-là ? Proposez-vous un suivi, faites-vous de la guidance parentale ou les dirigez-vous vers les CMP ou cabinets privés ?


La première chose est sans doute de savoir écouter et si possible entendre ce qui se dit là.
Il n'y a évidemment pas de recette miracle, toutes les actions que vous évoquez sont possibles et j'en rajouterai aussi une qui est la non proposition d'aide extérieure, c'est aussi un possible qu'il ne faut pas oublier et qui peut avoir des effets perceptibles (apaisement de tensions, modification du regard).

Le deuxième temps incontournable est de favoriser l'émergence d'une demande chez la famille et si possible chez l'enfant. Aucun suivi ne sera bénéfique s'il est subit et prescrit par cet autre qu'est l'institution scolaire.
Il ya des cas extrêmes où cette demande n'émerge jamais et on propose quand même des aides mais c'est très fragile.

Le suivi clinique en milieu scolaire c'est une vaste question et je ne peux la développer ici faute d'avoir un croisement de pratiques avec d'autres psys.
La guidance parentale ... flute je serais tentée de vous répondre la même chose. Pour répondre simplement, oui c'est une possibilité, comme le suivi clinique.
Les orientations vers l'extérieur sont également possibles et nombreuses.
Les psychologues scolaires essayent d'être en contact "régulier" avec ces partenaires mais c'est en pratique asez difficile.

Voilà pour les grandes lignes, mais comme vous vous en doutez, c'est vraiment une pratique de la singularité, pas vraiment généralisable en fait sans tomber dans la caricature.
marley
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Message par marley »

Tout cela a l'air tout à fait passionnant

Merci beaucoup Clairea ! :)

Cordialement,
Marley.
Cazeneuve
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travail en libéral des psychologues scolaires

Message par Cazeneuve »

patrick a écrit :Le cadre législatif est là pour éviter les dérives. De fait on ne sait pas grand chose sur les cours particuliers dispensés par les enseignants à tous les niveaux. Je suppose que même les hauts fonctionnaires doivent pouvoir exercer en dehors de leur fonction.
Ce qui est intéressant, c'est que visiblement ce cadre est poreux et que par contre il a un effet négatif en enfermant les fonctionnaires, il serait souhaitable que les fonctionnaires puissent aussi se confronter au "monde de l'entreprise" et cela ne devrait que enrichir la fonction publique.
Au ministère de l'équipement le "pantouflage" dans le privé est sollicité, organisé, bien vu !! Daniel semble sur ce point réagir de façon instinctive dans la défense du sanctuaire !! Pour une fois laissez-moi faire le jeune et dire que je trouve ce désir d'aller ouvrir des portes à l'extérieur tout-à-fait intéressant. Oui, des dérives sont possibles mais peut-on contrôler les malhonnêtes !!
Mais la position que soulève Claire est un peu différente, c'est pas la question du dehors et du dedans de l'institution qui se poserait pour ces psys mais celle de la pratique de deux métiers différents. Là je trouve qu'il y a évitement d'autres questions : ces deux métiers sont-ils compatibles ? Un métier qui n'a de sens que dedans et un autre qui n'est possible que dehors ! Finalement c'est peut-être ce paradoxe qui doit être motivant.
Je suis rééducateur, si ma formation me le permettait
Christian Cazeneuve
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Re: travail en libéral des psychologues scolaires

Message par Cazeneuve »

(nouvel envoi suite à une erreur de manip)
Bonjour,

Une référence tout d'abord au sujet du travail en libéral des psychologues scolaires :
Une décision du conseil d'état du 7 avril 1993, n°121.683, qui annule une note de service de l'éducation nationale qui visait à interdire l'installation en libéral, en sus de leur fonction, de psychologues scolaires.
Il existe des dérogations à la règle générale en matière de cumul de fonctions, dont peuvent bénéficier les psychologues scolaires. Pour le coup, est "hors la loi "celui qui prétendrait l'interdire !
Et ne soyons pas trop rigoriste : qu'une loi ne soit pas trop stricte, qu'elle puisse être interprétée, qu'elle prévoie des dérogations, reste pour moi le signe d'une bonne santé démocratique.

S'installer en libéral ne veut pas dire être un apôtre du libéralisme !!
Il y a d'un côté une formule administrative, de l'autre une idéologie.

Je ne vois pas en quoi il y aurait une incompatibilité à exercer comme psychologue scolaire, et en libéral. Un psychologue scolaire n'est pas, à mon avis, un simple technicien, inséparable de sa mallette de test. Un travail clinique est possible, tout à fait passionnant, et sans pour autant oublier le cadre institutionnel particulier dans lequel nous travaillons. Une formation analytique sérieuse sert, bien sûr, pour conduire un travail avec un sujet, en libéral - je laisse de côté l'option comportementaliste qui, à mon goût, a trop à voir avec une idéologie libérale pure et dure - mais permet également de s'orienter dans l'abord des difficultés telles qu'elles se présentent à l'école, sans chercher à tout interpréter en des termes psychanalytiques, la question n'est pas là.
Pour ce qui concerne, d'une façon plus générale, la fonction de psychologue, à l'école, en libéral, ..., je relis régulièrement l'article de G. Canguilhem, "Qu'est-ce que la psychologie?", qui suscite l'intranquillité nécessaire lorsque l'on occupe ce genre de fonction, qui peut avoir une visée normative trop appuyée.

Bien cordialement
Christian Cazeneuve
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