Les enfants accueillis en ITEP sont-ils handicapés ?

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Fabrice
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Les enfants accueillis en ITEP sont-ils handicapés ?

Message par Fabrice »

Pour reprendre les textes officiels, j'observe que les enfants et adolescents confiés aux ITEP relèvent pour certains d'une orientation décidée par la Maison Départementale des Personnes Handicapées.
Doit-on considérer de ce fait, que les enfants accueillis en ITEP sont reconnus comme personnes handicapés ?
Les parents peuvent-ils bénéficier d'allocations spéciales destinées à ce type de handicap ?
Comment associer les parents au travail "thérapeutique" et à s'ouvrir sur leurs responsabilités en tant que membre du noyau familial, puisque leur fils est "handicapé" ?
L'intitulé "de l'éducation spéciale" n'était-il pas plus adapté puisqu'il abordait la problématique de l'enfant au travers d'une question d'éducation qui tenait compte de l'ensemble des personnes concernées ?
La souffrance des parents n'est-elle pas suffisante, stigmatisation dans l'environnement scolaire, familial, sentiment d'impuissance face aux troubles de leur enfant, culpabilité..., "madame, maintenant pour les problèmes que rencontrent votre fils, il faut vous adresser à la maison départementale des personnes HANDICAPEES" !!!
Pas plus tard qu'hier, j'ai eu cette réponse de la part d'une maman, lorsque j'ai abordé le sujet d'une aide spécifique, "il vous faut écrire à la MDPH...", "mon fils n'est pas handicapé !".
OK, je suis d'accord avec cette dame, il n'est pas handicapé.
Pourquoi ce statut, quel intérêt pour l'enfant et sa famille ?
Daniel Calin
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Message par Daniel Calin »

Excellente question et excellentes remarques !!!

Malheureusement, c'est pire que ce que vous pensez. Les ITEP sont des institutions médico-éducatives, et ce ne sont pas "certains" enfants qui vont devoir passer par la MDPH, mais TOUS. Dès que le nouveau système fonctionnera vraiment tout du moins, ce qui ne devrait plus trop tarder, au moins pour les entrées.

On retrouve les mêmes interrogations, d'ailleurs, pour les enfants orientés en CLIS pour des troubles du comportement, assez nombreux. Ce qui implique aussi le passage par la MDPH, avec les mêmes interrogations sur la pertinence de la classification de ces enfants dans la catégorie du handicap.

C'est probablement un des aspects les plus aberrants du nouveau système (mais il est vrai que dans la plupart des cas les parents des enfants présentant ce type de "toubles" n'ont guère les moyens de se faire entendre par les "représentants de la nation"...).

De plus, le passage par la MDPH n'ouvrira pas plus automatiquement sur des aides financières que le passage par la CDES : il n'y aura généralement même pas ça pour faire passer la pilule !

Pour se consoler, on peut se dire que ces malheureux mômes vont être en bonne compagnie : dyslexiques de bonne famille, hyperactifs de bonne famille, et même surdoués, puisqu'il y a à Paris deux UPI pour enfants "intellectuellement précoces" !!!

Tous handicapés ! On vit dans un monde formidable. :evil:
Modifié en dernier par Daniel Calin le 09 déc. 2006 00:04, modifié 1 fois.
Cordialement,
Daniel Calin
Fabrice
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Message par Fabrice »

Pourquoi tous les enfants ?
Il n'y aura plus de placements Justice ou ASE ?
Quel nouveau système ?
juliekéli
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Nous ne sommes plus sensé parler d'handicapés !

Message par juliekéli »

Je ne cherche pas à vous contredire mais aujourd'hui, nous ne sommes plus sensés parler d'handicapés mais de "personnes en situation de handicap". Il est vrai que c'est hypocrite mais personnellement cela m'arrange. En effet, cela correspond plus à la philosophie qu'il me faut conserver pour travailler avec mes jeunes.
Je leur rappelle souvent qu'ils sont capables et intelligents, et que, s'ils sont dans l'établissement, c'est parce qu'ils ont des troubles (dont ils jouent parfois) qu'ils ne parviennent pas à maîtriser. L'équipe est là pour leur apprendre à faire avec pour correspondre aux normes d'une société qui a ses lois pour que chacun puisse vivre en harmonie (en théorie c'est sûr), qui n'aime pas les originaux parce que cela lui fait peur. Enfin dans l'idéal, nous sommes là pour leur apprendre à chercher au fond d'eux ce qui peut les entraîner le plus dans leur dérive et le dépasser, le surmonter, le corriger,... suivant le cas. Certains restent des jeunes avec de gros problèmes d'adaptation mais presque tous passent au moins un cap vers la réduction de leur situation de rejet de la société.

Une jeune enseignante en ITEP.
Daniel Calin
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Message par Daniel Calin »

Pour "juliekéli" :
Je ne cherche pas non plus à vous contredire, mais je dois le faire "au nom de la loi" - ce qui n'est pas rien, vous en conviendrez. :wink:

En effet, la loi de 2005 sur le handicap n'a pas retenu la formule "personnes en situation de handicap", instaurée dans l'Éducation Nationale par divers textes réglementaires, à commencer par l'appellation officielle du CAPA-SH. Elle parle, et le choix a été très discuté, c'est donc un vrai choix politique, de "personnes handicapées". Voir en particulier son article 2. Du coup, ce sont les textes Éducation Nationale qui devront se mettre en conformité avec cette loi, et abandonner toute référence à la notion de "situation de handicap". Je sais que "ça" résiste, mais la loi ... a force de loi - et il est peu probable qu'elle change à court terme. Je comprends que cela ne vous arrange guère dans la pratique, mais cela va bien faire partie de votre cadre de travail... Désolé.

Pour "Fabrice" :
Oui, pour tous les enfants. Il n'y a jamais eu, réglementairement, de "placements" ASE ou Justice en Institut de rééducation (ou ITEP). Ces établissements sont médico-éducatifs, et non sociaux ou socio-éducatifs, et les textes antérieurs ont constamment insisté sur cette distinction. Voyez ce qu'il en était dans le système CDES, en particulier dans la Circulaire n° 76-156 et n° 31 du 22 avril 1976 en son paragraphe Orientation des enfants et adolescents handicapés. Il est dit clairement, souligné : "La loi s’applique aux seuls handicapés physiques, sensoriels et mentaux." La présence d'enfants ou adolescents "à problèmes de type ASE" dans des établissements médico-éducatifs, qui exige toujours le passage en CDES, n'est justifié que dans la mesure où ils sont susceptibles d'être reconnus comme handicapés, leur problématique sociale ne justifiant jamais à elle seule leur présence dans de tels établissements. Distinction à vrai dire parfaitement normale.

Mais bien sûr, avec des concepts aussi troubles que le concept antérieur de "inadaptés" ou actuel de "troubles du comportement ou des conduites", toutes les dérives et confusions sont possibles. A noter la définition du public des ITEP retenue par le Décret n° 2005-11 du 6 janvier 2005 qui a transformé les IR en ITEP : "difficultés psychologiques dont l’expression, notamment l’intensité des troubles du comportement, perturbe gravement la socialisation et l’accès aux apprentissages", définition fine, qui se réfère explicitement au psychique, et qui me convient bien. La suite précise que ces difficultés font que ces jeunes sont "engagés dans un processus handicapant". Toujours le passage obligé par la case handicap, donc.
Cordialement,
Daniel Calin
juliekéli
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Oups !!! Merci de ses précisions.

Message par juliekéli »

Merci de m'avoir donné ces précisions. Ce qui m'étonne le plus est que je viens de participer à une journée de l'Aire Languedoc Roussillon et que des personnes de l'éducation nationale sont intervenues en utilisant cette expression "personne en situation de handicap", sans préciser qu'elle leur restait propre. Pourtant elles devraient être les premières à être vigilantes. Non ?
Daniel Calin
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Message par Daniel Calin »

Dans l'Education Nationale, l'exemple vient de haut. La Circulaire n° 2006-119 du 31 juillet 2006, pourtant parue bien après la loi de février 2005, évoque encore, dans un passage, "la scolarisation des élèves en situation de handicap".

La "légèreté" juridique est une vieille tradition, bien installée dans l'Education Nationale, qui autorise tous les abus de pouvoir, mais aussi bien des petits jeux de pouvoir dont bien des membres de notre "grande maison" sont complices... Le rapport au pouvoir et à la toute-puissance est un des grands absents de la formation. :( Et pourtant !
Cordialement,
Daniel Calin
Pascal Ourghanlian
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Message par Pascal Ourghanlian »

« (…) On objectera que le terme de « situation de handicap » peut prêter à confusion, car il pourrait laisser croire à une extension sans limite vers toutes les situations de difficultés. Je réponds à cette objection par le vocabulaire même. Depuis des décennies, le « handicap » vise certaines personnes subissant des désavantages liés à des caractéristiques biophysiques particulières. La « situation de handicap » ne peut désigner que la liaison entre une déficience et des barrières, entre une personne atteinte dans son corps ou dans son esprit et un environnement. Défaire cette relation, c’est nier la situation propre du handicap. Une désignation et une loi ne doivent pas gommer une autre désignation et faire fi de la législation antérieure. La tradition sémantique et réglementaire a donné un sens précis aux termes « handicap » et « personnes handicapées ». C’est dans le prolongement de ce sens qu’il convient de comprendre « situation de handicap ». Les difficultés spécifiquement sociales (relevant de ce qu’on nomme la délinquance, l’abandon parental, la pauvreté, etc.) ne peuvent entrer dans la « situation de handicap » puisque celle-ci repose toujours sur un lien entre des aspects organiques et/ou fonctionnels, des aspects relevant au sens large de la santé physique, intellectuelle ou psychique, et des aspects émanant d’un contexte. Cela étant, si la puissance publique refusait de retenir l’expression « situation de handicap », il ne servirait à rien de polémiquer à l’infini, l’essentiel étant que soit prise en compte, complètement et jusqu’au bout, l’interaction des différents facteurs ». H.-J. STRIKER, « Les enjeux d’une approche situationnelle du handicap », in Éducation permanente n° 156, 2003-3, pp. 120-121.
Cordialement,
Pascal Ourghanlian
Daniel Calin
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Message par Daniel Calin »

Je suivrais volontiers Stiker, en particulier sa conclusion, si l'acharnement à passer de la notion de handicap à la notion de situation de handicap n'était pas dans les faits le plus souvent, précisément, une façon de tenter de réduire le handicap à sa seule dimension situationnelle. Donc à dénier la "déficience" qui enclanche la "situation".

A vrai dire, la dimension vraiment importante des vives polémiques, parlementaires et extra-parlementaires, autour de la définition légale du handicap finalement retenue n'est peut-être pas vraiment là, mais plus vraisemblablement dans une précision de la définition adoptée : "une altération substantielle, durable ou définitive". Cette notion d'altération durable ou définitive de certaines fonctions essentielles de la personne est assez clairement incompatible avec une formulation qui mettrait par trop l'accent sur la notion de situation, laquelle renvoie aux circonstances et à leurs possibles variations permanentes. Il est clair qu'elle exclut très clairement le "social" du champ du handicap. Ce qu'il faut peut-être interpréter, pas tant comme un souci de rigueur conceptuelle, que comme une volonté d'exclure les éclopés de la société des avantages accordés aux personnes handicapées, comme je l'ai déjà écrit dans mon analyse de la loi de 2005.

Pour en revenir à la direction première de ce fil de discussion, c'est en tous cas, au-delà du seul choc des mots, cette référence à une atteinte durable ou définitive qui rend difficilement supportable l'application de la notion de handicap ainsi définie aux enfants et adolescents présentant des troubles du comportement. Précisément parce que chez eux les troubles sont le plus souvent en liens évidents avec leur situation personnelle. Dès lors, les faire entrer dans la catégorie des handicapés équivaut à postuler, soit que leur situation n'est pas déterminante dans leurs troubles, soit qu'ils sont irréversiblement atteints par les situations qu'ils ont vécues. Positions toutes deux vivement contestables !
Cordialement,
Daniel Calin
Pascal Ourghanlian
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Message par Pascal Ourghanlian »

Pourquoi la notion de "situation de handicap" m'est utile au quotidien ?

L'un des effets secondaire, mais délétère, de la loi de 2005, c'est le désengagement des équipes de soins de l'annonce du handicap aux familles, les directeurs d'école ayant un formulaire tout prêt à remettre à ces dernières pour qu'elles saisissent la MDPH quand l'équipe éducative souhaite que soit monté un PPS au bénéfice de leur gamin. Ce "H" leur arrive en pleine tête, sans avoir été travaillé, construit, expliqué, accompagné. Ce qui conduit, dans la majeure partie des cas, à un refus, légitime, mais potentiellement contre-productif pour le gamin.
D'où une manière de faire, que je me construis au jour le jour, qui me conduit à décharger les directeurs de cet aspect de leurs missions qu'ils ont tendance à remplir de manière exclusivement administrative pour prendre le temps d'expliquer, grâce à la notion de "situation de handicap", l'écart qui existe entre ce que peut le gamin et ce qu'on attend de lui à l'école. Cette approche-là permet souvent d'aider la famille à "franchir le pas", et à admettre qu'il est possible d'aider leur gamin, dans un certain cadre. Et ça leur laisse le temps de digérer, de faire le deuil, et de commencer à construire.
Je précise, mais je l'ai déjà dit ailleurs, que 80 % des demandes nouvelles se situent dans le "champ mental", le moins évident à saisir et à accepter.

Pourquoi je ne peux pas, dans ces conditions, monter des projets d'orientation en ITEP ?

Comme naguère par la CDES, sans l'aspect "handicap", l'orientation en ITEP se fait désormais par la MDPH, ce qui signe le handicap pour des gamins ayant des "troubles du comportement". Et je ne peux m'y résoudre, sur les arguments de Daniel, qui me paraissent essentiels. Ce qui fait problème, c'est le "durable ou définitif", effectivement, deux qualificatifs qui entrent dans la définition du trouble par opposition au retard. Il "manque" à ces gamins, pour entrer dans le schéma de Striker qui me paraît par ailleurs éclairant et utile, l'aspect "lésionnel" du handicap, au seul bénéfice de l'aspect "situationnel".
D'où ma position (difficile à tenir, vues les pressions) de ne pas participer à cette mascarade, et à ne pas monter de dossiers ITEP. Et à refuser d'être référent des gamins en ITEP. Ca tiendra ce que ça tiendra...
Je ne me situe pas là dans une position critique par rapports aux ITEP (que je pourrais par ailleurs avoir), mais dans l'inconséquence d'une fonctionnement qui nécessite qu'un handicap soit posé pour qu'une orientation en ITEP puisse se faire...

Anecdote : une école de banlieue, 10 classes. L'an dernier, des difficultés "ordinaires", quelques PPS. Cette année, changement de directeur, ancien éducateur en IR, 5 demandes d'orientation en ITEP !!!... Je traîne des pieds, style "poids mort".

Rappel : certains départements ont pléthore d'ITEP, d'autres aucun. Les premiers ont-ils plus de gamins ayant des troubles du comportement que les seconds ? Bien sûr que non ! Mais il y a des places à remplir, des locaux à entretenir, des personnels à rémunérer...
Cordialement,
Pascal Ourghanlian
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