Pour avoir enseigné 9 ans en SEGPA et très désireuse d'y retourner à terme, ce fil m'évoque des discussions auxquelles j'ai pris part avec nombre de mes collègues pendant toutes ces années. Il suffisait d'avoir des collègues en Segpa dans d'autres académies pour avoir des versions différentes, et des décisions politiques académiques concernant nos "structures" totalement inverses. Le meilleur exemple ? Les fermetures de FQ... annoncées et définitivement faites par endroit, et même pas abordées ailleurs.
Mon grain de sel du jour, c'est la conversation très animée que j'ai eu récemment avec l'enseignant référent de la circonscription... il n'y a qu'une seule SEGPA dans la circonscription, et une seule UPI...
Je connais une grande partie des gamins dont elle montait les dossiers SEGPA à l'automne, et presque tous provenaient de CLIS, (ceux-ci tous avec déficience). Interrogée sur le devenir des gamins pour qui le RASED (psychologues et maître E dont je suis) imaginaient une orientation SEGPA, l'enseignante référente m'a dit texto qu'elle préférait que ses dossiers CLIS obtiennent les places en SEGPA plutôt que les enfants en grande difficulté et pour le moment en CM2.
"Ils s'en sortiront toujours mieux en collège, qu'un élève de CLIS pour qui je n'aurais pas de place en UPI" a-t-elle dit.
A la question de savoir si elle se rendait compte qu'elle envoyait certains CM au casse-pipe en 6e, elle a rétorqué qu'elle préférait quand même "sauver ses CLIS". Et à la question de savoir ce qu'elle pensait de les envoyer vers une professionnalisation qui ne leur sera peut-être pas possible, car certains ne pourront pas être aptes, la réponse a été "la question ne se posera que dans deux ans". Et en gros, les dossiers ne seront plus pour elle...
Mes deux dernières années en SEGPA, nous avons accueilli pratiquemment deux tiers d'élèves venant de CLIS pour un tiers d'élève relevant selon les textes de la SEGPA... notre position en classe côté PE a été de nous adapter, c'est notre boulot après tout, et cela ne nous donnait pas plus de niveaux différents dans la classe, simplement les difficultés étaient encore plus grandes, et autrement remédiables (lorsqu'elles l'étaient).
En atelier, les problèmes sont tout autres. Bien que nos collègues PLP adaptent encore mieux les tâches et apprentissages, et sont directement réactifs sur le terrain, une partie des élèves n'est pas médicalement "apte" (interdiction de porter les plats pour une élève en champs service, interdiction de lever des charges pour un autre en maçonnerie, etc.), une autre partie présente une certaine dangerosité (incapacité émotionnelle à gérer son stress dans les situations prévues dans l'atelier, ou autre comportement dangereux...).
Là encore, nos collègues PLP ont été adaptables comme nous, et ont changé leur fusil d'épaule.
Sauf que, sauf que, les textes n'ont pas changé, ni les exigences en fin de parcours pour une cohorte. Et les résultats CFG, les bilans d'orientation en sortie de SEGPA, etc. nous sont retombés dessus avec les coups de bâton des grands chefs, pour qui il était inadmissible d'avoir si peu de réussite (à peine 30 %) au CFG, inadmissible d'avoir si peu d'élèves en lycée professionnel, inadmissible que le suivi obligatoire d'un an après la sortie de SEGPA concerne encore plus d'une moitié de nos élèves de l'année précédente sans solution, inadmissible que la FQ commence avec 8 élèves, finisse avec 4, et ne sorte qu'un seul CAP, etc.
Je ne cours pas après la reconnaissance, et les résultats chiffrés, ce n'est pas l'enjeu de mon travail, donc peu importe les difficultés de l'élève, aidons-le !
Mais avec de tels résultats, et les commentaires qui s'ensuivent, comment la hiérarchie ne justifierait pas de l'inutilité des SEGPA, surtout rapporté à leur coût ?
Pour finir, deux souvenirs encore.
->Un élève arrivait en 6e Segpa, sortant de CLIS, et était équipé d'un cartable à roulettes... qu'il traînait roulettes en l'air, parce qu'il n'avait pas compris leur utilité. Si on y ajoute une faiblesse physique qui le fatiguait énormément, et ses problèmes de compréhension des tableaux à double entrée qui l'empêchaient de maîtriser son emploi du temps. Il a fallu plus d'une année pour l'amener à l'heure à chaque cours, le tout en ouvrant tous nos portes et en surveillant le rang, dans lequel on avait choisi régulièrement un élève tuteur pour l'accompagner... le problème c'est qu'il a changé d'emploi du temps moins d'un an plus tard
->Un inspecteur ASH nous a fait tout un discours un jour sur le fait que les SEGPA n'étaient pas des structures mais des dispositifs, en concluant donc, que tout dispositif n'est que transitoire, et non permanent, et que tout dispositif est adaptable et évolutif. Une structure ne bouge pas, a-t-il dit, un dispositif s'aligne sur ce qui est demandé, s'active ou se désactive.
En clair, la SEGPA, c'est comme Vigipirates. Il faut pas mal de peur ou d'évènements pour l'activer et y mettre les moyens.