UPI : où allons-nous ?

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Raphaëlle
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UPI : où allons-nous ?

Message par Raphaëlle »

Bonjour,

Je travaille dans une UPI collège tfc qui a ouvert il y a 2 ans; auparavant j'ai exercé 4 ans dans un IMPRO. J'ai voulu changer "de norme" pour voir comment l'application de la loi 2005 peut se vivre, voir quel sens on peut mettre derrière l'expression "école inclusive, l'école pour tous". Au bout de 2 ans j'avoue mon scepticisme.

- les notifications MDPH: dans quelle mesure les besoins spécifiques des élèves sont évalués? Est-ce que l'évaluation porte sur les besoins éducatifs, médicaux, pédagogiques ? Pourquoi les élèves que "j'accueille n'ont souvent qu'une réponse pédagogique sur la notification: ils arrivent au collège sans étayage extérieur. Le suivi, lorsqu'il a existé auparavant, en centre de jour, cmp, sessad n'est pas toujours poursuivi, ni même en profession libérale. C'est comme si les soins et rééducations devenaient moins /plus nécessaires. Du coup je suis le témoin quotidien d'élèves pour lesquels l'environnement de l'upi se révèle anxiogène, ces adolescents manifestent des signes de souffrance. De plus, le dispositif se heurte vite à ses limites de possibilités d'adaptation et j'ai beau dire en réunions (ESS et EE), écrire dans les rapports scolaires le mal-être de ces enfants, rien ne bouge. Ou alors il faut un an, des mois pendant lesquels la situation s'enlise.

- la coopération du secteur médico social: je sollicite systématiquement les soignants et rééducateurs pour les réunions et n'hésite pas à les contacter pour les bilans intermédiaires. Tout est à construire ce qui est motivant et intéressant mais nous nous heurtons vite à la réalité: d'abord la loi sur la scolarisation ordinaire pour tous implique la rencontre de 2 cultures totalement différentes: l'Education nationale et le Sanitaire et social: travailler ensemble ne va pas de soi; ensuite , même si le décret du 2 avril 2009 est paru, de quels moyens (financiers, organisationnels, humains) disposons- nous ? Et que penser d'un élève qui ne pourrait être "bien" en upi qu'avec un avs-i , ou un éducateur pendant les temps de vie collective du collège?

- la polyvalence de l'enseignant coodonnateur UPI: je passe beaucoup de temps et d'énergie à coordonner: à l'extérieur (les parents, l'ER, les partenaires professionnels) et en interne (les avs, le principal, les enseignants du secondaire et autre personnel de l'établisssement concerné par l'upi). Sans compter les rencontres pour essayer de construire une coopération avec des structures de soins...sans compter les contacts et visites pour préparer l'insertion professionnelles ou l'après upi collège. Sans compter les réunions institutionnelles (EE et ESS) à préparer, j'en suis à 25 à ce jour (une réunion dure 1h30 voire 2 heures)... Du coup le temps se réduit considérablement, pour ce que je considère comme étant la spécificité de l'enseignant ash: les adaptations pédagogiques possibles, car il s'agit bien là de 21 heures de "sur mesure pédagogique" pour chaque élève, en lien avec le PPS.

- La solitude de l'enseignant spécialisé: il apparaît dans un établissement ordinaire comme souvent la "seule personne ressource" . Je suis à la recherche de personne relais que je ne trouve pas, on est loin du précieux travail fait en équipe pluridisciplinaire où les regards professionnels se croisent et apporte cohérence et pertinence au projet de vie de la personne. On est loin aussi des conseils énoncés ou décisions prises de façon collégiale. Ici ce que je dis ou écris n'est pas mis en lien avec d'autres points de vue ou réactions, je me retrouve en première ligne pour tout.

- L 'accompagnement des familles: Nous avons à faire souvent à des parents en grande souffrance, pour lesquels l'acceptation du handicap est compliquée, et qui de plus, ont une grande attente du scolaire. Il n'y a pas de jugement derrière ce que je dis , c'est ainsi. Mais ce qui peut être fait dans un établissement ordinaire n'a rien à voir avec la guidance parentale dont est capable une équipe pluridisciplinaire d'un IME ou d'un SESSAD, d'un CPA...On ne parle pas n'importe comment du handicap...De plus, la nouvelle loi implique que les parents prennent des initiatives, s'informent, contactent les bonnes personnes au bon moment, décident, anticipent... ce qui n'est pas évident , c'est un vrai "parcours du combattant"...nous nous retrouvons souvent face à des familles qu'il faut alors"porter"...

Conclusion: je m'interroge sur ce que nous faisons avec les élèves , sur ce que ce système peut faire croire aux enfants et à leurs parents. Certes la loi est novatrice et il va falloir au moins une bonne dizaine d'années avant que de la cohérence et du bénéfice n'apparaissent . J'ai le sentiment que la loi a posé une injonction, que les moyens sur le terrain ne sont pas là, on est dans une logique de "yaka fauke", et on suppose que la scolarisation ordinaire est bénéfique pour tous. Qui va subir les conséquences de cet état de fait , de ce flou autour de l'application de la loi 2005 qui sinon, les élèves en premier lieu?
Pascal Ourghanlian
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Re: UPI: où allons-nous ?

Message par Pascal Ourghanlian »

Merci pour ce témoignage, juste et émouvant.
La vraie vie est celle que vous dites - malheureusement...

Ce qui me frappe, de la place où je suis (enseignant référent), c'est que vos propos sur la solitude pourraient être signés à l'identique par, au choix, l'enseignant référent (!), les parents, les soins en ambulatoire, les collègues qui intègrent, etc.

Pour avancer :
- le travail en équipe se construit, il n'est pas une donnée,
- le travail en équipe n'existe pas en établissement versus l'école ordinaire : il y a des collèges où il fonctionne, des IME où il reste une utopie (sans compter la prégnance exclusive du médical),
- le travail sur mesure que vous décrivez (répondre pédagogiquement aux besoins spécifiques de chacun) est indispensable ; deux écueils majeurs : il majore la relation "un pour un" (où nos élèves sont souvent moins mal à l'aise), il ne prend pas appui sur la dynamique du groupe (oui, je sais, on ne parle plus comme ça depuis la fin des années 70 :wink: ), groupe déjà très difficile à construire en UPI (prises en charge extérieures, intégrations, EdT partiels, etc.). La construction de projets collectifs me paraît indispensable.

Dernière remarque : la MDPH n'a aucun pouvoir d'injonction quant aux soins, ce pouvoir n'existant en France que dans les mains d'un juge. Quand une famille s'est battue des années pour que des soins se mettent en place au CMP, qu'elle a été orienté faute de places vers le libéral, qu'elle a passé son temps à courir d'un lieu à l'autre et qu'enfin une place en UPI se libère, alors oui, souvent, elle lâche les soins, s'imaginant que le dispositif est thérapeutique à lui tout seul (ce qu'il peut être - parfois) et l'enseignante se retrouve seule à bricoler. Ça a à voir avec le déni, la fatigue, l'espoir - tous sentiments humains bien compréhensibles -, et ça nécessite pour les professionnels de tout reprendre (pas à zéro, malgré tout, quelque chose a eu lieu...).
D'ailleurs, si une distinction devait être faite entre parents et professionnels, pour moi ce serait celle-là : les parents sont souvent aussi experts que les professionnels ; ce qui les en distingue, c'est qu'ils peuvent avoir envie de souffler, de relâcher - ce que les professionnels ne peuvent jamais se permettre.

Cent fois sur le métier...

Bon courage !
Cordialement,
Pascal Ourghanlian
PONCIE
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Re: UPI: où allons-nous ?

Message par PONCIE »

Ce qui me gêne le plus en UPI c'est l'isolement de l'enseignant spé et le manque de perspectives pour ces jeunes dont nous avons la charge. De plus, en tant qu'enseignante basique du premier degré, je ne conçois les apprentissages que dans les interactions et base mon travail sur la dynamique de groupe (on apprend avec les autres) . Je ne suis pas maître E et pourtant je me retrouve à faire du préceptorat et à dispenser des connaissances parcellaires. Je navigue à vue et j'ai peur d'oublier mon métier, s'il existe encore ! . Je partage cependant certaines de mes inquiétudes avec mes collègues du second degré qui ont X problèmes avec leurs élèves, ce qui m'amène à penser que tout enseignant devrait bénéficier d'une formation SPE dans la mouvance actuelle.
Ce que je sais c'est que l'UPI ne peut réussir sans le soin et que je ne veux pas servir à masquer les problèmes, "faire comme si tout pouvait aller bien" avec juste la possibilité de les récupérer quand ça devient insupportable sans construire un avenir.
vercar
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Re: UPI: où allons-nous ?

Message par vercar »

"Je ne suis pas maître E et pourtant je me retrouve à faire du préceptorat et à dispenser des connaissances parcellaires":

Les maîtres E ne font pas du tout ce que vous décrivez ci-dessus!!PAS DE SOUTIEN ni DE PRECEPTORAT!!Si vous avez le temps, allez jeter un coup d' oeil dans la rubrique "maître E". :wink:
Pascal Ourghanlian
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Re: UPI: où allons-nous ?

Message par Pascal Ourghanlian »

à Vercar : Je crois vraiment qu'il ne s'agit pas ici d'un débat sur les "spécificités" du maître E :roll: Et combien de maîtres E font effectivement du soutien et du préceptorat - le nier ne fait pas avancer la "cause" des E...

Les points que vous soulignez "PONCIE" sont justes, mais ils peuvent s'inverser :
- la solitude existe, mais elle se travaille par l'insertion de l'UPI dans le collège ; il y faut beaucoup d'énergie, quelques appuis solides (un principale et/ou une CPE et/ou une enseignante de SEGPA - par exemple), mais c'est un investissement à long terme qui marche ;
- les projets individuels étant tellement disparates, la constitution d'un groupe autour d'un projet commun est difficile, mais il est possible, et c'est même le seul moyen d'en sortir ; dans "mon" UPI (celle dont je suis le référent, mais dont tout le mérite revient à une enseignante exceptionnelle et à son AVS) : projet jardin (avec le prof de maths du collège !), projet land art en lien, projet "terre" (l'an dernier "projet eau" et donc voile, l'année d'avant "projet air" et donc baptême) ;
- l'UPI ne peut réussir sans les soins, et réciproquement !!! combien de "grands fous" à l'HJ d'être en miroir avec d'autres "grands fous" qui se "normalisent" au collège, en miroir avec des élèves "ordinaires".

C'est toujours l'histoire du verre à moitié plein/vide... L'UPI peut être un outil, un levier formidable, qui connaît de vraies réussites (cette année deux départs : un vers le lycée pro, l'autre vers l'EREA - et c'est la réalité depuis 5 ans). Mais la lassitude peut guetter aussi, ce que je comprends bien.

Bon courage malgré tout
Cordialement,
Pascal Ourghanlian
PONCIE
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Re: UPI : où allons-nous ?

Message par PONCIE »

Si je n'y croyais plus, je n'y serais plus.
Quand je n'y croirai plus, je partirai.
Laurence R
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Re: UPI : où allons-nous ?

Message par Laurence R »

bonsoir,

je vais peut-être paraître "déplacée" d'écrire dans cette catégorie mais je me lance...

je fais ma troisième ouverture d'UPI à la rentrée prochaine, trois ouvertures choisies et en tant que titulaire à chaque fois...

eh bien j'adore car ce qui m'incite à multiplier les ouvertures c'est de faire bouger les gens, de faire évoluer les mentalités, certains ne suivent pas ? pas si sûrs : chacun son rythme, chacun ses questions, ses doutes, ses angoisses, ... qu'il s'agisse des profs, personnels de soin, éducateurs, parents,...

je ne tire que des bilans très positifs de ces trois ouvertures (car le travail pour la troisième ouverture est déjà en place depuis début juin, avec le principal et la cpe nous avons rencontré tous les parents et futurs élèves, présenté l'UPI à tous les profs et tous les élèves du collège, et j'ai présenté l'UPI en tant qu'invité au CA fin juin,...) Le travail en UPI me motive, il y a tellement à faire... et tellement de personnes qui n'attendent que ça : un travail différent mais surtout en EQUIPE !!!

Alors voilà juste contente de dire que l'UPI à mes yeux est une classe du collège qui vit parfaitement bien, et que je m'y épanouis tout comme mes élèves...

Laurence


PS : j'ai aussi eu la grande chance d'avoir de très bons formateurs lors de mon CAPA-SH (académie Orléans-Tours)
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