Trop de violence... Comment réagir ?

(option D)
Julie

Message par Julie »

Je ne pensais pas en effet générer un tel débat en écrivant mon post... En attendant, je reste avec mes interrogations. Je jette de toute façon ma panoplie de dragon, simplement parce que ma nature est toute autre et que ça m'épuise nerveusement de devoir revêtir un rôle de sergent-chef, gueulard et autoritaire... Ça envenime d'ailleurs la situation dès que je commence à adopter cette position dans laquelle je ne suis pas du tout crédible, (et ça se ressent d'ailleurs, puisque j'entends alors des "oui chef !" chuchotés) et tout le monde se met à me tenir tête. Bref, avec moi, les choses passent mieux pour l'instant par le calme et le dialogue. Mais je rejoins la question de XXX :

Des gamins dansent sur les tables, se frappent à coups de règle et se poussent dans les escaliers. Sans contention corporelle ni répression, Daniel, Julie et moi-même vous le demandons : que faire pour les rendre intacts le soir à leurs parents ?

Mes gamins ont des bosses et des bleus en rentrant le soir chez eux... Lors des quoi de neuf, j'apprends qu'ils passent leur mercredi à boire (7 à 11 ans !), à réparer des scooters volés, crever des chats ou marcher sur l'autoroute, avant de rentrer chez eux et se faire tabasser par les parents. Les familles sont toutes en situation de grande pauvreté. Ce sont des gamins des rues qui sont complètement livrés à eux même, et qui ne peuvent s'en sortir, en dehors de l'école, que par la violence. Ils me disent qu'un matin ils ne seront peut-être pas à l'école parce qu'ils seront morts sur l'autoroute et ce sera pas grave.
J'ose dire qu'aucun gamin n'est en sécurité dans ma classe, (même si les choses ont tendance à se stabiliser), et c'est en cela qu'il est difficile de tenir le coup.
J'ai un élève quasi-mutique qui a un suivi psychiatrique, qui se fait charier parce qu'il bave et qu'il rigole quand on le frappe... La situation avec ce garçon devient critique. Comment intervenir concrètement et sur le vif quand il se fait frapper sinon par la force et en sanctionnant les coupables ???
Je suis preneuse de toute réponse.
Julie.
Pascal Ourghanlian
Administrateur du forum
Administrateur du forum
Messages : 1398
Enregistré le : 16 sept. 2004 19:24
Contact :

Message par Pascal Ourghanlian »

Désolé, Julie, de revenir à une entrée institutionnelle. Je comprends bien que vous attendez des réponses plus concrètes (ou, pour le moins, directement applicables), mais sans mettre un peu de distance, je ne vois pas comment vous pouvez vous sortir de la situation que vous décrivez.

Ces gamins sont arrivés en CLIS parce qu'ils y ont été orientés par la CCPE, dont l'IEN est président. Leurs dossiers ont été suivis par un enseignant spécialisé chargé de la CCPE. Voilà déjà deux personnes ressources vers lesquelles vous retourner : l'une pour qu'elle assume ses décisions, l'autre pour qu'elle vous donne des billes sur les situations individuelles des gamins. Il n'est pas admissible que les CLIS 1 soient utilisées pour enfermer des gamins dont personne ne veut mais qui n'ont rien à y faire. Je rappelle seulement les termes de la circulaire 2002-113 : "Les CLIS 1 ont vocation à accueillir des enfants présentant des troubles importants des fonctions cognitives qui peuvent avoir des origines et des manifestations très diverses : retard mental global, difficultés cognitives électives, troubles psychiques graves, troubles graves du développement...
Cela conduit à souligner la nécessité d'attacher une attention particulière à la composition de chaque classe de manière à assurer la compatibilité des projets individualisés avec le fonctionnement collectif du groupe. La constitution du groupe doit impérativement être effectuée en ayant le souci d'un projet pédagogique cohérent, condition indispensable de progrès pour les élèves. Il ne s'agit évidemment pas de rechercher une homogénéité qui serait vide de sens, mais une compatibilité des besoins des élèves et des objectifs d'apprentissage, qui rende possible une véritable dynamique pédagogique
".

Il devrait exister, pour vous accompagner, deux types d'"instances" : les synthèses CLIS et les réunions d'équipe éducative.
Lors des premières, c'est la situation globale de la classe qui est évoquée, la nature des relations établies entre chacun et vous-même (type sociogramme), le climat général, le projet de classe. A mettre en place avec la psy scolaire et l'appui de la secrétaire de CCPE, en y invitant les services de soins associés (en particulier, l'intersecteur psychiatrique qui devrait être le centre référent défini par le protocole signé lors de l'ouverture de la CLIS). Cf., encore, la circulaire 2002-113 : "Le travail effectué dans les CLIS doit être soutenu par l'action des établissements ou services sanitaires ou médico-éducatifs. Pour les élèves scolarisés dans ces classes, leur progression optimale ne peut être assurée par l'école seule mais implique qu'ils puissent bénéficier d'accompagnements éducatifs, rééducatifs ou thérapeutiques. La signature de conventions entre l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale, et les responsables des établissements ou services concernés permet d'assurer des conditions de coopération plus efficaces. Toutefois, dans certains cas, les accompagnements nécessaires peuvent être effectués par des praticiens en exercice libéral, selon le choix de la famille de l'enfant".
Les secondes ont pour objet chacun des gamins, avec toutes les personnes qui ont à en connaître (services de soins, parents, directrice, CCPE, si nécessaire IEN).

Enfin, la CLIS est une classe de l'école. Vous n'avez pas à être face à eux tous, 6 h./j., 5 j./sem. L'intégration dans les classes ordinaires est une obligation : "La CLIS constitue dans l'école un dispositif d'intégration, non une classe fermée sur elle-même. C'est bien la raison pour laquelle l'existence d'une CLIS dans une école est signalée au mouvement des enseignants du premier degré, le fonctionnement du dispositif impliquant tous les enseignants de l'école. Chaque CLIS se caractérise par un projet d'organisation et de fonctionnement élaboré par le maître titulaire de la classe en association étroite avec l'ensemble de l'équipe éducative, incluant évidemment le médecin de l'éducation nationale et le psychologue scolaire, sous la responsabilité du directeur d'école et en liaison avec l'inspecteur de la circonscription. Ce projet est transmis à la CCPE.
Chaque élève scolarisé en CLIS doit pouvoir bénéficier de temps d'intégration dans des classes ordinaires, autant que ses moyens le lui permettent. L'enseignant de la CLIS ne peut réussir seul le pari de la scolarisation des enfants qui lui sont confiés, en gérant simultanément son projet collectif de classe et les projets nécessairement individualisés pour chaque élève. Il ne peut y parvenir que dans une étroite coopération avec l'ensemble de l'équipe éducative de l'école, incluant, le cas échéant, les aides-éducateurs dont l'expérience montre qu'ils peuvent largement contribuer à la réussite de ce processus
".

La directrice est garante du projet, l'IEN responsable de sa mise en œuvre effective. Si vous ne sortez pas de votre solitude, vous allez entrer dans le processus de ces enfants pseudo-fous qui rendent fou.

Ce n'est peut-être pas hyper concret, mais c'est hyper important : vous êtes la référente des gamins, pas leur souffre-douleur, pas celle qui accepte que l'un d'entre eux devienne le bouc émissaire. Si ce dispositif que devrait être la CLIS redevient une structure fermée, c'est votre IEN qui est responsable et doit assumer, y compris en explosant la CLIS et en en revoyant la constitution.

Mais ne restez pas seule ! Entre autre, exigez un AVS (dans mon département, le choix a été fait de doter toutes les CLIS d'un AVSco, prioritairement sur les intégrations individuelles).
avec moi, les choses passent mieux pour l'instant par le calme et le dialogue
Quelque part, ça me rassure, pour vous, et pour les gamins...

Bon courage
Cordialement,
Pascal Ourghanlian
Daniel Calin
Administrateur du forum
Administrateur du forum
Messages : 953
Enregistré le : 15 sept. 2004 09:03
Localisation : Retraité, ex-chargé d'enseignement à l'IUFM de Paris
Contact :

Mises au point

Message par Daniel Calin »

XXX a écrit :Certains [jeunes collègues] débarquent avec tout l'angélisme inculqué à l'IUFM ou convenant à leurs convictions personnelles. C'est terrible de voir de jeunes collègues revendiquant le respect absolu de l'enfant et la non-violence se faire frapper ou jeter des boulettes de papier dessus de face en classe.
Il faudrait arrêter de se cacher derrière ce genre de conneries. Ni Pascal ni moi ne faisons dans l'angélisme. Ni lui ni moi ne prônons la foutaise du respect absolu de l'enfant tel qu'il est, ce qui est le déni de l'idée même d'éducation. Ça existe, effectivement, y compris dans les IUFM, où la gauche caviar a casé beaucoup de ses bras cassés. Personne sur ce forum, en tous cas dans ce fil de discussion, n'a pris de telles positions, ni de près ni de loin. Pascal est certainement au moins aussi persuadé que moi qu'un enseignant ne saurait admettre les violences, chaotiques ou organisées, de certains élèves. Comme nous sommes probablement aussi persuadés l'un que l'autre que les apprentissages scolaires fondamentaux passent par un cadre suffisamment calme et une sérénité intérieure suffisante. Il faudrait aussi arrêter de faire comme si Pascal et moi ne proposions rien, ou rien d'autre que de laisser faire n'importe quoi ou de subir les violences des mômes. Nos deux premiers messages proposent des pistes exigeantes de travail et de réflexion qui n'ont rien à voir avec un éloge du laxisme. Et nos réponses aux délires de la méthode XXX visent surtout à reprendre et affiner nos premières réponses.

Discuter de la machinerie paranoïaque de XXX ne m'intéresse pas du tout en soi, parce que cela ne relève pas du débat rationnel, même si cela, par définition, se présente sous cet angle. J'aimerais donc que le débat se recentre sur les propositions esquissées par Pascal et moi au fil de nos messages. Sinon, j'abandonnerai cette pseudo-discussion.

Julie a écrit :Des gamins dansent sur les tables, se frappent à coups de règle et se poussent dans les escaliers. Sans contention corporelle ni répression, (...) que faire pour les rendre intacts le soir à leurs parents ?
La réponse pourrait tenir en un mot : éduquer. Et soigner si besoin, mais cela ne relève plus de l'enseignant, sinon pour passer le relai. C'est d'ailleurs la réponse que Pascal et moi avions d'emblée donnée. Encore faudrait-il nous lire.

Je reprends quand même cette question de la "contention corporelle". Celle-ci n'est acceptable que dans l'urgence. Lorsqu'un enfant hors d'état d'entendre quoi que ce soit menace de blesser quelqu'un ou de se blesser lui-même, l'usage de la force est acceptable, parfois indispensable. Tout comme, dans la vie sociale, nous avons besoin d'une "force publique", l'appareil policier, lequel se définit par son monopole de l'usage légitime de la force. Un enseignant doit d'abord assurer la sécurité physique de ses élèves (et la sienne, bien sûr !), y compris si besoin par l'usage de la force, ou l'appel à une personne capable de cet usage. Situations bien connues dans les établissements spécialisés. Le plus grave problème des classes spécialisées est l'isolement de l'enseignant, qui rend très difficile la gestion de ces situations d'urgence, alors que les lourdes équipes des établissements spécialisés parviennent en général à les gérer sans difficultés majeures. J'ai les plus grands doutes sur la pertinence de la présence en CLIS d'une partie des élèves qu'on y trouve, faute tout simplement d'un taux d'encadrement suffisant pour les "gérer". Je comprends, dans de telles conditions, le désespoir de certains enseignants. Je n'ai alors qu'un conseil à leur donner, quitter au plus vite ces postes, pour mettre notre administration face à ses responsabilités. Ce n'est pas impossible : une de mes correspondantes, et ancienne stagiaire, vient d'obtenir dans son département que la création d'une CLIS "TCC" se fasse avec moins de 10 élèves, un enseignant, un AVS et un éducateur spécialisé. Sinon, nul n'est tenu à l'impossible. Et chacun a le droit et même le devoir de se protéger, en particulier pour éviter de sombrer dans les délires de la méthode XXX :wink: .

Hors urgence, la contention corporelle n'a pas sa place dans la relation éducative. Par contre, l'éducation à la maîtrise corporelle, et émotionnelle, est une dimension prioritaire du travail auprès des publics évoqués ici. Laquelle vise, non pas la paix de LA classe, mais la construction en interne chez chaque enfant de cette capacité de maîtrise, condition fondamentale de l'accès à l'autonomie psychique, donc de la capacité à être libre, et responsable. La contention corporelle est ici contre-productive, même quand elle est justifiée par l'urgence, d'ailleurs. Elle ne fait, au mieux, que rendre celui sur lequel elle s'exerce dépendant de cette contention : voir à nouveau la dépendance aux murs de la prison. L'absence de maîtrise corporelle et émotionnelle laisse le sujet en proie au chaos de ses pulsions, ce qui le plonge dans une angoisse intime sans fond et sans fin. C'est pourquoi la contention fonctionne si bien, le plus souvent : plutôt la prison ou la soumission que l'horreur du chaos interne, plutôt la terreur externe que la terreur interne. C'est pourquoi aussi l'addiction à cette terreur externe s'installe très vite (c'est bien une addiction, les toxicomanies "classiques" ont fondamentalement la même fonction). Lire ou découvrir le Discours de la servitude volontaire d'Étienne de La Boétie, l'ami de Montaigne, décidément un des plus grands livres et des plus indispensables de l'histoire de la pensée. C'est pourquoi enfin la méthode XXX est ravageuse, car elle rend impossible, ou beaucoup plus difficile, toute éducation ultérieure.

Le principe fondamental de l'éducation à la maîtrise corporelle et émotionnelle, on peut dire plus simplement à la maîtrise de soi, est précisément de retourner en conquête personnelle ce que les "éducations" autoritaristes font sur le mode de l'imposition. Le meilleur exemple reste le coup de génie de Maria Montessori qu'est la leçon de silence : alors que depuis la nuit des temps parents et enseignants hurlaient pour obtenir le silence, elle propose à ses très jeunes élèves de s'efforcer fièrement à produire de beaux silences. La même Maria Montessori intégrait avec bonheur à sa pédagogie pour classes maternelles populaires des pratiques qui s'inspiraient des leçons de maintien du "beau monde". On n'a pas à exiger de ses élèves qu'ils "se tiennent bien", il faut leur apprendre à se tenir. Plus largement, les apprentissages psychomoteurs, gymniques et sportifs vont dans le même sens (je préfère d'ailleurs de loin un moniteur sportif, même un peu lourdingue, à un "professeur des écoles" à la XXX). De même tout ce qui relève des jeux de rôles et du jeu théâtral (mais pas l'expression corporelle, à réserver à des élèves déjà éduqués à la maîtrise de soi)...

Au-delà de ces aspects "techniques", la dimension relationnelle est très importante, voire déterminante, surtout avec un public très problématique, y compris dans les activités que je viens d'évoquer, en particulier tout ce qui permet le fonctionnement du registre de l'identification. Il est clair que les vertus éducatives des éducateurs sportifs tiennent à leur forte capacité à cristalliser les identifications des enfants, en particulier des garçons en déroute et en mal de virilité. Je renvoie ici à mon premier message sur ce fil de discussion. L'enseignant doit posséder et démontrer sa propre maîtrise corporelle et émotionnelle s'il veut avoir une chance de la transmettre à ses élèves, quoi qu'il fasse par ailleurs. Attention : ce que j'appelle "maîtrise émotionnelle et corporelle" comporte une capacité d'accès à la paix intérieure. Elle est donc aux antipodes d'un blindage défensif paranoïde à fond de haines et de paniques.
Modifié en dernier par Daniel Calin le 26 déc. 2007 14:17, modifié 9 fois.
Cordialement,
Daniel Calin
Julie

Message par Julie »

Merci Pascal,
Il faut effectivement que je prenne du recul par rapport à la situation. D'après la directrice, l'IEN se montre plus qu'expéditive lors des réunions CCPE... Je sais donc maintenant que mon objectif principal sera de gagner la confiance des élèves dans les semaines à venir et je ne peux pas espérer beaucoup plus. Les intégrations devraient commencer rapidement, et j'ai obtenu un créneau supplémentaire d'EPS et une AVS pour les activités informatiques.
Par contre, j'ai le cas d'un gamin qui est en CLIS alors qu'il n'a jamais été signalé. Il n'a aucun problème et il est d'un niveau de CE2, voire CM1. J'ai vu sa mère pour lui demander ce qu'il faisait en CLIS, et elle m'a dit qu'il avait été orienté CLIS par son ancienne maîtresse de CE2 qui le jugeait "trop lent". Mais il est inconnu du RASED, n'a aucun trouble de comportement, sait parfaitement lire, écrire, il a accès au sens et a un bon niveau d'"abstraction". Il n'est suivi ni par maître E, G, psy, assistante sociale ou autre, il n'en a pas besoin... Que fait-il en CLIS ? Les élèves de CLIS ne doivent-ils pas être d'abord signalés et passer divers tests via le RASED avant d'être orientés en CLIS ?
Pascal Ourghanlian
Administrateur du forum
Administrateur du forum
Messages : 1398
Enregistré le : 16 sept. 2004 19:24
Contact :

Message par Pascal Ourghanlian »

Bien sûr que si !!!

Aucune orientation en CLIS ne peut se faire sans que la CCPE ait été saisie et ait eu à se prononcer, après bilan psy au moins ! C'est la loi ! Aucun enseignant ne peut, de lui-même, décider une orientation en CLIS, ni même le conseil de cycle. La CCPE elle-même ne fait qu'une proposition que les parents sont libres de refuser !...

A revoir en urgence avec la secrétaire de CCPE (puisque toute situation peut être réévaluée à tout moment sur demande de l'enseignante, de la famille ou des partenaires - c'est la loi !).

Bon courage
Cordialement,
Pascal Ourghanlian
Daniel Calin
Administrateur du forum
Administrateur du forum
Messages : 953
Enregistré le : 15 sept. 2004 09:03
Localisation : Retraité, ex-chargé d'enseignement à l'IUFM de Paris
Contact :

Réponse (?) à Gwenaël

Message par Daniel Calin »

Vous posez une bonne question. Tous les mômes "agités" ne relèvent bien sûr pas de la même catégorie. J'ai rapidement évoqué dans un message précédent la distinction entre les (très nombreux) enfants a-structurés ou déstructurés et les (beaucoup plus rares) enfants que j'ai dits "contre-structurés", chez lesquels une organisation psychopathique de la personnalité est déjà installée. Ces derniers font péter les plombs à n'importe quel enseignant, sauf peut-être, effectivement, les terroristes. À mes yeux, ils relèvent de prises en charge psychiatriques - même si, hélas, très peu de psys savent s'en dépatouiller, sinon par assomoirs chimiques, selon une mode ascendante. Voir le mémoire de Gilles Massardier. Tout ce que j'avance dans mes autres messages ne s'applique pas vraiment à cette catégorie, ou ne suffit pas pour eux.

Cela n'est pas sans rapport avec ce que vous appelez la "violence urbaine" de certains enfants, chez lesquels cette violence est intégrée, consciente et volontaire, parce qu'elle est pratiquement enseignée par l'environnement social. À vrai dire, j'ai du mal à vous suivre jusque là. J'ignore peut-être la réalité de certains ghettos franciliens, mais j'ai quand même l'impression que ce que vous décrivez n'est jamais que le fait de certaines familles, ou groupes de familles, pas de cités entières. D'ailleurs, ce n'est pas spécifiquement "urbain" : dans ma campagne natale, j'ai bien connu ce genre de familles, et leurs "productions". Du coup, il me semble que, parmi les élèves que vous avez tendance à rattacher à une violence quasi "culturelle", il y a probablement quelques psychopathes, volontairement et systématiquement nocifs, mais aussi et surtout beaucoup de gamins "perdus", fascinés par les "soleils noirs" de la psychopathie, ceux que Massardier nomme les chevaliers de Thanatos. Dans les discours répressifs, la seule chose qui me semble convaincante, et là l'angélisme de la gauche caviar est effectivement ravageur, est la nécessité d'isoler ces jeunes activement nocifs en les coupant de leur environnement. Comme il faut les extraire des classes, spécialisées ou ordinaires, pour pouvoir travailler raisonnablement avec les autres. Même si, effectivement, eux aussi cachent une souffrance. Je le répète : on est là dans la psychiatrie, lourde, hors de portée de pratiques seulement éducatives.

Le problème est de gérer concrètement l'application de telles distinctions "théoriques". Pas évident, pas de recettes. On ne peut même pas trop compter sur les psys, qui ont rarement intégré ce genre de distinctions, et s'accrochent à des discours purement victimisants...

Faute de pouvoir trancher, ou faute de pouvoir passer le relais, il reste effectivement les sanctions. Dans le monde adulte, la seule sanction admise dans notre pays depuis la Révolution, c'est la prison, c'est-à-dire la privation de liberté, c'est-à-dire l'exclusion de la vie sociale. Maria Montessori, encore elle, en tirait la conclusion que c'était aussi la seule sanction éducative admissible : l'interdiction de participer à la vie de la classe. Quelles que soient ses modalités d'application, ce principe me semble juste. Il a l'avantage de s'appliquer aussi aux psychopathes, même s'il n'a peut-être pour eux pas de vertu éducative, mais seulement la vertu de réaliser la "mise à part" nécessaire à la protection des autres.

Ceci dit, les psychopathes ont plus encore besoin des autres (pour les détruire !) que les gamins seulement déstructurés. L'isolement est pour eux insoutenable. Il est donc susceptible d'induire un effondrement dépressif sévère. Certes, socialement, il vaut mieux un dépressif qu'un psychopathe, mais l'éthique éducative ne saurait se contenter de tels "résultats" : retour à la case psychiatrie.
Modifié en dernier par Daniel Calin le 26 déc. 2007 14:26, modifié 2 fois.
Cordialement,
Daniel Calin
Gwenaël
Utilisateur régulier
Utilisateur régulier
Messages : 36
Enregistré le : 06 oct. 2004 18:48

Re: Réponse (?) à Gwenaël

Message par Gwenaël »

Daniel Calin a écrit :Du coup, il me semble que, parmi les élèves que vous avez tendance à rattacher à une violence quasi "culturelle", il y a probablement quelques psychopathes, volontairement et systématiquement nocifs, mais aussi et surtout beaucoup de gamins "perdus", fascinés par les "soleils noirs" de la psychopathie, ceux que Massardier nomme les chevaliers de Thanatos.
Ce que nous appelons des "meneurs" et des "suiveurs", en quelque sorte ! :roll:

Merci d'avoir attaché autant d'attention à ce qui n'est qu'une réflexion toute personnelle, pas un plaidoyer pour les sanctions ou l'isolement ... (un certain homme politique de petite taille le fera suffisamment ... trop).

C'était surtout pour rappeler que la violence dans les CLIS (du moins quand l'orientation est correctement effectuée) n'est pas à considérer de la même façon que celle qui peut faire flamber le CM1 d'à côté ... (même si elle peut s'en nourrir)
D'où le rôle des synthèses et entrevues avec la CCPE !
Julie

Message par Julie »

Je n'avais pa lu le message initial de Daniel concernant les contentions... Me voilà plus éclairée maintenant. Merci... Concernant la violence "urbaine", je tiens à préciser que la CLIS dont je décris les "événements" est située dans un village, ancienne cité minière. Il est également question pour ces familles d'une réalité sociologique particulière et spécifique au Nord Pas de Calais, très cliché aussi sans doute, et c'est pourquoi je suis étonnée qu'il n'y ait pas davantage de dispositifs de soutien prévus par la circonscription en lien avec les organismes sociaux de la région... Mais bon, je débarque dans cette réalité et dans ce métier avec une vision probablement très utopiste. J'y placerai juste ma petite brique cette année...
Répondre