Bonjour !
Ca n'est pas vraiment une réponse que je veux apporter, Buchet, mais plutôt un petit bout d'expérience personnelle. Je suis PE en IME, poste F (c'est rare... et personne ne sait pourquoi !) avec des jeunes de 14 à 18 ans déficients intellectuels légers à moyens avec troubles du comportement associés... J'ai atterri là il y a 3 ans, sans formation spécialisée... La seule différence avec toi, c'est que je l'avais demandé pour échapper aux postes éclatés qui sont le lot des enseignants débutants...
Evidemment, je me suis posée les mêmes questions que toi.
Je n'ai pas forcément trouvé toutes les réponses, mais j'y suis encore, et j'envisage la formation pour l'an prochain ! La preuve que c'est supportable (même si certains jours je rêve d'une GS de maternelle de centre ville
!)
Pour moi, la plus grande difficulté, c'est d'être constamment tiraillée entre le confort du programme avec ses notions bien identifiables et ses exercices systématiques sensés leur faire maîtriser le a / à... et... la REALITE ! (où le a / à n'a généralement pas sa place... ). J'ai commencé à fonctionner comme avec une classe normale... ou comme avec une classe tout court... sauf que, même lorsqu'ils ne sont que 7 ou 8, ça n'est pas une classe ! Il n'y a aucune homogénéité, et il est impossible d'ignorer leurs problématiques, leurs troubles du comportement, leurs blocages psychologiques... Dans un sens, on travaille beaucoup plus comme en maternelle, avec des jeunes qui ont des niveaux de socialisation très différents, et les comprétences transversales tiennent une très grande place !
Alors bien sûr, j'essaie de baser le travail que je propose sur les programmes... de situer plus ou moins les jeunes dans un niveau, ou tout du moins dans un cycle... mais un même jeune peut avoir un niveau cycle 3 en technique opératoire et avoir une lecture fluide, et dans le même temps avec des compétences en compréhension ou en résolution de problème de début CP, et une production d'écrit de fin de grande section maternelle ! De plus, ils peuvent avoir de grandes difficultés à travailler en groupe, à rester silencieux (ou au contraire à s'exprimer...), à tenir assis plus d'un quart d'heure et à gérer leur matériel scolaire...
De plus, pour beaucoup, l'école est synonyme d'exercices écrits sur un cahier... C'est à la fois ce qu'ils détestent (parce que ça les a mis en échec) et ce qu'ils veulent, par désir de normalité... et bien souvent, quand on leur propose quelque chose d'un peu différent, ça explose...
Donc nous avons essayé différentes choses. Avec ma collègue également non spécialisée, nous nous sommes réparties les matières entre littéraire et scientifique, "façon collège"... Nous avons créé un journal des élèves qui est notre principal outil de production d'écrit. Nous avons créé des ateliers artistiques en collaboration avec les éduc spé et les éduc techniques, de façon à travailler ensemble (ce qui pour les jeunes - et pour nous ! - a apporté une certaine cohérence...) Nous montons chaque année un projet "institutionnel" avec tous les professionnels de l'IME : l'an dernier sur le thème de la 2nde guerre mondiale et le racisme, cette année sur l'environnement... (travail par groupes... films, visites... projets de réalisations, lesquelles sont effectivement réalisées en collaboration avec les éducateurs techniques).
Au final, nous travaillons tous ensemble (tous les jeunes et tous les adultes) une demie journée par semaine. Ca n'est pas un moment facile, car le cadre est beaucoup plus dur à tenir dans ce genre de travail qu'en classe... Mais c'est enrichissant pour eux, et peu à peu (les résultats sont lents !) ils s'inscrivent un peu plus dans les projets et s'investissent dans ce genre de travail.
Alors voilà... ce n'est peut-être pas très académique de dire qu'il faut ignorer les programmes, mais il me semble qu'on ne peut pas travailler en IME sans prendre en compte l'aspect éducatif... Je pense que tout ce travail autour de l'expression et du "travailler ensemble" est beaucoup plus utile à ces jeunes que des leçons de grammaire ou d'orthographe. Bien sûr, il reste plein de moments où nous faisons de la lecture, de la grammaire ou de la résolution de problème, adaptées au niveau de chacun. Mais je pense que l'aspect transversal doit tenir une très grande place dans notre travail.
En tous cas, bon courage à toi, et si j'ai un conseil à te donner, c'est de ne pas te mettre des objectifs trop ambitieux ! Et ne pas hésiter à modifier ou laisser tomber ce qui ne fonctionne pas... C'est parfois frustrant de ne pas voir de nets progrès, tels qu'on peut les constater dans un cycle 3 ordinaire... mais si on cible bien ses objectifs, ils avancent !