Bonjour,
Je viens de lire les pages consacrées aux bibliographies sur le thème du handicap, dont les livres me semblent plutôt destinés aux élèves des classes dites "ordinaires". J'ai été confrontée, cette année, dans ma classe d'IME (élèves de 11 - 13 ans déficients intellectuels "légers" avec troubles du comportement associés), à des questions posées par un élève puis reprises en chœur par les six autres : "qu'est-ce que je fais dans un IME ? Pourquoi je suis là et plus dans une école ?" Ne sachant pas vraiment quoi répondre, je leur ai simplement demandé quelle explication on leur avait donnée lorsqu'on leur a annoncé leur orientation à l'IME. J'ai eu la même réponse de la part de tous : "c'est à cause de mes difficultés scolaires". Il m'a semblé qu'ils attendaient une autre réponse. J'ai laissé l'année se terminer sans leur donner de réponse mais je voudrais pouvoir en parler avec eux cette année. Faut-il utiliser les mots "handicap", "handicapés" ? Comment ? Il semble plus facile d'expliquer le handicap à ceux qui ne sont pas handicapés plutôt qu'à des enfants qui le vivent tous les jours...
Accepter le mot "handicap"
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Pascal Ourghanlian
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Re: accepter le mot "handicap"
D'abord : ce mot est inacceptable pour celui qui le porte.
Ou, plus exactement, pour ce qu'il sous-entend de malentendus de la part de ceux qui l'entendent et/ou l'utilisent à l'égard d'autrui.
Cependant, belle question, lourde réalité...
Essayez, peut-être, d'utiliser l'expression "situation de handicap", dans ce qu'elle exprime d'un décalage entre les possibilités actuelles de la personne et les attentes posées par la société (ici, l'école). Possibilités actuelles, donc éminemment évoluables ; attentes de la société, donc "tout" n'est pas du côté du déficit personnel.
Il ne s'agit pas dire "tu es handicapé", comme caractéristique propre, mais "tu es handicapé par" ou "tu es handicapé pour" - comme moi je le suis pour nager ou par ma mémoire qui ne retient pas les nombres, par exemple.
Ou alors en utilisant l'expression "besoins particuliers", pour montrer que j'aurais besoin de leçons de natation ou d'avoir les nombres sous les yeux, comme lui (ou lui, ou lui) a besoin d'un détour par l'IME pour rapprocher les possibilités actuelles des attentes sociales.
Rien de simple...
Mais rien d'impossible, non plus : F. qui demande en CM1 à entrer en UPI 4 en 6ème parce qu'à l'école, "pour être comme les autres, je suis toujours à 200 %"...
Ou M. qui dit "moi t'i'omique, pas pouvoir faire pareil, mais pas g'ave, moi aime e'j'fais". Il (elle) nous montrent qu'ils savent et, s'ils ne peuvent toujours entendre, ils peuvent dire.
D'où : peut-être, essayer de dépasser la première réponse "difficultés scolaires", pour les aider peu à peu à exprimer ce qu'ils entendent qu'on dit d'eux, "tu es handicapé", pour mettre ces autres expressions dessus, qu'ils pourront utiliser à leur tour. Type "moment de philo" (si si même en IME, la psy sco avec laquelle je bosse le fait en CLIS "lourd lourd", une fois par quinzaine).
Bon courage à vous ! Ils sont humains, comme nous, ni plus ni moins, sans commisération, avec la même bienveillance qu'envers chacun, et savent le rappeler... avant d'être "handicapés", "psychotiques", "troubles du comportement", etc.
Que vous soyez attentive à cette question, et qu'elle vous turlupine toute l'année, montre que vous allez trouver non pas les réponses mais la manière d'arriver à ce que chacun s'approprie sa réponse pour lui-même. Qui passera ou non par le mot "handicap"...
Ou, plus exactement, pour ce qu'il sous-entend de malentendus de la part de ceux qui l'entendent et/ou l'utilisent à l'égard d'autrui.
Cependant, belle question, lourde réalité...
Essayez, peut-être, d'utiliser l'expression "situation de handicap", dans ce qu'elle exprime d'un décalage entre les possibilités actuelles de la personne et les attentes posées par la société (ici, l'école). Possibilités actuelles, donc éminemment évoluables ; attentes de la société, donc "tout" n'est pas du côté du déficit personnel.
Il ne s'agit pas dire "tu es handicapé", comme caractéristique propre, mais "tu es handicapé par" ou "tu es handicapé pour" - comme moi je le suis pour nager ou par ma mémoire qui ne retient pas les nombres, par exemple.
Ou alors en utilisant l'expression "besoins particuliers", pour montrer que j'aurais besoin de leçons de natation ou d'avoir les nombres sous les yeux, comme lui (ou lui, ou lui) a besoin d'un détour par l'IME pour rapprocher les possibilités actuelles des attentes sociales.
Rien de simple...
Mais rien d'impossible, non plus : F. qui demande en CM1 à entrer en UPI 4 en 6ème parce qu'à l'école, "pour être comme les autres, je suis toujours à 200 %"...
Ou M. qui dit "moi t'i'omique, pas pouvoir faire pareil, mais pas g'ave, moi aime e'j'fais". Il (elle) nous montrent qu'ils savent et, s'ils ne peuvent toujours entendre, ils peuvent dire.
D'où : peut-être, essayer de dépasser la première réponse "difficultés scolaires", pour les aider peu à peu à exprimer ce qu'ils entendent qu'on dit d'eux, "tu es handicapé", pour mettre ces autres expressions dessus, qu'ils pourront utiliser à leur tour. Type "moment de philo" (si si même en IME, la psy sco avec laquelle je bosse le fait en CLIS "lourd lourd", une fois par quinzaine).
Bon courage à vous ! Ils sont humains, comme nous, ni plus ni moins, sans commisération, avec la même bienveillance qu'envers chacun, et savent le rappeler... avant d'être "handicapés", "psychotiques", "troubles du comportement", etc.
Que vous soyez attentive à cette question, et qu'elle vous turlupine toute l'année, montre que vous allez trouver non pas les réponses mais la manière d'arriver à ce que chacun s'approprie sa réponse pour lui-même. Qui passera ou non par le mot "handicap"...
Cordialement,
Pascal Ourghanlian
Pascal Ourghanlian
Re: Accepter le mot "handicap"
Une petite piste pas pour se défiler à cette belle question mais pour donner à réfléchir à ces enfants. Leur proposer la différenciation entre personne privée et personne publique.
Je pense qu'il faut être très clair sur la personne publique et expliciter concrètement la loi française qui les a amenés dans l'IME, avec les partenaires et aussi le déroulement administratif. (J'ai le souvenir d'un caractériel qui en crise disait toujours "va voir mon dossier c'est écrit pourquoi je suis comme ça", il a été utile de lui montrer qu'il était bien vide son dossier, c'est vrai qu'au passage on était dans l'illégalité car ces dossiers étaient jadis confidentiels).
Sur la personne publique il est aussi important d'écouter leur rationalisation personnelle de leur placement : "je suis ici parce que j'ai cassé un carreau à la cantine", "je suis ici parce que j'ai frappé le maître", "je suis ici parce que je suis mongol"... et les aider à remettre en cause ces rationalisations.
Maintenant, sur la personne privée, en classe je ne vois pas comment aborder une perception intime de chacun. Mais la reconnaître, dire qu'elle existe pour chacun d'entre eux, qu'elle est difficile pour tous les humains surtout dans sa jeunesse et que le handicap n'est qu'un élément de cette perception de soi.
Je ne sais pas si ce détour vous semble botter en touche !!
Je pense qu'il faut être très clair sur la personne publique et expliciter concrètement la loi française qui les a amenés dans l'IME, avec les partenaires et aussi le déroulement administratif. (J'ai le souvenir d'un caractériel qui en crise disait toujours "va voir mon dossier c'est écrit pourquoi je suis comme ça", il a été utile de lui montrer qu'il était bien vide son dossier, c'est vrai qu'au passage on était dans l'illégalité car ces dossiers étaient jadis confidentiels).
Sur la personne publique il est aussi important d'écouter leur rationalisation personnelle de leur placement : "je suis ici parce que j'ai cassé un carreau à la cantine", "je suis ici parce que j'ai frappé le maître", "je suis ici parce que je suis mongol"... et les aider à remettre en cause ces rationalisations.
Maintenant, sur la personne privée, en classe je ne vois pas comment aborder une perception intime de chacun. Mais la reconnaître, dire qu'elle existe pour chacun d'entre eux, qu'elle est difficile pour tous les humains surtout dans sa jeunesse et que le handicap n'est qu'un élément de cette perception de soi.
Je ne sais pas si ce détour vous semble botter en touche !!
Re: Accepter le mot "handicap"
bonsoir
Je suis enseignante spécialisée en IME. J'ai le groupe des grands (12-14 ans)
J'ai été aussi confrontée à ce genre de questions, très régulièrement.
Je sais que mes élèves n'acceptent pas le terme de handicapés !!! Pour eux, c'est une insulte. Et ils ont beaucoup de difficultés à accepter le regard de leurs copains de quartiers sur l'IME. Un gamin me disait qu'il parle de l'IME en disant que c'est un collège.
Quand ils me posent la question, je ne leur parle donc pas de handicap, mais de difficultés. Ils ont des difficultés pour apprendre et à l'IME on peut mieux s'occuper d'eux et les aider au mieux à progresser, car ils sont moins nombreux que dans une classe ordinaire.
C'est une réponse parmi tant d'autres, je sais que mes élèves adhèrent à cette réponse.
Voilà si ça peut t'aider.
A bientôt
Emilie
Je suis enseignante spécialisée en IME. J'ai le groupe des grands (12-14 ans)
J'ai été aussi confrontée à ce genre de questions, très régulièrement.
Je sais que mes élèves n'acceptent pas le terme de handicapés !!! Pour eux, c'est une insulte. Et ils ont beaucoup de difficultés à accepter le regard de leurs copains de quartiers sur l'IME. Un gamin me disait qu'il parle de l'IME en disant que c'est un collège.
Quand ils me posent la question, je ne leur parle donc pas de handicap, mais de difficultés. Ils ont des difficultés pour apprendre et à l'IME on peut mieux s'occuper d'eux et les aider au mieux à progresser, car ils sont moins nombreux que dans une classe ordinaire.
C'est une réponse parmi tant d'autres, je sais que mes élèves adhèrent à cette réponse.
Voilà si ça peut t'aider.
A bientôt
Emilie
Re: Accepter le mot "handicap"
Tout d'abord, merci pour vos réponses. Je pense avoir des pistes de réflexion pour aider mes élèves à se sentir mieux, plus à leur place dans l'IME d'abord et à l'extérieur ensuite.