Master sciences de l'éducation et questionnements

[louna]

Bonjour à tous,
je viens de découvrir ce site, je suis étudiante en master 1 sciences de l'éducation et enlisée comme beaucoup dans les débats multiples et les sources diverses sur l'intégration scolaire (thème potentiel de mon mémoire).
Je n'ai pas encore contacté de directeur possible car j'aimerais en premier définir une problématique de départ qui soit plus ou moins cohérente.
Mais le temps presse et les étudiants de ma section se ruent sur les directeurs, je risque donc de me retrouver le bec dans l'eau !!

Me pensant innovante dans la recherche sur l'intégration des élèves en difficultés et handicapés (même si je sais qu'il y a multitudes d'articles/études), je me retrouve face à une quantité de gens qui traitent du même sujet...

Je suis avs-i depuis le début d'année ce qui me permet d'avoir un poste d'observation large et des contacts avec le domaine de l'ash et je suis motivée par un projet professionnel (instit spé !)qui m'a amené à faire depuis 6 ans des stages plus ou moins longs en clis/IME/IMP/UPI/SEGPA/CMPP.

Alors mes thèmes sont la mixité,la pratique enseignante,l'individualisation et l'intégration...
Je mélange tout ça et je trouve des problématiques qui existent partout..
Comment être originale et trouver un axe de recherche un peu différent ?

Si vous avez eu ou avez des questionnements sur l'intégration et mes thèmes qui peuvent être problématisés, n'hésitez pas à me les donner, je me ferai un plaisir si j'y trouve un intérêt, à me lancer dans la recherche et fournir mon mémoire en fin d'année.
Merci pour vos conseils éclairants,orientations et à moindre coût cognitif pour vous, vos encouragements !

[louna]

Je rajoute que pour le moment je suis axée sur : L'évaluation de l'intégration des élèves Handicapés/difficultés en milieu ordinaire. Qu'en pensez-vous ?

[patrick]

L'évaluation !! bon c'est à la mode sarkosienne mais franchement dans des domaines aussi complexes que l'intégration je ne vois pas comment sortir du fourretout que vous semblez vouloir éviter !
Peut-être qu'une étude comparative au niveau européen serait intéressante, historique avec où en sont les précurseurs italiens et conceptuelle avec les approches anglo-saxonnes.

[louna]

Merci pour votre réponse.
Effectivement, l'évaluation est à la mode, mais je n'étais tout de même pas dans une optique de vérification de rendement ou d'atteinte d'objectif. Plus dans le constat et le ressenti des personnes concernés par le dispositif d'intégration (et l'impact sur les pratiques enseignantes...), d'autant plus qu'après seulement 4ans après la loi d'orientation, c'est encore tôt pour voir sur le long terme.
Néanmoins, je voudrais voir sur le post CM2 et l'idée des études comparées avec les autres systèmes européens me séduit...
Je vous remercie et vous tiens au courant (je vais certainement avoir d'autres questions )

[Boogie]

Bonjour

Je suis cette année en master 2 recherche en sciences de l'éducation (ancien DEA). L'an passé j'ai travaillé sur les AVS, et donc sur la scolarisation des enfants handicapés. Cette année je poursuis ce travail, sur le même thème.
Si ça t'intéresse, je peux te communiquer la bibliographie que j'ai constitué pour mon travail de l'an passé. Mon entrée était socio-historique, il y a donc une part importante de travaux sociologiques, mais ils ne sont pas les seuls.

J'ai choisi une entrée socio-historique pour contribuer à une meilleure connaissance des origines historiques de l'accompagnement scolaire, qui est un corollaire du paradigme de l'intégration qui a émergé dans les années 1970 (au travers d'un mouvement international, bon à savoir pour se défier des déclarations politiques mettant en avant le "volontarisme" : ils n'ont pas le choix et ne font que suivre un mouvement qui dépasse leurs intentions), paradigme organisant les relations entre l'éducation spéciale et l'éducation scolaire (le milieu spécialisé et l'école, pour dire autrement).

De mon point de vue, avant tout autre entrée (comme par exemple une qui serait centrée sur les pratiques enseignantes, comme tu l'évoques), il est nécessaire d'avoir des connaissances minimums dans deux domaines.

Tout d'abord, quant à l'histoire des relations entre éducations scolaire et spéciale. Je ne défends pas cette entrée comme une spécificité absolue, ni comme suffisante, mais comme absolument nécessaire aux autres.

Combien d'enseignants ignorent royalement cette histoire ? Beaucoup trop à mon avis. La centration sur les techniques (didactiques, notamment), qui permettraient de résoudre presque tous les problèmes auxquels sont confrontés les enseignants (je provoque un peu), prédomine souvent dans leur formation. Quand ils parlent de scolarisation des enfants handicapés, ils ne demandent pas autre chose que des outils didactiques ou pédagogique, et quand on parle de former les enseignants à accueillir ces enfants, c'est généralement ce qu'on sous-entend comme contenu. Or, l'histoire s'incorpore, elle forme des couches, des sédimentations, elle a des effets qu'on ne peut pas identifier (ni tenter d'agir sur eux) si on néglige l'histoire qui les a produit. Et en connaître un certain nombre de ses ressorts permet aussi de pratiquer une forme de décentration par rapport à sa propre profession (ou par rapport à la profession dont on convoite l'entrée), et ceci est très utile pour comprendre les logiques des autres (nombreux) professionnels (ainsi que celle des parents) intervenant dans les processus de scolarisation des enfants handicapés.

Ceci dit, aujourd'hui j'ai lu une phrase qui résume vraiment super bien les dangers d'une défense exclusive d'une approche socio-historique (pris ici : http://atheles.org/agone/revueagone/ago ... index.html) :

"si vous affirmez que telle théorie en physique ou en biologie doit la reconnaissance dont elle jouit non à sa vérité mais à divers facteurs sociaux et historiques que vous vous faites fort d’exhiber, vous assurez la supériorité de votre discours sur les sciences en question sans avoir besoin de rien en apprendre sérieusement." C'est tout à fait juste, mais ne doit pas annuler la pertinence de cette entrée. Bien cernée méthodologiquement, elle apporte beaucoup aux autres.

Deuxième perspective incontournable, toujours de mon point de vue : a minima une mention de la relativité et de l'aspect socio-historiquement très marqué des dénominations qui servent à désigner les enfants dont on parle. "Handicap" est une notion très récente, et s'inscrit dans une généalogie de notions qu'on ne peut ignorer, sauf à tomber dans ce qui Philippe Mazereau désigne comme une approche qui n'évite pas de "prendre comme outils de connaissance des notions qui devraient en être l'objet". Pour cette deuxième perspective, Lire Henri-Jacques Stiker, notamment, est très fructueux.

Enfin, pour une perspective d'analyse comparée (à mon avis plutôt difficile en master 1 du fait du temps limité), l'ouvrage "l'école face au handicap" dirigé par Michel Chauvière et Eric Plaisance, est incoutournable (notamment puisqu'une sociologue italienne qui a travaillé sur la situation dans son pays, Ana de Lucia, y signe un chapitre) tout comme un livre titré "Éducation et handicap : d'une pensée-territoire à une pensée-monde", dirigé par Denis Poizat, ouvrage collectif également qui comporte de nombreux articles sur les dynamiques de scolarisation d'enfants en situation de handicap dans de nombreux pays. (Angleterre, Algérie, Taïwan, Italie, Amérique du Sud, etc.)

Bon courage.