Demande à Claire a

Avec des enfants présentant des troubles graves de la personnalité.
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akila m
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Demande à Claire a

Message par akila m »

Dans le cadre de notre projet d'établissement, nous travaillons sur un thème "quelles réponses chaque professionnel peut-il apporter face à l'inhibition chez un adolescent psychotique ?" Je travaille sur l'inhibition scolaire puisque enseignante spécialisée ; j'ai trouvé de l'aide dans divers textes du site (D. Calin sur l'adolescence et sur les réactions psychiques à l'échec scolaire)

En résumant, je suis partie du fait que ces jeunes (12 à 16 ans) ont connu l'échec scolaire très tôt et le vivent depuis des années car ils n'ont jamais pu vu leur maladie mentale, trouver les moyens de se rattraper; Ils ont infligé une blessure à leur famille et ont été privés de sa reconnaissance ; la famille a perdu confiance en eux et a retourné ses espoirs vers la fratrie. Ils ont aussi rencontré multitudes d'enseignants et connaissent toutes les méthodes de lecture possible. Ils ont aussi rencontré l'exaspération de tous les pédagogues qui les ont croisés qui ont tout essayé. Ces ados finissent par désinvestir ces activités décevantes, blessantes en rencontrant un regard (celui de l'enseignant) qui perd confiance en eux ou et en lui selon sa personnalité; leur identité est touchée de tous côtés (par la maladie qui la trouble et par la perte de la confiance d'autrui dans leurs capacités).

J'ai pensé que la première des réponses que l'enseignant pouvait apporter
le concernait lui en premier : travailler son propre regard sur l'adolescent ; qu'il perçoive que malgré ses difficultés, ses erreurs, il ne perd pas l'estime et le respect de la personne qu'il a en face de lui ; cela peut sembler une évidence et choquer les enseignants spécialisés mais je suis persuadée que ces regards sont insidieux et n'aident pas des ados déjà bien fragiles ; et que quand on a bien préparé, imaginé des séances pour eux qui ne peuvent que marcher et que ce n'est pas le cas, on finit par lancer des "ce n'est pas possible" et parfois à se crisper sur des objectifs d'acquisitions qu'on croyait atteindre pour eux.
Donc, je voudrais développer car je ne sais comment on peut modifier son regard en théorie, même si j'espère y parvenir par la pratique en mettant de la distance avec le projet pédagogique rédigé pour chacun et en le posant comme une espérance sur le long terme.
Il faut bien sûr modifier ses pratiques pédagogiques et accepter de partager avec ces jeunes en faisant avec eux (écrire à leur place par ex, faire à deux mains, ne pas préparer à l'avance les problèmes de logique pour chercher en même temps et être éventuellement au même niveau, lire à leur place tant qu'ils n'osent ou ne peuvent se lancer...). Je vais paraître trop gentille, mais je peux vous assurer que cela marche avec certains et qu'ils se mettent à réfléchir.
Donc, Claire, comme vous travaillez à aider des enseignants aussi, je voudrais votre aide pour continuer à rédiger ma partie sur le regard des enseignants et sur son effet sur la levée éventuelle de l'inhibition scolaire et intellectuelle. Merci M Escudie
clairea
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Message par clairea »

Je vous remercie de la confiance que vous me témoignez en me sollicitant sur cette thématique.

Votre texte montre que vous avez déjà élaboré des réponses pertinentes. Le thème du regard est essentiel en effet, je ne sais pas si vous le pourrez car ce sont des textes un peu obscurs, mais je vous renvoie à la pulsion scopique et au stade du miroir de Lacan. La pulsion scopique (regard) est étroitement liée à la pulsion de savoir, la sublimation dans l'art est souvent étudiée par les psy en ce sens.

Demandez-vous mon aide précisément sur le regard de l'enseignant face à un enfant psychotique ou sur un enfant en grave échec scolaire ?
Ce n'est pas la même chose, et je me demande où se situe la difficulté ici, dans l'étrangeté que renvoie la psychose ou dans l'incapacité apparente de l'enfant à apprendre?
Un fonctionnement psychotique n'implique pas une déficience intellectuelle, l'attaque des processus cognitifs n'est pas un critère de la psychose mais s'observe essentiellement quand la décompensation psychotique est survenue précocement, ou que la psychose soit infantile.
L'abrasion des mécanismes intellectuels est d'une certaine façon la seule défense qu'ont ces enfants pour ne pas trop souffrir, ne pas penser pour ne pas être trop envahis.

Pour aider un enseignant dans sa relation avec un enfant, un psychologue travaille essentiellement sur ses représentations... donc commence par écouter l'enseignant dans ce qu'il peut dire de sa relation avec l'élève. Travailler avec des adolescents psychotiques n'est pas une chose facile même si cela doit être passionnant.

Je ne crois pas aux recettes miracles, "soyez bienveillant, patient...". Comme vous le dites, ces bonnes intentions sont soumises à la dureté des rapports intersubjectifs et aux attaques des liens et de la réalité propres au fonctionnement psychotique.

Alors comment vous aider pour la rédaction de ce travail ??? J'avoue être hésitante face à cette question...

Peut-être que pour comprendre les effets du regard de l'enseignant chez un psychotique, vous devez travailler la particularité du fonctionnement psychotique dans sa relation à l'autre. D'une certaine façon, l'autre est vécu comme persécutant et c'est là peut-être que l'action pédagogique face à ces adolescents doit être réfléchie.

Comment ne pas les persécuter alors qu'eux-mêmes interprètent (je simplifie) vos désirs et vos actes comme tels ?

Mais pour aider un enseignant, je pense sincèrement que je travaillerais sur l'image qu'il a de lui-même dans sa fonction de pédagogue face à ces élèves qui ont besoin parfois de ne pas penser.

Je vais essayer de vous trouver des références théoriques sur ce thème, et je continue de réfléchir à votre question car je ne pense pas y avoir ici répondu.
akila m
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Message par akila m »

L'intitulé de la recherche porte sur les adolescents psychotiques mais des jeunes auxquels nous avons affaire sont aussi diagnostiqués "états limites" ; ils sont tous en difficultés scolaires et les plus adaptés sont scolarisés en UPI ou en 3ème SEGPA (au mieux). D'autres sont à temps plein en HDJ.
J'espère ne pas vous faire une demande à laquelle il n'y a pas de réponse
possible : mon problème consiste à rendre un écrit cohérent pour le projet d'établissement (évaluations des pratiques professionnelles). "Changer de regard" est très abstrait et ne veut pas dire grand chose ; effectivement, j'y ai pensé sans me souvenir du stade du miroir en me remémorant que j'ai travaillé avec des personnes très malades qui ne se regardaient plus jamais dans un miroir et qui me faisaient devenir "leur miroir parlant" en me demandant ce que je voyais d'elles : je reconstruisais du mieux que je pouvais ; pour des ados et même des enfants en situation d'échec scolaire "à vie", il me semble que l'enseignant devrait souhaiter parvenir à ne plus avoir de regard qui aggrave la situation sans se rendre compte ; leur renvoyer une image extrêmement positive.
Est-ce que je peux écrire que pour cela il est nécessaire que le travail dans des groupes de paroles avec l'équipe soit organisé ? Ou est-ce que l'enseignant peut trouver les moyens seul pour éviter ces situations et comment ?
Je parle d'adolescents mais je vais être certainement sollicitée pour travailler sur le même thème dans la section enfant de l'HDJ.

En tout cas merci beaucoup pour votre aide. m escudie
clairea
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Message par clairea »

Est-ce que je peux écrire que pour cela il est nécessaire que le travail dans des groupes de paroles avec l'équipe soit organisé ? Ou est-ce que l'enseignant peut trouver les moyens seul pour éviter ces situations et comment

Quand on travaille avec des sujets psychotiques ou plutôt devrais-je dire des sujets en grande souffrance, il me semble évident que dans le cadre d'un établissement, un travail en partenariat est souhaitable. Et si votre action pédagogique entre dans le projet thérapeutique de ces sujets, vous avez tout à fait raison de solliciter une écoute de la part de l'équipe soignante.
Pourquoi met-on des enseignants dans les hôpitaux de jour si ce n'est pour qu'ils participent à inscrire les sujets dans une perspective de lien social... Votre travail est délicat et, non, je ne pense pas que l'enseignant ait à gérer cela seul.
Je trouve donc très pertinente votre proposition de groupe de paroles, et j'espère que cette demande sera entendue.

Cordialement.
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