Pour ma fille et ses amies qui veulent faire mon métier

Avec des enfants présentant des troubles graves de la personnalité.
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akila m
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Pour ma fille et ses amies qui veulent faire mon métier

Message par akila m »

Bilan personnel de quatre mois en hdj en tant qu’enseignante


C’est un métier très difficile qui nécessite une grande sécurité intérieure et des capacités de récupérations psychologiques rapides, qu’il arrive de perdre pour des raisons diverses.

Pourquoi ? Les enfants ont des identités étranges, fluctuantes. Ils peuvent être de multiples personnes dans un laps de temps très court. Beaucoup vont s’acharner à éviter la situation scolaire en utilisant des moyens souvent violents. L’enseignant doit trouver des passerelles, des mots, des supports, des gestes pour que leur pensée et la sienne puissent se retrouver ; rien n’est jamais acquis.
Il arrive à ma collègue de me dire « je ne vais pas bien » ; il m’arrive aussi de penser le soir que moi aussi « je ne vais pas bien » sans que je puisse en exprimer des raisons ; il me faut alors dormir. Effectivement, certains moments, on se retrouve complètement démuni face à la folie, la souffrance et la violence d’un enfant. On réalise que notre identité est imaginaire, et nos compétences professionnelles bien inutiles. Les fonctions d’adossement et d’endossement dont on se croyait capable nous filent entre les doigts. J’ai pourtant travaillé auprès de personnes mourantes en les accompagnant jusqu’au dernier moment sans me perdre.

Tout cela pour dire aux jeunes et aux moins jeunes de faire attention s’ils souhaitent aller travailler auprès de ces enfants ; encore plus s’ils ont une très grande confiance en eux.
On peut en effet facilement rêver qu’on va y arriver, faire mieux, voire les sauver.

La formation que nous recevons même en tant qu’enseignant spécialisé est un peu légère à côté des trois ans des éducateurs spécialisés ; ils semblent effectivement moins facilement détruits par des comportements et des paroles. De plus nous avons pour mission de travailler sur le domaine le plus sensible pour ces enfants. Des enseignants même chevronnés supportent mal de ne pas remplir leurs missions comme ils le rêvaient. Il ne faut pas arriver à se rendre responsable, ou à culpabiliser les enfants.

Je trouve qu’il n’est pas facile de préparer son CAPASH en HDJ. Je conseillerais plutôt une CLIS ou un IME ; les enfants ne supportent pas de se retrouver en représentation devant un jury ; ils vont difficilement accepter de montrer des compétences qu’ils ont mis des mois à pouvoir nous montrer ; les jurys ont parfois des attentes que je qualifierais d’indécentes.

Mais je ne donnerais ma place à personne (pour l’instant) : pour les moments où ces enfants nous témoignent de leur confiance et répondent à nos tentatives ; pour les remerciements et la joie de leurs parents lorsqu’ils réalisent que leur enfant peut ressembler aux autres en venant en classe.
M Escudie
akila m
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Message par akila m »

J'espère ne pas avoir fait peur ou trop inquiété des personnes souhaitant travailler en HDJ. Je voulais juste prévenir des étudiants qui s'idéalisent dans ce métier. Pour vous rassurer : je trouve que le texte de C. OURGHANLIAN (la fonction d'adressement) développe ce à quoi on doit se raccrocher lorsque des enfants font éclater la classe ou un autre cadre. Les paroles que l'on peut leur adresser à ces moments sont essentielles même si elles nous semblent inutiles et sans échos ; elles portent toujours leurs fruits si elles s'adressaient réellement à eux et fondent et apaisent une relation enseignant enseigné sur le long terme.
cordialement M Escudie
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