Les adolescents et leur maladie ?

Avec des enfants présentant des troubles graves de la personnalité.
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akila m
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Les adolescents et leur maladie ?

Message par akila m »

Deux adolescents en HDJ qui sont mes élèves interrogent en exprimant de la détresse voire de la révolte sur leur statut (ressemblent-ils à des fous pour les personnes extérieures, sont-ils comme les jeunes de l'IME qu'ils rencontrent ?) ; je m'interroge sur les réponses que nous leur apportons en tant qu'adultes ; l'éducatrice qui passe beaucoup de temps avec eux leur assure qu'ils ne sont pas handicapés mais malades et espère pour eux le meilleur (formation professionnelle, UPI) et certainement pas d'IME qui la ferait mentir ; je me sens proche d'elle et je comprends qu'elle veuille soutenir ses jeunes et les valoriser ; quand on passe autant de journées et d'années auprès d'eux, on devient comme des parents qui ont envie de protéger et d'éviter de voir souffrir. J'ai été tentée de leur répondre la même chose ; en fait, pour l'instant, je ne leurs réponds rien mais je reçois une souffrance et une tristesse très grandes ; quitter cet hôpital de jour où ils ressentent le regard apeuré des collégiens lorsqu'ils passent devant leur cour, pourquoi sont-ils si inquiétants, pourquoi ne peuvent-ils pas leur ressembler, pourquoi ne les veut-on pas à l'IME ; autant de questions qui reviennent à demi-mots.
La réalité est que la maladie mentale se guérit rarement et que, lorsqu'elle s'installe durablement, elle handicape lourdement et empêche une vie comme ils peuvent la rêver encore et que nous avons du mal à accepter de les imaginer dans un CAT conditionnement ou en foyer occupationnel dans quelques années. Que répondre à leur lucidité ?
Merci Mescudie
Daniel Calin
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Message par Daniel Calin »

Vous touchez du doigt le point où les discours mensongers sur le handicap somme "simple différence qui nous enrichit de sa diversité" sombrent dans le ridicule et l'insoutenable.

Vous vous doutez bien que personne n'a de réponse à votre question, et surtout pas une réponse rassurante.

Enseignants et éducateurs auprès de ces publics (la question ne se pose pas vraiment différemment en IME, hormis polyhandicapés) sont animés par le désir, et l'injonction institutionnelle, de travailler autant que faire se peut à "autonomiser" ces enfants et ces adolescents, de préparer les conditions d'une insertion sociale et professionnelle aussi satisfaisante que possible, voire de les former à la citoyenneté.

Puis vient peu à peu le jour où la "destinée" de ces jeunes prend forme. Symboliquement, mais aussi légalement, "on" (professionnels, mais aussi parents) bute sur la question de la mise, ou non, sous tutelle de ces jeunes en passe de devenir adultes. Question généralement fuie, par tout le monde, jusqu'à la catastrophe qui met tout le monde au pied du mur (il n'a légalement pas de "fugue" pour un jeune majeur).

Il est évidemment difficile de passer de l'espérance éducative à ces logiques de tutelle, de CAT, etc. Il y a pire. Pensez à vos collègues de l'option C, ceux qui ont la particularité d'enseigner à des enfants qui vont mourir, et qui meurent, parfois sous leurs yeux. Pointe extrême de l'enseignement spécialisé. Perte vertigineuse de sens - tout du moins des significations ordinaires du travail des éducateurs et des enseignants. Tout comme, d'ailleurs, plus dramatique encore, du "travail" et des attachements des parents.

Alors, que dire ? Difficile, surtout dans une atmosphère culturelle stupidement hystérisée, qui occulte systématiquement le tragique de l'existence, et même les réalités les plus ordinaires de l'existence...

Intellectuellement, je suis persuadé de la nécessité d'un discours vrai et d'une confrontation aux réalités, pour tous. Mais je ne sais pas si j'aurais toujours le courage...

Bon courage à vous, en tous cas.
Cordialement,
Daniel Calin
jlc
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Message par jlc »

Votre question amène une réponse toute personnelle, il n'y a pas de "recette miracle". On peut se taire mais nos interlocuteurs ne sont pas dupes. On peut utiliser le " mais qu'est-ce que ça peut faire d'être différent, au contraire...". On peut aussi choisir de ne pas tricher, d'être soi-même. C'est plutôt ce que je préfère en ne trichant pas, en choisissant des mots qui évitent de blesser tout en essayant de répondre à leurs questions. Mais l'exercice est difficile. Chacun apporte une réponse en fonction de ce qu'il est, ce qu'il ressent, de celui ou celle qu'il a en face. Je voudrais rajouter que nous rencontrons nos élèves dans un cadre professionnel, ce qui suppose une distance par rapport à leurs interrogations, distance qui évite ou plutôt qui atténue tout piège relationnel, distance qui me paraît nécessaire pour pouvoir travailler dans ce monde si "envahissant" qu'est la pédo-psychiatrie.
Cordialement. J.LOUIS
Prieux Florita
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Message par Prieux Florita »

Je travaille en hôpital de jour avec des jeunes de 15 à bientôt 19 ans pour certains. C'est donc pour eux l'heure de "la sortie" !!!
Je comprends bien toutes ces interrogations et je vous rejoins dans ce sentiment d'impuissance et aussi dans la nécessité de garder une distance relationnelle mais aussi d'admettre que nous ne sommes pas dans la toute-puissance et que nous devons "savoir faire avec les moyens qui nous sont donnés" comme savent nous le répéter nos inspecteurs de l'éducation nationale lorsqu'ils sont eux-mêmes sans réponse.
Maintenant, je resterai toujours "croyante" dans l'idée qu'il y a encore des choses à bousculer pour ne pas se contenter des moyens matériels et humains miséreux (et je me permettrai même le terme "minables") qui sont actuellement alloués à ces jeunes et aux équipes qui s'en occupent pour construire quelque chose de réaliste et non du saupoudrage !!!

Quand on parle de la frontière qu'il semblerait exister entre des établissement qu'on baptise "IME" des structures qu'on baptise "UPI" pour se donner "l'illusion de faire quelque chose !!!!" Pour moi tout ceci fait partie de la même salade qui permet à tous de faire "des économies" !!!
Quand on voit aujourd'hui ces jeunes rentrés en UPI il y a 4 ans, retourner pour grand nombre d'entre eux à la case départ (c'est-à-dire la maison) à défaut d'autre chose après. Où est la logique de projet ???

Par ailleurs, je ne suis pas du tout triste de voir nos jeunes aller vers des CAT car je me dis qu'ils ont au moins la possibilité d'exister dans un groupe. J'ai fait des interventions dans un CAT tous les mercredis l'année passée et je peux vous dire que les gens qui encadrent ces jeunes et moins jeunes s'investissent aussi considérablement pour permettre à ces gens défavorisés de trouver un sens à leur vie. Seulement, c'est comme partout, ils sont obligés de bricoler avec les moyens qu'on leur donne car ils doivent de plus en plus s'autofinancer !!!

Donc je ne pense pas que c'est juste une FATALITE !!!
Maintenant pour faire bouger tout cela !!! Il faut y croire !!! "On ne se bat pas "seul" contre un "mur" !!!

Bon courage à vous et merci d'y croire !!!

Florita
akila m
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Message par akila m »

Bonsoir, j'ai apprécié la réponse de J Louis mais je regrette qu'il n'ait pas précisé ce qu'il entendait par "être soi-même"; qu'entend-il derrière ? je suis assez démunie quand on me parle comme cela "être authentique" "être vrai" qu'est-ce que cela veut dire dans notre travail ? Cela semble tellement évident que je n'ose demander des précisions.D'abord, comment ne peut-on pas être soi-même ? être authentique est-ce utiliser le positif que l'on a en nous ? En décidant de l'être on n'est pas forcément au meilleur de soi ( l'agressivité, le sentiment de pouvoir que nous donne notre fonction font partie de nous);
Il me semble qu'on est plutôt comédien devant les enfants avec derrière une partie de nous (la meilleure, on espère) qui nous guide. tout en étant attentif à chacun et en essayant de répondre individuellement sans que cela se voit. Les moments où l'on reste sans voix, sans réponses sont aussi importants si nous recevons toute leur souffrance. Enfin, on ne saura jamais si on fait bien ou pas; leur intérêt et leur envie de venir en classe sont des indices.

pour Florita : je veux bien vous croire pour les cat ; mais le seul que j'aie visité m'a dégoûtée. Je ne pense pas que cela convienne à des ados qui rêvent de fermes, de chevaux, de taxis, de devenir maîtresse d'école. ils sont en train de découvrir leur réel peu à peu et nous devons les accompagner. Mais vous avez raison, peut-être vont-ils se plaire avec des pairs et avoir une vie sociale (et un bon salaire); beaucoup de personnes ne comprennent pas que travailler avec des malades mentaux puissent nous rendre heureuses; alors pour le travail en cat pourquoi pas, ils y seront peut-être heureux ?

pour D Calin : j'espère que vous allez continuer à parler et à dire les choses; je me souviens avoir été en formation avec vous à l'iufm ;on en ressortait toujours toujours avec une idée nouvelle ou une remise en question. En tout cas la formation a dû être bonne car je n'ai jamais été découragée longtemps avec les élèves et je n'ai jamais eu l'intention d'abandonner; Par contre, j'ai été déçue et navrée par le comportement et les réponses de collègues et supérieurs (pas tous); qu'est-ce que l'hystérie collective ?
Bonne semaine à tous mescudie
akila m
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Message par akila m »

Bonsoir, j'ai apprécié la réponse de J.-Louis mais je regrette qu'il n'ait pas précisé ce qu'il entendait par "être soi-même"; qu'entend-il derrière ? Je suis assez démunie quand on me parle comme cela : "être authentique", "être vrai", qu'est-ce que cela veut dire dans notre travail ? Cela semble tellement évident que je n'ose demander des précisions. D'abord, comment ne peut-on pas être soi-même ? être authentique est-ce utiliser le positif que l'on a en nous ? En décidant de l'être, on n'est pas forcément au meilleur de soi (l'agressivité, le sentiment de pouvoir que nous donne notre fonction font partie de nous).
Il me semble qu'on est plutôt comédien devant les enfants avec derrière une partie de nous (la meilleure, on espère) qui nous guide. Tout en étant attentif à chacun et en essayant de répondre individuellement sans que cela se voie. Les moments où l'on reste sans voix, sans réponses sont aussi importants si nous recevons toute leur souffrance. Enfin, on ne saura jamais si on fait bien ou pas ; leur intérêt et leur envie de venir en classe sont des indices.

Pour Florita : je veux bien vous croire pour les CAT ; mais le seul que j'aie visité m'a dégoûtée. Je ne pense pas que cela convienne à des ados qui rêvent de fermes, de chevaux, de taxis, de devenir maîtresse d'école. Ils sont en train de découvrir leur réel peu à peu et nous devons les accompagner. Mais vous avez raison, peut-être vont-ils se plaire avec des pairs et avoir une vie sociale (et un bon salaire) ; beaucoup de personnes ne comprennent pas que travailler avec des malades mentaux puisse nous rendre heureuses ; alors pour le travail en CAT pourquoi pas, ils y seront peut-être heureux ?

Pour D. Calin : j'espère que vous allez continuer à parler et à dire les choses ; je me souviens avoir été en formation avec vous à l'IUFM ; on en ressortait toujours toujours avec une idée nouvelle ou une remise en question. En tout cas la formation a dû être bonne car je n'ai jamais été découragée longtemps avec les élèves et je n'ai jamais eu l'intention d'abandonner. Par contre, j'ai été déçue et navrée par le comportement et les réponses de collègues et supérieurs (pas tous) ; qu'est-ce que l'hystérie collective ?
Bonne semaine à tous mescudie
jlc
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Message par jlc »

Je vais essayer de préciser ma réponse par rapport au "être soi-même". Une des caractéristiques de notre métier d'enseignant spécialisé est d'établir avec nos élèves une relation de confiance, base nécessaire (me semble-t-il) pour, "plus tard", aborder les apprentissages. Cette relation ne peut exister que si nous y investissons nos certitudes (souvent fragiles) et nos incertitudes (plus nombreuses), nos interrogations, nos choix, nos silences plutôt que d'apporter des réponses extérieures parfois institutionnelles qui ne trompent personne et encore moins nos élèves car dénuées d'authenticité. Vous savez combien ces élèves ont une aptitude particulière à déceler ce qui sonne faux et comment ils savent vous rendre la monnaie de la pièce. Alors cheminons avec eux, sans tricher, en les respectant, en gagnant leur confiance, en en faisant des interlocuteurs à part entière, en ménageant leur souffrance sans la banaliser, en parlant d'avenir sans les tromper.
J'espère avoir été un peu plus clair cette fois-ci !
Bonne soirée. J.LOUIS
akila m
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Message par akila m »

Vous êtes très clair ; je vais recopier votre définition ; merci
mescudie
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