Projets pour adolescents hôpital de jour

Avec des enfants présentant des troubles graves de la personnalité.
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Prieux Florita
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Projets pour adolescents hôpital de jour

Message par Prieux Florita »

Je travaille dans un hôpital de jour intersectoriel pour adolescents qui présentent des troubles importants de la personnalité (autisme, psychoses délirantes etc....).

Pour la seconde fois depuis que j'enseigne dans le spécialisé (15 ans), j'ai beaucoup de mal à programmer des contenus d'enseignements pour des jeunes qui ont pour la majorité de 15 à 18 ans, voire plus... J'ai rencontré les mêmes difficultés en UPI !

Quand j'enseignais dans les SEGPA, nous construisions les progressions des jeunes selon un projet individuel de formation puis pré-professionnel. Le choix des apprentissages du jeune était orienté, au delà de l'obtention d'un CFG, vers un projet individuel de vie, de citoyenneté, de formation et même de qualification pour les jeunes qui le pouvaient, et ce en contrat tripartite avec la famille. Ainsi nous articulions les enseignements généraux et les enseignements techniques pour donner un but au jeune et lui permettre de construire des images identificatoires de ce qu'il pourrait devenir.

L'hôpital de jour est certes avant tout un lieu de soins mais je travaille actuellement avec des jeunes qui à partir de 16 ans n'ont plus aucun lieu de scolarisation autre que l'hôpital.

Après un temps d'évaluation/observation, il m'est difficile actuellement de définir des choix pédagogiques (PPS), des temps d'enseignement et des contenus d'enseignement si je ne connais pas les champs des possibles pour construire un projet avec ces jeunes = "De l'Ecole pour quoi ?" Quelles priorités lorsqu'on ne voit ces jeunes que de une à trois heures ? Les jeunes qui étaient en UPI à l'âge de 16 ans "retournent à la maison" !!! Alors quel intérêt par exemple de construire avec les 15 ans un projet de scolarisation en UPI collège ?
L'accueil en IMPRO ou SIPFPRO devient difficile puisque de plus en plus ces structures souhaitent accueillir les jeunes vers l'âge de 12 ou 13 ans pour les emmener vers l'âge de 20 ans à un véritable "projet de sortie".


Donc quelle autre scolarisation possible pour ces jeunes ? Comment observer et évaluer l'autonomie, la communication fonctionnelle, le comportement interpersonnel, les comportements et compétences "professionnelles" etc... de ces jeunes en situation d'atelier ?
Je suis tout à fait consciente que ce travail est à mener en équipe (équipe de soins, "nouveaux référents Education Nationale", familles etc...), mais en attendant cette école qui vient d'ouvrir dans cet hôpital de jour a-t-elle seulement pour mission de construire "du lire, écrire et compter" pour des jeunes qui pour certains ont justement massivement rejeté "l'Ecole". Et qui pour certains ne demandent pas à y revenir.


Lorsque les jeunes retrouvent une stabilité à l'hôpital de jour, leur avenir sera-t-il obligatoirement les foyers occupationnels ? Comment savoir s'ils pourront tenir en CAT ? Quels autres projets sont possibles actuellement ?

Est-ce uniquement une question de "psychopédagogie" ?

Merci pour votre collaboration.
Pascal Ourghanlian
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Message par Pascal Ourghanlian »

Quand les marges interrogent le système... Le poète Yves Bonnefoy écrivait naguère un recueil intitulé "Dans le leurre du seuil".

Et si, tout simplement (?), ce que vous décrivez montrait les limites de notre école républicaine, officiellement fondée sur l'égalité des chances, plus sournoisement reproductrice du fossé social riches/pauvres ou politique normal/anormal (je mets tous les guillemets que vous souhaitez, où vous souhaitez).

Il n'y a pas si longtemps (un siècle à peine), les éclopés n'avaient droit à aucune considération, leur infirmité ne les rendant pas rentables aux travaux des champs. Les sots ou les fous, par contre, avaient droit, tout à la fois, à la considération du fermier (ils faisaient ce qu'on leur demandait et y mettaient leur force musculaire) et du savant (qui voyait en eux une manière d'interroger l'humain dans l'homme).

Les jeunes adultes dont vous parlez sont ceux dont la société fait sa bonne conscience (je ne parle pas de vous, en tant que personne qui essayez de construire avec eux quelque chose). La normalité passant par l'école, on leur propose de l'école par souci de normalisation. Peut-être le leurre est-il là : et si de l'école n'était pas la réponse ? Si le versant socialisation est le seul sur lequel on se situe pour ces jeunes, cela passe-t-il par de l'école ?

Anecdote, bien loin de ce dont vous nous entretenez : en réunion d'équipe de suivi, F., 11 ans, CM1, atteint d'une myopathie stabilisée, nous dit (enseignants, soins, maman) : "moi, au collège, je veux aller dans un endroit où il y a d'autres enfants comme moi, pour que ce soit plus facile ; ici, je suis toujours à 300 % (sic, je vous l'assure) pour être comme les autres ; je suis fatigué de faire semblant".

Vos jeunes, bien que plus âgés, ne peuvent s'exprimer ainsi. Peut-être ne le feraient-ils pas s'ils le pouvaient. Peut-être F., avec son "seul" handicap physique, et sa conscience intacte, est-il une exception.

Mais peut-être que non. Et peut-être que vos jeunes, ce qu'ils souhaiteraient, c'est qu'on les aide à entrer en contact, qu'on les contienne, qu'on les délivre des angoisses qui les submergent. Pas forcément qu'on fixe pour eux des objectifs de l'ordre du "lire, écrire, compter" qui, s'ils font sens pour eux, les renvoient certainement à ces trois éléments que je viens de dire.

Sauf que, me direz-vous, je suis enseignante spécialisée, et que je suis missionnée auprès de ces jeunes pour les aider à acquérir quelques compétences scolaires. Certes. Et je ne jouerai pas à celui qui a des réponses. Ce que je ressens, au fond de moi, c'est qu'il se joue de l'humain là-dedans, et que l'humain n'est pas nécessairement d'abord scolaire...

Ce que vous savez, bien sûr, je ne vous ferais pas cette injure, et qui n'éclaire en rien votre dimanche, ce dont je vous demande de m'excuser. Mais je doute de plus en plus que l'école ait toutes les réponses à toutes les questions...
Modifié en dernier par Pascal Ourghanlian le 08 oct. 2006 14:39, modifié 2 fois.
Cordialement,
Pascal Ourghanlian
clairea
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Message par clairea »

J'aime beaucoup le ton de ce forum, et les réponses qui y sont apportées.

Votre réponse Pascal est elle aussi humaine et donc belle, je partage votre avis.

Je suis certaine que la pensée de F. n'est pas marginale, il faut beaucoup d'énergie à un enfant pour faire semblant...

Par ailleurs, qui peut prétendre prévoir l'avenir de chacun ni savoir véritablement quels bénéfices tirent ces enfants de vos enseignements. Je suis convaincue de façon humble que bien souvent, pour ne pas dire toujours, il se passe quelque chose dans ces rencontres, ne serait ce que par le simple fait de votre présence d'enseignant...
Ne serait-il pas déraisonnable par contre de prétendre maîtriser ce quelque chose ? Et donc d'attendre "fermement" une compétence spécifique ou autre chose au détour de la séance....
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