Climat scolaire et Inclusion

Questions concernant la politique générale et l'organisation générale des enseignements spécialisés.
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clairea
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Climat scolaire et Inclusion

Message par clairea »

La sérénité du climat de classe est essentielle au bien être des enfants, de tous les enfants et participe à l'émergence du désir d'apprendre et à la préservation de ce dernier au fil de la scolarité.
Elle participe également à la qualité des situations d'apprentissages proposées aux élèves, elle est une des conditions intrinsèques qui soutient la motivation des enseignants.

Psychologues de l'Éducation Nationale, nous avons à penser ce qui fait souffrance au sein de l'institution scolaire en apportant une mise en sens de difficultés d'apprentissages ou de comportements d'un enfant en particulier, mais nous portons également un regard attentif au climat scolaire en tant qu'il reste un des facteurs incontournables du processus d'apprentissage pour tous les élèves.

Chacune des observations que nous pouvons réaliser en milieu scolaire montre combien s'est assombri et complexifié le climat scolaire, et plus particulièrement en école maternelle.

Quelle en est la cause et est-ce vraiment sans conséquence sur les apprentissages ?

L'école incarne pour chaque enfant son inscription programmée et espérée dans cette société que nous construisons.
Bien évidement, aucun handicap ne devrait marginaliser ou exclure de cette société un individu et encore moins un enfant. Aussi, depuis la loi « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » de 2005 (loi n° 2005-102, JO n° 36 du 12 février 2005, la configuration des classes a changé.

Cette belle idée, nécessaire pour faire évoluer une société qui, jusqu’alors, marginalisait les personnes en situation de handicap, s'est progressivement concrétisée par un accueil de plus en plus fréquent d'enfants en situation de handicap dans les classes. Certains accompagnés d'AVS, d'autres de SESSAD, d'autres sans étayage autre que du matériel adapté, mais beaucoup trop en attente de diagnostic ou de solutions malgré les notifications de la maison départementale pour les personnes en situation de handicap.

La notion de situation de handicap recouvre des réalités tellement variées qu'il est difficile de s'en tenir à ce terme en ce qui concerne le milieu scolaire.

Un trouble spécifique des apprentissages n'engage pas les mêmes compensations et adaptations pédagogiques qu'un trouble sensoriel, moteur ou qu'un trouble touchant à la construction de la personnalité.

Pour le milieu scolaire, les conditions essentielles à la réussite de la scolarisation de tous les enfants sont à penser autour de la question des capacités de l'enfant à apprendre et à s'adapter à la vie scolaire.
Les réponses à ces deux conditions ne peuvent se penser que dans la singularité de chaque enfant et dans une réflexion croisée entre les partenaires (parents enseignants soignants).

Les psychologues de l'Éducation Nationale apportent toutes leurs compétences et vigilances pour répondre à ces questions et définir des projets de scolarités adaptés aux besoins de chaque enfant. Cependant, nous sommes forcés de constater, jour après jour, combien l'accueil de certains enfants particulièrement en souffrance peut devenir douloureux pour l'enfant lui même, ses camarades et l'enseignant.

Nous constatons également avec impuissance combien les classes d'inclusion en école primaire deviennent des salles d'attente pour les établissements spécialisés eux-mêmes débordés. Cela revient à dire que des enfants qui auraient besoin d'un accompagnement thérapeutique pluridisciplinaire au plus près de leurs besoins ne bénéficient que d'une structure de classe à effectif réduit.

Le caractère exceptionnel de ces situations tend à disparaître et nous constatons, années après années, la multiplication des situations de crise, l'essoufflement de la MDPH dont les délais de réponse s'allongent tout autant que les listes d'attente pour les établissement ou services de soins.

Pour concrétiser cette inquiétude, nous soulèverons trois questions qui nous semblent essentielles pour penser la vie scolaire actuelle.

L'école publique ne devrait-elle pas être dans la capacité de garantir la sérénité du climat de classe et la sécurité de tous les élèves ... et ceci dès le plus jeune âge de l'enfant ? Ou pour l'exprimer différemment, était-il vraiment raisonnable de retirer au milieu enseignant le droit de juger si les conditions d'accueil d'un enfant sont ou non favorables à son bien être et à la vie de la classe, sachant que c'est sa seule responsabilité qui sera engagée en cas de crise ?

L'école doit-elle continuer d’accueillir des enfants dont la souffrance se traduit par des passages à l'acte sur eux-mêmes ou sur autrui, au risque d'être complice de ce qui cause leur souffrance et de cautionner par notre silence, la souffrance des enfants ou adultes victimes de ces passages à l'acte ?
Ou pour être plus explicite, est-il raisonnable d'imposer à nos jeunes élèves, aux AVS, aux enseignants de contenir et d'assister à l'expression de la souffrance d 'un enfant atteint sévèrement par exemple, d'un trouble du spectre autistique pendant les 24 heures de classe hebdomadaire ?

L'école ne devrait elle pas disposer de solutions internes quand les notifications de la MDPH ne sont pas appliquées ou que les conditions d’accueil d'un enfant en situation de souffrance ne permettent d'espérer lui offrir un progressif apaisement ? N'est-il pas urgent que l'école se dote de réponses à la hauteur de l'enjeu de la loi 2005 et qu'elle arrête d'espérer que le secteur de la santé trouve des solutions ?

Il est indispensable de repenser l'accueil dans les classes des enfants en situation de handicap en redonnant une place au corps enseignant. Il semble urgent d'ouvrir des Ulis en maternelle, de multiplier les postes d'enseignants spécialisés susceptibles de venir soutenir la scolarisation des enfants les plus fragiles et de ne plus laisser un enseignant et ses élèves, seuls, face à l'expression par la violence de la détresse de certains enfants.
Nous ne pouvons plus dépendre du recrutement aléatoire des AVS (qui pour la plupart ne reçoivent de formation que bien après leurs prises de postes) et des listes d'attente des établissements ou des soignants en libéral.
L'accueil d'un enfant à l'école atteint d'un trouble est un affaire sérieuse et délicate qui nécessite une formation sérieuse et une souplesse dans l'aménagement du parcours de scolarité... Des réponses de proximité et institutionnelles sont à inventer car nous avons avant tout pour mission que l'école reste un espace de plaisir et d'apprentissage pour chacun de nos élèves.


Psychologues et enseignants, nous faisons toujours le pari de la scolarisation pour tous, de l'égalité des chances parce qu'aucun de nous ne souhaite renoncer à l'espoir d' éduquer et d'offrir l’accès aux savoirs.
Dans l'état actuel de la mise en place de la loi 2005, l'école est trop souvent mise en difficulté, ce qui veut dire concrètement que les enfants en situation de handicap souffrent et que leurs camarades sont des victimes collatérales de cette souffrance.
clairea
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Re: Climat scolaire et Inclusion

Message par clairea »

Écoles en sous France.

De Pantin à Agde (agression filmée d'une enseignante par des parents d'élève), comme tous les corps institutionnels de l'État, l'école est en souffrance. Obstinément elle poursuit sa mission sans rancœur, puisant dans le regard des enfants la force de croire que l'accès aux apprentissages reste un des plus beaux cadeaux que l'on puisse offrir gratuitement à un être humain.

Souffrante d'être garante des idéaux d'égalité qui viendraient recouvrir les crises sociétales brûlantes de ce début de siècle (gilets jaunes, migrants, intégrismes religieux)...

Souffrante des économies budgétaires successives orchestrées par des politiques sourds aux conseils des sages qui rappellent que le savoir ne se monnaye pas. Si pour Mandela « L'éducation est l'arme la plus puissante qu'on puisse utiliser pour changer le monde. », elle est aussi une arme pour maintenir un système inégalitaire.

Souffrante de l'imposture inhérente à la loi 2005 qui promettait l’accueil de tous au sein des écoles sans prévoir la complexité du dispositif, les relais nécessaires avec les partenaires de la santé, les formations indispensables pour les enseignants et les auxiliaire de vie scolaires.

Souffrante de l'accueil d'enfants tellement malmenés par la rudesse de la vie ou par l'exil qu'ils ne perçoivent l'école que comme une parenthèse ludique sans en comprendre l'enjeu... aucun adulte pour soutenir auprès d'eux un désir de réussite, chacun se démenant pour ne pas être expulsé d'une chambre d’hôtel et pour survivre.

Souffrante de sa solitude face à l'engorgement des services de soins et d'accompagnement socio-éducatif, contraints de mettre en attente indéfiniment les situations sans se demander comment l'école contient autant de mal être.

Les écoles privées se multiplient... promettant une terre d'apprentissage là où l'école publique s’essouffle aux chevet de tous ... et plus encore de ceux en sous France.
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