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Conférence IUFM de Nantes, mars 2009

Posté : 13 mars 2009 19:13
par Boogie
Scolarisation et situation de handicap.

Je me permet de reporter ici quelques notes prises lors de cette conférence.

Deux intervenants, en particulier : PF Gachet, chef du bureau ASH à la DGESCO, et Serge Ebersold, sociologue infréquentable (blague privée qui ne fait rire que moi) à l'université de Strasbourg et détaché à l'OCDE.

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P-F GACHET, chef de bureau de l'adaptation scolaire et de la scolarisation des enfants handicapés, (DGESCO : Direction générale de l’enseignement scolaire) au ministère de l’éducation nationale (MEN).

Présente le point de vue de l’institution.
Loi 2005 : votée sans voix contre (tout comme la loi de 1975 en faveur des personnes handicapées). 100 articles, signature de 27 ministres… Gachet veut par là montrer l’importance énorme de cette loi y compris en terme de volume et de ministères impliqués.
C’est une loi d’orientation. Elle n’est pas accompagné de loi de programmation. (C’est à dire qu’elle peut rester longtemps sans application).

Présentation de données statistiques et des priorités du ministère par rapport à cette loi du 11 février 2005.

Loi de 1882 (loi sur l’obligation scolaire du primaire) exclut enfance « arriérée » de l’obligation scolaire, dit Gachet. [c’est faux, en partie : les inspecteurs d’académie dressaient une liste des enfants qui ont dérogation quant à l’obligation scolaire ; tous les enfants dits « arriérés » ne sont pas concernés par ces listes.]

Loi de 1975 : « obligation éducative ».

Loi de 2005 : obligation scolaire.

Compensation = Mesures pour réduire la restriction d’autonomie. Rétablir l’égalité des droits. Strictement individuelle.

Accessibilité = Du point de vue des institutions, qui s’imposent des mesures pour permettre à tous l’accès à leur service.

PF GACHET : « C’est l’école ordinaire qui doit s’adapter pour offrir ses services à tous. On va aboutir nécessairement à l’école inclusive. » [ le « nécessairement » me paraît bien optimiste.]

Rentrée 2007 : 162 000 élèves handicapés scolarisés.
Rentré 2008 : 170 000.
Mode de comptabilisation : par le biais des PPS, ou ancien PIIS, ou élèves avec un PAI – mais uniquement ceux dont un « aménagement durable est mis en place ».

Pour info : PPS = projet personnalisé de scolarisation ; PIIS = projet individuel d’intégration scolaire – c’est l’ ancien PPS ; PAI = projet d’accueil individualisé.

1,4% des enfants présents dans l’enseignement scolaire sont handicapés
1,1% du secondaire sont des élèves handicapés
1,4% du primaire.

« Reconnu handicapé » = notion disparue avec la loi de 2005, nous dit PF GACHET.

Définition juridique du handicap présent dans la loi de 2005. Existence de cette définition et la définition elle-même est controversée au niveau européen. La France est un des seul pays de l’OCDE à avoir une telle définition.

Une notion comme « besoins éducatifs particuliers », d’origine anglo-saxonne (« special needs education »), recouvre des applications nationales très différentes : en France, 1,4 % des élèves sont concernés (ça recouvre en fait les « handicapés » ; au Royaume-Uni, c’est environ 30% ; 37% dans certains pays scandinaves. (du fait de l’absence de définition juridique, beaucoup plus de personnes sont concernées).

70 000 établissements scolaires, 56 000 écoles primaires, 170 000 élèves handicapés : ration de plus de 2 élèves en situation de handicap par établissement.

GACHET parle des nécessaires aménagements pédagogiques et didactiques pour les 800 000 enseignants de France.

Il parle de « mon partenaire des affaires sociales »…

2006-2007 : 77 000 élèves en établissement médico-social (chiffres : enquête du ministère des affaires sociale MAS, enquête triennale).

« L’objectif n’est pas 0 élèves dans le médico-social » dit PF GACHET. Le droit à la scolarisation ordinaire n’est pas une obligation (pour l’institution scolaire).

Tableau : « évolution des effectifs des handicapés scolarisés par niveau de formation ».

Tableau : « Niveau de scolarisation et dispositifs collectifs CLIS et UPI, 2006-2007 à 2007-2008 ».

Graphique : effectifs scolarisés selon le type de trouble, 2007-2008 ».

70% de élèves handicapés scolarisés => cognitif et mental
4-5% => fonctions motrices
1%=> fauteuil roulant

« Il faut penser le concept d’accessibilité en terme d’accessibilité didactique/pédagogique », nous dit PF GACHET.

Graphique : « Accompagnement par un AVS-i (2007-2008) selon le type de trouble ».

PF Gachet parle de « métier d’AVS » !!!! Je l’interpelle à la fin de son intervention sur l’utilisation de ce mot, en resituant le contexte d’emploi du personnel.

21,8% des 170 000 élèves sont accompagnés par une AVS
30% des « dys » sont accompagnés
43% des troubles moteurs

Données : situation des AVS en octobre 2008, [en équivalent temps plein (ETP), ce qui veut dire qu’il y a plus de personnes, étant donné que les temps partiels dominent.]

9517 AVS-AED
13 100 EVS-AVS
= 22 617 équivalent temps plein.

Malgré les chiffres ci-dessus, PF GACHET affirme, dans sa réponse à mon interpellation, que « les AVS AES sont priorisés par rapport aux EVS ». C'est manifestement faux.

Données : Densité des CLIS

Densité des UPI

Nombre d’élèves par structures

Enseignants référents

2007 : 1214
2008 : 1307

Dans circulaire de rentrée 2009, instruction aux recteurs de faire passer moyenne de 8,4 enseignants référents pour mille élèves scolarisés à 10 pour mille. Ce qui suppose des ouvertures de postes par les IA.

Les grands axes de l’action du ministère en 2008-2009.

Deux nouveaux textes de lois vont sortir en 2009 avec un texte global ou on y supprimera les dénomination de CLIS et UPI et la MDPH deviendra Maison départementale de l'autonomie (=MDA, alors qu’il existe déjà la maison départementale de l’adolescence…) et un texte concernant les RASED.


- meilleur définition du PPS
- rôle des ESS
- rôle des enseignants référents
- déploiement des enseignants référents
- l’accompagnement par un AVS (Gachet précise que « moins de 5% des AVS sont en attente de formation ».)
- le MPA
- dispositif Aide Handicap Ecole
- coopération secteur médico-social et établissements scolaires (notemment convention entre IA et établissements, avec deux volets : projet pédagogique, renvoi à la loi 2002-2, et convention sur les moyens).
- réseau des IEN du second degrés
- Conférence européenne de Clermont-Ferrand
- Comité national pour l’autisme
- Plan pour déficients visuels
- Jeunes sourds
- Information/formation des enseignants (c’est la deuxième année, 2008-2009, nous dit PF GACHET, que la formation initiale des enseignants comporte un module ASH.)



J'interviens avec une question sur l'avenir des AVS et donc l’utilisation qu’il a fait du mot « métier » : il est répondu en terme "de perspective d'avenir dans le plan métier". Je répond que les AVS n'y figurent pas. Monsieur Gachet souligne alors que trois ministères sont en bagarre face à ce problème et qu'il devrait y avoir une réponse qui sera finalement tranchée par le Président lui-même, dans le courant 2009.

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Serge Ebersold, sociologue et maitre de conférence à Strasbourg

[Je vous restitue mes notes, prises avec les mots utilisés par Ebersold.]

Scolarisation en milieu ordinaire et dévoilement du handicap.

Ebersold détaché à l’OCDE. Recherche sur les élèves du secondaire à besoins éducatifs particuliers. Etude de suivi de cohorte (=étude sur plusieurs années sur la même population) entamée avec des bacheliers en 2007.

Recherche aussi centrée sur accès à l’enseignement supérieur et à l’emploi.

« effet d’affiliation » = impact des politiques par rapport à l’appartenance sociale et identitaire.

Comment les pratiques influent sur comment les élèves se construisent en tant que « être capable ».

Pourquoi une telle importance de « l’effet d’affiliation » ? Les travaux précédents d’Ebersold ont montrés que l’annonce du handicap n’est pas circonscrit à la prise de connaissance d’une déficience. Le handicap se dévoile tout au long de la vie, au fur et à mesure du développement de l’enfant (au contact des institutions, d’autrui, des professionnels…)

Dans la recherche en question, Ebersold a interrogé des parents au sujet du processus du dévoilement du handicap. A été très surpris de retrouver dans le discours des parents, avant toute mention du rôle des professions médicales (auxquelles il s’attendait), la mise en avant du rôle de l’enseignant.

L’institution scolaire = marqueur social où se bâtit la signification de l’anormalité ? Traduit ce qu’une société pense des personnes à l’écart de la normalité. C’est un vecteur identitaire. Le partage d’activité est symbole d’appartenance. Les modalités de ce partage sépare ceux qui sont handicapés de ceux qui ne le sont pas.

L’accès aux institutions, le partage d’activités qui s’y déploie suggèrent ainsi une certaine normalité.

Déplacement du sens du handicap du registre médical au registre social. Institution scolaire = symbole d’intégrité sociale. Révèle le degrés d’épaisseur sociale de l’enfant, de la famille. Exclusion de l’école = déni de reconnaissance.

Ne pas pouvoir accéder à l’école c’est être privé de possibilités futures – comme l’emploi, notamment : les établissements scolaires sont indissociables du cadre dans lequel ils ont été créés. (idéologie républicaine, mission fondamentale de l’école, etc…)

Accès à la scolarisation est ainsi aussi importante que les questions de santé pour l’avenir des individus. « effet-protecteur ».

Autre dimension : scolarisation inscrit / réinscrit enfant et ses parents dans une temporalité sociale (confère ouvrage « le temps des servitudes »).

Elever un enfant handicapé : exigence d’omniprésence de la famille quand cet enfant n’est pas scolarisé, ce qui fait exploser les cadres sociaux qui régissent le temps.

Impact de la présence continuelle de l’enfant sur inscription des parents dans les temporalités sociales. Exemple : le jour et la nuit. Le temps devient rare, compliqué de s’occuper d’autre chose. Fragilisation du temps, plus vecteur de sens. Le temps n’est plus vecteur d’orientation. Les parents parlent d’une circularisation du temps : « on s’enferme avec l’enfant et après on a plus personne autour ».

Ainsi penser la fonction parentale n’est plus possible. Parfois transfert de certaines de ces fonctions vers des membres de la fratrie.

D’où l’importance de l’école, apte à rétablir une possibilité d’inscription dans les temporalités sociales.

Il y a chez les parents une crainte du moment de la scolarisation, du début de la scolarisation : mise en sens, par la confrontation avec la norme scolaire, de ce qu’est la déficience de leur enfant.

La scolarisation ne peut pas être résumée à la question des acquis scolaires, ou à la question des activités. Il y a aussi la dimension symbolique, la possibilité pour les parents de « penser leur enfant en devenir ». Donc de le penser en tant qu’enfant, ce qui leur est très difficile quand ils sont hors des temporalités sociales.

La CIF (Classification de l’OMS, datant de 2001 : classification internationale du fonctionnement humain), qui associe le handicap à un obstacle, une barrière, ne correspond pas à la réalité : elle n’inclut pas les aspects symboliques précédemment abordés.

Pour les parents, le handicap n’est pas un obstacle, mais une servitude. « Servitude » = au sens juridique, c’est le prix à payer pour l’usage d’un terrain. Pour les parents, la lutte pour la scolaristion, l’obtention d’un AVS… c’est le « prix à payer ».

Le projet personnalisé de scolarisation (PPS) oblige les parents à formuler un projet, à se questionner, à justifier ainsi leur volonté de vouloir faire scolariser leur enfant, là où les autres parents n’ont pas à expliquer « pourquoi scolariser votre enfant ».

« Dyschronie » : incertitude sur la scolarisation future de l’enfant. Plonge la famille dans l’éphémère, empêche de se penser dans le futur. Toujours de la « servitude ».

ð déni de reconnaissance qui leur montre qu’ils ne sont pas des citoyens comme les autres
ð 2005 consacre le droit à la scolarisation, mais ils doivent faire valoir ce droit.
ð Le déni de reconnaissance est ce qui « lève le voile », « dévoile » au contact d’autrui, des institutions, des autres élèves…Ce qui se joue au travers du dévoilement est que l’enfant et sa famille sont d’une moindre valeur sociale et qu’on peut se permettre avec eux des comportements inédits. Ils sont comme « invisibles socialement ».

Les institutions ont un pouvoir identificatoire. Elles structurent la possibilité de l’appartenance social, et structurent le rapport à la norme.

L’ « effet d’affiliation » : qu’est-ce qui relie ? On ne peut déconnecter la question de la scolarisation de celle du lien avec les parents.

« Marqueur social » = caractère des institutions. Double sens : marqueur d’appartenance, mais aussi marqueur « au fer rouge », marqueur d’anormalité.

On constate une chute très importante du taux de scolarisation des élèves handicapés entre le primaire et du secondaire. Raisons multiples. Mais une d’entre elle est trop souvent oubliée : les parents sont exténués, moralement et financièrement. Accès à la formation puis à l’emploi paraît tout à fait irréaliste.

On observe ce basculement de chiffres dans beaucoup de pays. Il y a des mécanismes d’ordre général mais pas seulement ; également fatigue.

« Formuler un projet », condition sine qua non de la poursuite d’une scolarisation. Mais :

Ø difficultés de projection dans l’avenir
Ø « le jeu n’en vaut pas la chandelle »
Ø savent que les moyens ne répondront pas au projet.

… l’implication des parents est extrêmement complexe.

Renvoi à un capital culturel et identitaire, qui est absolument nécessaire mais pas/plus toujours présents pour formuler ces projets et poursuivre les scolarisations.

Pas possibilité de se penser au-delà de leur déficience, idem pour leur famille.

Pour conclure :

Enjeu : se préoccuper de la parité de participation. Scolarisation n’est pas une fin en soi, c’est un moyen pour l’individu et sa famille d’agir, de se penser « d’égal valeur que les autres ». Intégration nécessairement de pair avec la participation.

On ne peut pas confondre « situation » et « personne ». « Changer les terminologies ne changent absolument pas les pratiques », dit Ebersold. « On change de terme pour mieux éviter de changer de pratique ».

Penser les professionnels comme étant des capacités pour l’individu à se penser dans l’estime de soi.

PPS : vecteur d’articulation, vecteur de symbolique. Nécessité de substituer une logique de « parcours » à une logique de « projet ». « Parcours personnalisé de scolarisation », préconise Ebersold – sans réaliser qu’il préconise un changement de terme pour changer de pratique, en relative contradiction avec ce qu’il dit auparavant…

Ce qui se joue dans le PPS : différentes dimensions qu permettent aux élèves de se penser comme des personnes capables. (= « effets capacitants » ou « effets invalidants » des pratiques.).

La fonction d’un AVS n’est pas d’aider mais de mettre en compétence. [J’ajoute (Guillaume) : cela nécessite que l’accompagnement soit pensé, donc que le personnel soit stable, avec une culture professionnelle qui se construise sur cette base, détaché de l’imposition de l’hétéronomie des volontés professionnelles autres.]

Ne pas placer l’élève au centre (allusion aux termes de la loi de 1989), dit Ebersold, mais son devenir. L’élève placé au centre devient l’objet des concurrences professionnelles : il y a dit Ebersold « un acharnement des intervenants à situer leur légitimité par rapport à la déficience ». [caractère « défectologique » de la culture professionnelle de l’éducation spéciale]. On parle de l’élève au lieu de parler des pratiques.

« On sait ce qu’il faut faire mais on ne sait pas pourquoi on ne le fait pas ».

Dans la scolarisation d’un élève handicapé : dialectique entre compétences scolaires et les autres objectifs.

Chaque intervenant a son propre outil pour qualifier les difficultés de l’élève et pour fonder sa légitimité ainsi autour de ces difficultés, et non autour de l’action commune, censée fonder les PPS.

Caractère très ancré dans l’école en France de l’idéal républicain. Fondé historiquement sur les « hussards de la république », « fer de lance de la république », dit Ebersold.

Ce qui singularise les pays scandinaves par rapport à la France c’est que la différenciation pédagogique n’est pas une question de minorité et ne se réduit pas à la notion de difficulté. (là-bas, plus de 30% d’élève avec des besoins éducatifs particuliers.).

Le droit à la scolarisation est un droit qui ne garantit rien, comme le droit à un logement, à l’insertion ou à une formation professionnelle.

Re: conférence IUFM de Nantes, mars 2009

Posté : 13 mars 2009 20:23
par Pascal Ourghanlian
Merci pour ces notes ! :D
Maintenant, il va falloir décortiquer...