Difficultés rencontrées sur le terrain

Questions spécifiques concernant les formations à l'option G (rééducation).
blanckaert sylvie
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Difficultés rencontrées sur le terrain

Message par blanckaert sylvie »

Je suis stagiaire CAPA-SH G, j'ai démarré cette semaine les séances préliminaires pour mettre en place des rééducations individuelles mais j'ai également organisé un groupe d'enfants pour qui on m'avait demandé de l'aide.
C'est ce groupe qui me pose le plus de difficultés. Il s'agit de 4 grands de maternelle qui sont présentés par les maîtres de leur classe comme perturbateurs ou opposants, chacun pour des raisons bien personnelles à mon avis.
Quand je les ai rencontrés pour la première fois hier, je me suis sentie sur la défensive, prête à juguler tout débordement. Je ne sais pas quel comportement avoir avec eux.
Il me semble que mon objectif est de permettre à chacun qu'il puisse s'exprimer et que nos relations puissent faire évoluer le comportement qui pose problème.
Je me demande si j'ai bien fait de les regrouper.
De quoi s'agit-il ? d'un GASD ou d'un groupe rééducatif ?
Je me sens terriblement seule face à toutes ces interrogations.

Merci à tous ceux qui pourraient m'aider.
patrick

Message par patrick »

D'abord je reviens sur le terme de" séances préliminaires" qui me paraît innaproprié pour la rééducation. Je préfère la nomination séances préalables, en effet ces premières rencontres ne "préparent" pas la suite mais examinent ce qui est premier : que répondre à la proposition de travail qui a été faite ? Question posée aux deux est-on d'accord pour s'engager en rééducation ensemble.
Pour ce qui est du groupe : pas de doute il y a eu une demande d'aide, il y a eu une décision de synthèse qui a donné l'indication rééducation, il y a une rééducatrice qui a accepté cette indication et qui pense que la médiation la plus intéressante pour répondre à ces demandes est le groupe. Donc nous sommes face à un groupe rééducatif.
Maintenant le problème c'est que votre situation ne vous a pas permis de vraiment penser ce groupe. La rééducation est toujours individuelle, vous faites la proposition individuellement à chaque participant de travailler leur processus rééducatif dans ce groupe car vous pensez que pour lui peut-être cette médiation sera plus facilitante. Vous pouvez vous trompez, d'où les séances préalables et non préliminaires qui sous entendent que tout est ficelé.
A mon avis très dogmatique, le groupe rééducatif doit être proposé avec un dispositif technique spécifique, ce dispositif ne peut être celui des groupes thérapeutiques (style psycho-drame), ni celui des regroupements pédagogiques (avec une production programmée). A vous donc de vous construire ce dispositif qui vous permettra de tenir votre position de rééducatrice dans ce groupe. En tout cas ce groupe ne peut ressembler à aucun groupe que vous connaissiez !!
La rééducation ne peut être instrumentalisée, le groupe n'est pas la réponse toute faite aux problèmes de comportement, il n'y a pas de médiation adaptée à chaque difficulté, ça serait un métier bien triste ! C'est vous qui pour ces enfants proposez un groupe, un autre rééducateur pourrait proposer une autre médiation, un autre dispositif.
Plus encore que pour l'individuel, la rééducation de groupe a besoin d'institutionnalisation, et d'un positionnement rééducatif fort du rééducateur.
Annega
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groupes rééducatifs

Message par Annega »

Sylvie, quand retournez vous à l'IUFM ? Pourrez-vous demander conseil auprès de vos formateurs ? Je pose ces questions car les réponses autour du groupe (de prévention ou rééducatif) me manquent également. Et je viens d'apprendre que (sur Paris, en tout cas), les formateurs ne souhaitent pas que nous fassions des rééducations "en groupe" avec nos rééducateurs d'accueil, alors même que pour l'examen, il nous est demandé de présenter au moins une rééducation de groupe ! Alors comment faire ? On m'a dit à moi que les rééducations en groupe étaient trop "casse-gueule" et c'est la raison pour laquelle "on" préfère que nous, stagiaires, n'en fassions pas durant notre formation... Mais alors, comment va-t-on apprendre à mener des rééducations en groupe afin de pouvoir présenter au moins "une rééduaction en groupe" comme le prévoit le texte de l'examen CAPA-SH ?
sylvie

Réponse à ANNEGA

Message par sylvie »

Annega, j'en ai parlé à l'IUFM, on nous a dit que les rééducations de groupe étaient très difficiles à mener car les enfants devenaient des médiations entre eux.
Il est donc préférable de garder la structure du GASD SI ON TRAVAILLE AVEC UN GROUPE et travailler en rééducation individuelle avec des enfants qui auraient des difficultés plus envahissantes.
(pardon pour les fautes de frappes........., je suis aux balbutiements avec l'informatique)
Annega
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Message par Annega »

Excuse moi, Sylvie, mais je ne comprends pas GASD ? Groupe d'aide spécialisée D ?
Laurent
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Message par Laurent »

Le GASD :shock: ?????

Groupe d'Aide Spécialisée au Développement : c'est un groupe de travail avec 3 ou 4 enfants où les difficultés repérées sont moins importantes qu'en rééducation.
(difficultés spatio-temporelles, ou dans les relations de causalité, dans la formulation des langages, dans les fonctions symboliques et imaginaires, ou encore dans les capacités de représentations mentales.)
Ces difficultés sont associées à des problèmes que l'enfant aurait afin de rentrer dans son statut d'élève (cf J.C.Barat : désir d'apprendre, socialisation, retardement du plaisir lors des apprentissages,....... )

Par contre, les difficultés ne relèvent pas de l'envahissement, de l'imbrication des sphères privées et public : les réalités internes et externes. Lorsque ces problématiques d'envahissement interviennent on s'orienterait alors plutôt vers une rééducation individuelle.
Daniel Calin
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Discutable !

Message par Daniel Calin »

Je m'étais interrogé, moi aussi, sur cette appellation strictement non officielle de "GASD". L'explication donnée par Laurent est claire dans la forme, mais plus que discutable sur le fond. Je vois mal comment on peut penser, et encore moins prouver, que des difficultés d'organisation spatio-temporelle, d'appropriation des relations causales, d'accès à la représentation mentale ou à la symbolisation, <i>ne relèvent pas de l'envahissement, de l'imbrication des sphères</i> privées/publiques. On sait de longue date que toutes ces difficultés-là, précisément, sont constamment en lien, selon des modalités complexes et variables, avec les problématiques de la séparation, de la distinction interne/externe, etc.

Je précise que cela n'empêche pas, à mes yeux, de tenter de les prendre en charge sans fouiller ces enracinements, mais en ce cas on est dans la pédagogie, pas dans la rééducation. Ceci dit, poser comme condition d'une telle tentative l'absence d'un tel enracinement, condition indémontrable et inobservable, augure très mal de l'intelligence et de la qualité des prises en charge susceptibles d'être construites sur un telle insanité.

En fait, ce positionnement relève d'un "cognitivisme" rampant - au pire sens du terme, c'est-à-dire de ces courants idéologiques très en vogue qui pensent l'humain sur le modèle du micro-processeur, selon le mot de Jacques Nimier. Avec seulement ici, en plus, la prudence de laisser place à autre chose... En particulier à une vraie "rééducation".
Cordialement,
Daniel Calin
PATRICK

GASD

Message par PATRICK »

Je suis choqué par ce terme de GASD, il me semble être le signe d'une régression théorique. La structure réseau s'est mise en place pour dépasser le modèle théorique qui fondait les GAPP. C'est la situation qui pose problème ce n'était plus l'élève. La situation scolaire est autant du côté de l'enfant que du maître, que de l'école que des parents que.... Avec le GASD on se retrouve avec un questionnement centré sur l'enfant chez qui il faut "repérer" les difficultés. La réponse ne peut plus alors que s'organiser sur une "gravité" supposée, la démarche est faussée d'entrée. Un service de psychologie peut s'inscrire dans ce travail, pas un réseau. Le RASED part du travail de la demande du maître, cette demande peut comporter un signalement, mais il ne peut se suffire pour une indication d'aide.
Admettons (par obligation administrative kafkaienne) que je repère des difficultés de dévelopement, qu'est-ce-qui va fonder ensuite la constitution du groupe ? L'alchimie n'est pas de mise, faut-il additionner les mêmes difficultés ou faut-il chercher des difficulés "complémentaires" ? Comment un enfant peut-il mettre du sens à sa présence dans ce groupe dans ces conditions de maîtrise absolue du rééducateur ?
L'enfant en difficulté souffre le plus souvent de facilité de différenciation, entre liens et séparations, ce n'est pas à nous d'amener de la confusion supplémentaire. Il a besoin de rencontrer des adultes positionnés qui se tiennent sur leur registre professionnel. Des adultes bienveillants mettant en place des "actions" chouettes et utilisant des techniques modernes ne font qu'assombrir chez lui le sens de sa situation.
La rééducation de groupe existe : elle est inscrite dans les textes, elle est pratiquée par des rééducateurs. Elle demande professionalisme comme la rééducation individuelle. Maintenant on peut comprendre des formateurs qui proposent aux stagiaires de travailler leur positionnement rééducatif d'abord en individuel, ça c'est tout à fait entendable, je suis même assez d'accord avec ce point de vue. Si pour le reste du temps il faut remplir l'emploi du temps des stagiaires, par pitié ne le faites pas sur le dos des élèves en difficultés qui n'ont pas besoin de ça pour leur compliquer leur vie déjà difficile à l'école. La prévention primaire concernant tous les élèves peut faire l'affaire.
Daniel Calin
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Doutes.......

Message par Daniel Calin »

Les interventions de "Patrick" sur ce forum me laissent songeur depuis le début. On y sent une conception "affirmée" de la rééducation, "dogmatique" a-t-il écrit lui-même dans un de ses courriers. Mais je saisissais mal quel était son dogme de référence. Cette fois, nous y sommes :
Patrick a écrit :La structure réseau s'est mise en place pour dépasser le modèle théorique qui fondait les GAPP. C'est la situation qui pose problème ce n'était plus l'élève. La situation scolaire est autant du côté de l'enfant que du maître, que de l'école que des parents que....
La référence est donc systémique, tout ce qui ne l'est pas étant assimilé d'emblée à une "régression théorique", ce qui augure très mal de la possibilité d'un débat. Une critique de fond de l'analyse systémique relèverait d'un autre cadre qu'un simple forum. Je ne suis d'ailleurs pas allergique à cette approche en elle-même, sauf quand elle exclut toutes les autres, comme c'est le cas ici. Quelques remarques partielles seulement, donc :

1/ La structure réseau s'est mise en place en réalité pour des raisons strictement budgétaires : gérer la pénurie en saupoudrant les personnels disponibles sur l'ensemble des écoles. Ce n'est qu'ensuite que certaines bonnes volontés se sont chargées de théoriser pour justifier cette "réforme". Théorisations d'ailleurs portées plus par certains inspecteurs que par des formateurs, et théorisations à inscrire dans la longue tradition, dans le corps des IEN, d'allergie à tout ce qui est psy...

2/ Inscrire le travail des rééducateurs dans une référence strictement systémique exigerait à l'évidence qu'on ne prenne pas en "rééducation" seulement les enfants, que ce soit en individuel ou en groupe, mais tous les participants au "système" en cause, enfants certes, mais aussi enseignants et parents. Quand ce sera le cas, on pourra sérieusement discuter de la validité des références systémiques. Tant que ce n'est pas le cas, on est dans une construction idéologique sans consistance. Sur le fond, d'ailleurs, un vrai travail systémique exigerait une extériorité par rapport au "système" que l'on se propose d'infléchir. Les membres du RASED sont internes au système : leur "inspiration systémique" risque de se réduire bien vite, de facto, à une technique de manipulation et de prise de pouvoir. On comprend mieux dès lors les "difficultés relationnelles" de certains réseaux...

3/ Pour résumer ma position, je pense que les personnels des réseaux, collectivement, peuvent avoir un travail "de type" systémique à faire dans les écoles avec les autres adultes. On peut aussi appeler cela, plus raisonnablement, le travail en équipe. Mais quand ils sont face à des enfants, les références systémiques peuvent au mieux contribuer à leur compréhension intellectuelle de la "problématique" des enfants, pas du tout à "organiser" leur "travail" effectif avec les enfants. Et la référence essentielle est bien, qu'on le veuille ou non, psychologique (et psychopédagogique pour les maîtres E). Voir, par exemple, mes textes Le travail psychique en rééducation et La relation d'aide.

P.S. Je précise que je m'exprime ici à titre strictement personnel.
Modifié en dernier par Daniel Calin le 22 nov. 2004 19:47, modifié 1 fois.
Cordialement,
Daniel Calin
patrick

Message par patrick »

Pour moi la formule du forum ne pousse pas à l'écriture serrée de textes théoriques mais à des réponses d'humeur. Les formulations trop lapidaires que j'ai pu utiliser ne sont pas le signe d'une inscription dans une théorie précise mais une réaction agressive face aux tourments que l'on fait subir aux stagiaires "en cours d'activité".
Oh que non je ne pensais pas à la systémie en parlant de "situation" mais plus à la clinique et à la "personne globale en situation". (les points de suspension à la fin de ma phrase que vous relevez n'étaient pas assez explicites et je comprends qu'on puisse en faire votre lecture) Je suis bien évidemment d'accord avec vous pour ne pas enfermer la rééducation dans un seul modèle de référence surtout quand ce modèle est inexploitable dans l'école (c'est à mon avis le cas de la systémie). MAIS! je trouve que si le fait de ne pas s'enfermer dans une doctrine est une richesse, une nécessité pour la rééducation, c'est aussi la porte à tous les opportunismes. Je suis troublé par exemple du peu de réponses au sujet sur les interventions directes en classe sur ce forum. Cet excellent sujet nous oblige à un positionement "fort", (le terme "dogmatique" me paraît approprié car pour moi nous avons là un choix net, on ne peut pas tourner autour du pot). Les stagiaires peuvent trouver intérêt à rencontrer des rééducateurs très catégoriques, non pas pour qu'ils s'inscrivent dans les mêmes choix, mais pour qu'ils constatent qu'ils n'échapperont pas à la nécessité de se construire un propre positionement et pas une bouillie mezzo mezzo. "L'entre deux" n'est certainement pas un dogme mais ce n'est pas un meli melo.
Patrick

GASD

Message par Patrick »

Oser l'écriture oblige à plus de rigueur et le forum a cet énorme avantage de savoir rapidement comment on a été compris. Aussi je suis agréablement tenu à repréciser mon avis sur le GASD. J'espère ne pas être trop envahissant !
Dans la proposition de GASD qui est donnée au stagiaire c'est la centration sur le manque qui me pose problème. Le manque comme causalité directe à la difficulté et le manque comme espace à combler. Je faisais alors allusion à la "situation" pour échapper à cette approche restrictive mais au passage je retombais dans un autre modèle explicatif univoque. L'enfant n'était plus un objet troué à reboucher, il devenait une marionnette manipulée, ce n'est pas certain qu'il y ait gagné au passage !
Je voulais au contraire dire que chercher à combler un manque de développement risquait de nous amener à oublier la personne dans sa situation de demande d'aide dans l'école.
Pour moi le plus difficile en début de rééducation c'est justement d'essayer de ne pas avoir trop d'a-priori, de tenter de les relativiser, de rechercher une attitude d'ouverture.
Si on a donné l'indication de rééducation c'est parce qu'on ne sait pas ce qui fait obstacle. Mais à la différence de l'enfant cette situation n'envahit pas le rééducateur, ne le submerge pas et au contraire le pousse à rencontrer cette personne qu'il ne peut "cerner'.
Aussi le seul groupe que l'on puisse proposer c'est un groupe qui permette ce travail de découverte. Ceci "interdit" toute instrumentalisation et chemin déjà tracé comme si l'on savait déjà ce qui va faire leur bonheur. Je comprends que ce dogmatisme puisse choquer mais je le préfère à la langue de bois et au confusionisme. (je me retrouve pleinement dans les écrits de ce site mais même si j'étais en désaccord j'apprécierais leur engagement net)
Pour le groupe je fais la différence entre la rééducation de groupe et la rééducation en groupe. Dans le premier cas le groupe est la médiation et le processus rééducatif se travaille dans la dynamique de groupe (est-ce là une réponse entre médiation et support ? la médiation serait le groupe et la dynamique de groupe le support de médiation ?). Alors que dans la rééducation en groupe les médiations sont les activités communes choisies et le "faire ensemble" le moteur du processus.
Je n'arrive pas à trouver ma place de rééducateur dans la rééducation en groupe, la production ensemble me tire trop sur le terrain pédagogique ou l'instrumentalisation. J'admets tout à fait qu'un autre rééducateur puisse échapper à cette dérive et y trouve son positionnement. (là franchement c'est langue de bois !)
Par contre je travaille à la mise en place d'un dispositif technique qui en s'appuyant dans le jeu dramatique sur la dynamique de groupe permette le travail rééducatif.
Le réseau apporte de la différenciation là où souvent il y a confusion, nous devons défendre cette obligation de penser, tout dispositif qui évite ce travail de penser signe à terme notre disparition.
Daniel Calin
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Centration sur le manque

Message par Daniel Calin »

Tout-à-fait d'accord pour prendre ses distances avec la <i>centration sur le manque</i> dans laquelle on enferme habituellement les rééducateurs, et plus largement les membres des RASED. Mais je ne suis pas du tout certain que les conceptions disons "globalistes" de la rééducation défendues par Patrick, comme, pour l'essentiel, par la FNAREN et par tous les formateurs un tant soit peu responsables, suffisent à échapper à cette <i>centration sur le manque</i>. Celle-ci ne commence pas avec les approches instrumentales de la rééducation, mais avec la définition même des indications d'interventions des RASED...

Les textes officiels depuis une quinzaine d'années ne cessent d'appeler les enseignants, spécialisés ou non, à "partir des acquis" plutôt que se focaliser sur les "lacunes" ou "difficultés"... Ceci étant posé, on passe tout de suite après à une définition des fonctions des RASED exclusivement centrée sur ces lacunes et difficultés. Je suis pour ma part largement convaincu que se focaliser sur les difficultés d'un élève, même avec les meilleures intentions et la meilleure "technicité", a des effets pervers supérieurs aux effets bénéfiques possibles.

Quand je suis sollicité par des parents d'enfants en difficulté, je leur conseille toujours de songer d'abord à repérer les "zones de performance" de leur rejeton, et de le pousser au maximum dans les secteurs dans lesquels il est à l'aise. Et de lui "lâcher les baskets" dans ce qui lui pose problème. On peut bien sûr mettre aisément en avant des arguments affectifs pour fonder cette prise de position, en particulier tout ce qui relève de la motivation et de la narcissisation. Mais je mets plutôt en avant un tout autre argument. C'est que, au bout du compte, c'est-à-dire dans les réalités de la vie adulte et du monde du travail, ce qui compte, ce n'est pas d'être "bon partout", et surtout pas "d'avoir la moyenne", d'être moyen en tout. C'est au contraire d'avoir au moins une "pointe de compétence". L'encyclopédisme scolaire est peut-être un idéal humain défendable, mais il est aux antipodes de nos réalités sociales et professionnelles. Un exemple basique : l'école primaire est très centrée sur l'apprentissage de l'écrit, mais, au collège, les exigences basculent vite vers les mathématiques, et le "français" devient vite secondaire, sinon décoratif...

Je vois mal pourquoi, dans ces conditions, les RASED ou les équipes pédagogiques ne tenteraient pas aussi cette orientation. Au fond, si, je vois très bien pourquoi : c'est que si l'on va dans cette direction, on met vite à mal le principe, imbécile, de la progression frontale, donc le principal organisateur de notre système scolaire. Voir mon texte, Une logique de l’exclusion...

Un tout autre point : j'adhère à cette très pertinente distinction entre <i>rééducation <b>en</b> groupe</i> et <i>rééducation de groupe</i>. Et je partage le scepticisme de Patrick quant à la pertinence de la première, qui me semble également condamnée à des dérives pédagogiques.
Cordialement,
Daniel Calin
jean daniel

Message par jean daniel »

Bonjour,
Je mesure toute la difficulté qu’il y a à déterminer le type de prise en charge qui convient le mieux à un (ou à des) enfant(s) dans le cadre de l’école, lorsqu’on est encore en formation. Je mesure aussi la difficulté qu’il peut y avoir à gérer un groupe d’enfants difficiles et agités. Il faut préciser que cette difficulté n’est pas l’apanage des collègues en formation… Ce n’est peut-être pas une consolation ! Je crois qu’un des dangers qui guette le rééducateur débutant est de vouloir se tenir à tout prix à la décision d’aide qui a été prise dans le cadre du réseau, et ce, quels que soient les problèmes rencontrés. Je crois qu’il ne faut pas hésiter à remettre en question une indication d’aide s’il s’avère que le travail rééducatif ou de prévention devient trop difficile, voire impossible, ou si l’aide peut se révéler très problématique pour un enfant ou pour le groupe dans son ensemble. L’indication d’aide n’est pas une loi gravée dans le marbre pour les siècles des siècles ! Il peut arriver, effectivement, que dans ce type de situation avec des enfants dont le comportement pose particulièrement problème que l’on se cantonne dans une sorte de travail de « contenance », et que l’on perde tous moyens de proposer quoi que ce soit d’autre, ne serait-ce que par crainte de débordements. Ce n’est pas parce qu’un enfant a des difficultés à se socialiser, à accepter les contraintes du groupe qu’il faut automatiquement l’inclure dans un groupe. Le remède peut être pire que le mal.
Je pense qu’il faut certes beaucoup de rigueur dans la définition de son travail. P Nagel parle de dogmatisme comme quelque chose de nécessaire. Je crois que cela ne signifie pourtant nullement qu’il faille rejeter toute forme de pragmatisme et d’adaptation aux situations du terrain. Je pense aussi qu’un élément essentiel à prendre en compte est son propre ressenti par rapport à la situation : est-ce que je me sens capable de prendre en charge ce groupe, est-ce que je me crois capable de les faire évoluer, qu’est-ce que je ressens face à ce groupe d’enfants (de la haine, de la peur, )… Toutes ces questions sont très importantes, il n’y a pas une sorte de rééducation intangible et absolue qui flotterait au dessus de nos têtes comme une vérité révélée, il n’y a pas une réponse vraie et une réponse fausse à une situation. Il y a la réponse qu’un rééducateur se sent capable de donner, à un moment donné (en fonction de ses connaissances, de ses compétences, en fonction de l’aide que l’on peut trouver ici ou là…).
Ce qui est essentiel, c’est de pouvoir ensuite expliquer et justifier si nécessaire cette réponse. On pourrait dire qu’il y a, là, d’une forme de relativisme, je ne crois pas qu’il s’agisse de cela, il s’agit simplement de ne pas s’oublier soi-même dans le processus d’aide. Il s’agit de ne pas oublier que nous travaillons avec des êtres humains, que nous ne réparons pas des voitures… Le « désir » du rééducateur existe aussi, et il s’agit de le prendre en compte, de prendre en compte ce que l’on est, ce que l’on ressent au moment où cette aide est envisagée.
Jean Daniel
PATRICK

difficultés de terrain

Message par PATRICK »

Le message de Jean Daniel fait preuve d'une grande sagesse. En situant la question sur l'engagement personnel du rééducateur il permet au passage de recentrer la formation sur des options fondamentales. Je suis en tout point en accord avec sa vision, mais comme j'ai endossé sur ce site "le manteau du dogmatique" je me permets de revenir sur les questions abordées en me focalisant sur un autre versant !
La difficulté à déterminer le type de prise en charge,G, E,groupe ou individuel vient entre autre d'une conception trop médicale de l'indication: un diagnostic est posé et une réponse donnée. La synthèse RASED est alors conçue comme une rencontre de spécialistes qui "croisent leur regards" et rien ne peut échapper .Mon passé professionnel en IMP m'a montré la violence potentielle d'une telle conception.
La synthèse Rased n'est pas là pour clore une parole sur l'enfant mais au contraire pour permettre à cette parole de recirculer. L'indication est alors une proposition faite à l'enfant et ne peut enfermer ni lui ni le rééducateur.
La synthèse n'est pas une réunion de spécialistes qui échangent leur point de vue, c'est une réunion d'enseignants qui proposent à l'élève de travailler sa difficulté sur un registre particulier. Ne pas chercher à se confronter directement à la difficulté mais donner un terrain différent pour faire ce travail . Pour moi cette position est aussi valable en E qu'en G.
De ce point de vue "dogmatique " la dimension institutionnelle détermine entièrement la prise en charge E,G ou Psy.( C'est la perte de cette dimension qui est pour moi le plus grave dans la proposition du maître supplémentaire).Notre travail doit permettre de mettre du tiers, si nous même nous ne nous inscrivons pas dans cette optique, nous ne pourrons pas l'apporter à l'enfant et à l'école.Mettre de l'huile, de la distance n'est possible que si nous sommes là pas pour rajouter notre ego à la situation mais de l'institutionnel et du symbolique là ou il n'y a plus que trop de réel.

Par ailleurs le message de Jean Daniel me permet de rebondir sur un autre sujet.
La rééducation est une pensée vivante.Elle a déjà changé au cours de sa brève histoire .Si un charpentier peut se réfèrer à un lointain Joseph, si un Psy peut s'inscrire dans un corps théorique ce n'est pas le cas d'un rééducateur. Toute position dogmatique est donc impossible.
La rééducation existe car elle est pratiquée par des rééducateurs et j'en ai rencontré.(Toute autre interrogation sur ce point me semble parasite!)
La rééducation a toujours été menacée au sein de l'EN : c'est sa raison d'être.Elle n'est pas plus menacée qu'hier d'extinction mais comme toujours de dilution.La question qui se pose alors est de maintenir l'essentiel.
En caricaturant on voit chez Jean Daniel une attitude relativiste qui cherche à préserver un "esprit rééducatif" qui resterait présent malgré les conditions d'exercice et pour moi une position dogmatique qui mettrait en avant les dispositifs.
Nous nous retrouverions comme les troskistes face à la menace stalinienne et à leur division entre des sectaires qui au risque de se couper des nouveaux militants "préserveraient" les incontournables de la rééducation et d'un autre côté une tendance opportuniste préte à tous les aménagements pourvu que l'esprit rééducatif soit "préservé".
Ma comparaison est plus ironique que pertinente bien sur !
En tout cas une attitude sage et non extrémiste comme celle de Jean Daniel me semble être la meilleure réponse.
patrick

Centration sur le manque et globalisme

Message par patrick »

Le message de Jean Daniel nous avait amené sur d'autres pistes, mais je reviens sur la réponse de M. Calin sur le globalisme. Il me semble que c'est un point important.
Mon passé d'instituteur Freinet me" freine" quant à s'appuyer sur les compétences particulières de tel ou tel élève. Un de mes anciens élèves était particulièrement "doué" pour l'utilisation des onomatopées dans les textes libres. Mon système pédagogique le renforçait dans cette spécialisation, comme il était bon ses textes étaient appréciés, il était reconnu dans la classe pour ça. On voit vite le côté enfermant d'une telle position, tous ses textes n'étaient plus que prétexte à onomatopée. La rééducation encore plus que la pédagogie cherche à mettre de la souplesse entre les différents mode d'expression, de l'articulation là où il n'y en a pas beaucoup.
Il est certain que le système éducatif français ne reconnaît qu'une façon de penser très spéciale et que les enfants qui ne sont pas dans ce mode s'en trouvent exclus.
Mon passé d'enseignant pour adulte handicapé m'apporte un point de vue qui va dans votre sens. Nous avons monté dans le cadre des CFA Spé une structure qui permet à de jeunes adultes au passé scolaire en institution de passer le CAP de palefrenier soigneur en utilisant leur compétence en équitation. Le prof de français que j'étais étant nul sur un cheval, ils étaient alors en position de m'apprendre à monter après mes cours de remise à niveau scolaire. On comprend tout l'intérêt d'une telle situation.
Sur le globalisme : les psychologies cognitives, comportementalistes, sont d'origine le plus souvent anglo-saxonne. La pensée analytique des britanniques me semble très différente des pensées dialectiques et globalistes de l'Europe continentale. Pour avoir participé à des programmes européens, j'ai rencontré des portugais, des grecs, des italiens en partageant plus facilement qu'avec des anglais. Avec eux les différences de conceptions portaient sur l'ensemble des points rencontrés.
Nous sommes les héritiers de Wallon et face à la montée des "marchands de morceaux" nous devons défendre l'héritage.
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