Exotisme suite 2. Particularités de deux métiers.

Questions spécifiques concernant les formations à l'option G (rééducation).
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Patrice Nagel
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Exotisme suite 2. Particularités de deux métiers.

Message par Patrice Nagel »

Particularités de deux métiers.

Les textes organisant la nouvelle formation du CAPA-SH font référence aux anciennes circulaires notamment sur la façon de traiter la grande difficulté scolaire du point de vue soit de l’Aide Spécialisée à Dominante Pédagogique (ASDP) d’une part, soit de l’Aide Spécialisée à Dominante Rééducative (ASDR) d’autre part.

Alors, qu’est-ce qui fâche le plus et qui conduit à négliger les particularités propres aux deux métiers : celui de maître spécialisé chargé de l’ASDR (rééducateur de l’option « G » ) et celui de maître spécialisé chargé de l’ASDP (« E ») ?

Plusieurs éléments font obstacles.

◙ Confier un seul enfant pas encore transformé en « élève studieux et tout bien comme il faut », à un seul enseignant spécialisé. Discours dominant : « C’est pas bien ! Cela va créer des tensions entre enseignants. Et c’est pas rentable ».

Mes arguments sont les suivants :
Comme si ça pouvait l’être ! Forcément quand les difficultés touchent au plus profond de l’âme, à la peine éprouvée par un enfant dans sa vie parsemée de problèmes affectifs et sociaux, (même plus), l’enseignant spécialisé ne peut pas au plan déontologique exprimer ça au milieu d’un groupe classe ni devant un aréopage de parents/profs.

Installer un « cadre » spécifique dans un lieu, un espace, un temps, une durée, un moment très particulier, suppose qu’en écho, un enfant accepte éventuellement de poser sa parole sur ce qui fait problème dans sa vie ici et là.

C’est un cadre qui ne peut s’installer dans un groupe classe au risque de provoquer chez cet enfant une confusion dangereuse au plan de sa propre structuration. Elle consisterait à lui faire croire qu’il peut à chaque moment dans la classe, « dire » (et à qui, devant qui, comment, et avec quels mots ?) comment il se sent, comment il ne va pas bien, et comment il s’y prend mal pour ne pas apprendre en tant qu’élève. Impensable et irréalisable. Les autres qui recevraient tout cela, qu’en feraient-ils ? Y pense-t-on ?

Prétendre dès lors qu’un rééducateur peut travailler avec un enfant en classe relève d’une idéologie qui consiste à négliger les aspects psychoaffectifs dans les apprentissages. Et surtout, qu’il pourrait « déballer » ses problèmes devant tout le monde. C’est pas tentant pour un enfant comme pour chacun d’entre nous. Les formations des PE actuelles commencent seulement à faire passer le message qu’il y a une vie autre que celle des « manuels » scolaires dans la tête des élèves. Que c’est important de prendre ça en compte. Mais c’est pas gagné dans la mesure où les jeunes profs sont « formatés » d’emblée pour la réussite scolaire, puisqu’ils sont profs…Et qu’ils n’y ont jamais pensé…

On est devant une idéologie qui prétend résoudre la quadrature du cercle : par le groupe, former des individus. Or, « chacun pense en particulier, pas en général ». Les consignes pour tous ne valent pas pour chacun…. C’est à dire que la quadrature du cercle consiste à faire croire qu’avec des prescriptions pédagogiques vers des élèves/objets (discours général par la consigne qui implicitement renvoie au fait que si consigne « bonne pour tous » il y a , c’est qu’on est tous pareils. Donc tous pareils grâce à la forme, à l’allure que ça prend, tout cela avec une absence de « traduction » pour chacun) on formerait des sujets.

Cela fait violence et je peux comprendre que des enfants s’ennuient en classe parce que le discours ne s’adresse pas à eux, mais à une entité qui leur est extérieure. Que finalement ils ne se sentent pas concernés ni atteints par la consigne du prof.

Par contre, à partir d’un projet rééducatif modifié en cours de route, un travail de groupe peut être un tremplin pour le retour en classe.

Même chose : montrer à l’enseignant dans sa classe de quelle manière il pourrait (devrait ?) s’y prendre avec celui « qui ne va pas bien », (le môme qui « pète les plombs avec son symptôme qui empêche de « bien » faire tourner la classe) c’est aussi le prendre pour un objet.

Lui apporter une réponse immédiate n’est pas une relation d’aide. Cela ne l’aide pas à construire sa perception et tous les maillages qui lui sont nécessaires pour élaborer une réponse personnelle avec cet enfant-là. Même idéologie, même résultat. Echec, il ne sent pas atteint par la prétendue « bonne réponse » qu’un autre adulte lui jette en pleine figure, au moment où il n’est pas prêt à l’entendre.

◙ Faire croire qu’en situation d’apprentissage d’objets scolaires, on n’a pas à prendre en compte la personne privée, les registres de la pensée « imaginante », c’est oublier qu’une tête d’enfant s’organise selon sa logique propre (peurs, angoisses, imaginaire, soucis divers, affectivité, cognition, aspects opératifs et figuratifs de sa pensée au plan logico-mathématique) et pas selon celle des manuels scolaires.

Celle du Professeur non plus.

Sur le fond des affaires, ce qui revient en force, c’est de faire croire aux profs que, finalement, ils n’ont pas à s’occuper d’autres choses que « des contenus à faire passer ». Le reste, savoir si un enfant n’est pas encore élève, ne regarderait pas l’institution. Bref l’idéologie c’est imposer (de force aussi ?) à autrui une façon (sa façon, conçue par un adulte) « scolaire » d’être au plan émotionnel, intellectuel et corporel. Du pure behaviorisme/comportementalisme non ?

◙ Faire croire que dans un RASED on n’est pas forcément dans le clivage des fonctions entre le « E » et le « G ». Qu’on peut faire du « E » pour le « G » et réciproquement.

Cela vient peut-être de l’interprétation possible des extraits de la circulaire n° 2002-113 du 30-04-02 qui précise (et qui avance l’idée heureusement intéressante dans l’intérêt de l’enfant et pas du fonctionnement de l’institution) dans la page 1275 du B.O n°19 du 9 mai 2002 : « Ces deux formes d’aides ne doivent pas être considérées comme des spécialisations cloisonnées. Ainsi le maître chargé de l’ASDP doit prendre en considération le découragement induit par les difficultés persistantes, voire les moments de désaffection ou de rejet de l’école. Le maître chargé de l’ASDR ne peut refuser de prendre en compte des demandes scolaires des enfants. Les médiations utilisées dans l’un des deux cas peuvent être partiellement identiques mais prennent un sens différent en fonction du projet propre à chaque enfant. »

Heureusement que ce texte - non abandonné par la parution de ceux organisant le CAPA-SH qui y font référence - parle « d’enfant » !

Qu’est-ce que cela peut induire dans certains RASED ?

Quand ils sont incomplets au plan de la présence des trois personnels, les « E » et les « G » vont être invités à faire du « testing », de la « grillade », et autres évaluations standards, bilans, sur les résultats scolaires. Pour « séparer » les bons des mauvais ? Faire « passer des tests » nationaux, ou psychologiques, histoire de vérifier la santé de qui ? Du PE ? De l’élève ? Du RASED ? Et faire quoi ensuite ?

Or, le mélange des fonctions n’est pas prévu dans les textes et l’extrait rapporté n’implique pas cette confusion.

Qu’un RASED organise des rapprochements entre collègues spécialisés et non spécialisés est à mon sens souhaitable. Mais dans un cadre qui devrait être institutionnalisé. Prétendre qu’il y aurait trop de « clivage » de « cloisonnement » entre « E » et « G » renvoie à la méconnaissance de la nature de la difficulté scolaire d’une part, et au mal vivre, au mal être, d’autre part. Celui qui veut bien tenter d’apprendre, avec des grosses difficultés, n’est pas celui qui se demande ce qu’il fait là. Mais le mal-être peut avoir aussi comme origine son incapacité à apprendre, même s’il le veut. Donc à voir finement.

Idéologie dominante :

Pour l’ASDP, elle soutient les mélanges des genres. On n'a pas à prendre en compte autre chose que la stratégie prévue (par qui ? le PE ? la Prep ? La circonscription ? Le manuel scolaire ?) dans une séance d’enseignement.

Pour l’ASDR, on n'a pas à prendre en compte les aspects psychoaffectifs et les événements extérieurs à l’école mais propres au sujet. Il n’a pas à les ramener avec lui. Il devrait laisser ça « à la porte de la classe »…Ou alors, en cas de « pétage de plombs », on va vers l’intervention d’une espèce de SAPU (Service d’Aide Pédagogique Urgent) pour faire plaisir à l’autre.

An fond de l’affaire, c’est ne pas accepter que chaque acteur (enfant, PE) soit sujet, bref un individu/sujet/pensant par lui-même. (faudrait à l’école qu’on pense tous pareil ? ? ?) Et que cela oblige chaque enfant, [ dans un « code généralisé social » pour s’exprimer ], à effectuer un long et sinueux passage de son « intériorité » psychique vers son expression codée dans une « extériorité » socialement acceptable dans certaines limites. Qui est à expliciter.

Il y a assez peu de moment dans le groupe/classe où cette intériorité est prise en compte. Cela devrait se faire, et le groupe n’est pas la seule entité de substitution à la personne. Socialisation ne signifie pas abandon de soi…

En matière de rééducation, les textes (circulaire n° 90-082 du 9 avril 1990 qui n’a pas disparue puisque par ricochet, celle de 2002 y fait encore référence…) évoquent tout de même que la rééducation consiste en un : « ajustement progressif des conduites émotionnelles, intellectuelles et corporelles ».

Enfin, amener dans une rééducation les enfants « à dépasser ces obstacles en particulier en les aidant à établir des liens entre leur « monde personnel » et les nécessaires exigences des apprentissages », ne peut pas se découvrir et se faire uniquement dans un groupe classe.

En résumé, la différence professionnelle « E » et « G » reste d’actualité. L’absence de cloisonnement consiste surtout, le cas échéant et dans certaines occasions, à entendre la demande de l’enfant et la prendre en considération dans les deux Aides spécialisées. Le texte de 2002 rapporté en italique, ne devrait pas conduire à entreprendre des confusions. Il s’agit bien d’entendre la parole de l’enfant.

C’est pas toujours ce qui se fait dans le système scolaire. Parce qu’elle (cette parole) est comprise comme l’expression soit d’un désir inacceptable dans l’école, et il n’y a pas de place pour ça dans la classe, soit l’expression d’une « bêtise » d’une anomalie ou d’une erreur…

De même que la parole d’un enseignant n’est pas comprise comme relevant de sa profession perçue par lui en tant que personne. D’ailleurs il n’a pas la parole. C’est bien connu.

C’est donc aux acteurs eux-mêmes d’entreprendre une démarche explicative justifiant leur pratique personnelle dans le respect des textes lus avec attention. Et de citer leurs sources et références pouvant justifier leurs pratiques.

A suivre. pnagel
PATRICK

exotisme 2

Message par PATRICK »

"Si tu veux tuer ton chien dis que c'est un chat qui pond des oeufs" (adaptation perso)
Les différents points que vous abordez-intervention directe sans travail de la demande - intervention directe dans les classes - abolition des différences G, E sont à mettre en relation avec les nouvelles formations et les rumeurs sur le rapport Thelot. Les RASED ne sont pas portés par l'Institution, ses créateurs géniaux n'avaient pas prévu le refus de penser de la hiérarchie. Plus que de l'hostilité ou du radinisme, c'est bien de l'incapacité de comprendre l'intérêt d'une telle structure intermédiaire, dedans et dehors, pour l'école que proviennent les dérapages cités. Si, malgré la richesse théorique acquise grâce au travail des personnels de GAPP et de réseau depuis des années, on en arrive à croire qu'un enseignant spécialisé supplémentaire par école de 10 classes pourrait tout régler, que dès aujourd'hui on revienne sur des pratiques abandonnées dans les années 80 (dépistage, grillade, actions sans institutionnalisation...), c'est bien que l'on refuse de comprendre.
Au passage des enseignants spécialisés amènent leur propre difficulté à respecter des régles et à se positionner professionnellement. Le problème de la formation personnelle pour ces métiers restent posé.
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