L'exotisme dans le RASED (suite 1)

Questions spécifiques concernant les formations à l'option G (rééducation).
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Patrice Nagel
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L'exotisme dans le RASED (suite 1)

Message par Patrice Nagel »

L’exotisme dans des RASED (suite 1)

Dans certains lieux, les manières de concevoir et de faire fonctionner un RASED font preuve d’exotisme. Les représentants de l’institution n’hésitent pas à s’asseoir sur les textes officiels. Et ils le disent tout haut.

Un bel exemplaire a été repéré (anonymé de manière à protéger les collègues qui m’ont signalé la chose). Le ton est impressionnant du style : « placez tous le petit doigt sur la couture du pantalon et garde à vous. Je ne veux voir qu’une seule tête. » On peut se demander quelle serait la nature des sanctions en cas de refus d’obtempérer.

Tout commence par des recommandations qui sont probablement des injonctions déguisées vu le ton général de celles-ci.

Sur le rythme du RASED en question.

Pas question de faire plus de 2 séances hebdo. Donc si les besoins particuliers se révèlent différents, on ne pourra pas s’adapter. Où est donc « l’adaptation » prévue par les textes relatifs à : « L’adaptation et l’intégration scolaire ». On mettrait donc l’adaptation à la corbeille ? Et où est le projet individuel d’aide et le projet rééducatif ? Il y a substitution des personnes..

Et pas de « prise en charge » sur l’année.
Donc, si un travail rééducatif commencé en novembre doit cesser avant juin, cela signifie que c’est une instance supérieure qui décide de la durée. Prescription généralisée. Au non de quoi ? Y a-t-il donc une durée standard ? Combien pour le Tout Puissant qui ne justifie rien ? Combien pour une souffrance affective qui entrave l’esprit de l’enfant ? C’est vrai que certains enfants mettront beaucoup de temps à construire leur identité d’élève pour des motifs de défaut de centration lors d'une "activité de pensée" propre au « métier d’élève ». Mais comme cela se fait en relation à un autre, une altérité, (qui change avec la tête du prof), on peut considérer, a priori, qu’avec le suivant en septembre tout peut aller mieux. La grande difficulté scolaire reste néanmoins longue à surmonter. Tout de même, on peut être d’accord, mais dit de cette manière, c’est plus qu’une incitation forte.

Faut organiser les interventions du RASED par période.
Donc, il y en a pour lesquelles on va intervenir, d’autres pas ? Cela signifierait-il que c’est à certaines périodes que les élèves « tombent » malades pédagogiquement ? Cela se discute. D’autant que les demandes d’aides au RASED peuvent être étudiées autrement qu’une fois par mois…. Tout cela manque cruellement de précisions et de prudence.

A propos des échanges entre partenaires.

L’ASDP et l’ASDR doivent être partagées par l’enseignant et l’enseignant spécialisé. A ce sujet, on peut relever une confusion entre d’une part, le travail en commun autour du Projet Individuel d’Aide (PIA) et d’autre part la rééducation proprement dite et son projet rééducatif (PR). Si le premier est partagé par tous les acteurs de la rééducation, le second ne regarde de fait que l’IEN (garant du fonctionnement du RASED) et le rééducateur. Ce qui revient très souvent dans ce cas, à faire un amalgame entre les trois aides particulières offertes (en théorie) par chaque RASED : le suivi psychologique, l’ASDP et l’ASDR. Ce que fait ce RASED là concrètement.

La notion de partage reste étrange.
Quel en est l’objet ? Sur quelle base ? Et là encore, le partage se résume concrètement à une demande d’aide qui n’en n’est pas une. Surtout si l’intervention dans la classe est souhaitée et qu’elle vise à faire dire au « spécialisé » devenu « spécialiste » à « l’ordinaire » comment il doit s’y prendre avec tel ou tel enfant. De cette manière, ça doit aller plus vite. Quels dégâts ? Pas vus ni perçus les dégâts pour les personnes.

Pourtant, la position de parole du « spécialisé » à ce moment est plutôt massacrante. Il s’installe comme un « sachant » (parce qu’il serait plus spécialisé que l’autre ?) imposant justement à l’autre sa façon de voir et de répondre. Il y a confusion entre la nature de l’aide spécialisée (et vers qui ?) et le conseil pédagogique. Si l’enseignant spécialisé peut avoir une relation d’aide, elle sera institutionnalisée par le RASED. Dans des cadres prévus et pensés, légitimés, et pas en son nom propre. C’est donc bien une conception particulière qui préside à cette autre manière de voir : l’enseignant et l’élève sont des objets et doivent obéir aux injonctions des « sachants ». Pas questions de se placer d’un autre point de vue. Perte de temps ? Menace sur le Pouvoir ? Chacun peut imaginer.

Sur le travail de l’ASDP et l’ASDR, les prescriptions sont fermes.

Le travail en groupe est une nécessité.
Donc pas de rééducation individuelle. Cela signifie encore que seul le groupe est utile et quand ça va mal au sein du groupe, ben, ça doit pas aller mal. C’est comme ça. On a même connu une Terreur (en 2002) qui demandait au maître spécialisé « G » de « faire parler » une enfant mutique… Au non du fait que les autres parlent en classe et que cet enfant là perd son temps en dehors de la classe. Et qu’en groupe elle s’entraînerait avec les autres… Mais pas de référence au fait que la classe est un groupe et qu’elle n’y parle pas. Bref, "vous n'avez qu'à la faire parler", authentique.

De manière générale, les arguments avancés pour justifier le seul travail en groupe sont les suivants. *Parce que si on « sort l’élève de la classe » pour se rendre seul dans une salle spécialisée, il va manquer une partie du travail de classe, du cours et il aura des trous dans ses savoirs * Le groupe serait donc le seul moyen d’apprendre. *Parce que seul, il va prendre des mauvaises habitudes*. *Parce qu’en individuel, on perd trop de temps*. *Et qu’en groupe, et dans la classe, on va faire des liens avec des repères qu’il n’a pas*.

Faut faire du spécialisé en groupe et dans la classe.
Alors là, on se perd en conjectures. Quelles références théoriques, selon quels arguments, peut-on avancer que le travail en dehors de la classe n’est pas une norme ? Quelle conception se cache derrière ces prescriptions faites aux enseignants spécialisés ?

C’est nier la notion de difficulté personnelle pour un sujet. Voudrait-on nous faire croire que tous les enfants sont des objets ?

Cette confusion est possible parce qu’il y a négation du rôle et de la place des affects et de la subjectivité dans les apprentissages scolaires. Tout cet aspect de la « personne privée » propre à chacun est gommé dans les apprentissages scolaires au sein du groupe classe, mais aussi dans le travail de l’aide spécialisée.
Il y a là une tricherie invraisemblable au plan de la déontologie et de la nature même de l’aide spécialisée.
Restons des objets obéissants et tout ira mieux dans le meilleur des mondes. Mais les formés ont aussi leur mot à dire ?
Bref, l’exotisme serait-il le fer de lance d’une nouvelle pratique spécialisée ?
A suivre. pnagel
Daniel Calin
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Message par Daniel Calin »

Décidément, les capacités de bêtise arrogante (pléonasme ?) de certains "cadres" de l'Education Nationale ne cesseront jamais de me surprendre... L'injonction de parler comme méthode de prise en charge d'une enfant mutique, ça, je n'y avais pas encore songé !

Patrice Nagel, à la fin de son texte, met le doigt sur le fond de tous ces problèmes :
Il y a négation du rôle et de la place des affects et de la subjectivité dans les apprentissages scolaires. Tout cet aspect de la « personne privée » propre à chacun est gommé dans les apprentissages scolaires au sein du groupe classe, mais aussi dans le travail de l’aide spécialisée.
En d'autres termes, je dirais que tout cela renvoie à l'allergie de "ces gens-là" à tout ce qui est individuel. Le "philosophe de formation" qui sommeille en moi pense à Nietzsche et à son concept de "nihilisme". Je pense aussi et surtout, plus directement et plus simplement, à ce qui tisse le fond de la "culture professionnelle" de l'Education Nationale, à savoir la rencontre honteuse entre le collectivisme forcené de la "gauche pédagogique" et la tradition caporaliste du "jacobino-bonapartisme scolaire". Ces gens haïssent tout ce qui ne rentre pas dans le rang : les mutiques, les refuseurs du savoir, les surdoués qui savent avant l'heure, les bidouilleurs créatifs, les observateurs extérieurs (ça c'était moi, du CP à la Terminale)... Pour une analyse argumentée de ce "système", voir mon texte : Une logique de l'exclusion. Voir aussi, pour les prolongements actuels les plus inquiétants de cet "esprit" : Santé mentale à l’école, de Claire Blain.

Les rééducateurs (drôle de mot, d'ailleurs...) ont le malheur, et l'honneur, d'être les représentants des individualités dans une institution qui ne supporte pas l'individualité. Il faut s'y faire, ou retourner dans les classes tenter de normaliser les mômes - en vain, dieu merci ! C'est pourquoi la question des rééducations individuelles est une question pertétuellement brûlante. De générations en générations, nos petits pédago-caporaux retrouvent en toute spontanéité la même allergie à ce qui symbolise la reconnaissance, même marginale, de l'individualité à l'école. C'est pourquoi il est fondamental de défendre la rééducation individuelle, non pas parce qu'elle serait forcément la panacée, mais parce qu'elle tient une place symbolique essentielle. Si elle disparaît, le système éducatif pourra finir de se livrer aux conditionneurs et chimistes de tous poils qui aboient si fort à ses portes ces dernières années.

Le seul conseil : envoyer paître ces imbéciles, une fois la titularisation en poche. Comme le note Patrice :
On peut se demander quelle serait la nature des sanctions en cas de refus d’obtempérer.
On connaît la réponse : aucune sanction. Notre institution n'est pas capable de sanctionner les pires incapables ou les malades exubérants qui y sévissent ici ou là, y compris parmi ses cadres. Elle ne va quand même pas se risquer à sanctionner ceux qui tentent d'y faire leur travail ! Ces micro-tyranneaux n'ont que le pouvoir qu'on veut bien leur laisser prendre.
Cordialement,
Daniel Calin
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