NOTA : Pascal et moi avons rédigé nos messages en parallèle, il a posté son message avant moi, mais je ne l'avais pas lu avant de poster le mien. Je le laisse cependant en l'état : nos messages sont finalement assez complémentaires.
TOUT, et n'importe quoi, est dans la nouvelle CIH. J'ai par exemple sous les yeux, dans la partie 3, le chapitre VII, intitulé
Relations et interactions avec autrui. On y trouve tous les items susceptibles de figurer parmi les "troubles du comportement", des dizaines, voire des centaines, je n'ai pas compté. Quelques exemples :
- d7202 Maîtriser son comportement dans ses relations avec autrui
d7203 Avoir des relations avec autrui conformes aux règles sociales
d7400 Relations avec des personnes ayant autorité
etc.
Et si vous avez des doutes sur quoi que ce soit, vous pouvez toujours vous référez à cet item :
- d799 Relations et interactions avec autrui non précisées
Je mets d'ailleurs quiconque au défi de ne pas se considérer comme sérieusement handicapé après lu cette CIH !
Autrement dit, vous ne trouverez pas dans la CIH une réponse sérieuse à votre question. Sinon celle-ci : oui, un enfant présentant des troubles du comportement peut être considéré comme handicapé, si la MDPH de son département le décide ainsi, laquelle pourra TOUJOURS se justifier en s'adossant à tel ou tel item de la CIH. On peut tirer de cela une première conclusion : nous allons probablement voir prendre forme des "politiques départementales" très variables dans ce domaine du "traitement" des enfants présentant des "troubles du comportement". Et
a fortiori pour les ados. Même conclusion que Pascal ci-dessus, donc. À mettre en relation avec l'extension des pouvoirs de police des maires (et pas des présidents du Conseil Général).
Sur le fond, vous avez parfaitement raison de noter que
l'on a tendance à mettre un peu tout et n'importe quoi derrière cette "appellation". Du môme un peu trop vif pour les exigences scolaires au petit psychopathe déjà bien avéré. Donc : tous les "dérangements" visibles de l'odre scolaire. Le degré zéro de la réflexion psychopédagogique. Lamentable.
Ceci étant dite, comme je viens de faire une tournée de mes stagiaires en CLIS et en UPI, j'ai hautement conscience des problèmes sévères que posent la présence systématiques dans ces classes d'au moins un ou deux élèves présentant des troubles sévères du comportement.
Problèmes pour les autres élèves, qui sont des difficultés souvent incompatibles avec les troubles du comportement, et qui sont tétanisés ou terrorisés par la seule présence à leurs côtés de ces élèves-là. Il est profondément injuste de faire supporter le côtoiement de ces élèves, exclus des classes ordinaires parce qu'insupportables pour les autres, aux élèves les plus démunis psychiquement !
Problèmes pour ces élèves eux-mêmes, qui ne sont ni psychotiques ni déficients intellectuels, et qui supportent très mal d'être assimilés à la folie et à la déficience, pour des raisons parfaitement compréhensibles.
Problèmes pour les maîtres enfin, qui ont les plus grandes difficultés, malgré toutes leurs qualités, à moduler leurs comportements, leurs exigences, et même leur cadre de travail pour les adapter efficacement à des élèves aussi radicalement différents.
Pascal a écrit :Les CLIS 1 n'ont pas vocation à accueillir les élèves "agités", "perturbateurs", et autres euphémismes - si leurs fonctions cognitives ne sont pas troublées de manière importante.
Oui, sauf que si les "fonctions cognitives" des élèves organisés sur le mode "troubles du comportement" ne sont peut-être pas atteintes "fondamentalement", ces élèves présentent toujours de grandes difficultés de mise en oeuvre de leurs "fonctions cognitives". Au point qu'on peut souvent s'interroger sur la pertinence, pour ces élèves, de la distinction entre, disons, un "potentiel cognitif",
a priori préservé, et la réalité très problématique de leurs "fonctionnements cognitifs" effectifs. Je me demande parfois si on ne juge pas en réalité ces élèves sur quelque chose d'aussi fragile que leur "bonne tête". Même quand des tests de QI valident l'impression d'intelligence qu'ils nous donnent, j'ai alors tendance à me demander si les tests de QI ne sont pas justement inadaptés pour évaluer la réalité de leurs fonctionnements cognitifs...
Quoi qu'il en soit, si l'on se tourne vers les fonctionnements cognitifs effectifs, tous ces élèves peuvent assimilés à des "handicapés cognitifs", à bon droit au moins à certains égards. Voir à ce sujet l'usage que l'on peut faire ici de catégories (pseudo-médicales certes à mes yeux) telles que "hyperactivité" ou "TDAH" - Trouble de Déficit d’Attention/Hyperactivité).
Ce qui me semble vraiment insupportable dans l'assimilation de ces élèves à des handicapés, c'est que ce concept tend à figer des perturbations qui ont presque toujours une dimension évidemment "réactionnelle", c'est-à-dire évidemment en lien avec des situations personnelles
actuelles qui oscillent entre le problématique et le catastrophique. La loi sur le handicap le définit bien comme une "altération (...)
durable ou définitive". Pour ces élèves presque toujours
en souffrances vives et actuelles, cela équivaut à un pari sur le pire. Catastrophique.
Une de mes conclusions, du coup, est que les ITEP, malgré toutes leurs difficultés, sont absolument à préserver et à développer parce qu'ils sont la seule prise en compte institutionnelle des difficultés très spécifiques de ces élèves actuellement existante.