Conseils (si les infos livrées suffisent à en faire naître)
Posté : 24 sept. 2006 09:43
Bonjour
Depuis la rentrée j'accompagne un nouvel élève, dans une école privée.
Je passe sur le fait que de l'autre côté de la route, dans l'école publique, se trouve une gamine avec laquelle je voulais continuer le travail engagé depuis trois ans (d'autant plus qu'elle est cette année en CP) - je précise qu'une quatrième année n'aurait pas, dans ce cas précis et selon mon point de vue, eu de conséquence négative sur le plan d'une quelconque dépendance à la relation. Mais ma coordinatrice, seule pour articuler quelques 110 et des brouettes d'emploi du temps, a mis quelqu'un d'autre avec elle et je me retrouve pour ma dernière année d'AVS avec un nouvel accompagnement (qu'aurait pu prendre l'AVS qui travaille maintenant à ma place).
Est-ce par principe de "stopper" une relation "trop longue" pour éviter qu'elle ne nuise au travail effectué ? Si c'est ça, je trouve ça stupide : il n'y a pour moi pas de "principe" qui vaille sans s'être confronté aux cas particuliers. Cela vaut autant pour celui qui affirme qu'il faut "stopper la relation" que pour celui qui prône "la durée de la relation".
Bref, ça m'énerve considérablement, vous voyez, et si j'ai dit au début que je "passais" sur ce fait c'est vraiment un effet rhétorique parce que je ne peux pas passer dessus tellement ça me scrogne les foutilludes.
Et l'attribution de mon ancien accompagnement a été fait postérieurement à la rentrée, ce qui fait que j'avais déjà engagé la relation avec la nouvelle équipe et le petit gamin, donc pas possible à mon sens de proposer un changement. Heureusement, si j'ose dire, c'est une copine qui prend la suite à l'école publique.
J'en viens à l'objet de mon message. Il concerne mon travail avec cet enfant de "l'autre côté de la rue', à l'école privée.
Ses parents - en fait sa mère, son père est apparemment complètement absent quand il s'agit de faire face aux représentants des institutions qui s'occupent de son fils - sont à première vue dans le déni des difficultés de ce gamin.
Je le connaissais de l'école publique : son instit a tenté plusieurs fois dans l'année de parler avec sa mère de ses difficultés (j'y viens plus loin) mais n'a récolté que des pleurs et, finalement, un changement d'école.
Mais dans la nouvelle école elle s'est trouvé confrontée aux mêmes réactions (il ne pouvait en être autrement). Elle a adopté le même comportement de désolation et de détresse mais en refusant toujours une quelconque prise en charge extérieure à l'école de B.
Elle s'est beaucoup documenté et a priori cette année un diagnostic de dyspraxie a été posé par je ne sais pas trop qui (pas encore eu d'équipe éducative et je n'ai pas toute les infos). Et un suivi par une psychomotricienne engagée dans le même temps.
Seulement voilà : tout ceux qui ont travaillé avec B. ont l'impression qu'il y a "autre chose", voyez. Personnellement j'ai la même impression, mais contrairement à celle de certaines collègues, je ne pense pas qu'il ait de déficience intellectuelle. Cette année les CCPE et CDES avait attribué à B. une place en SESSAD-IME, c'est-à-dire l'intervention d'une éducatrice à l'école (avec pas forcément de prise en charge ailleurs qu'à l'école).
La maman a fermé la porte et abondamment fourni l'école en documentation sur la dyspraxie.
Il commence un suivi dans un centre qui prend normalement uniquement en charge des troubles moteurs. On espère avec les instits qu'il sera alors possible de faire converger avec eux la nécessité d'une autre prise en charge, donc un travail avec la maman.
Je suis donc en CP avec un enfant de presque 7 ans avec un niveau de MS une journée et demie par semaine qui est donc seulement "dyspraxique" et rien d'autre attention hein. (les instits sont très chouettes malgré que je sente bien que l'ambiance de la DDEC c'est pas comme au public).
Bon, le contexte est posé, et j'en viens à ce qui a motivé mon message.
B. évolue dans l'espace selon les difficultés d'un enfant dyspraxique (structuration spatiale difficile). De la même manière, il a du mal à regarder dans les yeux, à tenir son crayon, en général la motricité fine est un échec permanent. Ne peut pas effectuer de double tâche. Maîtrise très bien le langage. Bon.
Mais B. n'a guère plus de quelques minutes consécutives d'attention possible, qui se réduisent à quelques dizaines de seconde l'AM. Il n'a qu'un seul sujet de conversation : les animaux. Il semble ne pas avoir de frontière entre le monde de son imaginaire et la réalité : il raconte souvent des histoires abracadabrantes (toujours avec des animaux) avec son habituelle maîtrise de la langue et un aplomb impressionnant.
En situation de tâche scolaire, j'ai pris le parti de ne pas le laisser parler de ses histoires en lui expliquant que ce n'était pas le moment. Mais elles reviennent souvent, comme une perspective de fuite, comme un métronome, pour se dégager de l'imposition de concentration consécutive au travail que l'on engage.
Quand ce ne sont pas ses histoires qui symbolisent son désir de stopper le travail, c'est son corps. Il fond. Il perd complètement sa tonicité ou se retourne sur sa chaise ou s'appuie sur moi ou sur le bureau comme s'il allait dormir.
Je me suis ainsi retrouvé à la soutenir pendant toute la durée d'un travail, sa tête sur mon bras, son corps complètement atone. Ça s'est produit sans que je le cherche comme ça : il se retrouvait à moitié par terre ou vautré sur son dossier sinon.
Au fur et à mesure qu'on avançait dans l'exercice (je découpais et collais, il n'avait qu'à verbaliser pour me dire quoi et pourquoi faire, selon ce que je lui avais expliqué), il imitait de plus en plus un animal (je crois que c'était un lapin) durant les moments où il "disparaissait" complètement de l'endroit où on était : regard dans le vide ou fixation sur moi faisant semblant de me manger, reniflait la table, l'air ambiant, et plus on avançait plus il bavait, aussi, ce qui m'a pas mal impressionné (je lui disais de ravaler sa salive en ajoutant que je trouvais pas ça propre et que ça me gênait : il le faisait mais ça recommençait).
Il a réalisé l'exercice en plus de trente minutes mais le temps de travail effectif n'a pas dépassé dix. Le reste du temps c'était contenance - il ne se débattait pas mais plutôt se coulait complètement - et tentative pour le raccrocher à l'exercice.
Il me disait quoi réaliser dans des sortes d'éclairs à la fois de présence et de tonicité musculaire, des fulgurances qui m'ont rappelé ma grand-mère qui avait la maladie de Corps de Lévy (neuro-dégénérative).
Alors mes questions c'est : faut-il renouveler ce genre d'espace ? Je me dis qu'en attendant l'équipe éducative, ça n'est pas sûr. Oui mais si on ne reconmmence pas à travailler comme ça, on ne va rien faire du tout !
Je ne veux pas faire de l'occupation en le mettant dans un coin à foutre ses mains dans la peinture (bon ça peut l'aider aussi à prender plaisir à utiliser ses mains mais tous les jours, hein...).
Si ça vous rappelle quelque chose, et juste ça (c'est à dire que je ne prendrais pas pour un diagnostic ou une prescription ce que vous pourriez me dire au sujet de B. et de ce dont il fait écho dans votre expérience), n'hésitez pas à m'en faire part.
A plus
Depuis la rentrée j'accompagne un nouvel élève, dans une école privée.
Je passe sur le fait que de l'autre côté de la route, dans l'école publique, se trouve une gamine avec laquelle je voulais continuer le travail engagé depuis trois ans (d'autant plus qu'elle est cette année en CP) - je précise qu'une quatrième année n'aurait pas, dans ce cas précis et selon mon point de vue, eu de conséquence négative sur le plan d'une quelconque dépendance à la relation. Mais ma coordinatrice, seule pour articuler quelques 110 et des brouettes d'emploi du temps, a mis quelqu'un d'autre avec elle et je me retrouve pour ma dernière année d'AVS avec un nouvel accompagnement (qu'aurait pu prendre l'AVS qui travaille maintenant à ma place).
Est-ce par principe de "stopper" une relation "trop longue" pour éviter qu'elle ne nuise au travail effectué ? Si c'est ça, je trouve ça stupide : il n'y a pour moi pas de "principe" qui vaille sans s'être confronté aux cas particuliers. Cela vaut autant pour celui qui affirme qu'il faut "stopper la relation" que pour celui qui prône "la durée de la relation".
Bref, ça m'énerve considérablement, vous voyez, et si j'ai dit au début que je "passais" sur ce fait c'est vraiment un effet rhétorique parce que je ne peux pas passer dessus tellement ça me scrogne les foutilludes.
Et l'attribution de mon ancien accompagnement a été fait postérieurement à la rentrée, ce qui fait que j'avais déjà engagé la relation avec la nouvelle équipe et le petit gamin, donc pas possible à mon sens de proposer un changement. Heureusement, si j'ose dire, c'est une copine qui prend la suite à l'école publique.
J'en viens à l'objet de mon message. Il concerne mon travail avec cet enfant de "l'autre côté de la rue', à l'école privée.
Ses parents - en fait sa mère, son père est apparemment complètement absent quand il s'agit de faire face aux représentants des institutions qui s'occupent de son fils - sont à première vue dans le déni des difficultés de ce gamin.
Je le connaissais de l'école publique : son instit a tenté plusieurs fois dans l'année de parler avec sa mère de ses difficultés (j'y viens plus loin) mais n'a récolté que des pleurs et, finalement, un changement d'école.
Mais dans la nouvelle école elle s'est trouvé confrontée aux mêmes réactions (il ne pouvait en être autrement). Elle a adopté le même comportement de désolation et de détresse mais en refusant toujours une quelconque prise en charge extérieure à l'école de B.
Elle s'est beaucoup documenté et a priori cette année un diagnostic de dyspraxie a été posé par je ne sais pas trop qui (pas encore eu d'équipe éducative et je n'ai pas toute les infos). Et un suivi par une psychomotricienne engagée dans le même temps.
Seulement voilà : tout ceux qui ont travaillé avec B. ont l'impression qu'il y a "autre chose", voyez. Personnellement j'ai la même impression, mais contrairement à celle de certaines collègues, je ne pense pas qu'il ait de déficience intellectuelle. Cette année les CCPE et CDES avait attribué à B. une place en SESSAD-IME, c'est-à-dire l'intervention d'une éducatrice à l'école (avec pas forcément de prise en charge ailleurs qu'à l'école).
La maman a fermé la porte et abondamment fourni l'école en documentation sur la dyspraxie.
Il commence un suivi dans un centre qui prend normalement uniquement en charge des troubles moteurs. On espère avec les instits qu'il sera alors possible de faire converger avec eux la nécessité d'une autre prise en charge, donc un travail avec la maman.
Je suis donc en CP avec un enfant de presque 7 ans avec un niveau de MS une journée et demie par semaine qui est donc seulement "dyspraxique" et rien d'autre attention hein. (les instits sont très chouettes malgré que je sente bien que l'ambiance de la DDEC c'est pas comme au public).
Bon, le contexte est posé, et j'en viens à ce qui a motivé mon message.
B. évolue dans l'espace selon les difficultés d'un enfant dyspraxique (structuration spatiale difficile). De la même manière, il a du mal à regarder dans les yeux, à tenir son crayon, en général la motricité fine est un échec permanent. Ne peut pas effectuer de double tâche. Maîtrise très bien le langage. Bon.
Mais B. n'a guère plus de quelques minutes consécutives d'attention possible, qui se réduisent à quelques dizaines de seconde l'AM. Il n'a qu'un seul sujet de conversation : les animaux. Il semble ne pas avoir de frontière entre le monde de son imaginaire et la réalité : il raconte souvent des histoires abracadabrantes (toujours avec des animaux) avec son habituelle maîtrise de la langue et un aplomb impressionnant.
En situation de tâche scolaire, j'ai pris le parti de ne pas le laisser parler de ses histoires en lui expliquant que ce n'était pas le moment. Mais elles reviennent souvent, comme une perspective de fuite, comme un métronome, pour se dégager de l'imposition de concentration consécutive au travail que l'on engage.
Quand ce ne sont pas ses histoires qui symbolisent son désir de stopper le travail, c'est son corps. Il fond. Il perd complètement sa tonicité ou se retourne sur sa chaise ou s'appuie sur moi ou sur le bureau comme s'il allait dormir.
Je me suis ainsi retrouvé à la soutenir pendant toute la durée d'un travail, sa tête sur mon bras, son corps complètement atone. Ça s'est produit sans que je le cherche comme ça : il se retrouvait à moitié par terre ou vautré sur son dossier sinon.
Au fur et à mesure qu'on avançait dans l'exercice (je découpais et collais, il n'avait qu'à verbaliser pour me dire quoi et pourquoi faire, selon ce que je lui avais expliqué), il imitait de plus en plus un animal (je crois que c'était un lapin) durant les moments où il "disparaissait" complètement de l'endroit où on était : regard dans le vide ou fixation sur moi faisant semblant de me manger, reniflait la table, l'air ambiant, et plus on avançait plus il bavait, aussi, ce qui m'a pas mal impressionné (je lui disais de ravaler sa salive en ajoutant que je trouvais pas ça propre et que ça me gênait : il le faisait mais ça recommençait).
Il a réalisé l'exercice en plus de trente minutes mais le temps de travail effectif n'a pas dépassé dix. Le reste du temps c'était contenance - il ne se débattait pas mais plutôt se coulait complètement - et tentative pour le raccrocher à l'exercice.
Il me disait quoi réaliser dans des sortes d'éclairs à la fois de présence et de tonicité musculaire, des fulgurances qui m'ont rappelé ma grand-mère qui avait la maladie de Corps de Lévy (neuro-dégénérative).
Alors mes questions c'est : faut-il renouveler ce genre d'espace ? Je me dis qu'en attendant l'équipe éducative, ça n'est pas sûr. Oui mais si on ne reconmmence pas à travailler comme ça, on ne va rien faire du tout !
Je ne veux pas faire de l'occupation en le mettant dans un coin à foutre ses mains dans la peinture (bon ça peut l'aider aussi à prender plaisir à utiliser ses mains mais tous les jours, hein...).
Si ça vous rappelle quelque chose, et juste ça (c'est à dire que je ne prendrais pas pour un diagnostic ou une prescription ce que vous pourriez me dire au sujet de B. et de ce dont il fait écho dans votre expérience), n'hésitez pas à m'en faire part.
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