Accoutumance aux bilans orthophonistes

Questions concernant la politique générale et l'organisation générale des enseignements spécialisés.
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Daniel Calin
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Accoutumance aux bilans orthophonistes

Message par Daniel Calin »

Je vous transmets ce message à la demande de flo delahaut, inscrite à ce forum, mais qui connaît quelques difficultés pour poster. Ceux qui me lisent savent que je ne m'y reconnais absolument pas : j'ai les plus grands doutes sur la pertinence de la notion de dyslexie (même si je reconnais évidemment les souffrances des enfants et adolescents sur lesquels on colle cette étiquette pseudo-scientifique), et le test de l'alouette comme "valeur sûre", ça ressemble à une aimable plaisanterie ! Mais bon, ça n'enlève pas toute pertinence aux questions soulevées, loin de là...
Daniel Calin

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Bonjour,

Je suis d'avis que les enfants dyslexiques à qui ont refait passer tous les deux ans un bilan deviennent de plus en plus performants dans leurs résultats, surtout s'ils ont une rééducation régulière et que des compensations ont été mises en place.

Le teste de "l'alouette" resservi tous les deux ans à un enfant n'a pas la même fiabilité, même s'il est reconnu comme une valeur sûre.

Comment arriver à faire la part des choses entre le niveau de handicap dû à la dyslexie, le taux de compensation mis en place par l'enfant, la quantité de travail réalisé pour mettre cette compensation en place, et l'accoutumance aux épreuves des bilans ?

Comme les aménagements aux examens ne se font qu'en fonction des chiffres obtenus lors du dernier bilan d'orthophoniste et qu'une dyslexie reconnue ne donne pas droit à un tiers-temps, quel doit être notre rôle d'accompagnants ?

Ces enfants dyslexiques qui fournissent un travail acharné ne sont reconnus que lorsqu'ils sont en échec scolaire. Comment les aider à faire face à ces injustices ? Le refus d'un tiers-temps pour les examens à un enfant dyslexique qui a un retard de lecture de 5 ans en première n'est à mon avis pas acceptable. Car en plus d'être pénalisé par sa lenteur de lecture et son incapacité à gérer le temps, il devra gérer un stress supplémentaire.

Vos avis m'intéressent car je me sens prisonnière d'un sentiment d'impuissance et de culpabilité face à ces enfants qui luttent et dont les souffrances ne sont reconnues par personne.

Merci de votre aide.

Cordialement.
clairea
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Re: Accoutumance aux bilans orthophonistes

Message par clairea »

Bonjour,

Plusieurs questions dans votre message auxquelles je vais essayer d'apporter une réponse personnelle.

Comment arriver à faire la part des choses entre le niveau de handicap dû à la dyslexie, le taux de compensation mis en place par l'enfant, la quantité de travail réalisé pour mettre cette compensation en place, et l'accoutumance aux épreuves des bilans ?

L'accoutumance aux épreuves de bilans... En tant que psychologue scolaire, je réalise également des bilans et je veille à ne pas multiplier les situations psychométriques pour un même enfant. J'apprends bien souvent plus de l'enfant dans des situations non psychométriques. La passation d'un test ne se justifie que dans le cadre d'une question précise. En ce qui concerne la dyslexie, le test de l'alouette que vous citez n'est pas l'unique outil dont vous disposez (vous pouvez éventuellement varier les supports comme nous les psy nous le faisons en matière de QI) et n'a pas de valeur diagnostique. Tout test reste un indicateur important et s'intègre dans un bilan plus complet initial, mais ensuite dans votre prise en charge n'avez vous pas plus d'indicateurs de l'évolution de l'enfant que ce score ?

Comme les aménagements aux examens ne se font qu'en fonction des chiffres obtenus lors du dernier bilan d'orthophoniste et qu'une dyslexie reconnue ne donne pas droit à un tiers-temps, quel doit être notre rôle d'accompagnants ?

Ici, j'imagine que vous utilisez l'objectivation qu'offre le test pour obtenir des arguments pour ce tiers temps. C'est ainsi que j'entends mieux votre question initiale. Vous retestez pour convaincre, non pas l'enfant de ses progrès ou de ses difficultés persistantes, mais pour convaincre l'institution...
Mais je ne vois pas en quoi un deuxième test va être plus convaincant que le test initial ?
Dans mon secteur d'intervention, le problème de l'obtention du tiers temps ne se pose pas. Ça semble plutôt simple quand c'est nécessaire (mais il y a beaucoup de disparité de pratique en fonction des lieux). C'est le médecin scolaire qui demande ce tiers temps dans mon secteur. Est-ce la même chose chez vous ? Peut-être pourriez-vous nous dire les critères restrictifs ayant motivé le refus de ce tiers temps ?

Ces enfants dyslexiques qui fournissent un travail acharné ne sont reconnus que lorsqu'ils sont en échec scolaire. Comment les aider à faire face à ces injustices ? Le refus d'un tiers-temps pour les examens à un enfant dyslexique qui a un retard de lecture de 5 ans en première n'est à mon avis pas acceptable. Car en plus d'être pénalisé par sa lenteur de lecture et son incapacité à gérer le temps, il devra gérer un stress supplémentaire.

L'échec scolaire et la dyslexie sont deux choses différentes. La dyslexie peut engendrer un échec scolaire, l'échec scolaire peut être masqué par une "dyslexie "écran.
L'enfant dyslexique reste une formulation que je trouve problématique.
Le trouble dyslexique est bien complexe et varié et s'exprime à différents degrés. Il est parfois trouble, parfois juste symptôme... et ce n'est pas la même logique. Je ne pense pas que nous puissions raisonner sur les enfants dyslexiques...
En cela, un test de l’alouette ne suffirait pas à me convaincre de la nécessité d'un tiers temps ou d un dossier MDPH (mais ce n'est pas moi qui décide). Il existe tellement de profils d'enfants différents qui obtiendraient le même score au test de l alouette... tellement d"enfants différents qu'on résume malheureusement sous le terme de dyslexie.
Par contre, l'anxiété de l'enfant, son vécu scolaire, son positionnement subjectif vis-à-vis du savoir, de la langue écrite, de l'évaluation, ses éventuelles blessures narcissiques et son désir d'apprendre sont autant de variables intimes très importantes. Vous les évoquez dans votre message, et là je vous rejoins.

Cependant ne réduisez jamais un enfant à son trouble. Parlez de l'enfant, vous serez plus facilement entendu.

L'institution scolaire est majoritairement bienveillante .. tout comme vous l'êtes.. Pourquoi pensez vous que les souffrances de "ces enfants" ne sont reconnus par personne... cela me semble une formulation réductrice peut être dû à votre agacement ...ce forum en témoigne .. la majorité des pédagogues se questionnent et essayent d’accompagner au mieux les élèves dans leur accès au savoir ..
Je ne suis pas enseignante mais je suis assez lasse de lire dans des comptes rendus orthophoniques ou d'autres spécialistes des injonctions pédagogiques.. chacun son métier.. les enseignants sont compétents.. en douteriez vous ?
L'orthophoniste rééduque un trouble dont souffre un enfant, l'enseignant enseigne à un groupe d'élève.

Cordialement

Clairea
akila m
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Re: Accoutumance aux bilans orthophonistes

Message par akila m »

Je ne me souvenais plus avoir lu la réponse si pertinente de claire A.
Le problème que je rencontre actuellement, c'est la démission des enseignants qui ont été formés par quelques conférences sur la dyslexie et sur son diagnostic. Je retranscris ce que j'ai entendu dire par deux enseignantes différentes : "je ne peux plus rien pour toi tant qu'on ne sait pas ce que tu as. j'ai été voir sur internet, il y a plein de dys différentes, je ne sais pas laquelle, il faut un spécialiste qui nous dise ce que tu as, après on fera la rééducation qui convient, moi je ne peux rien faire, je l'ai dit à ta mère" ; "ma pauvre, je ne peux plus rien ; (à moi) je sais que c'est une dyslexie, ça correspond à ce que j'ai entendu à la conférence de M."
En entretien psychologique, ces enfants abordent de toutes autres questions.
En fonction de la relation que j'ai avec l'enseignant et de son ouverture, les réponses sont différentes. Il peut arriver que des enfants se mettent tout doucement à lire lorsque l'enseignant a compris que la lecture n'était pas la priorité et arrête le forçage phonologique.

Je rencontre des médecins scolaires parfois mal à l'aise devant la toute puissance qu'on leur attribue pour faire un diagnostic à partir d'un test ; ils renvoient alors chez un orthophoniste. Dans mon secteur, j'ai comme l'impression que les orthophonistes prennent tous les enfants que le médecin leur envoie en rééducation et pour longtemps. Peut-être que je me trompe, mais ces rééducations pour dyslexie ne consistent-elles pas en une réédition renforcées des associations grapho-phonétiques vues en classe ? Je suis admirative devant les quelques enfants rencontrés qui, qualifiés de dyslexiques parce qu'il oralisent mal (au test de l'alouette par exemple), parviennent à montrer une bonne compréhension en lecture silencieuse sur des textes de cycle 3. Ils ont dû supporter un forçage de l'oralisation en passant par l'apprentissage des sons depuis la grande section, alors qu'ils ont appris à lire d'une autre manière. Alors, bien sûr, on rajoute à leur dys, un trouble du comportement. Je rejoins Laurent Carle en constatant la surdité des collègues à l'idée qu'on puisse lire sans passer par ce forçage systématique par l'écoute des sons et je constate le gâchis et la souffrance des enfants des RAR (réseau Ambition réussite) qui croiront toute leur vie (comme leurs parents qui parfois apprennent en même temps qu'eux) que lire c'est produire des sons.
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