jcwiart a écrit :
je coupe court à l'évocation du statut en ess par exemple...
Ça me semble tout à fait normal - et de bon aloi. J'ai été militant syndical, puis associatif, pendant presque toutes mes années d'AVS-i, et jamais je n'ai connu d'équipe éducative ou d'ESS où on ait abordé la question du statut. Ca me surprend un peu que ça puisse être le cas : c'est faire montre d'un singulier mélange des genres.
"Il y a un temps pour tout", dites-vous : je suis bien d'accord avec vous. Mais si cette maxime peut s'appliquer pour des dynamiques collectives, elle n'est pas moins valide pour des dynamiques individuelles. J'ai été AVS-i pendant cinq ans, je suis "aujourd'hui dans une démarche d'apprentissage de la recherche sur mon ancien travail : autant dire qu'en ce qui me concerne le temps est à "chercher ce qu'il y a derrière les mots", c'est même précisément mon travail, pour lequel je suis payé par la collectivité au titre de demandeur d'emploi en formation. Il n'y a donc aucune raison pour que je m'abstienne de faire partager ma démarche en cours sur des forums de discussion comme celui-ci ; ce qui implique également que les échanges auxquels je participe sont teintés de ce qui fonde mon quotidien : un travail sur les mots.
Je souhaitais, à ce titre toujours, revenir sur un point, consécutif au questionnement que vous avez lancé sur "ce que font vraiment les AVS", par le biais d'un petit pas de côté.
J'ai pris connaissance d'un article d'une sociologue qui s'appelle Lise Demaily, article paru dans la revue Empan en 2009, dont un numéro était consacré entièrement à la notion de "accompagnement". Son travail est remarquable.
Parmi les éléments d'analyse qu'il offre, il y a ces deux notions : mandat et demande. Pour elle le travail d'accompagnement, qui se caractérise par une professionnalisation du lien de soutien, se trouve, entre autre, pris entre la logique du mandat (la mission confié par l'institution) et celle de la demande (qui peut émerger de la part des publics accompagnés).
La relation entre ces deux logiques est pour ainsi dire toujours problématique : le mandat peut tout à fait bien ne rencontrer aucune demande (explicite) ou être en contradiction avec elle.
Je crois que le flou général qui entoure la pratique des AVS, le fait qu'il est si difficile pour eux et pour l'enseignant de formaliser précisément ce que chacun fait, trouve un éclairage tout particulier au travers de ces outils que sont "mandat et demande".
A priori, le mandat correspond aux missions générales des AVS-i décrites dans les différents textes qui en parlent. En gros, contribuer à favoriser socialisation et apprentissage. Bien.
La demande, elle, trouve plusieurs formes de formalisation : elle est censée être travaillée et mise en forme au sein du PPS (mais on l'a évoqué : c'est bien peu souvent que ce PPS est vraiment un objet investi), mais elle émerge aussi en situation, au travers de multiples formes d'expression que peuvent habiter les élèves accompagnés (ils peuvent en avoir ras-le-bol d'un "adulte à soi" en rendant la relation invivable, etc.). Quelle difficulté alors pour l'AVS-i ! Le cadre général d'emploi (qui ne peut sortir de l'analyse puisque c'est le cadre !) fait que l'AVS-i n'est pas outillé pour travailler sérieusement à l'élucidation permanente que réclame la relation mandat/demande.
Si on ajoute à ça le fait qu'il n'est pas rare que la demande soit plus celle de l'enseignant de la classe ou de l'école (le PPS peut se trouver lister, aux noms des besoins de l'enfant, des besoins qui sont en fait ceux des enseignants face à l'enfant - et les AVS-i peuvent aussi être des réponses aux besoins des enseignants au prétexte d'un besoin de l'élève), ou qu'elle soit aussi une demande parentale - et, plus généralement, si on accepte le fait que toutes ces demandes coexistent (mais que celle de l'élève n'a très souvent que peu de poids face à celles de l'enseignant et de la famille), on comprend mieux le fait que cet "état de tension" fasse que les AVS-i soient tellement dans la navigation à vue permanente et dans la variabilité la plus totale.
Et on comprend mieux aussi l'insistance de certains (je pense à H-J Stiker) sur le fait que les personnes en situation de handicap (donc également les enfants concernés par les processus de scolarisation "ordinaire") doivent absolument conserver une place de sujet dans tout ce qui les concerne, tant ils sont trop souvent de simples "objets", objets des relations biaisés entre mandat et demande autour du travail des AVS notamment.
Je dois ajouter que cette brève mention des "mandat et demande" et la courte analyse qui la suit sont, justement, brève et courte, et qu'elles ne prétendent pas être opérantes pour tout comprendre et rendre tout intelligible.
Le bon sens, qui est bien souvent "ce qu'on pense quand on n'a pas réfléchi" comme disait je ne sais plus qui, pourrait justement pousser à faire croire le contraire.
Sur ce sujet, voir ici notamment :
http://www.cahiers-pedagogiques.com/spi ... rticle6118, un article du "café pédagogique" dans lequel on trouve notamment ce passage :
"J’ai lu dans une analyse d’un discours de Nicolas Sarkozy [1] : « Le bon sens, c’est ce qu’on pense quand on n’a pas réfléchi. Au bon sens, une démocratie saine d’esprit préfère l’intelligence et la capacité d’analyse. Mais nous ne vivons plus dans une démocratie saine d’esprit. »
Cet appel au bon sens a été utilisé aussi par Xavier Darcos lorsqu’il a lancé sa querelle sur les méthodes de lecture. Ce qui était alors en jeu n’était pas le choix de la meilleure méthode de lecture, c’était
le commencement démagogique et habile d’une entreprise de disqualification de la pensée complexe et de l’intelligence.
Faire appel au bon sens permet à chacun de
faire référence à son expérience sans l’interroger ni la nourrir de la rigueur des chercheurs."
muriel michelin a écrit :
simplicité = efficacité
ah le bon sens, qui m'est si cher !